25 étés à Soulac !

La semaine dernière, dans mon article hebdomadaire, j’évoquais  mes cinquante années de métier. Durant ce demi-siècle, entre autres rassemblements, j’ai organisé et dirigé pendant vingt-cinq ans un stage d’été à Soulac-sur-Mer, dans le Sud-ouest de la France, en Gironde précisément.

En ce début de mois d’août, j’ai pensé que c’était le bon moment pour revenir sur ces stages qui se déroulaient à ce moment-là de l’année.

Cette aventure avait commencé en 1986. Auparavant c’est dans le département de Lot-et-Garonne, au Temple-sur-Lot, que je me rendais pour ces rendez-vous qui marquent l’été. Les pratiquants d’arts martiaux connaissent  cet endroit, beaucoup d’experts sont venus dispenser leur savoir.

Si j’ai opté pour les bords de l’Atlantique en 1986,  c’est pour répondre à la demande d’un nombre important de stagiaires qui  venaient en famille ;  les accompagnateurs souhaitaient que leur soient proposées davantage d’activités pendant que le ju-jistuka, ou la ju-jitsukate,  suait sur les tatamis. Il faut avouer aussi  qu’en France,  à l’époque, nous étions davantage mer que campagne.

Donc, à l’automne 1985, j’ai envoyé une lettre à presque toutes les stations balnéaires de l’Atlantique pour leur exposer le projet. C’est Soulac qui a répondu en premier. Après un week-end de reconnaissance en octobre, j’ai opté pour cette belle petite citée. Je n’imaginais pas que nous y retournerions pendant un quart de siècle, sans aucune interruption.

Jean-François-Pintat, le Maire de l’époque, avant que ce soit son fils Xavier qui prenne la suite, a répondu à notre demande rapidement, mais encore fallait-il que j’ai un coup de cœur pour me décider, ce fût le cas. Je ne voulais pas d’une trop grande station balnéaire, nous en connaissons beaucoup de très belles, mais par nature, je préfère des endroits à l’animation mesurée.  Ce qui m’a plu à Soulac, c’est tout simplement la nature. D’un côté l’océan avec des kilomètres de sable fin et de l’autre, la forêt de pins. Au milieu, c’est plus un village qu’une ville : une ambiance familiale, beaucoup d’activités, mais comme indiqué plus haut, suffisamment de calme pour ceux qui viennent (aussi) pour se reposer. Je n’oublie pas une architecture remarquable avec les inimitables villas soulacaises, toutes plus belles les unes que les autres.

Concernant l’hébergement, les premières années, la presque totalité des stagiaires logeait au Centre Capdeville, un centre initialement réservé aux footballeurs. Il était dirigé par Christian Fétis, une personnalité du football français. Ensuite, c’est son fils Frédéric qui a repris les rennes. Nous sommes restés en contact, de solides rapports amicaux s’étaient installés entre nous. J’étais souvent invité à la table de la famille, pour mon plus grand plaisir, j’ai toujours été merveilleusement bien reçu.

La dernière édition du stage de Soulac a eu lieu en 2010. A cette époque la gestion de mon dojo parisien était assez « écrasante », et comme cela arrive dans la vie, j’avais besoin de faire une pause et de profiter de l’été, pour me reposer et reposer un peu le kimono (pour les puristes, je rappelle que j’utilise souvent ce mot qui n’est pas le mot exact, mais c’est celui-ci qui est communément utilisé, peut-être à tort).

Ces stages rassemblaient des jujitsukas venus de toute la France, mais aussi de l’étranger : Belgique, Suisse, Allemagne, Pays-Bas, et bien d’autres pays.

Beaucoup de souvenirs me reviennent à l’esprit en pensant à ces étés. En plus des séances en kimono avec un programme technique très copieux et une intensité physique conséquente, s’imposent les séances en extérieur au milieu des arbres, mais aussi au bord de l’océan. Arriver  à neuf heures du matin  et découvrir une plage déserte pour pratiquer  sur un sable adapté à notre activité grâce à la marée basse, il faut l’avoir fait au moins une fois.

Il n’est pas exclu de programmer une nouvelle édition l’année prochaine, en espérant que nous serons, à ce moment-là, sortis de cette situation qui, depuis le début, a plus particulièrement pénalisé nos belles disciplines.

A toutes et à tous, je souhaite un beau mois d’août, avec ou sans stage, avec ou sans vacances.

50 ans (de métier)

Cette semaine je fête mon anniversaire, mais en septembre c’est un autre que j’aurais aimé fêter, celui qui marque un parcours de cinquante années dans les arts martiaux, cela ne sera malheureusement pas le cas, pour des raisons connues de tous.

Certes, c’est à cinq ans que j’ai revêtu mon premier judogi, mais c’est en 1971 que je suis entré dans le monde des arts martiaux pour en faire mon métier. Je n’ai pas commencé à donner des cours à l’âge de 17 ans, il s’agissait de ce que l’on pourrait appeler  une formation en alternance. En quelques lignes, je vais tenter de résumer ce demi-siècle consacré presque exclusivement aux arts martiaux.

Comme indiqué plus haut, j’ai débuté la pratique à l’âge de cinq ans, mais avec une régularité relative, c’est en 1971 que les choses sérieuses ont commencé. En septembre de cette année-là je rejoignais mon père dans son dojo parisien de la Rue des Martyrs pour commencer ma formation par le bas de l’échelle : l’aspirateur, la serpillière, l’accueil et l’assistance aux professeurs lors des cours destinés aux enfants. Tout cela en continuant ma formation et mon renforcement technique.
A l’époque existaient deux niveaux avant d’accéder au Graal, à savoir le diplôme de Professeur de judo, karaté, aïkido et méthodes de combats assimilées (un sacré diplôme). On passait d’abord par animateur, puis moniteur. C’est en 1976 que j’accédais  au sésame tant convoité.

Entre 1971 et 1976, en plus de la préparation aux diplômes, il y a eu le Bataillon de Joinville ; une année essentiellement consacrée au judo. En 1977, j’étoffais mes capacités avec le diplôme de professeur de boxe française.

Les cinquante années qui viennent de s’écouler ne se sont pas limitées à l’enseignement, même s’il a occupé la plus grande partie de mon activité et tout simplement de ma vie. En effet, dés la fin des années 1970, avec le ju-jitsu (l’atemi-ju-jitsu), j’ai encadré de nombreux stages fédéraux et privés, effectué des démonstrations en France et à l’étranger, écrit des bouquins, réalisé des vidéos, participé à des réunions fédérales, et puis il y a eu beaucoup d’entraînement, les compétitions en judo, etc.

J’ai enseigné dans différents dojos, c’est tout naturellement dans celui de la Rue des Martyrs que j’ai commencé. Ensuite j’ai subi quelques déménagements, toujours en professant dans des dojos privés qui étaient le fruit de mes initiatives. Prochainement je reviendrai, à la fois sur ce choix d’indépendance, mais aussi sur des événements qui ont parfois contrarié le bon déroulement des choses ; l’entrepreneuriat ne se réalise pas sans obstacles, même s’il est préférable qu’ils ne soient ni trop hauts, ni trop nombreux.

Une vie dans laquelle, par la force des choses, le « professionnel » et le « personnel » ont été intimement liés, pour le meilleur, mais aussi parfois  pour le pire. Je ne suis pas le seul à connaître et à subir les épreuves que le destin parfois nous impose, cependant elles ont été nombreuses et parfois douloureuses ; elles ont rendu moins fluide le cours de l’existence. C’est aussi dans ces moments là que l’on teste notre capacité de résistance.

En septembre prochain, je pensais vraiment « marquer le coup », cela ne se fera pas, cet anniversaire ne sera que virtuel ; en aucun cas comme je l’aurais souhaité. Nul ne peut ignorer ce qui nous est arrivé en mars 2020 et qui a bouleversé notre existence, à des degrés divers. Je fais partie de ceux qui « ont pris cher ». Un investissement matériel réduit à néant, suivi de dix huit mois sans travail, et ce n’est pas terminé. Il y a des épreuves, face auxquelles, malheureusement, la volonté n’est pas suffisante et où les combats consistent à affronter des moulins à vent. Seule la volonté et la capacité de résistance permettent de ne pas sombrer ! Sur cet effroyable gâchis, je suis déjà revenu à de multiples reprises. Il est indispensable de chasser le pessimisme, mais parfois il faut  se rendre à l’évidence, pour beaucoup d’entreprises privées, il sera difficile de repartir autrement qu’en claudiquant, et encore. Et puis, la vie que nous vivons et l’ambiance dans laquelle nous évoluons sont exécrables.

Cet anniversaire raté n’est qu’une déception de plus, certains y verrons de la futilité, mais la vie n’est pas faite que d’évènements graves. N’avons-nous pas besoin de temps à autre d’un peu de légèreté, et de quelques petits plaisirs qui rendent notre vie plus supportable et lui donnent un sens ? Les anniversaires sont des points de repaire qui sont un peu comme des petits cailloux semés pour ne pas se perdre !

Finissons malgré tout sur une note positive, en espérant un retour rapide à une « vie  normale » et à une pratique de nos disciplines dans des conditions qui le seront tout autant !

Quant à cet anniversaire, il sera dans ma tête, c’est déjà bien !

La nostalgie

Longtemps considérée comme un sentiment négatif, elle a tendance à être réhabilitée. Différentes études lui ont attribué des effets positifs.
Alors, qu’elle soit attachée à certains de mes articles, n’apporte ni contestation ni reniement de ma part.

La nostalgie s’appuie sur l’évocation de souvenirs heureux que l’on regrette. Elle ne consiste pas uniquement à s’épancher sur les malheurs du moment qui nous sont imposés, elle ranime des souvenirs qui peuvent nous apporter une bouffée d’oxygène mental.

«Demain aujourd’hui sera hier ».
Et puis en tant que pratiquant d’arts martiaux, l’évocation des souvenirs est aussi le moyen de rappeler le passé sur lequel nous avons construit notre présent. Ce n’est pas propre à nos disciplines, mais peut-être davantage, dans la mesure où elles sont qualifiées à juste titre de « disciplines à traditions ».

Évoquer le passé, c’est aussi se souvenir de ceux qui nous ont aidées à devenir ce que nous sommes. De nos enseignants qui nous ont d’abord donné l’envie de commencer, ensuite de continuer et qui nous ont délivré un bagage technique et parfois mental. Je dis parfois, parce que la mémoire n’est pas toujours au rendez-vous.

Être tourné résolument vers le futur, ne signifie pas qu’il faille ignorer le passé. Parfois, il est  important de l’écraser, lorsqu’il est question d’évènements négatifs. (Nous ne manquerons pas de travail dans quelques temps.)

L’évocation des bons souvenirs n’est donc pas mauvaise en soi, et même indispensable, elle peut faire office d’antidépresseur naturel. Cela n’implique pas forcément l’affirmation que « c’ était mieux avant » (quoique depuis dix-huit mois, il serait légitime de se poser la question), mais que c’était différent. Le tout est de savoir faire le tri. Mais pour être tout à fait franc en me servant d’une formule déjà très utilisée, je préfère avoir eu quinze ans en 1969 qu’en 2020.

Dans cette période de présent douloureux (ô combien) et d’avenir immédiat incertain, et sans m’enfermer dans mon passé, je n’abandonnerai ni l’évocation d’évènements positifs, ni les hommages aux glorieux aînés.

Cela n’empêche pas d’envisager l’avenir, même si depuis quelque temps, nous ne sommes pas vraiment maîtres de notre destin.

La photo d’illustration qui doit dater du milieu des années 1950 et que j’ai déjà utilisée, représente le dojo parisien de la Rue des Martyrs, ce lieu dans lequel j’ai acquis la plus grande partie de mon savoir, mais aussi où j’ai appris mon métier.

Trois fils (et sixième sens)

C’est avec plaisir que je renoue avec une petite habitude, celle de proposer – de temps en temps – une petite histoire qui nous vient du Japon ou de Chine. Au delà du plaisir de la lecture il y a forcément matière à réflexion !

« Il y avait autrefois un grand maître de kenjutsu (sabre) très célèbre dans tout le Japon qui, recevant la visite d’un autre grand maître, voulut illustrer l’enseignement qu’il avait donné à ses trois fils.

Le maître fit un clin d’œil à son invité et plaça un lourd vase de métal sur le coin des portes coulissantes, le cala avec un morceau de bambou et un petit clou, de façon à ce que le vase s’écrasât sur la tête du premier, qui, ouvrant la porte, entrerait dans la pièce.

Tout en bavardant et en buvant du thé, le maître appela son fils aîné qui vint aussitôt. Avant d’ouvrir, il sentit la présence du vase et l’endroit où il avait été placé. Il fit glisser la porte, passa sa main gauche par l’entrebâillement pour saisir le vase et continua à ouvrir la porte avec sa main droite. Puis, serrant le vase sur sa poitrine, il se glissa dans la pièce et refermant la porte derrière lui, il replaça le vase dans sa position initiale. Il avança alors et salua les deux maîtres. « Voici mon fils aîné, dit l’hôte en souriant, il a très bien saisi mon enseignement et il sera certainement un jour un maître de kenjutsu. »

Ayant appelé son deuxième fils, celui-ci entra sans hésitation, et n’attrapa le vase qu’au dernier moment ; il faillit le recevoir sur la tête. « Voici mon deuxième fils, dit le maître, il lui reste beaucoup à apprendre mais il s’améliore chaque jour. »

On appela alors le troisième fils. Entrant précipitamment dans la pièce, il reçut le vase sur la tête. Le coup fut sévère, mais avant que le vase n’atteigne les tatamis, il tira son sabre et d’un mouvement vif, coupa la pièce de métal en deux. « Voici mon fils cadet, Jiro, dit le vieil homme, c’est le benjamin de la famille, il lui reste une longue route à parcourir. »

Fin juin

Traditionnellement et pour beaucoup d’entre nous, la « fin juin » est une date bien agréable. Nous sommes en été, avec de longues journées, les vacances approchent, d’ailleurs les plus jeunes y sont déjà, enfin presque.

Dans le milieu sportif et le monde des arts martiaux, c’est ce que l’on appelle la fin de la saison, en principe – exemption faite pour cette année – élèves et professeurs sont satisfaits de ces mois écoulés et du travail accompli, heureux de pouvoir se reposer et plein d’espoir pour le mois de septembre, synonyme de nouvelles aventures.

Les « fins juin », pour ce qui me concerne, ont parfois eu des saveurs différentes, je l’avais évoqué dernièrement. Dans les six dernières années, j’en ai connu de trois « types ».

En 2015, le 30 juin, je remettais les clefs du dojo de la Bastille à une autre équipe. J’avais besoin de souffler après quelques années éprouvantes (c’est un euphémisme).  S’exprimait alors un sentiment libérateur, emprunt d’une émotion considérable face aux témoignages de sympathie et aux regrets manifestés.

Le 29 juin 2019, après quatre années à l’issue desquelles les évènements et mes réflexions me conduisaient à prendre la décision de revenir à Paris, je donnais les premiers cours dans le nouveau dojo de la Rue Victor Chevreuil. Une belle émotion m’envahissait ce jour-là.

Le 29 juin 2020, je quittais Paris. Je survivais au virus, pas le dojo. J’ai eu largement l’occasion de revenir sur cet événement destructeur. On ne peut pas changer le passé, par contre on peut penser à l’avenir, même si les circonstances ne nous rendent pas forcément maître de notre destin.

Pour la plupart des clubs, se sont donc deux mois de repos qui se présentent. Quelques clubs privés restent ouverts en juillet pour les adultes, parfois au mois d’août dans les villes à forte population. Il est vrai que si les enfants sont en vacances durant deux mois, il n’en n’est pas de même pour la majorité des adultes.

L’été sera aussi, pour certains professeurs et élèves, la période des stages d’été. Ces rassemblements  permettent de renforcer sa pratique avec un entraînement intensif, mais aussi grâce à d’autres experts et différents partenaires. Tout cela dans une ambiance estivale.

J’ai eu le plaisir d’en organiser et d’en diriger de nombreux de 1977 à 2010. Le premier, c’est tout naturellement au Golfe Bleu, à Beauvallon, qu’il s’est déroulé.

Pour différentes raisons, durant quelques étés, je n’ai plus satisfait à ces rendez-vous estivaux. L’habitude a été reprise en 1982 au Temple-sur-Lot. Beaucoup de pratiquants d’arts martiaux connaissent très bien ce lieu. C’est à l’initiative d’un charismatique professeur, Georges Bilas, qu’avait commencé l’histoire des stages sur les bords du Lot. Des personnalités et des experts de nombreuses disciplines s’y sont rendus. L’histoire n’est pas terminée, mais  elle est différente puisque Monsieur Bilas n’est plus parmi nous.  Je sais qu’au mois d’août mon ami Jacques Seguin y dirigera avec d’autres professeurs un grand stage de judo.

A partir de 1986, c’est sur les bords de l’Atlantique que se sont déroulés mes stages de ju-jitsu. A Soulac-sur-Mer exactement. L’aventure a duré un quart de siècle. Vingt-cinq étés qui auront vu passer des centaines de stagiaires venus de toutes les régions de France, mais aussi de l’étranger.
J’aurai l’occasion d’y revenir plus en détail très prochainement.

Malheureusement la fin juin que nous vivons cette année n’a pas la même saveur que les autres. Nous venons de finir une saison laminée par la crise et l’incertitude quant à une reprise de l’épidémie n’est pas complètement écartée. C’est à  la rentrée que l’on pourra évaluer précisément l’étendue des dégâts. Combien de renouvellements, de nouvelles inscriptions ? Combien de dojos ne pourront pas reprendre, ou alors sous perfusion ? Combien de clubs auront les moyens de survivre ?

Quant aux stages de cet été, d’après mes informations, beaucoup n’ont pas été reconduits face à l’incertitude.  Souhaitons à ceux qui sont programmés qu’ils puissent se dérouler dans les meilleures conditions.

Personnellement je ne désespère pas de pouvoir renouer avec cette belle habitude en 2022. Cela dépendra de beaucoup de choses, notamment de la tournure que prendra la saison prochaine et des possibilités d’exercer enfin mon métier, ce qui n’est plus le cas depuis 18 mois.

Pour finir cet article, on peut noter que cette fin juin est aussi très différente en matière de météo. Lorsque nous avons inauguré le dojo de la Rue Victor Chevreuil, le samedi 29 juin 2019, nous étions en pleine canicule et ce sont 40 degrés qui régnaient sur la capitale. Décidément les mêmes périodes ne laissent pas les mêmes souvenirs !Souhaitons que l’avenir nous en offre de très beaux !

Bonnes vacances à tous ceux qui pourront en prendre et bel été à tous !

Les katas

Il n’est pas inutile de revenir aux premières raisons d’être des katas. Les quelques lignes qui suivent ne sont que l’émanation de mon point de vue. « L’évolution vient du partage des opinions ».

On traduit kata par le mot «  forme ». Pour plus de clarté on peut ajouter « imposée ».

Ils sont des moyens d’apprentissage, des méthodes d’entraînement, ils permettent la codification et la transmission des techniques et des principes. Ils sont aussi les garants de nos traditions.

Malheureusement, quelques fois, ils sont considérés comme des  « passages obligés » pour accéder au grade supérieur et ne sont donc abordés que dans cette optique ! Qu’ils intègrent un ensemble de contenus techniques d’évaluation, cela semble juste, mais leur utilité est plus importante que cela, heureusement.

Les katas permettent de rassembler les techniques par famille et/ou par thème et de leur faire traverser les âges, ce sont aussi et surtout de formidables méthodes d’entraînement.  En effet, ils représentent souvent un combat (le goshin-jitsu-no-kata notamment), certes un combat codifié pour des raisons évidentes de sécurité, mais il s’agit bien du reflet d’un affrontement ;  en conséquence, les attaques de Uke doivent être sincères et fortes de façon à ce que les ripostes de Tori le soient tout autant, mais aussi qu’elles soient  réalistes et donc efficaces.

Pour les judokas, certains katas sont aussi l’occasion d’étudier des techniques « oubliées » parce qu’elles sont interdites en compétition, c’est le cas du kime-no-kata et du goshin-jitsu-no-kata.

Le kata est également un exercice de style, c’est-à-dire qu’une certaine attitude doit être respectée. C’est ce qui différencie l’art martial de la simple méthode de combat ou de self-défense.

Ils sont aussi, tout simplement une addition de techniques intéressantes à pratiquer une par une, il n’est donc pas nécessaire d’attendre que se profile à l’horizon un examen pour commencer à les étudier.

Lors de l’exécution d’un kata à l’occasion d’un examen, l’évaluation doit se faire avant tout sur l’efficacité des ripostes de Tori, celles-ci  répondent aux attaques de Uke dont la sincérité doit être incontestable. Ensuite, puisqu’il s’agit de formes imposées, il est évidemment indispensable  de respecter l’ordre de la présentation, les déplacements et emplacements. Enfin il faudra être attentif à l’attitude générale dans laquelle doivent être exclus désinvolture et relâchement corporel.

Cependant, un problème et un mystère demeurent et entourent les katas : il s’agit de ces incessantes modifications dont ils sont les victimes de la part des organismes « officiels ». Cela a pour effet de décourager les élèves, de désorienter les professeurs et le jury, allant jusqu’à discréditer ces exercices.

En conclusion, je pense que pour faire apprécier le kata, il suffit simplement de le présenter comme partie intégrante de la pratique  et non pas comme un passage imposé pour obtenir un grade.

Carte professionnelle, bilan et combativité !

En recevant ma nouvelle carte professionnelle, je n’ai pu m’empêcher de me poser la question de son utilité, tout du moins à court terme, tant les mois que nous venons de vivre ont été dévastateurs.

Nous arrivons à la fin de cette « horrible saison sportive ». Pouvons-nous parler de saison dans la mesure où certains élèves n’auront pu pratiquer que deux mois, septembre et octobre ?

Il faut néanmoins se réjouir de ces moments où nous reprenons petit à petit une vie normale  et espérer qu’au mois de septembre l’activité des dojos pourra s’effectuer dans les meilleures conditions.

Être optimiste n’empêche pas d’être réaliste. Il y a eu des dégâts et du gâchis, la reconstruction sera longue, il faudra du temps pour retrouver les mêmes conditions que celles d’avant-crise.

Il n’est pas question d’éprouver ce mauvais sentiment qu’est la jalousie à l’égard de ceux qui ne subissent pas les mêmes conséquences de la pandémie, tant mieux pour eux, mais juste d’être un peu en colère face à une certaine injustice. Comme je l’ai souvent évoqué, ce sont des métiers éducatifs (l’intitulé de la carte professionnelle en atteste : « éducateur sportif ») qui ont été sacrifiés. Ne plus pouvoir ni exercer, ni transmettre est difficilement compréhensible.

Pour ma part la combativité n’a jamais fait défaut, d’ailleurs si cela avait été le cas je ne serais plus debout ; Il a fallu faire preuve de volonté, de réactivité et d’adaptation pour ne pas disparaître complètement, pour éviter la descente aux enfers. Je sais qu’il est difficile de se mettre à la place des autres, surtout quand il s’agit d’une situation particulière ; particulière pour trois raisons essentielles.

D’abord la fermeture d’un dojo qui venait d’ouvrir. Ensuite parce que ce dojo, dans mon esprit, par rapport à une  période de la vie plus adaptée à la retraite, c’était mon « dernier dojo ». Enfin, c’est d’un seul coup, du jour au lendemain, toute une vie qui a été remise en cause. Vie professionnelle et personnelle. Ce sont des projets qui se sont évanouis en quelques semaines, il faudra en concevoir d’autres.

Comme je l’avais souligné, il n’est plus possible de se relancer dans une entreprise privée tout seul dans la capitale. Mais les idées ne manquent pas,  tout comme la volonté de faire en sorte qu’elles se concrétisent. Des idées autour du ju-jitsu et pour le ju-jitsu, même si je suis conscient que ce ne sera pas facile.

Un ju-jitsu qui, dans cet éphémère dojo, avait rassemblé des pratiquants de 4 ans à plus de 70 ans, dans un dojo où l’enseignement permettait à tous les âges et à toutes les conditions physiques de s’épanouir. Me trotte dans la tête  un témoignage qui m’avait particulièrement touché : «Vous savez, à mon âge, je n’aurais jamais pensé remettre les pieds sur un tatami, grâce à vous je l’ai pu ». L’auteur de ce beau témoignage se reconnaitra.

Je profite de l’occasion pour remercier tous ceux qui régulièrement m’apportent leur soutien, qu’ils se rassurent, je suis « toujours debout » ! A l’inverse je ne peux m’empêcher d’envoyer une petite pique à quelques donneurs de leçons à l’abri des soubresauts et des injustices de la vie !

Souhaitons à tous et à toutes un été réparateur et une excellente nouvelle saison durant laquelle nos arts martiaux pourront se reconstruire, même s’il faudra plus que jamais faire preuve de patience, de volonté et d’une belle énergie.

1995. Reuilly, Bercy, Soulac, Montréal et fédération !

La semaine dernière j’évoquais l’année 1989, une année riche en événements et en émotions. Cette semaine je m’intéresse au cru 1995, très chargé en activités professionnelles.

En avril, mon dojo s’installait dans un nouveau lieu parisien : Boulevard de Reuilly. Il s’agit du XIIème arrondissement que je connais bien, à deux pas de la Rue Victor Chevreuil, là où, l’an dernier, mon dernier club a été terrassé par le virus.

Toujours au printemps de cette année 1995, je démontre  une nouvelle fois le ju-jitsu au festival de Bercy pour y présenter une prestation  que je considère comme l’une de mes plus abouties techniquement. Les invités spéciaux étaient les sumotori, mais d’autres experts, champions  et habitués des galas ont pu enrichir cette soirée par leur talent : Jean Frenette, Kim Silver, Christian Tissier, David Douillet, etc. Que ceux que j’oublie me pardonnent. C’est par une belle séance de dédicaces que s’est clôturée cette soirée.

Ensuite, durant l’été, nous avons fêté la dixième édition du stage de Soulac-sur-Mer, un rendez-vous à l’inaltérable succès. Pendant un quart de siècle, de 1986 à 2010, nous sommes restés fidèles à ce lieu. Il n’est pas impossible que nous puissions y organiser une session en 2022. Vraisemblablement, beaucoup de pratiquants ne seraient pas insensibles à cette initiative.

A l’automne c’est une traversée de l’Atlantique que j’effectuais en compagnie de mes partenaires du moment : Olivier Hermeline, André Ohayon et Laurent Rabillon. Nous étions invités à présenter notre démonstration à Montréal.  L’initiateur de ce projet n’était autre que Jean Frenette, le karatéka québécois, champions de katas artistiques. Quatre jours passés dans la « belle province » pour notre plus grand bonheur et pour la fabrique de solides souvenirs.

C’est aussi à la fin de cette année que, n’étant plus du tout en phase avec ses orientations prises en matière de ju-jitsu, je quittais la FFJDA. Je ne me résignais pas à l’abandon d’une forme de travail que j’avais apprise, enseignée et démontrée avec plaisir et avec un succès qui ne se démentait pas. A l’extérieur de cette institution j’ai pu continuer à enseigner un ju-jitsu aux techniques compatibles entre elles et aux formes de corps proches de celles qui animaient le fondateur du judo. Un paradoxe, mais c’est ainsi !

En résumé, ce fût une année bien replie, comme beaucoup d’autres, mais peut-être un peu plus !

1989

En tombant sur un « Karaté-Bushido » de 1989, j’ai eu l’envie de revenir sur cette année qui a particulièrement marqué  ma vie professionnelle et plus encore ma vie personnelle.

Après presque deux décennies  passées au club de la Rue des Martyrs sous la férule de mon père, s’est manifestée un besoin d’émancipation. L’association « père et fils » n’est pas toujours aussi facile que l’on pourrait l’imaginer. Si professionnellement elle est positive en termes de transmission du savoir-faire et de la complémentarité, elle peut s’avérer parfois plus compliquée sur d’autres plans, surtout lorsque les caractères sont assez semblables. A maintes occasions, j’ai vanté les qualités et les exploits de mon père dans sa vie et notamment sur les tatamis, mais ces exploits étaient le fait d’un fort caractère qui rendait parfois difficile d’être son fils unique.

C’est aussi cette année-là, le 15 août, que j’ai connu les joies de la paternité grâce  à une adorable petite fille, devenue depuis une maman qui m’a fait « triple papy ».

En 1989 j’ai donc quitté le 11 de la Rue de Martyrs où se trouvait un dojo qui a marqué l’histoire du judo français pour m’installer un peu plus haut dans le IXème arrondissement parisien. Un club de gym en perte d’activité était à vendre, ne restaient plus que les tatamis à poser, tout en bénéficiant de quelques installations qui complétaient la pratique des arts martiaux ; la principale discipline étant le ju-jitsu.

Cette année-là, je participais aussi, pour le quatrième fois, au festival des arts martiaux de Bercy organisé par la revue Karaté-bushido, les moines de Shaolin en étaient les invités exceptionnels. J’ignorais que j’aurais le plaisir et l’honneur de présenter entre 1990 et 2005 huit autres démonstrations, dans ce lieu qui devient une fois par an le plus grand dojo du monde.

Un peu plus tard, au cœur de l’été et sous ma responsabilité, se déroulait la IVème édition du stage de Soulac-sur-Mer. Vingt et une autres allaient suivre jusqu’en 2010.

Je n’oublie pas les stages et les  démonstrations en province et à l’étranger, autant de déplacements qui  garnissaient copieusement l’agenda.

En termes d’émotions positives, certaines années comptent davantage que d’autres, ce fût le cas pour 1989, surtout un certain 15 août. Ces émotions sont autant de souvenirs gravés dans la mémoire du cœur.

Tourner la page pour en ouvrir d’autres !

Aujourd’hui  je « fête » deux anniversaires qui en termes de souvenirs sont aux antipodes, bien qu’intimement liés.

Il y a deux ans, jour pour jour, je signais le bail du local de la Rue Victor Chevreuil à Paris, pour y ouvrir un nouveau dojo. Après une période passée en province et un indispensable repos, j’avais décidé de « remonter » à Paris afin de repartir au combat. Certes,  à un âge qui correspond davantage à celui de la retraite, mais il y a des métiers où il est difficile de s’y résoudre. Dans ce nouveau dojo j’avais mis beaucoup d’espoirs et d’énergie. Même si dans chaque entreprise privée il y a toujours une part de risques, ceux-là étaient calculés, je ne partais pas dans l’inconnu. C’était sans compter avec un évènement planétaire que personne n’avait pu deviner : ce que nous allions vivre était inédit.

Un an après, il y a donc précisément douze mois, le virus balayait tous les espoirs, l’énergie et les économies mises dans cette nouvelle entreprise. Un dojo privé, s’il offre une grande liberté d’entreprendre, implique des frais de fonctionnement importants, ne serait-ce qu’avec le loyer (surtout dans la capitale). Le dojo étant trop jeune pour avoir eu le temps de constituer un « trésor de guerre » et pour profiter des quelques aides allouées, face à une propriétaire intraitable, la rupture du bail s’est imposée.

Je ne suis pas un cas isolé, beaucoup d’entreprises (les plus jeunes et les plus modestes) ont mis « la clé sous le porte » (une expression qui n’avait jamais été autant prononcée). D’ailleurs l’euphorie de ces derniers jours, grâce au retour à une « vie presque normale » ne doit pas nous faire oublier ceux qui sont restés sur le « bord du chemin ». Surtout que, sans jouer les oiseaux de mauvaise augure, ce n’est sans doute pas fini, bien malheureusement.

Maintenant, il est inutile de ressasser le passé, il faut regarder devant. A titre personnel, n’ayant plus d’outil de travail, ce ne sera évidemment pas simple.  En effet il n’est plus possible matériellement d’envisager une réouverture. Aussi il faudra de l’imagination et de l’énergie pour trouver des solutions de remplacement. Il n’est pas question de baisser les bras. Bien que meurtri par la violence des événements, l’esprit cogite à 100%, il est accompagné d’une solide volonté.