Self défense et notamment défense contre armes

Cet article est un peu plus long que ceux proposés habituellement ; le sujet le mérite.

C’est un secteur délicat en matière de self défense que celui des défenses contre armes. Toute agression l’est et à fortiori lorsque c’est à « main armée ».

Les conseils et les moyens de se défendre fleurissent sur les réseaux. Certains sont intéressants parce que frappés du bon sens, d’autres plus « originaux ».

Pour ma part, je me contenterai de prodiguer quelques recommandations  issues de mon expérience, non pas en tant que familier des combats de rue (très loin de là), mais tout simplement comme professeur qui enseigne depuis plusieurs décennies et qui a collecté  un nombre important de témoignages rapportés par des personnes (hauts gradés ou pas, jeunes ou plus âgés, hommes ou femmes) qui ont pu se sortir indemnes d’agressions .

Les quelques lignes qui suivent sont  donc le fruit d’expériences, de témoignages et… du simple bon sens.

Commençons par le bon sens et l’évidence avec des conseils qui s’appliquent – si on le peut –  à toute forme d’agressions

D’abord en évitant les endroits à risque, ensuite en favorisant la fuite (nul ne connaît l’issue d’un affrontement). Si celle-ci n’est pas possible, entamer un dialogue, une négociation. Lorsque malheureusement l’affrontement est inévitable,  il faut d’abord savoir que tout le monde n’a pas la même  lucidité dans ces moments. Nous ne sommes pas tous égaux psychologiquement lors d’une agression.

Pour savoir comment on réagit face à une telle situation, il faut avoir une expérience en la matière ; si tel n’est pas le cas, il est totalement déconseillé de se tester de son propre chef  dans de telles conditions, c’est juste inimaginable (et répréhensible).

Lorsque l’on est professeur, mettre en garde ses élèves sur les dangers et les multiples conséquences d’une agression est obligatoire. On doit aussi se souvenir que la meilleure victoire est celle que l’on obtient sans combattre ; il ne s’agit pas de lâcheté, mais d’intelligence.

Quand l’affrontement est inévitable, entrent en ligne de compte plusieurs éléments : la maîtrise technique, les automatismes, une bonne condition physique qui ne gâchera rien, la lucidité (dans un contexte de stress énorme) et aussi (on n’en parle pas souvent) la chance !

La maitrise technique sera acquise par l’apprentissage et le perfectionnement, pour les automatismes ce seront des centaines et des centaines de répétitions. Concernant une bonne condition physique et une tonicité correcte, la régularité dans la pratique fera la différence. Quant à la chance…

Cette régularité et longévité dans la pratique seront assurées par le fait d’ajouter de l’intérêt dans un enseignement et une pratique qui ne devra pas se limiter au simple côté utilitaire. Même si le principal critère dans l’étude d’une technique, c’est son efficacité, cela ne doit pas être le seul. Tout du moins c’est mon point de vue et la conception que j’ai de mon métier.

Enseigner c’est permettre de s’élever techniquement, mais aussi physiquement et mentalement.

Améliorer le corps et l’esprit : apprendre à réfléchir, ce n’est pas inutile !

Tous ces conseils et ceux  qui suivent, sont encore plus vrais quand il s’agit d’attaques avec une arme ; surtout lorsqu’il est question d’objets tranchants. Par exemple, le couteau exclut bon nombre de projections, celles-ci imposant un contact incompatible avec l’acier tranchant ou piquant.

Parer ou bloquer l’attaque représente l’évidente première phase.  La deuxième étant le coup (l’atemi) – ou plusieurs – pour fixer, stopper et déséquilibrer l’adversaire.  Enfin, pour finaliser face à une arme blanche, la maîtrise des clefs est indispensable, à moins d’être persuadé que l’utilisation des coups sera d’une radicalité permettant de se passer de l’étude des contrôles en clef de soumission ; cet état d’esprit s’apparente peut-être à une forme de présomption !

Je finirai cet article avec quelques exemples  qui sont autant de témoignages  recueillis auprès de personnes que j’ai fréquentées et qui ont été victimes d’agressions (notamment avec armes). Grâce à leur technique, elles ont pu se sortir d’affaires.

Il y a d’abord ce haut gradé dans la police et dans le ju-jitsu qui a pu, grâce à un waki-gatame, maîtriser un individu qui lui brandissait un revolver sur le front. Puis cette ceinture noire féminine qui a sorti un importun de la rame de métro avec un tai-sabaki (déplacement du corps). Ensuite un « presque débutant », au moment des faits, qui a désarmé un agresseur muni d’un tesson de bouteille, en utilisant une clef au bras très basique (ude-gatame). Ce septuagénaire haut gradé – mais septuagénaire quand même – qui a « confisqué » le revolver d’un voleur de portefeuille avec un contrôle au niveau du poignet ; certes il s’agissait d’un jouet mais la victime potentielle l’ignorait. Enfin, je termine avec ce monsieur qui, juste après sa première leçon,  a réussi à se débarrasser d’un voleur de sacoche dans le métro en  appliquant une technique qu’il venait de répéter quelques minutes plus tôt.

Il y a bien d’autres exemples ; et puis il y a ceux et celles qui témoignent qu’à partir du moment où ils ou elles ont commencé à pratiquer, ils ne se sont plus jamais fait embêter, alors que c’était fréquemment le cas avant. Cela s’explique assez  facilement par une certaine assurance qui émane de la personne possédant quelques moyens de ne pas subir.  L’assurance en question étant  ressentie par l’agresseur qui  n’insistera sans doute pas, n’étant pas un exemple de courage de par sa nature. Cependant il ne faut pas tout miser sur cette assurance.

Enfin, je finirai par un clin d’œil à l’attention de ceux qui affirment que leur méthode est la meilleure, tout en critiquant parfois les autres, en leur soumettant l’idée qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises méthodes, à partir du moment où l’on étudie toutes les formes de ripostes à toutes les situations d’attaques et que toutes les « armes naturelles » du  corps sont utilisées. Par contre, il y a des bons et des moins bons professeurs et des élèves avec des qualités et des compétences naturelles moins développées ; ce sont d’ailleurs  souvent ceux-là  qui persistent et progressent le plus.

Une toute dernière recommandation : le package « sachez vous défendre en quelques séances », et bien ça n’existe pas. Etude, perfectionnement, entraînement et répétitions sont les uniques recettes, non pas de l’invincibilité, elle n’existe pas, mais pour cultiver et augmenter un potentiel naturel.

Réflexions sur le ne-waza

Réflexions sur le travail au sol avec un article qui vient en complément de celui paru dernièrement (blog, 17 novembre).

Quelles sont les raisons qui font que l’on se retrouve au sol ? Pourquoi la pratique du ne-waza (me) semble indispensable ? Comment l’apprécier ?

Les raisons de se retrouver au sol sont différentes selon que cela se passe en judo (ou d’autres sports de combat) ou bien en  ju-jitsu self-défense, en cas d’agression.

Cependant, beaucoup de technique, de formes de corps et d’aptitudes sont communes.

L’apprentissage l’est aussi, en l’occurrence concernant les fondamentaux et les méthodes d’entraînement.

Si en situation de self défense tout est permis(dans la limite de la légitime défense), en revanche en sport il y a un règlement.

Revenons à la question initiale : comment arrivons nous au sol ?

Dans la rue, on ne s’y met pas spontanément.  En compétition, pour le judo, par exemple, le combat commence debout et peut se poursuivre au sol.

Lors d’une agression plusieurs raisons peuvent nous y conduire, malgré nous ou quelquefois volontairement. Contre notre volonté par une perte d’équilibre due à une poussée, un coup mal paré ou tout simplement une malencontreuse glissade.

Volontairement quand on souhaite amener l’adversaire sur un terrain où il sera plus facile de le maîtriser en évitant des conséquences ultimes, c’est-à-dire sans mettre ses jours en danger, et/ou parce qu’il sera dans un secteur technique moins favorable.

En judo, c’est un atout souvent négligé. Parfois à cause de certaines règles d’arbitrage qui limitent son utilisation. Bien évidemment, c’est dommage.

S’il est vrai que pour les néophytes le ne-waza est moins spectaculaire que le travail debout, pour les initiés, il est tout aussi intéressant.

Côté efficacité, toujours en sport, elle est incontestable ; soit en liaison debout-sol, soit, au contraire, pour se sortir d’une mauvaise situation lorsqu’on y a été amené malgré soi. Sans oublier que lorsque votre réputation de spécialiste en ne-waza est faite, l’adversaire peut être habité par un doute, au cas où sa technique debout n’aboutirait pas : la peur du contre en ne-waza.

Comment aimer ce secteur et comment y progresser ? Tout simplement en le pratiquant intensément. Cela semble une évidence, mais plus particulièrement dans ce domaine.

Comme dans tout enseignement, la principale qualité d’un professeur c’est de se mettre au niveau de ses élèves, Souvent « c’est compliqué de faire simple », c’est encore plus vrai dans le ne-waza. Parfois le problème est pris à l’envers avec l’enseignement de techniques très « sophistiquées », sauf que les outils pour les maîtriser et les apprécier ont été oubliés au vestiaire.

Donc pour aimer le sol, il faut progresser et pour progresser il ne suffit pas d’apprendre des techniques, il faut les répéter et les renforcer avec des méthodes d’entraînements. Avec ce qu’on appelle des éducatifs – seul ou à deux -, avec des exercices spécifiques d’opposition dans lesquels la priorité sera donnée à l’initiative et bien évidement les randoris. Ceux-ci ne devant pas être les seules méthodes d’entraînement.

Dans ces randoris qui doivent être pratiqués avec un état d’esprit exemplaire, toute brutalité est exclue. Maîtriser sans blesser. La notion de jeu doit être présente. Arrivé à un certain niveau, on pratique avec un réel plaisir pour peu que cela se fasse avec des partenaires dotés du même état d’esprit.

On éprouvera alors beaucoup de satisfactions, en plus d’acquérir une efficacité inestimable et une excellente condition physique.

Tori et Uke, amis pour la vie 

Tori et Uke sont deux personnages bien connus des pratiquants d’arts martiaux et notamment des jujitsukas. Pour les novices et afin de faciliter les présentations, nous pourrions expliquer que dans ce couple d’inséparables, Tori incarne « le gentil » et Uke « le méchant ».

Cette définition, même si elle facilite l’identification des rôles, est un peu simpliste dans la mesure où les deux protagonistes, dans ces positions interchangeables, sont complémentaires et non pas adversaires. Sans Uke, Tori n’existe pas. Dire que c’est Tori qui conclut une action est plus juste pour signifier les implications respectives.

Une traduction littérale nous révèle que Tori est celui qui « prend » ou « choisit » et Uke celui qui « reçoit » ou « subit ».

Dans la connivence qui unit ces deux personnages, il n’existe aucune rivalité, ils doivent être continuellement en quête d’une parfaite osmose.

Bien souvent c’est Tori qui attire davantage l’attention et le rôle d’Uke n’est  pas toujours considéré à sa juste valeur et parfois même il peut paraître ingrat. Or, son rôle est déterminant. C’est grâce à lui que Tori réalise ses progrès, qu’il peut ouvrir et élargir son champ des connaissances.

En plus d’une parfaite maîtrise de la chute,  Uke doit être capable d’adopter toutes les situations, les postures et les réactions qui peuvent se présenter à son partenaire. Il se doit d’être d’une disponibilité corporelle totale, malléable à souhait, dans le bon sens du terme. Il doit «jouer le jeu ».

Pour parfaitement maîtriser une technique ou un enchaînement, il est indispensable de pouvoir les répéter des dizaines, des centaines, des milliers de fois. Imaginons un seul instant le faire sur un mauvais partenaire, pire encore sur un partenaire qui résiste systématiquement ! Pas de répétition, pas de progrès.

Le rôle d’Uke étant déterminant, il serait presque préférable d’être d’abord un bon Uke avant de devenir un bon Tori.

Au-delà de cette constatation, somme toute assez logique, par l’intermédiaire de ce billet, c’est l’occasion de rendre hommage à ces personnages et de rappeler qu’entre eux il n’y a ni vainqueur ni vaincu, mais une victoire commune, celle de la conquête du savoir.

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Les grades

Martial arts black belt knot

La semaine dernière, avec une actualité un peu compliquée, il n’y a pas eu l’article technique hebdomadaire. On se rattrape dès ce lundi avec quelques lignes consacrées aux grades.

Dans les arts martiaux, les grades occupent une place importante. Cependant, il ne faut ni les surévaluer, ni les négliger.

Ils permettent de situer le niveau de maîtrise technique et d’ancienneté dans la pratique, mais aussi d’évaluer le parcours du pratiquant, cela en fonction de la couleur de la ceinture qu’il porte autour de la taille.

Au début, les ceintures de couleur n’existaient pas, seules la blanche, la marron et la noire « tenaient » la veste du judogi. C’est à l’initiative de Maître Kawaishi , lorsqu’au milieu du siècle dernier il prit en main le judo français, que les ceintures de couleur ont fait leur apparition. Il avait bien compris l’esprit européen (et français en particulier) toujours friand de reconnaissances à arborer.

Jigoro Kano, fondateur du judo en 1882, a souhaité hiérarchiser les valeurs pour l’accession à ces différents niveaux avec le fameux « shin-gi-tai » ! Ce qui signifie : l’esprit, la technique et le corps. L’ordre établi n’est pas le fruit du hasard. L’esprit (le mental) arrive en premier, il nous habite jusqu’au bout. Ensuite, il avait placé la maîtrise technique, que l’on peut démontrer assez longtemps et enseigner tout le temps. C’est assez logiquement que le corps (le physique) arrive en dernier, avec l’âge, même si on en prend soin, le déclin est inéluctable.

L’expérience qui m’anime me fait dire qu’il y a deux ceintures très importantes dans la vie d’un budoka : la ceinture jaune et la ceinture noire. La ceinture jaune, tout simplement parce que c’est la première et la ceinture noire parce que, malgré tout, elle représente toujours un symbole très fort. Une sorte de graal !

Cependant, il ne faut pas oublier qu’elle n’est pas une finalité, mais simplement une étape importante. Elle est une belle récompense, la preuve d’une pratique qui s’est inscrite dans la durée, synonyme de rigueur. Cependant, elle doit représenter aussi un contrat signé avec l’art martial que l’on pratique et… avec soi-même. Un engagement qui signifie, qu’à partir de son obtention, s’impose le devoir de ne  jamais abandonner les tatamis, sauf cas de force majeur.

Les grades sont des encouragements à ne pas lâcher la pratique et même à la renforcer dans la dernière ligne droite de chaque préparation.

Dans un dojo, l’idéal est de retrouver tout le panel. Si un club « n’affiche » que des ceintures foncées, on peut se poser la question de la place réservée aux débutants. A l’inverse, s’ils n’y a pas de hauts grades, il est légitime de se demander si l’enseignement est adapté pour accueillir les « ceintures noires de demain ».

Certains assimilent les grades à des « hochets », ou bien leur donnent une connotation militaire et les négligent. Il est tout à fait possible de pratiquer et de s’en passer, mais nous sommes dans un système où ils existent et nous devons les accepter et les respecter. Même si parfois on peut s’interroger légitimement sur quelques attributions cocasses.

Peut-être que leur valeur prend vraiment son sens par rapport à l’organisme ou à la personne qui les décernent. De toute façon, arrivé à un certain niveau, le pratiquant ne peut pas tricher avec lui-même.

Quoiqu’il en soit, l’obtention d’un grade (mérité) provoque une grande satisfaction pour l’ensemble des pratiquants d’arts martiaux. Ne seraient ils qu’une motivation supplémentaire à poursuivre la pratique, leur utilité serait démontrée.

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Le randori

Il y a quelques semaines j’avais consacré un article aux méthodes d’entraînement. Parmi elles, il y a le randori, l’équivalent en boxe de l’assaut que l’on nommait aussi « l’assaut courtois », il y a un certain temps.

Le randori, ou l’assaut, c’est un peu la récompense de fin de séance. C’est le moment où l’on peut tester nos techniques dans un système d’affrontement très codifié et axé sur l’initiative, c’est-à-dire sur l’attaque ; l’aspect ludique ne doit jamais être absent de ces joutes respectueuses  avec lesquelles on perfectionne aussi la défense, puisqu’il est nécessaire de tenter d’esquiver les initiatives du partenaire.

Malheureusement, trop souvent le randori  est quelque peu dénaturé et confondu avec le « shai », c’est-à-dire le combat, la compétition (en judo, par exemple). C’est dommage. Ceci étant tout dépend des objectifs, ceux-ci ne sont pas les mêmes selon que l’on se situe dans une pratique loisir ou bien à l’occasion d’entraînements  de haut-niveau ; même si à ce stade là il devrait -aussi – être indispensable de ne pas négliger cet exercice.

En ju-jitsu on peut le pratiquer dans le domaine des coups (atemi-waza), des projections (nage-waza) et du sol (ne-waza).

Le but du randori est avant tout de se perfectionner et d’essayer (en fonction du secteur dans lequel on souhaite le faire) de « passer » des techniques, d’aboutir et de résoudre différentes situations d’opposition ; pour les projections, de tenter de faire tomber un partenaire qui s’oppose intelligemment. C’est volontairement que j’utilise le mot de partenaire et non pas d’adversaire. Du latin par (avec) et ad (contre).

C’est-à-dire que dans le randori, le partenaire travaille avec moi et non pas contre moi, il m’aide à progresser en proposant une opposition raisonnée, m’obligeant à travailler ma vitesse d’exécution, ma réactivité, ma condition physique, mais aussi – fatalement –  un système de défense axé exclusivement sur les esquives et non pas à l’aide de blocages qui annihilent toute initiative et par conséquent tout progrès. Imaginons deux joueurs de tennis à qui on « confisque » la balle !

Dans certains randori de projections ont peut même exclure toute technique de « contre direct » et n’autoriser que les contres répondant à l’appellation « sen o sen » (l’attaque dans l’attaque). Le contre peut faire des dégâts physiques, mais aussi phycologiques en  limitant les initiatives de peur de subir un contre ravageur ; ce qui limitera obligatoirement les progrès.

Il y a très longtemps je bénéficiais de l’enseignement d’un professeur de boxe française, Marcel Le Saux, qui comparait l’assaut poing-pied à une conversation. Chacun s’exprimant à tour de rôle en développant ses arguments, évitant de parler en même temps et trop fort, pouvant couper la parole poliment si l’opportunité se présente, mais surtout en ne proférant ni invective, ni grossièreté. Belle métaphore !

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La loi du plus fort ?

En sport, cela peut paraître étrange d’affirmer que lorsque c’est le plus fort qui gagne et que l’échelle des valeurs est respectée, un manque d’intérêt peut se manifester. Mais finalement, pas tant que cela.

D’abord, assister au renversement de l’ogre par le « le Petit Poucet » est toujours sympathique, et pour ce qui concerne les disciplines de combat comme le judo, que les principes de bases et les techniques affutées permettent à David de triompher de Goliath l’est tout autant et même davantage.

Avant l’instauration des catégories de poids, le petit qui projetait le grand participait à la « magie du judo ». Ces catégories ont eu aussi comme conséquences ( la compétition dénature forcément quelque peu l’art martial ) de déshabituer les pratiquants les plus petits à utiliser des techniques et des stratégies permettant de se défaire des plus grands et des plus lourds.

Même si les catégories de poids ont permis à davantage de combattants de s’exprimer, elles ont retiré un peu de l’exaltation que procurait le fait de voir le moins fort (physiquement) triompher.

Cependant, il n’était pas question de magie, mais de techniques affûtées, ciselées et surtout de principes dans lesquels était offerte la possibilité que la force de l’adversaire se retourne contre lui. Et plus cette force était importante, plus le « retour » était efficace.

Lorsque l’on ne bénéficie pas de suffisamment de puissance, se servir de celle de l’adversaire semble être du bon sens. Encore faut-il savoir le faire, faut-il l’avoir appris ! C’est d’autant plus important que si ces préceptes permettent – aussi – de se sortir d’une mauvaise situation en cas d’agression, leur transposition dans la vie sociétale qui ferait que le chêne rompe, mais pas le roseau, que la force se retournerait contre celui qui l’utilise, l’espoir d’une société plus juste renaîtrait sans doute !

La compréhension de tels principes et l’assimilation des ces techniques réclament de la patience, cette qualité ne caractérise pas une époque dans laquelle l’immédiateté semble devenir la règle, et la patience obsolète.

La photo qui illustre cet article (extraite d’un magazine de l’époque) à été prise lors de la finale des championnats d’Europe toutes catégories à Paris en 1955. On peut traduire (approximativement) la légende de la façon suivante : Geesink en « Hollandais volant » contre son gré. Son adversaire qui le « travaille » si bien dans les airs est le très petit judoka français Bernard Pariset.

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Souvenirs d’une jolie préface

Christian Quidet (1932-2010) a été un très grand journaliste spécialisé dans le sport et notamment dans le judo. Dans les années 1970 il a aidé cette discipline à franchir la barrière des médias.

Dans les années 1980 Il a occupé le poste de  directeur des sports sur « Antenne 2 », l’ancienne appellation de France 2.

Nos disciplines martiales l’intéressaient énormément, il leur a consacré un magnifique ouvrage : « La fabuleuse histoire des arts martiaux ».

En 1985, avant la parution de mon premier livre, je lui avais demandé s’il voulait bien m’honorer d’une préface ; il a accepté spontanément.

A  l’attention de ceux qui ne connaissaient pas ces quelques belles lignes, c’est avec plaisir, et humilité, que je les mets à nouveau  en ligne. Cette préface est toujours d’actualité, il me semble.

Voici ces quelques mots :

« La publication d’une progression française de ju-jitsu est un acte plus important qu’il n’y paraît. C’est la restauration, en France, du trésor des samouraïs qui, au fil de l’histoire, ont porté l’art du combat individuel à un degré de perfectionnement et de raffinement unique au monde.

Cette version moderne de la self-défense japonaise, présentée par Eric Pariset, met à la disposition des éducateurs sportifs une méthode claire, précise et efficace.

Elle offre à celles et à ceux qui s’en inspirent un bagage technique inestimable. Non pour leur apprendre à se battre mais pour dissuader les autres d’attaquer.

C’est en ce sens que je crois beaucoup à la vulgarisation de la self-défense dans notre pays. Comme un remède à l’agressivité qui enlaidit notre société actuelle.

Je félicite Eric Pariset de s’être intéressé et de s’être spécialisé dans le ju-jitsu qui est le meilleur complément à la pratique du judo.

Le ju-jitsu ne doit pas être mis entre toutes les mains et ne peut être enseigné valablement que par ceux qui ont adhéré à l’esprit de son fondateur, le maître Jigoro Kano.

Eric Pariset est de ceux-là. Il a été élevé dans une famille où les arts martiaux étaient considérés comme un Art et pratiqués comme une passion. Son père, Bernard Pariset, a participé au premier championnat du Monde au Japon en 1956 et a obtenu une superbe quatrième place. Plusieurs fois champion d’Europe il a légué, comme  les maîtres japonais d’autrefois, son savoir et sa sagesse à Eric.

Ceinture noire, 5e Dan de Judo-Ju-Jitsu, Eric Pariset a été champion d’ile de France de Judo en 1983.

Il s’est ensuite spécialisé dans les démonstrations de Ju-Jitsu et de self-défense pour devenir, à   31 ans, le meilleur spécialiste français de cette discipline.

« N’enseigne pas toute ta science à ton élève, qui sait s’il ne deviendra  pas un jour ton ennemi ».

Fort heureusement, Eric Pariset n’a pas appliqué cette devise  chère aux anciens Maîtres d’armes japonais.

Je l’en remercie et j’espère que vous serez nombreux à profiter de sa générosité.»

Christian Quidet.

Responsable du service des Sports d’Antenne 2*

Avril 1985.

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Katas et critères de jugement

Les katas
L’article technique de cette semaine est consacré aux katas.

Quelques récentes conversations avec des professeurs et des élèves font ressortir un certain trouble concernant les critères de jugement qui y sont attachés. Ça génère de la perplexité, quand ce n’est pas du découragement de la part de ceux qui se font recaler.

Il n’est donc pas inutile de revenir aux premières raisons d’être des katas qui ne doivent pas devenir des « machines à recaler ». Les quelques lignes qui suivent ne sont que l’émanation de mon point de vue. « L’évolution vient du partage des opinions ».

On traduit kata par le mot « forme ». Pour plus de clarté on peut ajouter « imposée ».
Ils sont des moyens d’apprentissage, des méthodes d’entraînement, ils permettent la codification, la transmission et même la sauvegarde des techniques et des principes de bases. Ils sont les garants de nos traditions.

Malheureusement, considérés parfois comme des  « passages obligés » pour accéder au grade supérieur, ils ne sont abordés que dans cette optique ! Qu’ils intègrent un ensemble de contenus techniques d’évaluation, cela semble juste, mais leur utilité est plus importante que cela, heureusement.

Les katas permettent de rassembler les techniques par famille et/ou par thème et de leur faire traverser les âges, ce sont aussi de formidables méthodes d’entraînement.  En effet, ils représentent souvent un combat (le goshin-jitsu-no-kata notamment), certes un combat codifié pour des raisons évidentes de sécurité, mais il s’agit bien du reflet d’un affrontement ;  en conséquence, les attaques de Uke doivent être sincères et fortes de façon à ce que les ripostes de Tori le soient tout autant, mais aussi qu’elles soient  réalistes et donc efficaces.

Pour les judokas, certains katas sont aussi l’occasion d’étudier des techniques « oubliées »,  interdites en compétition.
Le kata est également un exercice de style, certaines attitudes doivent être respectées. C’est le « plus » des arts martiaux.

Ils sont aussi, tout simplement, une addition de techniques intéressantes à pratiquer une par une. Il n’est pas nécessaire d’attendre que se profile à l’horizon un examen pour commencer à les étudier.

Lors de l’exécution d’un kata, à l’occasion d’un examen, l’évaluation doit se faire, avant tout sur l’efficacité des ripostes de Tori, qui répondent aux attaques d’Uke dont la sincérité doit être incontestable.

Ensuite, puisqu’il s’agit de formes imposées, il est indispensable  de respecter l’ordre de la présentation, les déplacements et emplacements. Enfin il faudra être attentif à l’attitude générale dans laquelle doivent être exclus désinvolture et relâchement corporel.

Cependant, un problème et un mystère demeurent et entourent les katas : il s’agit de ces incessantes modifications dont ils sont les victimes de la part des organismes « officiels ». Cela a pour effet de décourager les élèves, de désorienter les professeurs et le jury, allant jusqu’à discréditer ces exercices.

En conclusion, pour faire apprécier le kata, il suffit simplement de le présenter comme une partie intégrante de la pratique  et non pas comme un passage imposé pour l’accession à un grade supérieur.

Enfin, dans la formation des juges, il est indispensable d’une part d’harmoniser ces katas et d’autre part de hiérarchiser les critères de jugement. Certaines fautes sont rédhibitoires : celles qui touchent à l’efficacité (comme déjà indiqué plus haut) , d’autres pas, d’où la nécessité que les jurys soient formés pour nuancer leurs appréciations, en fonction de différents paramètres : âge, grade postulé, etc.

En vidéo, le goshin-jitsu présenté en 1956 par Maitre Tomiki, son créateur. Lorsqu’on visionne cette prestation, il y a de quoi démystifier quelque peu les katas et rendre plus tolérants les jurys contemporains.

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Cinq E du ju-jitsu

Efficacité, Éducation, Élévation, Esthétisme et Épanouissement

Voilà les quelques  E que j’ai trouvés dans la forme de ju-jitsu que j’enseigne et que j’ai démontrée avec plaisir, passion et professionnalisme.

Efficacité. Elle est indiscutable, et plus rapidement qu’on pourrait l’imaginer. Toutes les situations sont étudiées et l’ensemble des armes naturelles du corps sont utilisées. L’efficacité d’une discipline tient à sa vocation et à sa composition, mais aussi à celui qui l’enseigne et à ceux qui la pratiquent. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises disciplines, mais des professeurs plus ou moins compétents et des élèves plus ou moins « réceptifs ».

Education. Si le ju-jitsu est une méthode de défense efficace, c’est aussi une méthode d’éducation physique et mentale. Il permet d’améliorer la tonicité, la condition physique, mais aussi d’autres qualités comme la coordination, les automatismes, etc. Pour l’éducation mentale, là aussi le rôle du professeur est capital. Le professeur est aussi un  éducateur. Il doit construire une méthode de défense et permettre de développer des qualités de maîtrise, de contrôle et de bonne conduite en société.

Élévation. Dans la suite du paragraphe précédent. Il s’agit d’élever le niveau technique et le niveau  mental. Sur le plan technique on recherchera le perfectionnement, en n’hésitant pas à peaufiner les techniques apprises et en ayant comme objectif de les améliorer en ne se satisfaisant pas de l’acquis. Ne pas rechercher l’évolution, c’est stagner et puis régresser. On recherchera le détail, le moment opportun, la parfaite coordination. Sur le plan mental il  est aussi question  de s’élever, de renforcer sa volonté, son esprit, ce qui permettra d’être en capacité d’affronter non seulement d’éventuelles agressions physiques, mais aussi de plus facilement faire face à celles que l’on rencontre dans la vie en général. S’élever mentalement, c’est aussi être plus réceptif et apte au dialogue.

Esthétisme.  Sur un plan purement efficace, quand on sauve sa vie, on ne s’en soucie guère, mais dans la pratique, la recherche du beau, dans certaines techniques qui le permettent, n’est pas inutile. En plus d’offrir une  satisfaction personnelle, elle demande des efforts techniques, physiques et mentaux qui serviront aussi à se renforcer sur le plan de l’efficacité pure, tout est intimement lié.

Épanouissement. Enfin, les quatre paragraphes précédents conduiront inévitablement à un épanouissement général, pour se trouver bien dans son corps et bien dans sa tête. Une vie en société avec des gens épanouis ne peut qu’aller mieux.

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Ko-uchi-gari

L’article hebdomadaire est consacré à Ko-uchi-gari

Ko-uchi-gari se traduit par petit fauchage intérieur. Petit fauchage, mais grande technique, en tout cas pour moi. En judo, ce fut mon « spécial ».

Un spécial, c’est la technique que l’on maîtrise le mieux, forcément on l’affectionne. Le contraire n’est pas forcément vrai, on peut aimer une technique sans pour autant la maîtriser parfaitement. On l’aime parce qu’on la trouve efficace et esthétique et c’est justement l’envie de progresser dans son exécution qui nous fait l’apprécier.

Pour revenir à ko-uchi-gari, elle s’applique en ju-jitsu, avec quelques belles opportunités, mais c’est vrai qu’elle occupe plus de place en judo. Elle peut être une finalité, j’en atteste, mais elle est aussi utilisée pour provoquer des réactions qui amènent à placer une technique de plus grande amplitude comme uchi-mata, par exemple. Pour ce qui est d’être une finalité, elle a sa place en enchaînement ou encore mieux en feinte d’une technique sur l’avant. Exemple avec ippon-seoi-nage et ko-uchi-gari-maki-komi.

Elle possède des variantes, à l’instar d’autres techniques. Elle se fait principalement en « gari », c’est-à-dire en fauchage, mais elle peut se faire en « gake » (accrochage) et en baraï (balayage). Quant à la position des mains, différents « kumi-kata » (prise de garde) sont possibles, en fonction des techniques pratiquées sur l’avant.

Cette projection ne demande pas de puissance, mais de la rapidité, de la précision, et une certaine agilité. Une petite anecdote à son sujet, avec la réflexion d’un ami qui s’est exclamé à mon sujet : « Ce n’est pas un pied qu’il a, c’est une main ».

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