Composer le programme d’un festival d’arts martiaux n’est pas si facile. Proposer chaque année un plateau à la fois diversifié, renouvelé, représentatif des disciplines les plus pratiquées, mais aussi les moins connues. Tout cela sans tomber dans la caricature ou dans les extrêmes. Eviter aussi bien le « le tout spectacle » que l’austérité. Présenter tout à la fois l’aspect externe et interne, avec de vrais experts compétents et représentatifs de leur art. Plaire aux néophytes et emporter l’adhésion de spécialistes, voilà l’objectif des organisateurs. Vaste et rude programme.
D’autant que l’évolution en tout domaine est inévitable. En 2013 un festival des arts martiaux peut-il ressembler à ceux des années 1980 ? Mais n’y a-t-il pas un contre-sens à vouloir « faire bouger » des disciplines dites « à traditions » ; les arts martiaux ne sont-ils pas chargés de valeurs techniques et comportementales aux racines profondes ? A contrario, les fondateurs du judo, de l’aïkido et du karaté, eux-mêmes, se sont inspirés d’anciennes écoles et les ont fait évoluer pour créer leurs arts. Seraient-ils satisfaits de constater que, nous-mêmes, n’avons (ou n’aurions) pas su faire évoluer notre pratique. Par contre, cautionneraient-ils certaines évolutions, ou bien trop sportives, ou bien en opposition par rapport à certaines valeurs qui leur étaient chères ?
Pour avoir participé aux toutes premières éditions des galas d’arts martiaux au début des années 1980, je peux témoigner que celles-ci étaient assez « dépouillées ». Peu ou pas de mise en scène, aucune lumière spéciale, pas de musique. L’art brut, sans artifice. Certains nostalgiques-bougons le regretteront. Obligation était donc faite de ne pas décevoir sur le plan technique, aucune fioriture ne permettait de pallier une éventuelle carence dans ce domaine ; La vérité ! Seules les disciplines fondamentales étaient présentées et forcément elles l’étaient de façon plus approfondie. Loin de moi l’idée de critiquer toute innovation, surtout dans la mesure où j’ai été parmi les premiers à inclure une certaine originalité dans mes présentations. Et puis, faire découvrir d’autres arts est également la vocation d’une telle manifestation. Mais il faut être vigilant pour que les démonstrateurs ne sacrifient pas la technique au profit de l’unique aspect spectaculaire. Tout comme il serait peut-être opportun de ne pas proposer trop de disciplines pour que chacune d’elle puisse bénéficier d’une présentation assez complète. En évitant aussi que quelques-unes s’enferment dans une prestation beaucoup trop longue à l’austérité rebutante. Et éventuellement ne pas programmer certaines prestations, qui de par leur histoire et leurs objectifs, ne s’assimilent pas vraiment aux arts martiaux ; cela laisserait davantage de temps aux valeurs sûres.
Quoi qu’il en soit, le Festival de Bercy existe depuis 27 ans et propose de belles démonstrations, représentant aussi des arts martiaux reconnus et exécutées par des experts compétents. J’ai bien aimé le retour du kendo, l’art martial le plus pratiqué au Japon, avant le judo. Il s’agit à la fois d’une discipline qui a su garder ses racines et qui propose un engagement physique intense, dans un respect le plus total de toutes les valeurs que l’on vient chercher dans la pratique de nos disciplines. Celles-ci devant également être une aide pour un accomplissement personnel dans l’existence et pour une vie en société en bonne intelligence. Qui, à une époque, quelque peu troublée, pourrait ne pas adhérer à ce concept ?
Site du club ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com