Nage-waza (travail des projections)

Après l’atemi-waza (le travail des coups), la semaine dernière,  j‘évoque aujourd’hui le nage-waza (le travail des projections).

La famille des projections est une composante incontournable du judo mais aussi du ju-jitsu. Que ce soit en compétition de judo, ou dans le domaine de la self-défense, les affrontements commencent debout.

L’efficacité, l’esthétisme et l’aspect ludique sont les trois raisons qui me font aimer ce domaine majeur qu’est le nage-waza.

Les projections peuvent être tout à la fois efficaces et esthétiques. Efficaces dans la mesure où « tout le monde peut faire tomber tout le monde », pour peu que « le bon geste au bon moment » soit appliqué. Qui peut contester leur terrible efficacité, surtout sur un sol dur ?

Ceci étant, leur parfaite maîtrise demande beaucoup de travail, de persévérance et de rigueur, mais quelle merveilleuse récompense que celle de réaliser un bel uchi-mata, par exemple.

Le principal intérêt des projections réside dans le fait qu’elles ont été conçues pour être appliquées en utilisant des principes et des mécanismes qui ne demandent que peu ou pas d’effort. Leur parfaite exécution répond à l’une des maximes de Jigoro Kano « minimum d’effort et maximum d’efficacité ». Le premier de ces principes consiste à utiliser la force de l’adversaire. Il y en a d’autres, comme celui de l’addition des forces, de bascule au-dessus du centre de gravité, etc.

L’utilisation des projections sera différente selon que l’on se situe dans le domaine de la « self-défense » ou en opposition lors de randori (exercice libre d’entraînement) ou encore de compétition entre judokas. En matière d’auto-défense l’application se fera la plupart du temps directement. Exemple : l’adversaire vous pousse, vous appliquez hiza-guruma. Pour les néophytes, il s’agit d’une projection qui consiste à faire le vide devant celui qui porte l’attaque, en ajoutant  simultanément à sa poussée, une traction dans la même direction, tout en lui « barrant » le bas de son corps au niveau des jambes (une sorte de « croche patte » très amélioré).

Dans le randori et à fortiori en compétition de judo, les deux protagonistes maîtrisant d’une part l’art des projections et d’autre part s’attendant à tout moment à devoir faire face à une attaque de ce type, la concrétisation se fera avec les notions d’enchaînements, de confusions, de contre-prises, etc. Il n’empêche que pour maîtriser parfaitement l’art des projections un ju-jitsuka ne devra pas négliger l’ensemble des méthodes d’entraînement qui permettent d’envisager des réactions de la part de l’opposant.

Enfin, concernant l’aspect ludique (à l’entraînement évidemment) il est bien réel. Nous sommes aussi dans le loisir et il ne serait pas sain d’être continuellement dans des conditions psychologiques identiques à celles d’une agression.

Lors des séances, l’objectif du randori réside dans le fait de faire tomber quelqu’un qui ne le veut pas et de répondre spontanément à une situation imprévisible ! Pour cela on utilisera la maîtrise technique, la vitesse, les fautes du partenaire, celles qui sont directes et celles provoquées à l’aide de feintes et de confusions. C’est une sorte de jeu dans lequel réside beaucoup de plaisir, de satisfaction, à la condition de ne pas être celui qui chute tout le temps ! Cela doit se concevoir sans aucune intention d’humilier le partenaire (encore moins de l’écraser) mais simplement avec l’envie de progresser par rapport à soi-même.

Le nage-waza est aussi le secteur qui comporte le plus de techniques et par conséquent d’enchaînements et de combinaisons possibles. Enfin, chacun pourra les adapter en fonction de son gabarit.

C’est donc un domaine efficace, spectaculaire et enthousiasmant. Sans oublier l’épanouissement physique et mental qu’il ne manquera pas d’apporter, c’est aussi une belle expression corporelle.

Il aurait inévitablement manqué quelque chose à mes démonstrations si ces techniques n’existaient pas !

La semaine prochaine, le katame-waza, les techniques de contrôle !

 

2021 : quelques mots…

2021 : quelques mots et des photos souvenirs (à retrouver sur la page Facebook du Club Jujitsu Eric Pariset) !
Très prochainement un bilan plus étoffé concernant cette année.

Les 1ers janvier 2020 et 2021 nous nous souhaitions une bonne année…c’est en repensant à ces moments là que l’on s’aperçoit qu’il ne suffit pas toujours de vouloir pour pouvoir ! Encore une année qui s’achève et qui ne laissera pas de bons souvenirs pour une grande partie de la population. Nous avons continué à subir une crise commencée en 2020. Et malgré les efforts et les sacrifices consentis, les maux subis au cours de ces deux années sont de plus en difficiles à supporter, inévitablement ils laisseront des traces, c’est déjà le cas. D’autant que sans vouloir être défaitiste, si l’on en croit les dernières informations aussi alarmistes qu’anxiogènes, dont nous sommes quotidiennement bombardés, ce n’est malheureusement pas terminé.

Allons-nous continuer longtemps à assister en toute impuissance aux dommages collatéraux, c’est-à-dire à la dégradation – et même à la disparition de nombreux secteurs ? Mais aussi à la mise à mal de la santé physique et mentale de beaucoup d’entre nous. Autant de catastrophes engendrées collatéralement, les faits sont là.

Certes, depuis vingt et un mois, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne, certains sont plus chanceux que d’autres, tant mieux pour eux. N’étant pas dans la bonne catégorie, pour me consoler, on me dit que l’essentiel reste la santé ; ce qui est vrai. Mais des mois sans travail et sans perspectives positives dans ce domaine, est-ce un bon moyen pour la conserver ? Et puis, est-ce que vivre, c’est juste se contenter de ne pas être malade ?

Certes, on peut apprendre à se satisfaire de peu, mais on est en droit de s’interroger et de s’agacer quand ces remarques sortent de la bouche de gens nantis pour lesquels la crise n’a rien retirer : ni les moyens de vivre correctement, ni ceux  de satisfaire les principaux besoins et principales envies.

Loin de moi de vouloir exprimer un sentiment de jalousie envers ces épargnés, mais de la part de certains, un comportement emprunt d’un peu de retenue serait plus acceptable. Mais il y a pire encore avec les donneurs de leçons ; là c’est insupportable !

Beaucoup de gens dans ma situation n’ont pas besoin de leçons, la plupart savent ce qu’ils ont à faire, c’est-à-dire reconstruire sur un champ de ruine. Et pour reprendre une expression largement utilisée depuis presque deux ans, ils ne « lâchent rien ». Heureusement, il y a beaucoup d’encouragements qui vont droit au cœur.

A titre personnel, depuis presque deux ans, ce ne sont ni la volonté, ni l’énergie qui me font défaut. On me dit tu vas rebondir ! Oui, mais de quelle manière, dans un des secteurs d’activité les plus pénalisés ? Alors quelles sont les opportunités qui s’offrent à moi ? Premièrement, ouvrir un nouveau dojo ? Dans le climat actuel et avec les annonces qui nous sont faites, cela serait irresponsable, j’ai déjà largement donné ! Et puis il faut en avoir les moyens. Deuxièmement, trouver des créneaux horaires dans les équipements municipaux ?  Il n’est pas évident de se faire accepter, pour ne pas dire impossible. Troisièmement, faire des stages ? J’ai commencé, mais pour faire des stages il faut… des stagiaires. D’une part, les sections rassemblant des adultes ont beaucoup souffert depuis vingt et un mois. Et puis, n’ayant plus de dojo je n’ai plus d’élèves, exception faite de quelques irréductibles fidèles. Enfin, les querelles de chapelle n’ont pas disparu. Elles éloignent un peu plus chaque jour les beaux principes et préceptes d’entraide mutuelle prônés par le fondateur du judo. (qui ne manque pas d’être cité en référence, par ailleurs !). Enfin, certains ont une solide mémoire sélective, en oubliant facilement une partie du passé.

Heureusement, il y a quelques belles surprises émanant de personnes qui se reconnaîtront et que je remercie, mais ce n’est pas suffisant.

Pour la nouvelle année, je souhaite simplement pouvoir exercer mon métier, un métier qui m’est indispensable, que j’aime et dont l’utilité n’est plus à démontrer.

Certaines situations ne sont pas simplement dues à de la malchance, comme on pourrait le croire, mais à une forme d’injustice que l’on se doit combattre en la dénonçant, les mots peuvent être des armes de combat et la manifestation de la colère saine et légitime. Dans certains cas, il n’y qu’à voir ce dont sont capables des gens confrontés à la désespérance engendrée par de telles situations. Tout cela n’empêche pas d’agir positivement dans l’espoir d’une reconstruction, sans doute longue et chaotique.

Cela n’empêche pas non plus de souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année, même avec Papy et Mamie dans la cuisine, toutes fenêtres ouvertes.

Quelques mots sur les grades

Dans les arts martiaux, les grades occupent une place importante. Cependant, il ne faut ni les surévaluer, ni les négliger.
Essentiellement, ils permettent de situer le niveau de maîtrise technique du pratiquant, cela en fonction de la couleur de la ceinture qu’il porte autour de la taille.

Au début, les ceintures de couleur n’existaient pas, seules la blanche, la marron et la noire « tenaient » la veste du judogi. C’est à l’initiative de Maître Kawaishi , lorsqu’au milieu du siècle dernier il prit en main le judo français, que les ceintures de couleur ont fait leur apparition. Il avait bien compris l’esprit européen (et français en particulier) toujours friand de reconnaissances à arborer.

Jigoro Kano, fondateur du judo en 1882, avait tenu à hiérarchiser les valeurs pour l’accession à ces différents niveaux avec le fameux « Shin-Ghi-Tai » ! Ce qui signifie : l’esprit, la technique et le corps. L’ordre établi n’est pas le fruit du hasard. L’esprit (le mental) arrive en premier, il nous habite jusqu’à la fin de notre aventure sur terre.
Ensuite, il avait placé la maîtrise technique, que l’on peut démontrer assez longtemps et enseigner tout le temps.
C’est assez logiquement que le corps (le physique) arrive en dernier ; malheureusement avec l’âge même si on en prend soin, le déclin est inéluctable.

Il est vrai que mis à part les « grades compétitions » décernés à l’issue de combats qui favorisent malgré tout l’aspect physique des candidats, la délivrance des grades techniques est forcément subjective puisque c’est du jugement humain qu’elle dépend.

L’expérience qui m’anime me fait dire qu’il y a deux ceintures très importantes dans la vie d’un budoka : la ceinture jaune et la ceinture noire. La ceinture jaune, tout simplement parce que c’est la première et la ceinture noire parce que, malgré les années et un nombre sans cesse plus important de 1er dan, elle représente toujours un symbole très fort. Une sorte de graal !

Cependant, il ne faut pas oublier qu’elle n’est pas une finalité, simplement une étape très importante. Elle est une belle récompense, la preuve d’une pratique qui s’est inscrite dans la durée, synonyme de rigueur.

Mais elle doit être aussi une sorte de contrat signé avec l’art martial que l’on pratique et… avec soi-même. Un engagement qui signifie, qu’à partir de ce moment-là, s’impose le devoir de ne  jamais abandonner les tatamis, sauf cas de force majeur.

Les grades sont des encouragements à ne pas lâcher la pratique et même à la renforcer dans la dernière ligne droite de chaque préparation.

Certains les assimilent à des hochets et les négligent. (C’est vrai que parfois des questions s’imposent quant à la générosité avec laquelle ils sont distribués : grades de copinage, de soumission, monnayés ou d’entre-soi.)

Cependant nous sommes dans un système où ils existent et nous nous devons de les accepter. Peut-être que leur valeur prend vraiment son sens par rapport à l’organisme ou la personne qui les décernent.

L’obtention d’un grade (mérité) est de toutes les façons une grande satisfaction pour l’ensemble des pratiquants d’arts martiaux.