Les arts martiaux exécutés ?

Pourrions-nous nous réveiller un matin dans un monde sans arts martiaux et vivre ainsi ? Nous espérons qu’il n’en sera rien, que nos chères disciplines survivront à cette épouvantable période.

Cependant lorsqu’il sera possible de revêtir à nouveau notre tenue, de retrouver l’odeur particulière du dojo, de fouler à nouveau les tatamis, il faudra réparer les dégâts, reconstruire et cela prendra peut-être du temps. En espérant que les « spécialistes » qui annoncent que nous n’aurons plus jamais une vie normale se trompent. En attendant, de telles affirmations ne font que renforcer le climat anxiogène dans lequel nous sommes plongés depuis bien trop longtemps.

Ce que nous vivons  est quasiment inédit, jamais dans l’histoire de l’humanité les disciplines de combat ont été interdites, sauf lors d’évènements qui doivent évoquer de tristes souvenirs à certains pays,  quand par exemple un envahisseur empêchait les « envahis » de pratiquer leur méthode de combat. C’est pour cela, entre autres, que ce que nous subissons est dérangeant.
Depuis la nuit des temps l’homme éprouve le besoin de pouvoir se défendre, de se protéger, de protéger et d’être protégé.

Chaque pays (et même certaines régions) possède  sa propre « lutte » ou méthode de combat. Que ce soit la lutte gréco-romaine,  la lutte bretonne, les différentes boxes et les nombreux arts martiaux, etc. Il faut se souvenir que le Pugilat et le Pancrace étaient  des disciplines inscrites aux premiers Jeux Olympiques Antiques.

Les méthodes de défense et les sports de combats ont su traverser les siècles, ils ont toujours été pratiqués, que ce soit durant les guerres et autres pandémies. Par exemple, jamais les salles de boxe n’ont été fermées et le judo et le ju-jitsu  ont continué à être pratiqués  pendant le deuxième conflit mondial. Certains clubs voyaient même le jour durant cette triste période, c’est le cas du « ju-jitsu club français », comme en atteste l’un des documents joints à cet article. Je connaissais particulièrement bien ce dojo, c’est là que mon père a débuté sous la férule du professeur Piquemal et que j’ai fait mes premiers pas sur les tatamis. Certes, l’activité devait être réduite pour des raisons compréhensibles, c’était la guerre, mais la vie continuait, notamment la vie sportive.

Apprendre à se défendre est un besoin et une nécessité, pratiquer une activité physique aussi. Il ne faudrait pas que cette situation s’inscrive dans la durée, faute de quoi les conséquences finiraient par être  plus importantes que celles liées à ce virus. Ce qui commence à être le cas.

Une fois la « vie normale » retrouvée (nous croisons les doigts), Il faudra remotiver les troupes, combattre les inquiétudes, réapprendre à se passer des fameux  gestes barrières et autres distanciations sociales (qui a pu trouver cette expression lourde de sous-entendus et de conséquences ?), en souhaitant que tout cela ne sera qu’un sale souvenir. Il faudra rattraper le temps perdu, ressusciter les automatismes, se refaire une condition physique.
Côté matériel, il sera nécessaire de reconstruire, remettre en route certains dojos, en espérant qu’il ne sera pas trop tard, ce qui est le cas pour certains qui, en tant que clubs privés, n’ont pu faire face aux dépenses de fonctionnement sans avoir le droit d’exercer !
Espérons aussi que ces longs mois de carence n’auront pas été trop destructeurs en matière d’éducation physique et mentale. N’ayant jamais été confrontés à une telle situation nous l’ignorons, cependant nous pouvons le deviner rien qu’en constatant les premiers conséquences néfastes.

En dehors de toute polémique, nous ne pouvons que regretter cette situation, les faits sont là et ils sont têtus.

Vivement le moment où nous retrouverons le goût de vivre grâce à des activités « essentielles ».

Une journée à Léognan

Dimanche dernier un stage d’une journée était proposé à Léognan dans le département de la Gironde, à quelques kilomètres de Bordeaux.

C’est à l’initiative de Michel et Nicole Dourthe,dynamiques dirigeants des « Arts Martiaux de Léognan », qu’était organisé ce rassemblement.

Dans les années 1980 et 1990, c’était presque tous les week-ends que je me rendais en province pour animer de telles journées. Il s’agissait d’une autre époque.

Ces journées sont toujours de bons moments. Elles se déroulent la plupart du temps selon un rituel dont on ne se lasse pas. Le 13 janvier était un modèle du genre.

Un départ de Niort (injustement caricaturée dernièrement), tôt le matin, avec une météo fraiche et humide, qui m’a épargné neige et/ou verglas, mais pas de rouler de nuit ; nous sommes encore dans les jours les plus courts, surtout le matin.

Après deux heures et quelques de route et à l’aide du GPS, je trouve le dojo situé en pleine nature. Un beau dojo doté d’un tatami de deux cents cinquante mètres carrés environ. Les stagiaires commencent à arriver et c’est l’occasion de retrouver des visages connus et d’en découvrir de nouveaux ; fidélité et nouveauté sont au rendez-vous. Un café et nous entamons la séance du matin.

En principe, j’aime bien commencer par un pur travail sur les atémis (les coups), que je considère comme une suite naturelle à l’échauffement. On continue avec des défenses sur les atémis en question, ce qui permet d’aborder les projections et les contrôles.

A midi, la pause est la bienvenue et nous nous rendons dans un restaurant pour vivre un agréable moment de convivialité et de reprise d’énergie. En l’occurrence, dimanche dernier, il s’agissait d’un restaurant chinois, un de ceux qui proposent un buffet à volonté dans lequel certains n’hésitent pas à se répandre comme s’ils n’avaient pas manger depuis des lustres. Je ne parle pas des stagiaires, eux sont conscients des risques encourus par une digestion trop lourde entreprise sur les tatamis.

Les tatamis justement, nous les retrouvons à 14 h 30 ; la remise en route est délicate, aussi c’est par du travail au sol qu’il est judicieux de commencer ; ce domaine impose moins de réactivité. Une fois que le tube digestif a en partie effectué son travail, nous pouvons passer à un thème précis. Ce jour-là, j’avais choisi de proposer différentes défenses à partir d’attaques des « 16 techniques », ce qui offre beaucoup de possibilités.

Pour terminer cette deuxième séance et le stage, l’exercice des « techniques démontrées et enchaînées », que mes fidèles stagiaires connaissent bien, recueille à chaque fois une parfaite adhésion. Il s’agit d’un travail technique rythmé, renforçant la condition physique et la mémoire, mais il est surtout un déclencheur d’enthousiasme et de dynamisme.

Après une douche salvatrice et avant de se quitter, il y a un moment toujours très agréable, autour de quelques friandises et jus de fruit, avec des échanges sur la journée, l’évocation de souvenirs communs, mais aussi de projets, la signature des passeports sportifs et la promesse de se retrouver rapidement. Je me plie aussi, avec la plus grande satisfaction à quelques dédicaces.

J’en profite aussi pour remercier les stagiaires pour leur présence. En effet, ce n’est pas évident de quitter le dimanche matin un logement douillet, surtout en hiver, de laisser la famille et de sacrifier le repas dominical ; tout ça pour passer quatre heures dans un dojo (parfois mal chauffé, ce qui n’était pas le cas à Léognan) dans lequel on va transpirer, prendre quelques fois des coups, subir des chutes, bref faire souffrir quelque peu son corps, même si c’est pour une bonne cause, celle d’assouvir sa passion vouée au ju-jitsu.

Vient le moment du retour ; deux heures de route (encore de nuit, nous sommes toujours en hiver) durant lesquelles l’esprit déroule le film d’une journée aussi intense qu’enthousiasmante. La fatigue est présente, mais il s’agit d’une « bonne fatigue », enveloppée par la satisfaction d’avoir donné le maximum en faisant son métier le mieux possible ; et quel beau métier !

Vivement le prochain rendez-vous !

Sur la photo : Michel Dourthe Directeur Technique, votre serviteur, Christian Walgraeve professeur et Nicole Dourthe présidente

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