Certains s’habituent à ce confinement, ce serait mentir d’affirmer qu’il en est de même pour moi et sans doute pour d’autres ; par conséquent je n’ajouterai pas un mensonge supplémentaire en affirmant que tout va bien, des mensonges, des incohérences et autres annonces non suivies des faits, nous n’en manquons pas ces derniers temps.
C’est toujours une étrange ambiance qui règne dans les rues de nos villes pétrifiées et plus largement dans nos vies abîmées. Nous voilà au début de la quatrième semaine de confinement et à l’extérieur c’est encore un silence assourdissant qui nous empoigne, lorsque nous sortons quelques minutes pour éviter, en plus, de mourir de faim. A l’intérieur l’inquiétude ne nous lâche pas, avec des infos toujours angoissantes sur fond de matraquage anxiogène et culpabilisant.
Certes, il semble que n’existaient pas d’autres solutions (?) en dehors de ce confinement absolument surnaturel aux conséquences ravageuses.
Je n’ai pas honte d’avouer que je ne le vis pas facilement ; assurément je ne dois pas être le seul, mais il y a sans nul doute plus à plaindre que moi. D’ailleurs certains témoignages relatant des événements du passé nous demandent de relativiser notre situation, mais est-il sain de se satisfaire d’une souffrance au prétexte qu’il y a pire ? Il y a toujours pire malheur, mais le malheur n’est pas un but en soi ; le combattre certainement, s’y complaire sûrement pas.
Je vis mal ce moment, pour plusieurs raisons qui sont davantage liées à une certaine incompréhension, qu’à une forme de désespérance.
Premièrement, comme indiqué plus haut, peut-être qu’avec davantage d’anticipation cette situation aurait pu être évitée et par là même l’extension de la maladie. Sans oublier qu’avec un service hospitalier abîmé comme il l’est depuis des années, il semble héroïque de combattre le mal.
Deuxièmement, à titre personnel, c’est seul que j’assume cette épreuve, séparé de mes proches. Loin de moi l’exposition d’un larmoiement personnel indécent et d’un apitoiement déplacé sur mon sort. Il s’agit juste d’un fait. Et puis, on ne s’apitoie pas, on réagit. De la souffrance, il y en a au quotidien et depuis bien longtemps et dans beaucoup de secteurs. Il n’existe pas une famille qui n’ait pas traversé d’épreuves.
Troisièmement, existe l’inquiétude quant aux conséquences économiques. Elle est parfaitement fondée dans la mesure où il paraît inévitable que ces suites seront néfastes pour ne pas dire catastrophiques sur bien des plans, peut-être plus graves que le virus lui-même. C’est malheureusement les plus faibles et ceux qui sont dans les situations les plus précaires qui, une fois de plus, en pâtirons. Pour beaucoup il y a la peur de se retrouver sans travail, elle n’est pas honteuse. On peut ajouter à cela une suspicion quant à certaines promesses !
Quatrièmement, je suis plutôt un homme d’action qui n’aime pas trop « rester en place » et force est de constater que c’est assez compliqué en ce moment, même si je ne m’ennuie jamais, entre lecture, écriture, télé (sauf chaînes d’infos en continu), contacts via les différents moyens de communication. Je n’oublie pas un minimum d’activités physiques, forcément relativement minces dans un petit appartement. Nous n’avons pas tous les mêmes conditions de confinement. Être dans l’action, c’est aussi être utile, mais dans quel secteur ?
Et puis, il y a cette perte de liberté, peut-être indispensable (?) sur le fond, mais dérangeante dans la forme.
Enfin cinquièmement, cela peut paraître dérisoire, mais pour les confinés des villes et amoureux de la nature, il y a ce manque de verdure et de chlorophylle. Certains psychologues les jugent bénéfiques.
Il faut espérer sortir indemne (physiquement et surtout psychologiquement) de cet enfermement, surtout s’il s’inscrit dans la durée. D’ailleurs, cette incertitude quand à une « remise en liberté » est un facteur négatif supplémentaire.
Je sais qu’au regard de ceux qui souffrent dans leur chair, ces remarques peuvent paraître décalées, c’est pour cette raison que je les pondère avec une expression positive en confiant que si j’ai quelque peu « fendu l’armure », c’est celle d’un samouraï qui – malgré tout – ne renoncera jamais et ne sombrera pas dans un désespoir malsain. Que cette épreuve, une fois vaincue, puisse nous rendre plus forts, je l’espère ; différents, sans nul doute. J’espère surtout qu’elle nous attribuera un autre regard sur bien des personnes et modifiera certains comportements.
eric@pariset.net
Bonjour Monsieur Pariset,
Je vous engage vivement à poursuivre dans l’envoi de vos textes.
C’est toujours un plaisir et loin d’être l’expression d’un monde clos, je trouve qu’ils aspirent à un certain universalisme, à une humanité qui parfois, le coronavirus le démontre encore, manque si cruellement.
Un regard critique est salutaire en démocratie.
C’est son absence qui inquiète.
Aussi, à mon humble sentiment, je vous invite à persister.
Bien à vous