Ci-dessous, un texte extrêmement intéressant, encore davantage dans la période de violence que nous connaissons. La violence physique mais pas que, celles de certaines décisions (ou d’absence de décision), et de paroles méprisantes sont parfois plus meurtrières.
Ce texte – que je vous conseille vraiment de lire intégralement – est issu du recueil qui devrait être le livre de chevet de tout pratiquant d’arts martiaux digne de ce nom. Il s’agit de « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ».
Plusieurs chapitres composent ce livre et développent ainsi différents thèmes. Un de ceux-là est consacré à l’art de « vaincre sans combattre ». Différents récits le composent et j’en ai déjà proposé un certain nombre sur mon blog.
Aujourd’hui, c’est l’introduction de ce chapitre que je présente. Un texte riche d’enseignement et de sagesse. C’est le petit plus de l’art martial, celui qui fait que je lui reste fidèle.
« Les grands Maîtres n’ont cessé de répéter que « la plus haute maîtrise est de vaincre sans combattre ». Ils considéraient que leur Art ne devait pas servir à tuer, mais à protéger la vie.
Pour eux, quoi de plus facile que d’utiliser leur écrasante supériorité contre un agresseur ? Alors que se débarrasser d’un attaquant sans le blesser, sans même qu’il y ait un combat, relève de l’exploit. Et après tout, la véritable efficacité ne consiste-t-elle pas à décourager ou à se concilier l’éventuel adversaire car, comme le dit un proverbe chinois, « un ennemi que tu vaincs reste ton ennemi. Un ennemi que tu convaincs devient ton ami » ?
Vaincre sans combattre n’est pas à la portée du premier venu. «Un homme ordinaire dégainera son sabre s’il se sent ridiculisé et risquera sa vie, mais il ne sera pas appelé un homme courageux. Un homme supérieur n’est pas troublé même dans les situations les plus inattendues, car il a une grande âme et un noble but, aimait à dire Funakoshi Gishin (le fondateur du karaté). Celui qui ne peut se dominer face à un danger risque de devenir agressif et de réagir violemment. Il entre ainsi dans le jeu de l’adversaire. Parfois il peut même croire qu’il est menacé alors qu’il n’en est rien. Tandis que celui qui reste maître de lui dans toutes les situations peut faire face avec toute sa lucidité, tous ses moyens.
Réagir violement est une solution de facilité, rester calme est un tour de force. C’est ce qu’exprime Lao-Tseu dans une des fameuses sentences du Tao-tö king : « Imposer sa volonté à autrui est une démonstration de force ordinaire, se l’imposer à soi, un témoignage de puissance véritable. »
Si, malgré lui, un maître est entraîné dans un combat, il parvient, en fait, à neutraliser son adversaire sans vraiment combattre. L’essence des Arts Martiaux japonais est profondément non violente. Elle repose en effet sur le principe de non résistance qui consiste à utiliser l’attaque de l’adversaire pour le mener à sa propre perte. Celui qui se défend, au lieu d’essayer de bloquer le mouvement adverse, l’esquive et le canalise de façon à le retourner contre l’agresseur. Si l’adversaire pousse, il suffit d’esquiver ou de le tirer pour qu’il tombe de lui-même. S’il tire, il n’y a qu’à le pousser. Plus l’attaque est puissante, plus le choc en retour est désastreux. Le principe de non-résistance conduit l’attaquant à devenir la victime de sa propre attaque et à récolter le fruit de ses mauvaises intentions. Quoi de plus juste ?
Le véritable Art Martial, ou selon l’étymologie orientale, l’« Art d’arrêter la lance », est une excellente mise en pratique de ce que les enseignements taoïstes ou Zen appellent le wu-wei. Généralement traduit par « non agir », le wu-wei signifie plus exactement : laisser faire, agir sans intervenir, sans résister. Pour reprendre une image taoïste : « c’est le principe du wu-wei qui meut toutes choses. Simplement parce que l’essieu ne bouge pas, la roue tourne.»
Dans la tradition orientale, l’eau est l’élément naturel qui symbolise le mieux le wu-wei, la non résistance : « L’eau ne s’oppose à personne, et ainsi, nul ne peut l’affronter. » « L’eau cède au couteau sans qu’il puisse la déchirer ; Elle est invulnérable car elle ne résiste pas. »
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