Enseignement

Parmi les trois grands axes (  enseignement, démonstrations et publications ) qui ont animé ma vie professionnelle, c’est naturellement l’enseignement qui a occupé la plus grande part de mon activité, c’est aussi celui qui m’a donné le plus de satisfactions.

Les cours dans mes différents dojos et les stages en France et à l’étranger ont été mon cœur de métier. Sans surprise, c’est au ju-jitsu que j’ai consacré le plus de temps avant le judo et la boxe française. Bien qu’ayant suivi la formation de ce que l’on appelait « l’Ecole des cadres », je revendique une pédagogie de terrain, d’instinct et d’expérience. Il y a des choses qui s’apprennent essentiellement dans l’action, pour peu que l’on possède un peu de bon sens et de sensibilité.

Dans l’enseignement,  il ne suffit pas de maitriser parfaitement un bagage technique et d’avoir suivit des cours de formation réservés aux futurs enseignants pour être capable de bien transmettre. Il faut être pourvu (entre autres) de deux vertus principales : la passion et  la capacité d’adaptation. Cela peut sembler évident, et pourtant.

La passion d’abord. Certains métiers ne peuvent s’exercer sans. L’enseignement en fait partie. Certes, il y a des professeurs qui vont donner leurs cours en  « trainant les pieds », pour différentes raisons, à ce moment là, il s’agit d’un calvaire pour l’enseignant et d’une catastrophe pour l’élève. Quelque soit la discipline, l’enseignement est un métier enthousiasmant, mais difficile, il réclame beaucoup d’énergie. Donc, il faut être animé par cette passion qui fournira l’indispensable énergie  à l’accomplissement de la mission, quelques soient les circonstances.

La capacité d’adaptation. Certes on peut choisir son public, son affectation (pas toujours), se spécialiser. Si on prend l’exemple d’un art martial, il est possible d’être amené à enseigner aussi bien à des enfants de quatre ans qu’à des adultes non sportifs. Ce  n’est pas la même approche, dans l’esprit et dans la forme.  Il y aussi les objectifs recherchés ou imposés. Si nous sommes dans le loisir, l’utilitaire ou la compétition.

Cette capacité d’adaptation est aussi valable dans un cours en fonction du ressenti dans l’application d’un programme préparé, à moins qu’il y ait un objectif bien précis à court terme.

Dans tous les cas, les premières séances seront déterminantes, d’où l’importance du premier professeur, un sujet sur lequel je suis revenu quelques fois. Si la structure a les moyens d’avoir plusieurs créneaux horaires, les cours par niveaux sont les bienvenus. Dans le cas contraire, il se peut que la personne qui commence se trouve un peu perdue et en manque de bases. Dans une maison les fondations sont aussi importantes que les éléments qui vont l’élever, sinon davantage. Certes, dans le cas où il n’y a qu’un seul atelier, les plus anciens sont au service de ceux qui font leurs premiers pas sur les tatamis, il y a des répétitions de gestes de base dont on ne doit pas faire l’économie.

Encore une fois, c’est au professeur de savoir s’adapter à toutes les situations et « d’organiser » son tatami. Quand  l’effectif va de la ceinture blanche à la ceinture noire, il est indispensable que chaque grade puisse travailler ce qui doit l’être à son niveau. C’est souvent difficile de contenter à la fois une ceinture blanche, et une ceinture noire. Éviter que la première se décourage, n’acquiert pas les fondamentaux ou pire se blesse à cause d’une technique qui demande un niveau supérieur pour l’exécuter et la subir sans danger. A l’inverse, il faudra éviter que le plus haut gradé se lasse avec l’impression de « rabâcher » (ce qui, soit dit en passant, n’est jamais inutile, mais il faut malgré tout avancer). C’est là que l’expérience est indispensable, mais aussi  le bon sens.

Lors des explications, il est inutile de se lancer dans des discours à n’en plus finir qui font relâcher l’attention, quitte à revenir à plus reprises sur les explications en question, les progrès se réalisent essentiellement en pratiquant. On peut être ébloui par une belle démonstration du professeur, mais le but reste l’acquisition.

Démontrer parfaitement une technique va créer l’envie d’en faire autant, mais pour cela il faut donner les outils.   « L’essentiel n’est pas ce que l’on enseigne, mais ce que les élèves apprennent ». André Giordan

Quelques mots à propos des grades

Dans les arts martiaux, les grades occupent une place importante. Cependant, il ne faut ni les surévaluer, ni les négliger.

Ils permettent de situer le niveau de maîtrise technique et d’ancienneté dans la pratique, mais aussi d’évaluer le parcours du pratiquant, cela en fonction de la couleur de la ceinture qu’il porte autour de la taille.

Au début, les ceintures de couleur n’existaient pas, seules la blanche, la marron et la noire « tenaient » la veste du judogi. C’est à l’initiative de Maître Kawaishi , lorsqu’au milieu du siècle dernier il prit en main le judo français, que les ceintures de couleur ont fait leur apparition. Il avait bien compris l’esprit européen (et français en particulier) toujours friand de reconnaissances à arborer.

Jigoro Kano, fondateur du judo en 1882, a souhaité hiérarchiser les valeurs pour l’accession à ces différents niveaux avec le fameux « shin-gi-tai » ! Ce qui signifie : l’esprit, la technique et le corps. L’ordre établi n’est pas le fruit du hasard. L’esprit (le mental) arrive en premier, il nous habite jusqu’à la fin de notre aventure sur terre. Ensuite, il avait placé la maîtrise technique, que l’on peut démontrer assez longtemps et enseigner tout le temps. C’est assez logiquement que le corps (le physique) arrive en dernier ; malheureusement avec l’âge même si on en prend soin, le déclin est inéluctable.

L’expérience qui m’anime me fait dire qu’il y a deux ceintures très importantes dans la vie d’un budoka : la ceinture jaune et la ceinture noire. La ceinture jaune, tout simplement parce que c’est la première et la ceinture noire parce que, malgré tout, elle représente toujours un symbole très fort. Une sorte de graal ! Cependant, il ne faut pas oublier qu’elle n’est pas une finalité, mais simplement une étape importante. Elle est une belle récompense, la preuve d’une pratique qui s’est inscrite dans la durée, synonyme de rigueur. Cependant, elle doit représenter aussi un contrat signé avec l’art martial que l’on pratique et… avec soi-même. Un engagement qui signifie, qu’à partir de son obtention, s’impose le devoir de ne  jamais abandonner les tatamis, sauf cas de force majeur.

Les grades sont des encouragements à ne pas lâcher la pratique et même à la renforcer dans la dernière ligne droite de chaque préparation.

Certains les assimilent à des « hochets » et les négligent. Il est tout à fait possible de pratiquer et de s’en passer, mais nous sommes dans un système où ils existent et nous devons l’accepter. Même si parfois on peut s’interroger légitimement sur quelques attributions cocasses.

Peut-être que leur valeur prend vraiment son sens par rapport à l’organisme ou à la personne qui les décernent. Et puis, arrivé à un certain niveau, le pratiquant ne peut pas tricher avec lui-même.

L’obtention d’un grade (mérité) est de toutes les façons une grande satisfaction pour l’ensemble des pratiquants d’arts martiaux.

Ukemi (brise-chute)

Un petit rappel sur l’utilité de bien savoir chuter… Ne serait-ce que pour mieux se relever !

Dans la plupart des arts martiaux et notamment en ju-jitsu, apprendre à chuter est une nécessité. C’est également utile dans la vie courante. C’est une sorte d’assurance. Certes, nous ne tombons pas à longueur de journée, mais beaucoup de fâcheuses conséquences pourraient être évitées avec un minimum de maîtrise du « savoir tomber » en limitant les dégâts ; sur la neige, la glace ou tout simplement après s’être « emmêlé les crayons ».

Lors des entraînements en dojo, il est indispensable de savoir chuter, faute de quoi l’apprentissage et le perfectionnement dans le travail des projections sont impossibles.

Certains y sont réfractaires, mais peut-être faut-il appliquer un apprentissage plus  progressif ? Tout en sachant que malgré tout, la meilleure façon d’apprendre à chuter, c’est de…chuter, à condition de le faire avec des projections adaptées. Certaines sont moins traumatisantes que d’autres !

On distingue les chutes sur l’arrière et les chutes sur l’avant.

Dans chacune de ces catégories, il y a la chute qui se pratique sur un tatami et celle « de situation », c’est à dire en extérieur, si par malheur elle survient sur un sol dur : accident, maladresse, ou agression. Dans cette dernière situation il faudra tout à la fois se relever sans dommages et être opérationnel immédiatement. (Il est bien évident que l’entraînement ne se conçoit que sur des tatamis.)

Dans les deux cas de figure (dojo et « situation ») il faut préserver deux parties essentielles, la tête et les articulations des membres supérieurs. Pour la tête il suffira de « la rentrer », menton dans la poitrine. Pour les bras, sur un tatami on frappe au sol « bras tendus » paume de main vers le bas, pour à la fois protéger les articulations et repartir l’onde de choc, le bras devenant une sorte de paratonnerre. Sur un sol dur on se limite à ce que les bras soient tendus vers l’extérieur, ce qui évitera une luxation et/ou une fracture. Si on est bousculé et que l’on perd l’équilibre sur l’arrière, on essaie de rouler sur une épaule, pour protéger la tête,  en ayant préalablement plié une jambe, ceci afin de se retrouver le plus vite possible debout face à un éventuel adversaire (photo 1).

Concernant la chute avant, il faut se servir du bras avant comme d’une roue et d’un amortisseur. Là aussi il est indispensable de protéger la tête avant tout et ensuite les articulations et notamment l’épaule. En dojo après avoir roulé, on se réceptionne jambes tendues et parallèles. Dans la réalité, à la réception, on plie une jambe pour se retrouver face à l’endroit d’où l’on vient, c’est à dire face à un agresseur qui nous aurait poussé dans le dos (photo 2).

Tout cela est un peu technique, rien ne remplace le tatami.

(Les photos qui présentent les « chutes en situation »sont extraites du livre « Ju-jitsu-Défense personnelle ». Édition parue en 2000.)

 

 

Tori et Uke, amis pour la vie

Tori et Uke sont deux personnages bien connus des pratiquants d’arts martiaux et notamment des ju-jitsukas. Pour les novices et afin de faciliter les présentations, nous pourrions expliquer que dans ce couple d’inséparables, Tori incarne « le gentil » et Uke « le méchant ».

Cette définition, même si elle facilite l’identification des rôles, est un peu réductrice dans la mesure où les deux protagonistes, dans ces positions interchangeables, sont complémentaires et non pas adversaires. Sans Uke, Tori n’existe pas. Dire que c’est Tori qui conclut une action est plus juste pour signifier les implications respectives.

Une traduction littérale nous révèle que Tori est celui qui « prend » ou « choisit » et Uke celui qui « reçoit » ou « subit ». Cela semble assez explicite.

Dans la connivence qui unit ces deux personnages, il n’existe aucune rivalité, ils doivent être continuellement en quête d’une parfaite osmose.

Bien souvent c’est Tori qui attire davantage l’attention et le rôle d’Uke n’est  pas toujours considéré à sa juste valeur et parfois même il peut paraître ingrat. Or, son rôle est déterminant. C’est grâce à lui que Tori réalise ses progrès, qu’il peut ouvrir et élargir son champ des connaissances. En plus d’une parfaite maîtrise de la chute,  Uke doit être capable d’adopter toutes les situations, les postures et les réactions qui peuvent se présenter à son partenaire. Il se doit d’être d’une disponibilité corporelle totale, malléable à souhait, dans le bon sens du terme. Il doit «jouer le jeu ».

Pour parfaitement maîtriser une technique ou un enchaînement, il est indispensable de pouvoir les répéter des dizaines, des centaines, des milliers de fois. Imaginons un seul instant le faire sur un mauvais partenaire, pire encore sur un partenaire qui résiste systématiquement ! Pas de répétition, pas de progrès.

Le rôle d’Uke étant déterminant, il serait presque préférable d’être d’abord un bon Uke avant de devenir un bon Tori. Au-delà de cette constatation, somme toute assez logique, par l’intermédiaire de ce billet, c’est l’occasion de rendre hommage à ces personnages qui doivent être interchangeables et rappeler qu’entre eux il n’y a pas ni vainqueur ni vaincu, mais une victoire commune, celle de la conquête du savoir.

Les katas…

L’article technique de cette semaine est consacré aux katas.

Il n’est pas inutile de revenir aux premières raisons d’être des katas. Les quelques lignes qui suivent ne sont que l’émanation de mon point de vue. « L’évolution vient du partage des opinions ».

On traduit kata par le mot « forme ». Pour plus de clarté on peut ajouter « imposée ».

Ils sont des moyens d’apprentissage, des méthodes d’entraînement, ils permettent la codification, la transmission et même la sauvegarde des techniques et des principes de bases. Ils sont les garants de nos traditions.

Malheureusement, considérés parfois comme des  « passages obligés » pour accéder au grade supérieur, ils ne sont abordés que dans cette optique ! Qu’ils intègrent un ensemble de contenus techniques d’évaluation, cela semble juste, mais leur utilité est plus importante que cela, heureusement. Ils ne sont pas non plus une machine à recaler, dans laquelle se nichent parfois quelques abus d’autorité (comprenne qui pourra, ou qui voudra).

Les katas permettent de rassembler les techniques par famille et/ou par thème et de leur faire traverser les âges, ce sont aussi de formidables méthodes d’entraînement.  En effet, ils représentent souvent un combat (le goshin-jitsu-no-kata notamment), certes un combat codifié pour des raisons évidentes de sécurité, mais il s’agit bien du reflet d’un affrontement ;  en conséquence, les attaques de Uke doivent être sincères et fortes de façon à ce que les ripostes de Tori le soient tout autant, mais aussi qu’elles soient  réalistes et donc efficaces.

Pour les judokas, certains katas sont aussi l’occasion d’étudier des techniques « oubliées »,  interdites en compétition, c’est le cas du kime-no-kata et du goshin-jitsu-no-kata.

Le kata est également un exercice de style, certaines attitudes doivent être respectées. C’est ce qui différencie l’art martial de la simple méthode de combat ou de self-défense.

Ils sont aussi, tout simplement une addition de techniques intéressantes à pratiquer individuellement. Il n’est pas nécessaire d’attendre que se profile à l’horizon un examen pour commencer à les étudier.

Lors de l’exécution d’un kata, à l’occasion d’un examen, l’évaluation doit se faire, avant tout, en tenant compte de l’efficacité des ripostes de Tori, celles-ci  répondant aux attaques de Uke dont la sincérité doit être incontestable. Ensuite, puisqu’il s’agit de formes imposées, il est indispensable  de respecter l’ordre de la présentation, les déplacements et emplacements. Enfin il faudra être attentif à l’attitude générale dans laquelle doivent être exclus désinvolture et relâchement corporel.

Cependant, un problème et un mystère demeurent et entourent les katas : il s’agit de ces incessantes modifications dont ils sont les victimes de la part des organismes « officiels ». Cela a pour effet de décourager les élèves, de désorienter les professeurs et le jury, allant jusqu’à discréditer ces exercices.

En conclusion, je pense que pour faire apprécier le kata, il suffit simplement de le présenter comme partie intégrante de la pratique  et non pas comme un passage imposé pour l’accession à un grade supérieur.


 

Mes 16 techniques

C’est pour les besoins d’une démonstration qu’est né cet enchaînement.

Nous étions en 1982, le remise en valeur du ju-jitsu battait son plein et j’avais été sollicité pour produire une prestation à l’occasion des deuxièmes championnats du monde de judo féminins qui se déroulaient à Paris. Il était entendu que le rôle de Tori serait tenu par une femme. Ce fût une de mes élèves, Marie-France Léglise qui était « la gentille », j’officiais dans le rôle « du méchant ». (Je n’ai pas toujours été Tori.)

J’avais donc mis au point une démonstration en deux parties. Une première dans laquelle chaque technique était démontrée d’abord au ralenti, puis à vitesse normale, et, stage  une seconde qui proposait un enchaînement très rapide. Les 16 Techniques étaient nées.

A titre personnel, je ne les ai jamais abandonnées. Plusieurs raisons à cela.

D’abord, elles sont d’une indiscutable efficacité pour peu qu’on se donne la peine de les assimiler et de les répéter. Certes, il ne faut pas nier la difficulté de bien maîtriser certaines projections, mais évoluer n’est-il pas un but dans la vie ? Si ce n’est « le » but, quelque soit le domaine !

Cet enchaînement permet de renforcer son savoir-faire technique sur un nombre varié d’attaques et de ripostes. Des ripostes qui proposent des coups, des projections et des contrôles, et les fameuses liaisons qui font la force du ju-jitsu.

Il est aussi un moyen d’acquérir des qualités indispensables, comme les automatismes, la vitesse d’exécution et il améliore la condition physique.

Cet enchaînement est également une sérieuse base de travail. En effet, à partir de chaque technique, il est possible de proposer ce que j’appelle des « déclinaisons » : enchaînements à partir de réactions de Uke, mise en place de ripostes différentes à chaque attaque, avec la possibilité d’imposer un thème : par exemple ne proposer que des clefs ou bien des étranglements ou encore des projections différentes des originelles.

On peut aussi envisager d’étudier des contre prises, même si, s’agissant de self défense, cela peut paraître surprenant, mais pour renforcer une technique, étudier les moyens d’y échapper n’est pas inutile.

Les détracteurs trouvent cet enchaînement trop difficile et lui opposent le fait que l’on peut faire plus simple en matière de self défense,  ce qui est vrai ! Mais rien n’empêche le professeur de proposer dans un premier temps des ripostes plus faciles. Ensuite, « qui peut le plus, peut le moins » ; viser plus haut, c’est une façon de ne pas se scléroser et puisque nous sommes dans les proverbes et citations faciles, on peut citer celle-là : « qui n’avance pas recule ».

Il est également utile de se souvenir que nous pratiquons un art martial, avec une histoire et un patrimoine technique que nous ne pouvons pas renier et que cette discipline est aussi un moyen d’épanouissement physique et mental. Même si l‘aspect utilitaire est incontournable, il ne serait pas sain de se limiter à celui-ci à longueur de saison.

Il ne faut pas oublier non plus qu’à cette époque (en 1982), l’objectif  était de respecter l’histoire en rendant indissociables judo et ju-jitsu, en les considérant comme complémentaires. Le ju-jitsu peut être une façon d’apprendre les techniques de judo dans leur utilisation première, ce qui de mon point de vue est un excellent moyen. Malheureusement cela n’a pas toujours été compris.

« Les 16 techniques » sont une preuve indiscutable du lien qui existe entre le judo et le ju-jitsu, comment pourrait-il en être autrement ?

Enfin, les enseigner, les pratiquer et les démontrer sont à chaque fois de véritables moments de plaisir !

(La couverture qui sert d’illustration à cet article est celle d’un livre qui présente, entre autres, cet enchaînement.)

Les méthodes d’entraînement…

L’article de cette semaine est consacré aux méthodes d’entraînement.

Ce sont des exercices de perfectionnement possédant, chacun dans son domaine une spécificité. Ils permettent de renforcer la vitesse, les automatismes, la tonicité, la forme de corps, le placement, les déplacements, etc.

Ils renforcent ces qualités  dans le domaine de l’atemi-waza (le travail de coups), du nage-waza (les projections) et dans le ne-waza (le travail au sol). Ils  peuvent se faire seul ou à deux (le plus souvent), mais aussi à plusieurs, statiques ou en déplacement.

Il y a les exercices qui consistent à faire d’inlassables répétitions sans aucune opposition de la part du partenaire et d’autres qui se font avec une opposition plus ou moins importante, mais toujours conventionnelle.

Par conséquent on peut définir deux groupes : le premier où le partenaire ne produit aucune opposition et le second au cours duquel il offre une certaine résistance qui permet de se renforcer en situation d’opposition relative.

La plus connue de ces méthodes d’entraînement est l’uchi-komi ; elle consiste à répéter une technique de projection sans faire chuter, juste en soulevant le partenaire. On peut aussi effectuer cette répétition dans le domaine de l’atemi-waza et du ne-Waza. Pour certaines techniques l’uchi-komi peut aussi s’effectuer dans « le vide », c’est-à-dire tout seul.

On trouve ensuite (plus particulièrement dans le domaine des projections) le nage-komi qui consiste à se faire chuter à tour de rôle, ou plusieurs fois de suite, avec un certain rythme. Et puis, il y a le randori (qui n’est pas un véritable combat) et qui offre un travail en opposition « mesurée », sur un thème précis, au sol et debout, en atemi-waza et en projections.

On oublie trop souvent des exercices tels que le kakari-geiko et le yaku-soku-geiko. Le premier permet à Tori de renforcer son système d’attaque sans la peur de contre prise de la part d’Uke. Celui-ci se contentant d’essayer d’esquiver les initiatives de Tori, l’obligeant ainsi à s’adapter et à trouver d’autres solutions.

Le second, le yaku-soku-geiko, que l’on peut qualifier de « randori souple » offre la possibilité aux deux protagonistes de s’exprimer dans une opposition uniquement axée sur une reprise d’initiative, sans contre prise directe, uniquement en « sen-o-sen. », l’attaque dans l’attaque (pour ce qui concerne les projections).

On pratique également cet exercice en atemi-waza, on peut utiliser des gants de boxe qui servent de cibles. Uke « appelant » les coups en plaçant les gants sur différentes parties du corps. A lui de diversifier les demandes pour que Tori diversifie ses coups.

En ne-waza existent aussi des méthodes d’entraînement. Une que j’affectionne particulièrement est de définir une  position de départ – par exemple Tori sur le dos et Uke entre les jambes – et à partir de là, Tori a une minute pour aboutir à un résultat. Uke ne faisant que de la défense. Cela permet au premier de travailler son système d’attaque sans craindre de se faire contrer.

Une autre méthode, purement ju-jitsu (que mes élèves connaissent bien), consiste à répéter une technique de défense sur une situation précise, puis une seconde et ensuite de les enchaîner vite et fort, sans temps d’arrêt ; de même avec une troisième et ainsi de suite, jusqu’à six, ce qui est déjà très bien.

Les katas peuvent aussi être considérés comme des méthodes d’entraînement, puisqu’ils sont le reflet d’un combat. Un combat pré arrangé, certes, mais qui permet d’affûter les techniques et d’acquérir des automatismes.

Les exercices qui se limitent aux séries de répétitions, seul ou avec un partenaire, peuvent parfois sembler ingrats ; la récompense viendra avec le constat des progrès réalisés lors des randori. Et lorsque ces randori en  question sont exécutés avec un partenaire possédant le même état d’esprit, c’est à dire démunie de toute violence, ils ne sont jamais dépourvus d’un aspect ludique, ce qui n’est pas incompatible avec une pratique sérieuse des arts martiaux.

 

Atemi-waza, le travail des coups

La semaine dernière, je proposais un article technique sur les liaisons du ju-jitsu : l’intérêt des combinaisons entre les différentes composantes et l’importance de la recherche de fluidité dans leurs enchaînements.

Aujourd’hui arrêtons nous sur l’atemi-waza (le travail des coups), l’une des trois composantes de cette discipline. Pour rappel, les deux autres étant le nage-waza (le travail des projections) et le katame-waza (le travail des contrôles).

En ju-jitsu, l’atemi-waza possède la particularité de ne pas être une finalité, mais un moyen d’y parvenir ; un « coup porté » permet un déséquilibre favorisant l’enchaînement avec une projection ou un contrôle, ou encore les deux.

Logiquement il compose la première partie d’une défense, puisqu’il s’utilise à distance. Un « enchaînement type », se déroulera de la façon suivante : coup, projection et contrôle. Mais ce n’est pas une règle absolue.

L’étude de l’atemi-waza est importante pour trois raisons essentielles.

D’abord pour son efficacité dans le travail à distance. Il est souhaitable d’avoir une bonne maîtrise dans ce domaine aussi bien pour l’utiliser que pour s’en défendre. Si mon partenaire ne maîtrise pas bien les coups, j’ai peu de chance d’apprendre à me défendre contre ceux-ci.

Ensuite, sa pratique est intéressante sur le plan physique, elle permet de travailler la souplesse, la vitesse, et dans les randoris (les exercices d’opposition codifiés) de parfaire sa condition physique. Sans oublier l’aspect ludique que l’on trouvera dans ces affrontements, pour peu qu’ils soient pratiqués avec un parfait état d’esprit.

Enfin, cette pratique procurera ce que l’on appelle le « sens du combat » : le coup d’œil qui favorise les automatismes  d’attaques et de défenses. Ce sens du combat qui peut se transposer d’une forme de science à une autre. Pour être précis, quelqu’un qui a des compétences dans le travail à distance, à de fortes chances d’en posséder aussi dans le corps à corps. Savoir saisir le bon moment, l’opportunité.

Le livre dont la couverture illustre cet article contient différents chapitres qui traitent des méthodes d’entraînement spécifiques à cette composante, mais aussi un enchaînement appelé « les 16 atemis ». Cette « suite » propose 16 défenses sur des coups portés  à l’aide des bras et des jambes, avec des ripostes uniquement en atemi. Une des particularités de cette « sorte de kata » se trouve dans la compatibilité des techniques avec les autres composantes du ju-jitsu. Chaque défense doit pouvoir s’enchaîner avec une projection et/ou un contrôle.

Malheureusement ce livre qui date de 1985 est épuisé, mais sa réédition est toujours envisagée.

 

Les liaisons

Voilà un sujet qui me tient particulièrement à cœur, à savoir les liaisons que l’on trouve en ju-jitsu.

Le Ju-jitsu propose des techniques de coups, de projections et de contrôles : l’atemi-waza, le nage-waza et le katame-waza. L’étude et la maîtrise de ces trois composantes est indispensable, mais ce qui l’est tout autant, c’est la capacité à les enchaîner avec une parfaite fluidité. Exemple : bien maîtriser un mae-geri et un o-soto-gari est une chose, bien maîtriser l’enchaînement de ces deux techniques en est une autre. C’est ce qui représente une grande part de l’efficacité de cet art.

Le ju-jitsu n’est pas un « assemblage », c’est-à-dire un mélange de plusieurs disciplines, il est une entité, un bloc. Nous devons être en capacité de nous adapter immédiatement à une situation donnée, que ce soit à distance ou bien en corps à corps et surtout être capable de passer de l’une à l’autre. C’est le principe de ce que j’appelle « la liaison », cette liaison sur laquelle j’insiste et que j’aborde régulièrement dans mon enseignement.

Pour que cette liaison soit possible, certains impératifs doivent être respectés, comme la garde par exemple. Une garde trop basse sur les jambes ne permettra pas d’obtenir l’indispensable fluidité dans la liaison d’un coup avec une projection. Mais aussi – bien que soient indispensables les répétitions de techniques secteur par secteur, il faudra le plus souvent possible travailler des enchaînements dans lesquels nous trouverons au moins deux des composantes du ju-jitsu. Un coup enchaîné avec une projection, ou avec un contrôle, ou mieux encore, une liaison des trois composantes.

Ces enchaînements peuvent aussi se travailler sous forme d’uchi-komi (des répétitions sans chute) avec un partenaire. Mais aussi seul, « dans le vide ».

J’ai évoqué les liaisons « coups-projections », mais les liaisons «debout-sol », sont tout aussi importantes (on les retrouve également en judo). Enchaîner le plus vite possible, une projection avec une clef,  sera aussi important que maîtriser chacune des deux techniques en question. On devra pratiquer régulièrement des enchaînements dans lesquels on recherchera à ce qu’il y ait le moins de temps morts possible entre la projection et le contrôle.

L’étude et les répétitions d’enchaînements tels que les katas ou des exercices plus récents comme les « 16 techniques » doivent figurer régulièrement au programme des cours et pas simplement à l’approche des passages de grades, ce qui  malheureusement est parfois le cas.

Enfin, il est incontestable que chacun possède ses préférences, pour des raisons intrinsèques, ou par admiration. Cela n’interdit pas d’essayer de s’améliorer dans le ou les domaine(s) pour lesquelles les prédispositions naturelles ne sont pas au rendez-vous.

Alors, au travail.

Pour illustrer cet article et en guise d’exemple, la première technique des « 24 techniques » (en compagnie d’Alain Aden, en 1994.) Extrait du livre « Enchaînements de base et avancés ».

Le randori

Retour plus technique avec un article consacré à un exercice indispensable : le randori

En guise d’introduction je propose une définition glanée sur Internet et qui me semble être un parfait résumé : « Exercice libre orienté vers l’attaque. Le randori permet la rencontre de deux partenaires dans une confrontation dont la victoire ou la défaite n’est pas l’enjeu ».

Le randori est sans doute l’exercice le plus important pour progresser et le plus agréable à pratiquer à condition de le faire avec un partenaire habité par un état d’esprit identique au notre.

Le randori existe dans la plupart des arts martiaux, qu’ils soient ou non à but compétitif. On peut traduire ce mot par « exercice libre ». Libre dans l’utilisation des techniques et leurs enchaînements, dans l’adaptation aux situations. C’est à la fois un exercice de perfectionnement technique et d’amélioration de la condition physique, mais c’est aussi un moment de vérité durant lequel il est possible de se tester dans une situation d’opposition, même si cette opposition est codifiée pour des raisons évidentes de sécurité. Je le définirai comme un exercice d’opposition codifiée à thème.

Il est important pour trois raisons principales. D’abord il permet de progresser dans l’attaque et la défense, ensuite il participe à l’acquisition et au renforcement de la condition physique et enfin, s’il est fait dans un bon état d’esprit, on prend beaucoup de plaisir dans une opposition aux allures de jeu. On peut ainsi mesurer les progrès ; par exemple, le jour où il devient possible de projeter quelqu’un alors que cela ne l’était pas quelque temps avant.

En ju-jitsu, les trois principaux thèmes sont le randori d’atemi (les coups) le randori de projections et le randori au sol. Ils permettent de se perfectionner dans chacun de ces trois domaines en toute sécurité. A titre personnel, je suis contre un exercice d’opposition dans lequel tout est autorisé. A ceux qui ne partagent pas ce point de vue au motif que dans la réalité tout est permis, je réponds que la réalité c’est la réalité et que l’entraînement c’est l’entraînement. Les consignes d’efficacité et de sécurité sont indissociables. Une pratique constructive se fait en limitant les situations dans lesquelles les risques de blessures sont importants.

Dans ces affrontements qui sont essentiellement axés sur le renforcement du système d’attaque, il est évident que l’on travaille aussi la défense. Ne serait-ce que pour proposer à son partenaire une opposition correcte.

Je conclurai en soulignant que chacun des trois principaux secteurs évoqués (coups, projections et travail au sol) possède ses particularités dans le plaisir procuré. Pour le travail des projections, arriver à « faire tomber » quelqu’un à l’aide d’une belle réalisation ou d’un enchaînement ou encore de l’application du fameux principe action-réaction est une joie que seuls ceux qui la connaissent peuvent en attester. Dans le travail au sol, l’affrontement est différent dans la mesure où, ne réclamant pas autant de vitesse d’exécution, il offre la possibilité de « fourbir » sa stratégie, de préparer plusieurs « coups » à l’avance, de prendre son temps dans l’action. Enfin, et pour terminer, on peut établir un parallèle entre le randori « coups de poings et pieds » et une conversation. « L’assaut courtois », tel que l’on nommait cet exercice du temps de Charlemont, le fondateur de la boxe française, peut s’assimiler à une discussion au cours de laquelle les deux protagonistes éviteraient de parler en même temps, sans pour autant se priver de défendre leurs propres arguments en coupant la parole s’il le faut, mais au cours de laquelle ne serait prononcé aucun « gros mot », c’est à dire ne serait exécutée aucune technique ou enchaînement dangereux.

Alors, pour toutes les raisons évoquées, n’oubliez pas les randoris.