D comme Dojo, première partie

Nous continuons la déclinaison de mon alphabet avec aujourd’hui la première partie de le la lettre D. D comme dojo, bien naturellement.

Aujourd’hui, c’est la première partie de l’article que je propose. En effet, en plus de ma conception du dojo de manière générale, j’ai choisi trois lieux qui m’ont particulièrement marqué. Je commencerai avec la Club Français de la Rue des Martyrs.

Un DOJO n’est pas simplement un lieu où l’on transpire, c’est aussi un endroit dans lequel on s’inspire. Il doit y régner une ambiance particulière qui n’est pas celle d’une simple salle de sports, on doit y apprendre « quelque chose » de plus. C’est là que l’on est censé « trouver sa voie », celle qui permettra de s’élever sur un plan technique et mental, celle qui apprendra la vie. Les arts martiaux, enseignés et pratiqués comme ils doivent l’être, ne sont-ils pas considérés comme une « Ecole de vie » ? Malheureusement, ce n’est pas toujours la réalité quand certaines conditions n’existent pas. D’abord, et nous n’y pouvons rien, certains équipements municipaux sont destinés à plusieurs disciplines sportives autres que les arts martiaux, privant ainsi le lieu d’une certaine identité propice à l’étude bien particulière de nos disciplines. Ensuite il y a ce que l’on peut appeler « l’esprit », celui qui est inculqué par le « maitre des lieux », à savoir le professeur. C’est à lui qu’incombe la responsabilité de faire en sorte que les élèves trouvent leur voie, sur le plan technique, mais aussi sur le plan mental, comme indiqué plus haut. Trouver la voie, c’est trouver le chemin qui mène aux progrès techniques et à la sagesse comportementale. Faire de sa pratique quelque chose d’utile pour soi et pour les autres. Il ne suffit pas d’afficher le code moral sur un mur du dojo et être ainsi en paix avec sa conscience, il faut aussi le faire respecter. Le dojo, n’est pas un endroit dans lequel seront vénérés quelques divinités que ce soit, mais simplement un lieu où l’on applique les principes de politesse élémentaire et de respect vis-à-vis du professeur et des autres élèves, du plus gradé au moins gradé, mais aussi de l’espace dans lequel nous étudions. Le dojo est un lieu d’étude et de partage.

Des dojos, j’en ai fréquentés beaucoup, que ce soit pour me former, m’entraîner, transpirer et bien sûr enseigner. Dans le cadre du dictionnaire personnel dont l’ébauche est proposée au travers de ce blog et sur les réseaux, j’évoquerai les lieux qui m’ont le plus marqué.

Dans la « version longue » de ce dictionnaire qui devrait prendre la forme d’un livre, il sera aussi question de ceux dans lesquels j’ai exercé mon métier.

Dans cette première version, j’en évoquerai trois. En tout premier le « Club Français », le dojo de la Rue des Martyrs. J’entretiens le suspense concernant les deux autres que vous pourrez découvrir au fil des semaines.

Le Club Français (la Rue des Martyrs, la photo d’illustration représente le dojo dans les années 1950)

Le premier qui s’impose naturellement est donc celui de la Rue des Martyrs, « Le Club français ». Il a été fondé juste à la fin de la seconde guerre mondiale par Roger Piquemal, professeur de sports converti au judo. C’est dans cet endroit que j’ai revêtu mon premier judogi, que j’y ai appris mon métier et que j’ai commencé à l’exercer. Une décennie plus tôt, c’est là qu’en 1947 mon père, Bernard, avait commencé lui aussi le judo, intrigué et fasciné qu’il était, comme beaucoup de ses contemporains, par cette lutte mystérieuse venue d’orient et grâce à laquelle les petits pouvaient faire tomber les plus grands.

Situé en plein centre de Paris, tout en bas d’une rue qui traverse une partie du IXème arrondissement pour se terminer presqu’au pied du Sacré-Cœur, le « Club Français » a été l’un des premiers clubs de judo et de ju-jitsu (on y enseignait également la self-défense !), mais aussi l’un des plus célèbres dans les années 1950 et 1960. Pas seulement au niveau des résultats sportifs mais aussi par rapport à la qualité de l’enseignement et aux nombreuses personnalités qui y ont été reçues et qui ont dispensé leurs connaissances, bref, pour l’ensemble de son histoire. Au commencement, il se nommait le Club Français de jiu-jitsu.

Il faut savoir qu’au début du XXème siècle, ce vaste local avait déjà été une salle de sport. Ce lieu qui devait être, à l’origine, une cour commune à plusieurs bâtiments, puis un lavoir et/ou des écuries, est devenu   un endroit où l’on pratiquait de la « Culture Physique », mais aussi de la Boxe anglaise. Il n’y pas si longtemps le nouveau propriétaire de cette salle, devenue maintenant un cabinet d’architecte, a découvert qu’un ring de boxe y était installé au beau milieu. Quatre plaques de fer rivées dans le plancher et sur lesquelles devaient être fixés les poteaux qui formaient le carré en attestent.

Au milieu des années 1980, alors que j’étais en plein cours, un beau matin une dame âgée qui se promenait dans le quartier, m’informait qu’avant la seconde guerre mondiale la salle appartenait à la famille Rothschild et que tout au fond, dans un espace clos, pour ne pas dire caché, étaient dispensés les tous premiers cours de judo en France. Cette dame m’avait également appris que l’appartement qui surplombait le dojo, et qui avait été successivement celui de Roger Piquemal, puis celui de mon père, était une mezzanine qui accueillait les visiteurs. De cet endroit ils pouvaient assister aux entraînements en toute convivialité.

Fermé durant le second conflit mondial, le local a été repris par Roger Piquemal en 1944. Il en a assuré la direction jusqu’en 1954, l’année de sa disparition. A compter de cette date, c’est mon père qui a pris le relais – et de quelle manière – jusqu’à sa propre disparition en 2004.

A partir de l’âge de cinq ans j’y ai commencé une pratique avec plus ou moins d’enthousiasme. Comme il s’agissait du métier de mon père et que je devais y voir une certaine forme d’obligation, je dois avouer que la passion n’était pas toujours au rendez-vous de ces séances, même si je faisais preuve de régularité.

Ce n’est qu’à l’adolescence que la plus grande partie de ma formation s’est faite. J’y ai exercé mon métier jusqu’en 1989 ; ensuite, j’ai souhaité prendre mon indépendance.

La « Rue des Martyrs » a fermé ses portes en 2005, un an après la disparition de mon père. Ne bénéficiant pas d’issue de secours et devant l’impossibilité d’en créer une, il a fallu se faire une raison, face à des mesures de sécurité de plus en plus importantes, le lieu ne pouvait plus recevoir du public. Plusieurs années après, je ne peux l’oublier.

Aujourd’hui, c’est une talentueux architecte qui a investi les lieux et installé ses bureaux et son appartement.

Comme indiqué plus haut, dans une version longue, je ne manquerai pas d’y ajouter la liste des personnalités qui ont fréquenté ce dojo, mais aussi celles qui ont dispensé leur savoir dans cet endroit qui mérite le qualificatif de « mythique ».

eric@pariset.net

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