Nous arrivons à le lettre F de mon dictionnaire, F comme être le Fils de…Bernard Pariset.
Etre le fils ou la fille de quelqu’un, cela arrive à tout le monde. Etre le fils ou la fille d’une personnalité, même dans un petit cercle comme celui du judo de l’époque, c’est singulier ! A fortiori quand le chemin emprunté est identique à celui du parent en question.
Personnellement, dès la plus jeune enfance, se manifestait un sentiment de fierté, ensuite s’imposait la nécessité de faire mes preuves.
Ce n’était pas banal d’avoir un père champion de judo, surtout à un moment de l’histoire où cette discipline était moins connue dans notre pays, que les catégories de poids n’existaient pas et que sa réputation était celle du « petit qui faisait tomber les grands ». Dans le milieu sportif et même au-delà il était presque considéré comme un héros, en tout cas il l’était pour moi. Ensuite, qu’il devienne mon professeur, me faisant ainsi profiter d’un enseignement exceptionnel, était une chance. Comme cela en a été une autre, qu’il m’apprenne mon métier.
Le parcours de mon père et sa forte personnalité ajoutés au fait que je sois fils unique m’ont placé parfois dans des situations difficiles ; en fonction de certaines circonstances dans lesquelles sévit la jalousie, par exemple.
Comme indiqué plus haut en introduction, cette situation impose de « faire ses preuves », la comparaison ne peut être évitée de la part de certains. Lorsque l’on est un peu plus « affuté » dans la réflexion, on admet que « comparaison n’est pas raison » et que les époques ne sont pas les mêmes, les disciplines et les arts évoluent, la société aussi. Et puis, il y a les circonstances, les hasards et les nécessités, les aspirations personnelles, etc. Par exemple, je me suis tout de suite passionné par la remise en valeur du ju-jitsu (initiée justement par mon père, ancien compétiteur et pourtant fervent défenseur de l’aspect utilitaire et traditionnel du ju-jitsu). Cette belle croisade m’a permis, tout en construisant quelque chose, de me faire connaitre et reconnaitre avec des actions différentes, mais en restant dans le même milieu.
Mon père ne considérait pas comme un aboutissement le fait que je me constitue un palmarès important en judo, il estimait que l’essentiel était que j’apprenne bien mon métier et que je l’exerce tout aussi bien. Il connaissait parfaitement les conséquences en termes de séquelles physiques engendrées par le haut niveau dans les sports de combats ainsi que les aléas de la victoire.
Quant on appartient au même milieu, les responsabilités sont importantes. Elles vous obligent à continuer à faire briller le nom qui vous a été légué. Je pense ne pas avoir démérité grace à quelques actions en faveur du ju-jitsu.
Maintenant, il faut être franc, le besoin de s’affranchir existe, comme celui de faire ses preuves pour être reconnu – par et pour son travail – bref, tout en assurant la pérennité du patronyme on ressent le besoin de « se faire un prénom ».
A ce sujet, il y a une anecdote que j’aime beaucoup et que je n’ai aucun scrupule à raconter dans la mesure où c’est mon père lui-même qui me l’avait rapportée.
Cela se passait au milieu des années 1980. Louis Renaudeau, professeur en Vendée, à La Roche-sur-Yon et aux Herbiers, avait souhaité que ce soit mon père (le plus haut gradé du judo français avec Henri Courtine) qui vienne lui remettre son 5ème dan.
Avant de continuer, il faut souligner que j’étais venu à de multiples reprises dans le bocage vendéen pour y animer des stages et participer à des galas magistralement organisés par Louis Renaudeau. Au début de la cérémonie, et avant la remise du grade, la personne qui officiait au micro faisait état du palmarès exceptionnel de mon père : champion de France et d’Europe toutes catégories, demi-finaliste aux championnats du Monde toutes catégories, ainsi que des titres de toutes les fonctions qu’il avait occupées : entraîneur national, directeur des équipes de France, membre de la Commission nationale des grades, etc. Puis, il marqua un temps avant de conclure cette présentation par : « et papa d’Eric Pariset ». C’est à ce moment qu’une clameur venue de l’assistance s’est manifestée, ainsi que des applaudissements, qui pouvaient laisser à penser qu’enfin… on leur annonçait une référence ! Je le répète, si ce n’avait été mon père lui-même qui m’en avait fait part, jamais je ne me serais permis d’évoquer cette séquence. J’avoue avoir été touché par celle-ci qui prenait d’autant plus de saveur qu’elle était rapportée par mon père lui-même. Il l’avait fait avec un humour emprunt d’une certaine fierté, du moins il me semble.
Ses connaissances, son parcours, mais aussi son caractère, son charisme, sa rapidité de réaction (pas seulement sur les tatamis) et bien d’autres qualités, même si parfois il n’était pas tendre dans ces principes éducatifs, forment un ensemble qui me permet d’affirmer que je ne suis pas le « fils de personne ».
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