O comme Opposition, plus exactement Non Opposition

Aujourd’hui on s’arrête à la lettre O comme Opposition et plus exactement la non-Opposition, principal symbole de notre discipline.

Surmonter l’habitude d’employer la force contre la force est une des choses les plus difficiles de l’entraînement du judo (et du ju-jitsu). On ne peut espérer progresser sans y parvenir. Jigoro Kano

Il serait dommage d’oublier que la non-opposition est « le principe de base » du ju-jitsu, notamment celui de l’Ecole traditionnelle Yoshin Ryu (Ecole du cœur de saule), l’une de celles qui avait largement inspiré Jigoro Kano lorsqu’il a souhaité « ressusciter » notre art martial. Malheureusement certains ont tendance à l’oublier.

Avec la non-opposition, nous sommes en présence d’un principe d’une grande intelligence. Il mériterait de ne pas être simplement utilisé dans les affrontements physiques, mais aussi dans le quotidien. L’opposition frontale ne peut donner raison qu’au plus fort physiquement et dans la société elle ne débouche jamais sur un accord constructif. N’allons pas jusqu’à mettre en avant le dicton populaire suivant : « il vaut mieux céder à l’âne que le tuer », mais on peut s’en inspirer.

Plusieurs principes sont attachés au ju-jitsu, mais celui de non-opposition, régit les autres : addition de forces, utilisation de celle de l’adversaire, action-réaction, etc. Ces principes ne sont applicables qu’en association avec celui de non-opposition.

Il s’agit tout simplement de se retirer de la trajectoire d’une force qui avance sur vous. Ensuite – première possibilité – sans s’en occuper davantage, la laisser s’éteindre toute seule en allant mourir dans le néant. Autre possibilité (si l’on veut maîtriser celui qui attaque), celle qui consiste à conduire la force en question, en y ajoutant la notre ; ce sont les principes d’utilisation de la force de l’adversaire et de l’addition des forces. On peut aussi y ajouter simultanément un obstacle, au niveau des jambes de l’attaquant, par exemple, afin de le faire chuter. Cette dernière description, sommaire j’en conviens, pourra servir de première explication pour une technique comme hiza-guruma, permettant de bien la comprendre et de bien l’assimiler ; il s’agit là d’un exemple dont je me suis déjà inspiré.

Ce principe de non-opposition n’est en aucun cas un signe de renoncement ou de lâcheté, mais tout simplement l’incarnation du bon sens. Force contre force, c’est forcément…le plus fort qui gagne. Et puis, utiliser la force de l’adversaire en commençant par ne pas s’y opposer, c’est aussi un moyen de ne pas gâcher sa propre énergie.

Cette non-opposition, comme indiqué en introduction de cet article, est également utile dans les rapports humains, c’est ce que prônait Jigoro Kano, lorsqu’il disait : « Le conflit se fait au détriment de tous, tandis que l’harmonie se fait au bénéfice de chacun ».

Ce principe qui permet de vaincre la force brutale, qui avec un peu d’entraînement donne la possibilité à tous de ne pas subir la loi du plus fort est, de mon point de vue, sans jeu de mot, la principale FORCE du ju-jitsu.

Terminons cet article avec une dernière citation : «Qui apprend à céder est maître de la force » Lao Tseu.

N comme Ne-waza, le travail au sol…

Mon dictionnaire des arts martiaux se poursuit aujourd’hui avec la lettre N. N comme Ne-waza (le travail au sol).

Voilà un secteur que j’affectionne particulièrement. L’hérédité, sans doute. On le retrouve en judo et en ju-jitsu, bien sûr.

C’est un domaine qui possède une richesse technique exceptionnelle, dans lequel on peut s’exprimer très longtemps, qui offre la possibilité d’aller au bout de l’effort et enfin il n’est pas dénué d’un certain aspect ludique qui ne gâche rien, bien au contraire.

L’objectif n’est pas de détailler sa composition technique mais, comme je le fais dans ce dictionnaire, c’est de revenir sur ce qui me plait dans ce domaine. Il est malgré tout utile de remarquer que le panel technique du travail au sol est impressionnant : clefs, étranglements, immobilisations et toutes les possibilités de combinaisons offertes.

Les détracteurs du travail au sol se plaignent d’une promiscuité qui peut paraître gênante, mais aussi du fait que l’on n’est jamais au sol dans la réalité. Les plus présomptueux affirment qu’ils ne laisseront pas le loisir à un agresseur de venir au contact. D’autre part, certains (sans l’avouer) trouvent qu’il n’est pas agréable, à l’entraînement, d’être souvent « en dessous », ce qui arrive lorsque l’on n’est pas à l’aise dans ce secteur. On touche là à un cercle vicieux dans la mesure où moins on le pratique, moins « on est bon », et moins « on est bon » moins on l’aime et donc moins nous sommes enclins à le pratiquer. Il n’y a qu’à renverser le problème en pratiquant davantage.

Je reviens sur les points forts de ce domaine, ceux que j’apprécie particulièrement. En plus d’une incontestable efficacité si l’on est amené au sol, il y a l’engagement total qu’il autorise à l’entraînement, la possibilité de s’y exprimer même en avançant dans l’âge et enfin l’aspect ludique.

Développons ces trois points. Tout d’abord, à l’entraînement, le ne-waza nous offre effectivement un engagement complet dans la mesure où il est possible d’aller au bout de l’action et de l’effort, sans qu’il y ait d’atteintes à l’intégrité physique du partenaire (si les deux respectent les règles préétablies). Il s’agit là d’une grande satisfaction.

Il est possible de s’y exprimer longtemps, même en avançant dans l’âge, puisque la stratégie et la technique sont plus importantes que la vitesse : « Le serpent n’avale pas la grenouille en une fois ».

Quant à l’aspect ludique, il est incontestable. Les joueurs d’échec affirment qu’ils y trouvent un parallèle. Il est intéressant, par exemple, de pouvoir préparer plusieurs « coups à l’avance », surtout dans la mesure où la vitesse n’est pas déterminante (à l’inverse du travail debout). On peut donc tranquillement tendre des pièges et malicieusement, comme le chat joue (cruellement, lui) avec la souris, prendre son temps et faire durer le plaisir jusqu’à ce que le partenaire tombe dans la toile d’araignée. Non, nous sommes ni dans les fables de La Fontaine, ni dans une animalerie, mais bien dans le ne-waza !

SI pour le néophyte le ne-waza n’offre pas beaucoup d’intérêt coté spectacle, en revanche un pratiquant confirmé appréciera l’évolution d’un combat, et pas seulement sa finalité, justement, mais les moyens (les techniques, les enchaînements) et la stratégie utilisés afin d’y parvenir.

A titre plus personnel, j’ai été très vite à bonne école ; en effet, mon père excellait dans ce domaine.

Dans chacun des trois grands groupes de techniques qui forment le ne-waza, mes préférences vont à juji-gatame pour les clefs, okuri-eri-jime pour les étranglements et kuzure-kami-shiho-gatame pour la famille des immobilisations. Les initiés s’y retrouveront.

Je pense que ce domaine mérite que lui soit associée l’appellation  de « science du combat ».

Cependant, il serait dommage de ne se consacrer qu’à ce secteur, si passionnant soit-il ! Pour un ju-jitsu complet, n’oublions pas les coups (atemi-waza) et les projections (nage-waza).

eric@pariset.net

Retour, pour certains…

Aujourd’hui nous retrouvons un peu de liberté et pour certains le chemin du travail. Qu’il plaise ou non, le métier que l’on exerce est un une nécessité. Pour ceux qui ont la chance de l’avoir choisi et de l’exercer avec  plaisir et avec passion, ce lundi se révélera comme une journée positive, si ce n’est que la crainte de devoir affronter un virus rampant et de nouveaux modes de vie, pourraient doucher quelques enthousiasmes.
Pour ce qui concerne le sport en général et les arts martiaux en particulier, il nous faudra encore nous armer de patience. En espérant qu’un jour nous pourrons reprendre des habitudes qui commencent à manquer aussi  bien aux élèves qu’aux professeurs, à fortiori quand pour ces derniers il s’agit d’un métier à plein temps, je sais de quoi je parle.
Ces deux mois auront été éprouvants pour tout le monde, certes à différents degrés, nous n’étions pas  tous logés à la même enseigne, que ce soit pour les conditions propres à ce confinement ou bien par rapport aux conséquences professionnelles.
Ces dernières semaines  nous avons découvert ou redécouvert de nouveaux mots et de nouvelles expressions : coronavirus, covid19, confinements, déconfinements, reconfinement (celui-là on espère qu’il ne devienne pas familier), gestes barrière, distanciation sociale (quelle horrible expression, lourde de signification, qui a bien pu l’inventer ?). Et puis, le mot « masque » qui n’a jamais du être autant prononcé. Même si cet objet semble indispensable, comme le sont les mesures sanitaires précitées, il ne faudrait pas que  ces éléments  nous imposent de nouvelles habitudes relationnelles. Espérons qu’elles n’altéreront pas de façon durable, et encore moins irréversible, notre manière de vivre en société et quelles ne deviennent pas uniquement la manifestation de la méfiance et de la peur de « l’autre », mais simplement la manifestation du bon sens et d’une entraide mutuelle qui nous fait parfois défaut.
Encore et  toujours, ne nous lassons pas d’espérer.
Bonne semaine et bon déconfinement.

eric@pariset.net

La lettre M de mon dictionnaire…

Comme Thierry Lhermite, allias Popeye dans « Les Bronzés », l’explique si bien : « Mawashi-géri est un coup de pied circulaire, parce qu’il est…circulaire ». Voilà une pédagogie simplifiée ! Et puis : «  ça vient de très loin, du Japon ». Trêve de plaisanterie, sinon : « on me retire ma licence » ! Ce passage culte de la leçon de Karaté, du film qui ne l’est pas moins, nous apprend aussi qu’il est utile d’avoir une certaine souplesse pour pratiquer cet atemi et qu’un bon échauffement s’avère indispensable !

Plus sérieusement, revenons à mawashi-géri ce « coup de pied » qui en plus d’être efficace est esthétique. Il demande peut-être plus de travail et davantage d’habilité que d’autres atemis ; il a ma préférence, c’est pour cette raison que je lui réserve la lettre M de mon dictionnaire.

Une fois bien assimilé, son efficacité est incontestable, surtout lorsqu’il est utilisé dans des situations particulièrement adaptées : en décalé par rapport à la ligne des points vitaux, par exemple.

Ce « coup de pied » on le retrouve dans différents arts martiaux et disciplines de combat sous d’autres appellations, ne serait-ce que dans notre boxe française sous le nom de « fouetté ».

L’esthétisme qui émane de cette technique, correctement appliquée, est aussi une des raisons de mon choix. La beauté du geste (qu’elle soit physique ou mentale) ne me laisse jamais indifférent. Pour l’acquérir elle impose de la rigueur dans la recherche du moindre détail et dans les efforts à fournir. La satisfaction du travail accompli et les résultats seront la récompense. Il s’agit de la recherche du geste parfait dans lequel se conjuguent efficacité et esthétisme.

L’esthétisme que certains (dont je fais partie) apprécient, n’est certainement pas un gadget, comme indiqué plus haut ; il impose rigueur et travail, il différencie l’art martial de la simple méthode de défense. Les efforts que sa recherche impose seront autant de bienfaits pour l’efficacité. Sans cette quête « du beau », du geste parfait, je ne pense pas que j’aurais passé autant de temps sur les tatamis. A mon sens il s’agit d’une importante motivation qui vient s’ajouter aux autres : souplesse, approfondissement, recherche du détail, inlassables répétitions, etc. Autant d’éléments qui renforceront, de fait, l’efficacité. Et puis, à contrario (et n’en déplaisent à ceux qui critiquent cette recherche en arguant que seule l’efficacité compte et qu’il n’y a pas de temps à perdre en fioriture), ce n’est pas parce qu’une technique est esthétique qu’elle n’est pas efficace et à l’inverse (surtout lorsqu’elle est mal exécutée) ce n’est pas le manque d’esthétisme qui donne l’efficacité.

Enfin l’art martial ouvre d’autres horizons, d’autres perspectives, prioritairement en matière éducative ; comme j’aime l’affirmer, cette rigueur et ces règles imposées sur les tatamis pourront être transposées pour une vie sociétale harmonieuse.

Je précise à nouveau que le but de ce dictionnaire – que je me plais à réaliser – n’est pas de détailler les techniques élues, ou de faire une bio complète des personnalités choisies, mais d’expliquer pourquoi leur choix s’impose à moi ; ce qui m’a plu dans ces techniques et ces personnages et ce qu’ils m’ont apporté.

L comme Jean-Claude Leroy…un ami et bien plus !

Aujourd’hui je vous propose la suite de mon dictionnaire des arts martiaux avec la lettre L comme Jean-Claude Leroy.

A une époque où l’on efface encore plus vite que l’on encense, c’est faire preuve de la moindre des corrections que de ne pas oublier ceux qui vous ont marqué et aidé. C’est ce que je m’attache à faire avec mon dictionnaire personnel.

Aujourd’hui je vous parle d’un temps que beaucoup ne peuvent pas connaître. C’était en février 1973, le Service national existait encore et je venais d’être incorporé au Bataillon de Joinville qui, comme son nom ne l’indiquait pas, était basé à Fontainebleau. Ce régiment réunissait des judokas en âge d’effectuer leurs obligations militaires et qui possédaient les qualités requises pour accéder à ce prestigieux groupe. C’est là que j’ai fait la connaissance de Jean-Claude Leroy, un des judokas le plus talentueux que j’ai connu et qui n’a pas eu le palmarès qu’il aurait dû conquérir.

Il était devenu un ami, et peut-être même, parfois un grand frère. Il était mon aîné de deux années et dans beaucoup de domaines il bénéficiait d’une expérience plus importante que la mienne. Ceci étant, je le dis avec humour et sympathie, il n’était pas forcément utile de suivre tous ses conseils, mais il allait de l’avant ; le problème c’est que l’énergie dont il disposait n’était pas assez canalisée.

Ce n’est que mon avis, mais il aurait pu (et dû) devenir notre premier champion du Monde de judo dans les années 1970. Un uchi-mata à gauche dévastateur, un panel impressionnant de techniques autour de ce « spécial », une vitesse exceptionnelle, un sens du combat développé à l’extrême, et une classe folle. En France il a battu les meilleurs de sa catégorie (les « légers », les moins de 63 kilos de l’époque), mais jamais dans la compétition qu’il fallait. Alors que lui a-t-il manqué dans sa conquête du graal ? Peut-être tout simplement l’envie ! Il aimait sans doute trop de choses dans la vie pour se consacrer à une seule. Et puis la beauté du geste lui importait davantage que les reflets de la médaille. Il préférait perdre en ayant tenté de « jolies choses », que gagner « aux pénalités ». Je l’évoque au passé, puisqu’il nous a quittés bien trop tôt au milieu des années 1990.

Né d’une mère vietnamienne et d’un père français il avait un physique fait pour les arts martiaux, surtout au cœur des années 1970, en pleine « période Bruce Lee ». Et comme entre autres qualités il maitrisait parfaitement l’atemi-waza (le travail des coups) grâce à une souplesse naturelle et à son sens du combat déjà évoqué plus haut (sens du combat qui est transposable dans toutes les arts martiaux), il n’aurait pas manqué de briller dans les autres formes d’opposition.

Après avoir passé presque tout notre Service national ensemble, nous avons continué à nous fréquenter ; il habitait dans le Val d’Oise et appartenait à un très grand club : le J.C.V.B. (Judo-Club-Villiers-le Bel). Il est venu enseigner quelques temps au dojo de la rue des Martyrs et surtout il était avec moi au début de l’aventure de l’atémi-ju-jitsu, puisque nous avions été, lui et moi, les deux « acteurs » du premier livre – produit par la F.F.J.D.A. – qui proposait la progression par ceintures. Nous avions réalisé aussi quelques documents vidéo. Puis, comme cela lui arrivait souvent, il disparaissait. C’est sans lui que j’ai continué la croisade pour cette méthode de ju-jitsu.

Le rythme de nos rencontres s’est étiolé au fil des ans ; seul, ce que l’on appelait à l’époque le « Tournoi de Paris » (grand rendez-vous annuel du judo) permettait de nous retrouver en tant que spectateurs attentifs, jusqu’à ce que la maladie nous sépare définitivement. La lettre L de ce dictionnaire ne pouvait que lui être consacrée.

Offrons-nous un troisième K

Toujours dans le cadre du « dictionnaire » Offrons-nous un troisième K avec les Katas.

Il n’est pas inutile de revenir aux premières raisons d’être des katas, à savoir qu’ils sont avant tout des moyens d’apprentissage, des méthodes d’entraînement et qu’ils permettent de codifier et de transmettre les techniques.

Certains les considèrent comme une purge qu’il est nécessaire de s’administrer pour obtenir un grade, ou encore, toujours pour les examens et pour quelques jurys, un moyen d’exercer une autorité ! Que ces « formes imposées » intègrent un ensemble de contenus techniques d’évaluation, cela semble juste, mais ils ne sont pas que cela, heureusement.

Les katas permettent de rassembler dans un enchaînement des techniques par famille et/ou par thème et de leur faire traverser les âges, mais ils sont aussi et surtout de formidables méthodes d’entraînement. Il est dommage que bien souvent ils ne soient abordés et étudiés qu’à l’approche d’un examen. En effet, ils sont le reflet d’un combat, d’un combat codifié, pour des raisons évidentes de sécurité (un bon sens qui parfois échappe à certains), mais il s’agit bien du reflet d’un affrontement et c’est pour cela que les attaques de Uke doivent être sincères et fortes de façon à ce que les ripostes de Tori le soient tout autant ; mais aussi qu’elles soient  réalistes.

Le kata est également un exercice de style, c’est-à-dire qu’une certaine attitude doit être respectée. C’est ce qui différencie l’art martial de la simple méthode de combat ou de self-défense, même si cela ne doit pas être au détriment de l’efficacité, ce qui est parfois le cas.

Ils sont aussi, tout simplement une addition de techniques intéressantes à pratiquer une par une, il n’est donc pas nécessaire d’attendre que se profile à l’horizon un examen pour commencer à les étudier.

Un problème, et même un mystère, demeurent et entourent les katas : il s’agit des  incessantes modifications dont ils sont les victimes, surtout quand elles interviennent sur des détails, pour ne pas dire des broutilles, ce qui a pour effet de décourager bon nombre de pratiquants.

Lors de l’exécution d’un kata pour un examen, l’évaluation doit concerner, avant toutes autres considérations, l’efficacité ; ça passe par la sincérité des attaques et des ripostes. Ensuite, puisqu’il s’agit de formes imposées, il est nécessaire de respecter l’ordre de la présentation, les déplacements et emplacements, sans oublier l’attitude dans laquelle sont exclus désinvolture et relâchement corporel.

Pour conclure, je pense que pour faire apprécier le kata, il suffit simplement de le présenter comme partie intégrante d’une progression  et non pas comme un passage imposé pour accéder au grade supérieur.

En ju-jitsu nous étudions principalement le Goshin-jitsu-no-kata et le Kime-no-kata, qui nous vient presqu’en ligne directe des samouraïs. D’autres enchaînements comme les 16 techniques et ses variantes pourront peut-être, un jour, être considérés comme des katas, mais ayant moi-même eu le plaisir et l’honneur d’être à leur origine, je n’aurai pas la prétention de leur donner cette appellation que je considère comme réservée à des monuments techniques et culturels.

eric@pariset.net

K comme Kano Jigoro

« Rien sous le ciel n’est plus important que l’éducation : l’enseignement d’un maitre de valeur peut en influencer beaucoup et ce qui a été appris correctement par une génération pourra être transmis à cent générations. » Jigoro Kano

Aujourd’hui, retour à « mon dictionnaire ». Celui-ci n’a pas comme objectif principal de relater précisément la vie des personnages illustres que j’évoque, puisqu’il est aisé de le faire sur Internet, mais d’expliquer pourquoi je les évoque. Pourquoi ils m’ont marqué et ce qu’ils ont pu m’apporter dans mon parcours professionnel et plus largement dans la vie.

On peut juste rappeler que Jigoro Kano est le fondateur du judo. A partir de l’ancien ju-jitsu, il a souhaité créer une méthode d’éducation physique et mentale en développant des valeurs autres que celles liées au combat. Ces valeurs sont les fondations solides d’une véritable « Ecole de vie » .

A la lettre J de ce modeste dictionnaire j’avais expliqué que le mot « JU » signifiait « souplesse », dans le sens physique, mais surtout d’un point de vue comportementale. C’est cet aspect que Jigoro Kano a souhaité développer et mettre au service de l’éducation avec un grand E ; c’est pour moi ce mot qui caractérise le plus cet homme exceptionnel ; c’était son objectif majeur, sa « grande affaire ».

Pour moi, il a apporté trois éléments majeurs. D’abord, il a ressuscité – et adapté – le ju-jitsu, ensuite il en a fait une méthode d’éducation physique et mentale – en plus d’une méthode de défense – et enfin, il avait une conception intéressante de l’aspect sportif ou plus exactement de la compétition.

Sur le plan purement technique, de mon point de vue, son idée majeure aura été de conserver et d’améliorer les anciennes techniques de ju-jitsu en fonction de deux critères essentiels : efficacité et sécurité. Efficacité en cas d’affrontement et sécurité dans la pratique. La maîtrise d’une technique, donc son efficacité, s’obtient par de nombreuses répétitions ; or lorsqu’il s’agit de mouvements difficiles à contrôler, ces répétitions peuvent être génératrices de blessures. Pour être efficace il faut d’abord être en pleine possession de ses moyens et pouvoir s’entraîner régulièrement. Un art martial moderne ne doit pas être une entreprise de destruction, mais de construction. Construction d’une bonne condition physique, d’un bagage dans lequel se trouvent des techniques qui demandent davantage de finesse que de force, enfin un état d’esprit combatif et conquérant, mais pour de bonnes causes et dans le respect de valeurs humaines puissantes. Il ne voulait pas que sa méthode se limite au seul aspect utilitaire pensant sans doute avec raison que cela n’était pas sain. Il avait souhaité « hiérarchiser » les secteurs qui devaient être développés et préservés avec le célèbre précepte   shin-ghi-tai,( l’esprit, la technique et le corps).

Ce qui me semble important aussi, c’est la vision de l’aspect sportif qui était la sienne, je veux parler de la compétition. Il n’était pas contre, tout en considérant qu’elle n’était qu’un passage et qu’un aspect de la discipline. Si cette conception avait été davantage suivie, peut-être qu’un nombre moins important d’abandons se produiraient à l’issue de carrière de compétiteurs venant de clubs ne jurant que par « la compéte ». Ceci est valable pour tous les sports, mais justement il ne voulait pas en faire « qu’un sport ». L’option ultra-sportive dans laquelle s’est installé le judo l’aurait sans doute interpellé.

Enfin, toujours concernant l’aspect sportif, et qui rejoint celui de l’éducation, il était catégorique sur le fait que certaines techniques ne pouvaient pas être pratiquées en opposition, mais simplement en répétitions conventionnelles. Toujours habité par l’idée de limiter le risque de blessures. C’est pour cette raison que la compétition d’affrontement direct en ju-jitsu n’est pas concevable, ou bien ce n’est plus du ju-jitsu.

Jigoro Kano était un homme moderne, dans le sens où l’éducation était la priorité dans une société qui se dit civilisée. En avons-nous (ou pas) la preuve au quotidien !

eric@pariset.net  www.jujitsuericpariset.com

Anniversaire, ou pas ?

Dans une semaine, si tout va bien, nous devrions retrouver un tout petit peu de liberté et pour certains du travail.

Par contre et bien malheureusement, si on en croit les dernières infos, il est acquis que pour les arts martiaux et les sports dit de contact la reprise ne pourra pas se faire avant la rentrée prochaine, au mieux. J’ai évoqué à plusieurs reprises les fâcheuses conséquences, je n’y reviendrai pas ce matin.

Dans deux mois exactement nous aurions du, avec mes élèves, fêter le premier anniversaire du dojo, mais à moins d’un miracle et devant l’interdiction de nous rassembler, cela semble compromis. Je sais que cela peut paraître dérisoire au regard des événements, mais la vie est aussi faite de quelques futilités et de petits bonheurs ; sinon, vaut-elle la peine d’être vécue ? Et enfin, à titre personnel, le dojo c’est aussi mon métier !

Cela ne m’empêche pas, bien au contraire, de vous souhaiter un très bon dimanche, avec quelques fleurs de saisons. A défaut de pouvoir les cueillir, il est toujours agréable de les regarder.

eric@pariset.net     www.jujitsuericpariset.com

Les arts martiaux menacés ?

Je ne reviendrai pas sur le confinement, si ce n’est pour dire qu’il est temps qu’il s’arrête et que nous puissions passer à la suite, mais quelle suite et dans quelles conditions ? Surtout qu’à priori, ce n’est pas encore une « vie normale » qui nous attend le 11 mai, loin de là.

Il ne viendrait à l’idée de personne de sous-estimer les graves conséquences qui nous attendent . Bien malheureusement, peu de secteurs seront épargnés, nous allons connaître une crise sociale dévastatrice débouchant elle-même sur une crise sanitaire qui ne le sera pas moins ; nous commençons déjà à en ressentir les premiers effets.

Certains domaines seront plus touchés que d’autres. En premier lieu ceux qui subissent un arrêt total d’activité depuis le 16 mars, sans date précise de reprise, ce qui entretien une terrible incertitude qui ne calme pas l’inquiétude.

Parmi les nombreux secteurs impactés il y a la restauration, l’hôtellerie et les bars. Mais aussi les cinémas, les théâtres, tous ces lieux de rassemblements culturels (d’ailleurs il n’y a pas que sur le plan économique que cela interpelle).

Et il y en aura bien d’autres, notamment un domaine qui me concerne particulièrement, celui du sport en général et des arts martiaux en particulier. Certains médias ont évoqué la disparition des arts martiaux, tout du moins l’impossibilité de les pratiquer durant une période relativement importante. Ce qui engendrerait chez les élèves une « défidélisation » temporaire et peut-être définitive.

Plusieurs aspects doivent être pris en considération. Nous savons que l’activité physique est essentielle et préventive, que le loisir est bon pour le moral. Ensuite sur le plan économique ; il faudrait être irresponsable pour ne pas l’évoquer. Sans ignorer l’aspect psychologique dévastateur qu’entraîne la mise au rebut d’une activité pratiquée avec passion depuis des années. Mais  comment pouvoir appliquer les fameux « gestes barrières », dans des disciplines qui par définition demandent un contact inévitablement rapproché entre deux partenaires ?

Certes, nous ne manquons ni de méthodes d’entraînement, ni d’exercices que l’on peut pratiquer en solo ; beaucoup s’y adonnent d’ailleurs depuis maintenant deux mois.
Mais pour progresser et s’épanouir dans les projections ou dans le travail au sol, l’ours en peluche à qui certains ont attribué le rôle d’Uke a atteint ses limites, il fatigue.

Dans nos disciplines l’aboutissement qui est la maîtrise (pacifiste) du partenaire en le projetant ou en le forçant à l’abandon à l’aide d’une clef, par exemple, implique forcément un contact entre les protagonistes.

D’autre part, ne plus pouvoir pratiquer une méthode de combat qui donne confiance en soi et permet, le cas échéant, de se défendre paraît « bizarre ». Il existe dans le passé quelques exemples que l’on voudrait chasser de notre esprit.

Je sais, en tant que combattant, qu’il ne faut jamais abdiquer, qu’il ne faut jamais  « baisser les bras », qu’il faut y croire jusqu’au bout, relever les défis, mais là le combat est d’une inégalité patente. Combattre à mains nues, c’est un peu dans l’ADN de la plupart des arts martiaux, dont le ju-jitsu, mais en ce moment, nous combattons en toute impuissance, pieds et poings liés, attachés à un poteau d’exécution ! Pas facile de réagir dans telles conditions, si ce n’est d’attendre un sauveur, un justicier « masqué », par exemple !

Il faudra pourtant que les survivants survivent !

eric@pariset.net

F comme être le Fils de…

Nous arrivons à le lettre F de mon dictionnaire, F comme être le Fils de…Bernard Pariset.

Etre le fils ou la fille de quelqu’un, cela arrive à tout le monde. Etre le fils ou la fille d’une personnalité, même dans un petit cercle comme celui du judo de l’époque, c’est singulier ! A fortiori quand le chemin emprunté est identique à celui du parent en question.

Personnellement, dès la plus jeune enfance, se manifestait un sentiment de fierté, ensuite s’imposait la nécessité de faire mes preuves.

Ce n’était pas banal d’avoir un père champion de judo, surtout à un moment de l’histoire où cette discipline commençait juste à être connue dans notre pays, que les catégories de poids n’existaient pas et que la réputation paternelle était celle du « petit qui faisait tomber les grands ». Dans le milieu sportif et même au-delà il était presque considéré comme un héros, en tout cas il l’était pour moi. Ensuite, qu’il devienne mon professeur, me faisant ainsi profiter d’un enseignement exceptionnel, était une chance. Comme cela en a été une autre, qu’il m’apprenne mon métier.

Son parcours et sa forte personnalité ajoutés au fait que je sois fils unique m’ont placé parfois dans des situations difficiles ; en fonction de certaines circonstances dans lesquelles sévit la jalousie, par exemple.

Comme indiqué plus haut en introduction, cette situation impose de « faire ses preuves », la comparaison ne peut être évitée de la part de certains. Lorsque l’on est un peu plus « affuté » dans la réflexion, on admet que « comparaison n’est pas raison » et que les époques ne sont pas les mêmes, les disciplines et les arts évoluent, la société aussi. Et puis, il y a les circonstances, les hasards et les nécessités, les aspirations personnelles, etc. Par exemple, je me suis tout de suite passionné par la remise en valeur du ju-jitsu (initiée justement par mon père, ancien compétiteur et pourtant fervent défenseur de l’aspect utilitaire et traditionnel du ju-jitsu). Cette belle croisade m’a permis, tout en construisant quelque chose, de me faire connaitre et reconnaitre avec des actions différentes, mais en restant dans le même milieu.

Mon père ne considérait pas comme un aboutissement le fait que je me constitue un palmarès important en judo, il estimait que l’essentiel était que j’apprenne bien mon métier et que je l’exerce tout aussi bien. Il connaissait parfaitement les conséquences en termes de séquelles physiques engendrées par le haut niveau dans les sports de combats ainsi que les aléas de la victoire.

Quant on appartient au même milieu, les responsabilités sont importantes. Elles vous obligent à continuer à faire briller le nom qui vous a été légué. Je pense ne pas avoir démérité grâce à quelques actions en faveur du ju-jitsu.

Maintenant, il faut être franc, le besoin de s’affranchir existe, comme celui de faire ses preuves pour être reconnu – par et pour son travail – bref, tout en assurant la pérennité du patronyme on ressent le besoin de « se faire un prénom ».

A ce sujet, il y a une anecdote que j’aime beaucoup et que je n’ai aucun scrupule à raconter dans la mesure où c’est mon père lui-même qui me l’avait rapportée.

Cela se passait au milieu des années 1980. Louis Renaudeau, professeur en Vendée, à La Roche-sur-Yon et aux Herbiers, avait souhaité que ce soit mon père (le plus haut gradé du judo français avec Henri Courtine) qui vienne lui remettre son 5ème dan.

Avant de continuer, il faut souligner que j’étais venu à de multiples reprises dans le bocage vendéen pour y animer des stages et participer à des galas magistralement organisés par Louis Renaudeau. Au début de la cérémonie, et avant la remise du grade, la personne qui officiait au micro faisait état du palmarès exceptionnel de mon père : champion de France et d’Europe toutes catégories, demi-finaliste aux championnats du Monde toutes catégories, ainsi que des titres de toutes les fonctions qu’il avait occupées : entraîneur national, directeur des équipes de France, membre de la Commission nationale des grades, etc. Puis, il marqua un temps avant de conclure cette présentation par : « et papa d’Eric Pariset ». C’est à ce moment qu’une clameur venue de l’assistance s’est manifestée, ainsi que des applaudissements, qui pouvaient laisser à penser qu’enfin… on leur annonçait une référence ! Je le répète, si ce n’avait été mon père lui-même qui m’en avait fait part, jamais je ne me serais permis d’évoquer cette séquence. J’avoue avoir été touché par celle-ci qui prenait d’autant plus de saveur qu’elle était rapportée par mon père lui-même. Il l’avait fait avec un humour emprunt d’une certaine fierté, du moins il me semble.

Ses connaissances, son parcours, mais aussi son caractère, son charisme, sa rapidité de réaction (pas seulement sur les tatamis) et bien d’autres qualités, même si parfois il n’était pas tendre dans ces principes éducatifs, forment un ensemble qui me permet d’affirmer que je ne suis pas le « fils de personne ».

eric@pariset.net