E comme Enchaînement (première partie)

A la lettre E beaucoup de noms méritent une place dans mon dictionnaire des arts martiaux. Par exemple, E comme éducation. L’Education physique et mentale chère à Jigoro Kano qui, grâce à sa méthode de ju-jitsu devenue judo, proposait une « science du combat » mais aussi une « Ecole de vie » qui harmoniserait les rapports humains, améliorant ainsi la vie en société. Dans le même esprit il y a aussi E comme Educateur, ou Enseignant ; deux mots qui occupent une place prépondérante dans ma vie. Il est possible aussi d’évoquer le E d’Exigence, celle que l’on doit imposer à soi-même (avant de l’imposer aux autres). Mais aussi le E d’Excellence, vers laquelle chacun doit tendre, dans son métier et dans ses actes ; non pas dans un systématique esprit de compétition, mais simplement pour s’améliorer.

Après ces quelques beaux exemples, j’aborde le mot que j’ai finalement choisi de développer, à savoir «  Enchaînement ». Dans sa « coquille », ce mot peut d’ailleurs regrouper ceux évoqués plus haut. Puisque répéter des enchaînements contribue à l’éducation physique et mentale, ils sont transmis par un enseignant, ils sont éducateurs techniquement ; de plus on recherche l’excellence dans leur pratique et leur présentation, pour cela il ne faut pas être avare d’exigence.

Au travers de ce beau métier qui est le mien, j’ai toujours eu le souci d’apporter ma contribution à l’évolution qui doit être dévolue à toute science, mais – et j’insiste sur ce point – sans jamais trahir ni l’esprit, ni la forme, ni encore moins les traditions attachées à nos arts martiaux et en particulier à la sagesse de Jigoro Kano. Pour participer très activement à la diffusion de la méthode de ju-jitsu, au début des années 1980, j’ai ressenti le besoin de créer des enchaînements, sans avoir la prétention de rivaliser avec des « monuments » tels que les katas traditionnels, mais pour offrir une complémentarité.

Comme précisé plus haut, j’ai toujours été scrupuleux quant au fait de ne jamais trahir les fondamentaux, il n’a jamais été question non plus d’inventer des nouvelles techniques (ce serait prétentieux), ni remettre en cause les principes sur lesquels notre discipline a bâti ses spécificités. Cependant il est possible de peaufiner ce patrimoine en lui apportant le fruit de recherches personnelles.

Ainsi, grâce à une pratique intensive, mais aussi à la mission de transmission, j’ai eu le plaisir d’élaborer plusieurs enchaînements. Des créations qui s’apparentent à de véritables compositions, au même titre qu’un musicien assemble les notes pour créer une mélodie, et un écrivain les mots pour rédiger un roman.

A l’époque cela répondait à un réel besoin et permettait à la fois de proposer des méthodes d’entraînement novatrices, une forme de classification, des moyens d’évaluation et pour certains de ces enchaînements des démonstrations « clefs en main ».

Chaque enchainement possède son histoire et sa raison d’être. J’ai pu en élaborer personnellement six, et un autre en collaboration avec mon père (qui avait mis au point l’intégralité de la méthode « Atemi-ju-jitsu ». Il est toujours correct de rendre à César…).

L’histoire de ces créations a commencé avec les « 16 techniques », l’enchainement qui a connu un véritable succès et que je continue à faire pratiquer. Après il y a eu les « 16 Bis » et les « 16 Ter » dans lesquelles sont travaillées des ripostes plus élaborées en réponse aux attaques des « 16 de base ». Puis sont venues les « 16 contrôles » qui utilisent uniquement la famille des contrôle en clef sur les articulations, afin de proposer une maîtrise adaptée à certaines situations dans lesquelles il est souhaitable que l’issue ne soit pas « fatale ». Quant aux « 24 techniques » elles sont une présentation très concise et ordonnée des attaques les plus probables que l’on peut subir, avec comme réponses les principales techniques appartenant aux grands groupes. Dans cet enchaînement, que j’apprécie tout particulièrement, différents schémas et combinaisons de ripostes sont aussi évoqués. Enfin, en matière de création, il y a le « petit dernier » qui est une suite de quinze techniques, dans laquelle sont mis en exergue deux composantes de notre discipline : les atemi et les katame (les coups et les contrôles).  Je n’oublie pas les « 16 atemis », réalisés en collaboration avec mon père et dans lesquels l’accent est mis sur l’atemi-waza (le travail des coups), un secteur important en matière de défense, mais dans l’esprit du ju-jitsu, sachant que dans cette discipline les coups ne sont pas une finalité, mais le plus souvent une façon d’y parvenir.

D’autres enchaînements ont été déjà élaborés, bien qu’ils ne soient pas encore formalisés « sur papier » ou « en images » ; pour le moment ils sont «dans ma tête» ; il s’agit des « 16 enchainements» et des « 16 contres ». Il y en a aussi un autre que quelques élèves ont baptisé les « 16 extraordinaires » (en toute modestie).

Dans la seconde partie consacrée à cette lettre E, je reviendrai plus en détail sur l’ensemble de ces enchaînements.

(La photo d’illustration de cet article présente la couverture de la première édition du livre consacré à l’enchaînement des « 16 techniques » et au « Goshin-jitsu ». Ce devrait être en 1984.)

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C comme Henri Courtine…

C comme Henri Courtine

Nous en sommes à la troisième lettre de mon dictionnaire des arts martiaux. Dictionnaire que j’ai le plaisir de vous proposer à nouveau.

Une bonne façon de faire passer ce temps long, tout du moins, je l’espère ! A ce propos,  si mes comptes sont exacts, à raison d’une lettre par jour, nous finirons l’alphabet deux jours après notre « libération ».

Aujourd’hui, c’est donc la lettre C que j’aborde : C comme Henri Courtine.

Ce choix s’impose à moi, sans la moindre des hésitations. Parmi les personnalités qui auront marqué mon existence, Monsieur Courtine arrive en deuxième position, juste après mon père. Ils étaient d’ailleurs les meilleurs amis dans la vie et les meilleurs adversaires sur les tatamis le temps de leurs carrières de compétiteurs. Il est difficile d’évoquer l’un sans l’autre. Avec dans la vie des personnalités aussi différentes que complémentaires et sur les tatamis des styles qui l’étaient tout autant, ils ont marqué le judo français.

Retracer l’exceptionnelle carrière de Monsieur Courtine se fera aisément par l’intermédiaire d’Internet ; au travers de ces lignes mon intention est de dresser un portrait dans lequel seront évoqués les sentiments personnels que j’éprouve pour une personne à laquelle je voue admiration et respect. La reconnaissance étant une denrée assez rare, je ne m’en prive pas.

On peut quand même brièvement rappeler l’impressionnant parcours de cet homme. D’abord sur le plan sportif ; il a été champion de France toutes catégories, champion d’Europe, demi-finaliste au 1er championnat du Monde toutes catégories à Tokyo en 1956. Ensuite durant une exceptionnelle carrière de dirigeant, il a été entraîneur national, Directeur technique national puis Directeur de la FFJDA, Directeur sportif de la Fédération internationale de judo et Directeur du haut-niveau au Comité National Olympique Français. Il a été nommé au grade exceptionnel de 10ème dan en 2008 ce qui fait de lui le plus haut gradé français. Avec mon père ils ont été les premiers 6ème dan en 1968, il en fût de même pour chaque dan jusqu’au 9ème qui leur avait été décerné en 1994 (dix ans avant la disparition de mon père).

Etant forcément mon aîné, mais aussi vis-à-vis de la hiérarchie et surtout par rapport au respect qui est le mien à son égard, le mot amitié me semble quelque peu familier. Pourtant, grâce à la complicité qui le liait à mon père, j’ai eu la chance de très bien le connaître, mais pour moi il est Monsieur Courtine, bien qu’il soit aussi un peu un « père spirituel ».

Les qualificatifs concernant cet homme au charisme exceptionnel et qui me viennent à l’esprit sont nombreux. L’intelligence, bien sûr, l’élégance – dans la vie et sur les tatamis -, la rigueur avec lui-même et envers les autres, le travail, le courage et un redoutable esprit d’organisation. Il est pourvu d’un bon sens qui évite toute perte de temps et, justement, d’une capacité d’analyse et d’action aussi rapide qu’étaient ses balayages sur les tatamis. C’est aussi une personne pleine d’humour, et un affectif qui a su préserver sa vie personnelle.

Depuis ma plus petite enfance, j’ai eu la chance de le côtoyer à de nombreuses reprises dans le cadre du judo, mais pas uniquement ! La première fois c’était au célèbre « Camp du Golf bleu » à Beauvallon-sur-Mer, dans le Var. J’avais trois ans. Avec mon père, il dirigeait le stage international de judo durant lequel, pendant deux mois, les meilleurs judokas mondiaux se retrouvaient avec leur famille pour des sessions d’une semaine, ou plus, dans ce centre qui était également un lieu de villégiature. Les familles Courtine et Pariset s’y installaient pour tout l’été et cela jusqu’à ma préadolescence. Nous prenions les repas ensemble et l’hébergement se faisait dans des paillottes, presque mitoyennes, au confort pour le moins spartiate ; toutes ces conditions de promiscuité créaient des liens privilégiés.

Ensuite, j’ai effectué mon entrée dans le secondaire à l’Ecole Saint-Michel de Picpus dans le XIIème arrondissement de Paris ; parmi les activités sportives proposées, il y avait le judo et le professeur était…Henri Courtine. C’est sous son contrôle que j’ai obtenu ma ceinture marron. Ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir sur son passeport sportif les ceintures de couleurs signées par Bernard Pariset et Henri Courtine. Ils étaient aussi d’excellents professeurs à la pédagogie innée.

Plus tard, et durant plusieurs saisons j’ai été licencié au prestigieux Stade Français; il occupait la présidence de la section judo  et entre autres bons souvenirs qui ont marqué cette période du début des années 1980, il y a celui d’une finale aux championnats de France par équipes « excellence ».

Enfin, alors qu’il était directeur de la FFJDA, j’ai participé à différents travaux (stages, supports techniques, commissions techniques, etc.) pour la réhabilitation du ju-jitsu. Il avait donné « carte blanche » à mon père lorsque celui-ci, au début des années 1970, lui avait exposé le projet de la mise en place d’une méthode de self-défense (l’atemi ju-jitsu), en parallèle de la progression française de judo. Initiative qui avait pour objectif d’ajouter une corde à l’arc des professeurs. On connait malheureusement la suite qui (n’) a (pas) été donnée à cette entreprise, mais ceci est une autre histoire.

Aujourd’hui, tout en restant très attentif à ce qui se passe dans le monde du judo, il prend une retraite que l’on ne peut qualifier que de « méritée », sur les bords de la Méditerranée, dans le magnifique département du Var, une région pour laquelle, lui et moi vouons la même passion.

Au travers de ces quelques lignes, je suis très fier d’exposer l’admiration qui est la mienne à son égard. Il y a des hommes qui marquent l’histoire, mais qui par leur exemplarité occupent aussi une part importante de votre vie.

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B comme Bercy…

En ce moment, nous sommes beaucoup à « bénéficier » d’un peu de temps libre ; voilà de quoi l’occuper avec la lettre B de mon dictionnaire des arts martiaux que je me permets de vous proposer à nouveau depuis lundi dernier.

Donc, j’ai choisi B comme Bercy. Je n’ignore pas que cette salle, inaugurée en 1984, a troqué son appellation – « qui sentait bon un quartier populaire de la capitale » – pour une autre largement plus commerciale. En vérité son nom originel était « le Palais-Omnisport de Paris-Bercy », le POBP.

Dans cette salle, à la capacité d’accueil de 14 000 spectateurs, se déroule tous les ans le « festival des arts martiaux » organisé par le magazine Karaté-Bushido. C’est en 1986 qu’à eu lieu la première édition du plus grand rendez-vous mondial en la matière.

En 35 éditions  tous les arts martiaux ont été présentés, les meilleurs experts et champions ont foulé le tatami de cette salle qui devient, le temps d’une soirée, le plus grand dojo du Monde.

Cet endroit a sa place dans mon dictionnaire parce qu’il revêt un caractère particulier ; il a fait partie des grands moments de ma carrière, il a contribué à affirmer ma notoriété.  J’ai eu la chance et l’honneur d’y démontrer le ju-jitsu à douze reprises.

Mes « années-Bercy » qui vont de 1986 à 2005 (ma dernière participation), m’ont permis de rassembler de nombreux souvenirs que je qualifierai d’excellents.

Pour être prêt le jour J, la préparation commence bien avant la date de l’évènement. Il y a d’abord les heures de répétitions sur plusieurs semaines, après avoir travaillé longuement sur la conception de la démonstration.  Il faut à chaque fois faire preuve d’originalité tout en présentant un ju-jitsu efficace et spectaculaire. Le stress  monte en puissance au fur et à mesure que la date approche ; il y a la hantise qu’un problème surgisse, une blessure par exemple, ce qui est arrivé en 1998 avec un ménisque du genou en manque de coopération. Enfin arrive le grand jour, avec cette fois un hyper-stress dans les heures qui précédent. Lorsque l’on est derrière le rideau juste avant d’entrer dans l’arène, la tension est à son comble.

Les deux moments vraiment très forts sont « pendant et juste après ». Chacun a ses propres réactions face à ce que l’on peut considérer comme une confrontation. J’ai toujours été surpris qu’une fois monté sur le tatami le stress s’évapore comme par miracle, et heureusement. L’inquiétude que l’on ressent juste avant n’est pas uniquement due à la peur de ne pas bien faire, mais que surgisse un souci quelconque, qu’un grain de sable vienne enrayer la machine ; un trou de mémoire, une blessure ou bien encore un problème avec la musique. J’évoque ces exemples pour la bonne raison que ce sont trois cas de figures auxquels j’ai été confronté. Dans la version longue  de ce dictionnaire je ne manquerai pas de les expliquer dans le détail.

Une fois la démonstration exécutée, il y a cette incroyable sensation de soulagement. Si le spectacle a remporté le succès escompté et que l’on sort sous les applaudissements, une incroyable sensation de soulagement nous envahit, celle du contrat rempli, du métier bien fait. S’ensuivent des moments de douce béatitude. La tension retombe.

Lorsque la prestation s’effectue en première partie du spectacle, après une douche salvatrice et réparatrice, on rejoint le hall et si, comme ce fût le cas à plusieurs reprises, le club dispose d’un stand, on ne boude pas le plaisir procuré par la séance d’autographes. C’est là aussi un grand moment.

Quant aux souvenirs qui restent des démonstrations auxquelles j’ai pu assister, je n’évoquerai que les bons. Si globalement le spectacle a toujours été de qualité, sur plus de trente ans on ne peut éviter quelques ratés et mauvais excès. Heureusement la mémoire est sélective et l’on ne retient souvent que le meilleur. Parmi ce « meilleur » il y a eu 1989. J’ai l’impression que cette année a marqué un tournant. D’une suite de démonstrations d’arts martiaux très épurées lors des premières éditions, on passait à un réel spectacle, tout en conservant un esprit martial. C’est à cette occasion que la France découvrait le québécois Jean Frenette,  époustouflant dans un superbe kata artistique. Tout au long de ces années, je me souviens aussi des prestations toujours impeccables de Christian Tissier en aïkido, des moines de Shaolin, des karatékas d’Okinawa, de Sylvain Guintard marchant sur les braises, de Dominique Valéra toujours très convaincant, etc. Je n’oublie pas non plus les interventions, disons « originales » de Jean-Claude Van Damme. J’ai aussi une pensée pour la Canne française, un art bien de chez nous, démontré à plusieurs reprises et de belle manière par Fred Morin et son équipe.

Concernant le jugement que je porte sur mes propres prestations, l’édition 1995 a ma préférence sur le plan technique ; du point de vue du spectacle, c’est l’année 2000 que je place en tête ; on m’avait confié la charge de proposer en quelques tableaux la fameuse « Légende du Grand Judo », qui avait en son temps fait l’objet d’un très beau film relatant une période de la vie de Jigoro Kano durant laquelle, s’inspirant de différents styles de ju-jitsu, il  crée sa propre Ecole qu’il appelle JUDO. Il ignorait sans doute qu’à notre époque le sport prendrait l’ascendant sur la méthode d’éducation physique et mentale qu’il préconisait, mais c’est une autre histoire.

Aujourd’hui, pour retrouver ces passages à Bercy, il reste les vidéos qui permettent de les revivre, sans aucune nostalgie. Ils font partie des grands moments de ma carrière. J’ai participé à de nombreux galas en France et à l’étranger, mais aucun endroit ne procure de telles sensations, que ce soit le trac avant, la pression pendant et l’immense satisfaction juste après.

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Les 16 atemis

Voilà un enchainement très simple, pas simpliste, juste simple, accessible à tous les niveaux.

Pour les esseulés d’un sévère confinement, groupe auquel j’appartiens, chaque technique pourra être travaillée et répétée en solo ; la vidéo attachée à cet article pourra y aider.

Créer au début des années 1980, au moment de la « relance » du ju-jitsu dans notre beau pays, les techniques sont, pour beaucoup, inspirées du Kime-no-kata et du Goshin-jitsu. Le but était de proposer un enchaînement 100% atemi-waza (travail des coups), mais dans l’esprit du ju-jitsu, les techniques devant être compatibles avec les projections et/ou les contrôles.

En dehors de sa simplicité, cet exercice présente quelques particularités.

D’abord il s’exécute à partir de positions naturelles, on ne se met pas « en garde » ; il est utile de pouvoir réagir alors que rien ne laisse à penser qu’Uke va porter une attaque.

Ensuite, comme dans certains katas, les techniques se travaillent à droite puis à gauche.

Enfin, par rapport au jury, Tori et Uke changent de place entre chaque mouvement, dans le but de reprendre des distances et rendre l’exercice plus dynamique.

Bon entraînement et à bientôt pour étudier cet enchainement tous ensemble.

eric@pariset.net  . .

Au fil des mois et des émois !

Nous sommes au 2/3 de ce que l’on nomme la « saison sportive ». Ceci dans la mesure où l’on considère qu’une telle saison se finit le 30 juin et que par conséquent la suivante commence le 1er juillet.
Toujours est-il qu’ayant ouvert notre dojo le 1er juillet, nous sommes à quatre mois du premier anniversaire de ce lieu de partage !
Il n’est pas encore temps d’établir un bilan complet, mais simplement d’évoquer les points positifs et quelques autres.
En huit mois, beaucoup de choses se sont passées et diverses impressions et émotions ont pu s’exprimer.
D’abord il y a la joie liée à la réalisation d’un projet. Même si les difficultés sont importantes, les surmonter et aboutir sont autant de plaisir que seuls connaissent ceux qui ont la chance de pouvoir (ou de vouloir) le faire !
Chaque étape apporte ses propres sentiments. Du tout début de l’aventure lorsque l’on est dans la prospection avec les visites de locaux, jusqu’au tout premier cours que l’on assure, en passant par le suivi des travaux, notamment pour qu’il n’y ait pas de retard et que le dojo puisse être inauguré à la date prévue ; ce qui a été le cas au début du mois de juillet dernier.
Ensuite, même en plein été, tout va très vite, beaucoup de choses se passent ; des demandes de renseignements, des visites de curiosité, de politesse et d’amitié (qui font chaud au cœur et rendent insignifiantes les négligences et les coupables ingratitudes), les toutes premières séances dans lesquelles se mélangent novices et anciens ravis de retrouver « leur ju-jitsu », et je n’oublie pas la sueur sur tous les fronts, surtout l’été dernier ! Ensuite vient la rentrée, avec beaucoup de demandes de renseignements, d’initiations et d’inscriptions. Un brassage de population – aux niveaux techniques différents, représentant diverses professions, mais ayant en commun le désir de poursuivre ou de commencer la pratique d’un art martial accessible physiquement, et dans laquelle ne suinte aucune violence ! J’insiste sur ce point. En effet certains propos qui m’ont été rapportés sont édifiants ! Les mauvaises expériences sont légion et il est heureux qu’elles ne soient pas rédhibitoires pour la totalité de ceux qui les ont subies. Certaines pratiques font beaucoup de mal aux arts martiaux (et aux pratiquants) !
Une installation dans un nouveau quartier, même si celui-là ne m’est pas vraiment inconnu, ce sont de nouveaux voisins, une ambiance différente, de nouvelles habitudes, bref un environnement dans lequel il faudra se fondre.
Au bout de quelques semaines un rythme s’établit et l’on est heureux de voir s’élargir le cercle des élèves !
Certes, il ne serait pas objectif d’éluder les aspects négatifs, surtout que depuis le mois de décembre ils ne manquent pas. Des événements contre lesquels, tout du moins à notre modeste niveau, nous ne pouvons pas grand chose. D’abord la plus grande grève de l’histoire des transports en France et maintenant un virus « bizarre » ! Cela ne manque pas de perturber notre quotidien dans tous les domaines.
Quoiqu’il en soit, la volonté est une vertu qui ne manque pas à qui a consacré sa vie aux arts martiaux ; c’est dans cet état d’esprit que j’aborde la dernière partie de cette saison qui aura été celle d’un nouveau challenge que certains qualifiaient d’ambitieux (avais-je d’autres choix ?). Les obstacles sont faits pour être franchis et les problèmes pour être résolus. Lorsque l’on possède l’envie d’avancer et de créer, on avance deux fois plus vite. « Créer, c’est vivre deux fois ». Albert Camus.

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Souvenirs d’une belle préface

Christian Quidet (1932-2010) a été un très grand journaliste spécialisé dans le sport et notamment dans le judo. Dans les années 1970 il a beaucoup aidé cette discipline à franchir la barrière des médias.  Il a aussi occupé le poste de  directeur des sports sur « Antenne 2 », l’ancienne appellation de France 2, dans les années 1980. Nos disciplines martiales l’intéressaient au plus haut point, il leur a d’ailleurs consacré un magnifique ouvrage : « La fabuleuse histoire des arts martiaux ». En 1985, avant la parution de mon premier livre, je lui avais demandé s’il voulait bien m’honorer d’une préface ; il a accepté spontanément.  A  l’attention de ceux qui ne connaissaient pas ces quelques belles lignes, c’est avec plaisir que je les mets à nouveau  en ligne. D’autant plus que je trouve cette préface terriblement d’actualité.

     « La publication d’une progression française de ju-jitsu est un acte plus important qu’il n’y paraît. C’est la restauration, en France, du trésor des samouraïs qui, au fil de l’histoire, ont porté l’art du combat individuel à un degré de perfectionnement et de raffinement unique au monde.
       Cette version moderne de la self-défense japonaise, présentée par Eric Pariset, met à la disposition des éducateurs sportifs une méthode claire, précise et efficace.
       Elle offre à celles et à ceux qui s’en inspirent un bagage technique inestimable. Non pour leur apprendre à se battre mais pour dissuader les autres d’attaquer.
        C’est en ce sens que je crois beaucoup à la vulgarisation de la self-défense dans notre pays. Comme un remède à l’agressivité qui enlaidit notre société actuelle.
       Je félicite Eric Pariset de s’être intéressé et de s’être spécialisé dans le ju-jitsu qui est le meilleur complément à la pratique du judo.
       Le ju-jitsu ne doit pas être mis entre toutes les mains et ne peut être enseigné valablement que par ceux qui ont adhéré à l’esprit de son fondateur, le maître Jigoro Kano.
       Eric Pariset est de ceux-là. Il a été élevé dans une famille où les arts martiaux étaient considérés comme un Art et pratiqués comme une passion. Son père, Bernard Pariset, a participé au premier championnat du Monde au Japon en 1956 et a obtenu une superbe quatrième place. Plusieurs fois champion d’Europe il a légué, comme  les maîtres japonais d’autrefois, son savoir et sa sagesse à Eric.
      Ceinture noire, 5e Dan de Judo-Ju-Jitsu, Eric Pariset a été champion d’ile de France de Judo en 1983.
       Il s’est ensuite, spécialisé dans les démonstrations de Ju-Jitsu et de self-défense pour devenir, à   31 ans, le meilleur spécialiste français de cette discipline.
      « N’enseigne pas toute ta science à ton élève, qui sait s’il ne deviendra  pas un jour ton ennemi ».
       Fort heureusement, Eric Pariset n’a pas appliqué cette devise  chère aux anciens Maîtres d’armes japonais.
       Je l’en remercie et j’espère que vous serez nombreux à profiter de sa générosité.»

Christian Quidet.
Responsable du service des Sports d’Antenne 2*
Avril 1985.

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Les méthodes d’entraînement

La semaine dernière,  le vendredi à thème était consacré aux « méthodes d’entraînement ». A l’aide de ce billet hebdo, j’ai souhaité donner ma conception de ces exercices incontournables qui viennent en complément de l’apprentissage technique. Ce sont des exercices de renforcement possédant chacun dans son domaine une spécificité. Ils permettent de renforcer la vitesse, les automatismes, la tonicité, la forme de corps, le placement, les déplacements, etc. Ils renforcent ces qualités  dans le domaine de l’atemi-waza (le travail de coups), le nage-waza (les projections) et aussi dans le ne-waza (le travail au sol). Ils  peuvent se faire seul ou à deux (le plus souvent), mais aussi à plusieurs, statiques ou en déplacement.
Il y a les exercices qui consistent à faire d’inlassables répétitions sans aucune opposition de la part du partenaire et d’autres qui se font avec une opposition plus ou moins importante, mais toujours conventionnelle.
Par conséquent on peut définir deux groupes : le premier où le partenaire ne produit aucune opposition et le second au cours duquel  il offre une certaine résistance qui permet de se renforcer en situation d’opposition relative.
La plus connue de ces méthodes d’entraînement est l’uchi-komi ; elle consiste à répéter une technique de projection sans faire chuter, juste en soulevant le partenaire. On peut aussi effectuer cette répétition dans le domaine de l’atemi-waza et du ne-Waza. L’uchi-komi peut s’effectuer dans « le vide », c’est-à-dire tout seul, mais le plus souvent avec un partenaire.
On trouve ensuite (plus particulièrement dans le domaine des projections) le nage-komi qui consiste à se faire chuter à tour de rôle, ou plusieurs fois de suite. Et puis, il y a le randori (qui n’est pas un véritable combat) et qui offre un travail en opposition « mesurée », sur un thème précis, au sol et debout, en atemi-waza et en projections. On oublie bien trop souvent des exercices tels que le kakari-geiko et le yaku-soku-geiko. Le premier permet à Tori de renforcer son système d’attaque sans la peur de contre prise de la part d’Uke. Celui-ci se contentant d’essayer d’esquiver les initiatives de Tori, l’obligeant ainsi à s’adapter et à trouver d’autres solutions.
Le second, le yaku-soku-geiko, permet aux deux protagonistes de se faire chuter chacun son tour. Une sorte de nage-komi en déplacement. (Il peut également être pratiqué en atemi-waza.) On peut faire une variante en y ajoutant une certaine opposition, sans contre prises, juste à l’aide d’esquives. Ces exercices sont bien évidemment axés sur l’initiative.
Une autre méthode – que mes élèves connaissent bien – consiste à répéter une technique de défense sur une situation précise, puis une seconde et de les enchaîner vite et fort, sans temps d’arrêt ; de même avec une troisième et ainsi de suite, jusqu’à six, ce qui est déjà très bien.
Enfin, on peut aussi considérer les katas comme des méthodes d’entraînement, puisqu’ils sont le reflet d’un combat. Un combat pré arrangé, certes, mais qui permet d’affûter les techniques et d’acquérir des automatismes.
Il est certain que ces exercices, lorsqu’ils sont réalisées avec un partenaire, offrent un côté ludique qui n’existe pas quand on s’entraîne seul ; le plaisir se retrouvera alors dans les progrès réalisés grâce à la rigueur que l’on se sera imposée lors de ces répétitions qui parfois peuvent sembler un peu ingrates, mais ô combien utiles. Alors, au travail !
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Kawaishi Mikinosuke

Kawaishi fait partie des personnages qui, dans leur domaine, marquent leur époque en laissant d’impérissables souvenirs.  Si dans notre pays, judokas et ju-jitsukas, en nombres considérables  assouvissent  leur passion, c’est un peu grâce à ce personnage haut en couleur.

Le but de cet article est davantage de développer des impressions personnelles  que de proposer une biographie détaillée que chacun pourra trouver sur Internet.

Je n’ai pas connu personnellement Kawaishi Sensei (1899-1969). Mon père lui, le connaissait et il avait pratiqué sous sa férule ; il m’avait d’ailleurs conté quelques anecdotes à son sujet que je ne me permettrai pas de relater. Non pas qu’elles soient préjudiciables à la mémoire du grand homme, mais simplement parce qu’elles n’ont pas  de rapport, ou très peu, avec ce qu’il représente et ce qu’il a représenté.

Pour moi Kawaishi, ce sont avant tout trois choses : d’abord les «ceintures de couleur», ensuite la «Méthode Kawaishi» et enfin la self-défense.

Les ceintures de couleur d’abord. Il avait bien compris l’esprit européen – et français en particulier -, impatient et friand de récompenses. Ceci étant, il ne faut pas renier cette initiative qui participe largement à la fidélisation des pratiquants et à établir une hiérarchie des valeurs (shin-gi-tai) sur les tatamis. Leur utilité a été renforcée avec les demi-ceintures créées pour les enfants dans les années 1990.

Quant à la « méthode Kawaishi » de judo, elle répondait à un certain besoin d’organisation propre aux occidentaux. Les techniques ne portaient pas des noms japonais, mais des numéros dans chacun des  groupes auxquels elles appartenaient (jambes, hanches, bras, etc.). Ainsi o-soto-gari était le 1er de jambe, Ippon-seoe-nage le 1er d’épaule, etc. Le classement était valable aussi bien debout qu’au sol. J’ai commencé à l’aide de cette nomenclature et avec mes partenaires,  c’était à celui qui en connaissait le plus, sans pour autant savoir les exécuter. Ensuite, pour des raisons d’universalité, nous avons connu les appellations japonaises actuelles.  Ce classement était pragmatique et facilement assimilable, en termes de mémorisation  des noms. Pour le reste qu’il se nomme  10ème de hanche ou uchi-mata, s’il est mal fait, il est mal fait ; s’il est réussi, il est magnifique.

Enfin, Maître Kawaishi portait un intérêt évident pour la self-défense. Il  a d’ailleurs écrit un livre appelé « Ma méthode de self-défense ».  Cependant, il la distinguait du ju-jitsu, sans doute pour marquer les esprits sur l’aspect spécifiquement utilitaire et peut-être aussi parce qu’à l’époque, au japon, notre art martial ne bénéficiait pas d’une réputation flatteuse.

Il était doté d’une forte personnalité, que certains décrivaient comme autoritaire, mais est-il possible de réaliser de grandes choses et d’imposer un peu d’organisation sans un esprit de décision affirmé ? Le fameux kime, que l’on retrouve dans un célèbre kata : le kime-no-kata, littéralement « le kata de décision ».

A Paris il avait créé un club qui s’appelait le « Judo-Club de France » et c’est en son sein qu’il avait formé et nommé les premières ceintures noires française.

Il a su s’entourer d’une équipe à la solide complémentarité et avec laquelle  il a posé les bases d’un judo français qui fait référence dans le monde entier. Il appartient à cette catégorie de gens qui, de par leur engagement et leur personnalité, ont marqué un domaine et sans lesquels, le domaine en question n’aurait sans doute pas brillé comme cela a été le cas.

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Une démonstration convaincante

Comme à chaque période durant laquelle certains ont la chance de profiter de quelques jours de repos, en lieu et place de mon billet hebdomadaire, je propose une petite histoire. Issue du savoureux livre « contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Des histoires qui ont été réunies par Pascal Fauliot aux éditions Albin Michel.

Plusieurs chapitres le compose, avec chacun un thème particulier. Celui de ce jour appartient à « l’art de vaincre sans combattre ». . Il s’agit d’un conte, mais allez savoir…

Une démonstration convaincante.

« Un ronin rendit visite à Matajuro Yagyu, illustre Maître de l’Art du sabre, avec la ferme intention de le défier pour vérifier si sa réputation n’était pas surfaite.

Le Maître Yagyu tenta d’expliquer au ronin que le motif de sa visite était stupide et qu’il ne voyait aucune raison de relever le défi. Mais le visiteur, qui avait l’air d’être un expert redoutable avide de célébrité, était décidé d’aller jusqu’au bout. Afin de provoquer le Maître, il n’hésita pas à le traiter de lâche.

Matajuro Yagyu n’en perdit pas pour autant son calme mais il fit signe au ronin de le suivre dans son jardin. Il indiqua ensuite du doigt le sommet d’un arbre. Etait-ce une ruse pour détourner l’attention ? Le visiteur plaça sa main sur la poignée de son sabre, recula de quelques pas avant de jeter un coup d’œil dans la direction indiquée. Deux oiseaux se tenaient effectivement sur une branche. Et alors ?

Sans cesser de les regarder, le Maître Yagyu respira profondément jusqu’à ce qu’il laisse jaillir un Kiaï, un cri d’une puissance formidable. Foudroyés, les deux oiseaux tombèrent au sol, inanimés.

« Qu’en pensez-vous » ? demanda Matajuro Yagyu à son visiteur.

« In… incroyable… », balbutia le ronin, visiblement ébranlé comme si le kiaï l’avait lui aussi transpercé.

« Mais vous n’avez pas encore vu le plus remarquable… »

Le second Kiaï du Maître Yagyu retentit alors. Cette fois, les oiseaux battirent des ailes et s’envolèrent.

Le ronin aussi. »

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Premier bilan

Après trois saisons en « stand by », le 1er juillet dernier j’avais le plaisir d’ouvrir mon nouveau dojo à Paris. A l’approche de cette fin de trimestre et d’année, il est déjà possible de faire un premier bilan. Sans tomber dans une autosatisfaction béate on peut affirmer qu’il est satisfaisant. Mettre en avant les points positifs, c’est le but de cet article, sans qu’il soit utile d’évoquer quelques déceptions.
Tout d’abord, renouer de façon régulière avec ce métier qui est le mien, ce n’est pas rien ; tout comme pouvoir le faire en toute liberté quant aux actions à mener. Ensuite, des anciens élèves qui n’attendaient que ça sont venus me retrouver, m’apportant ainsi un précieux soutien et me témoignant une fidélité qui me va droit au cœur. Et puis il y a les nombreux nouveaux, venus pour découvrir le ju-jitsu ; des gens de tous âges. Des personnes qui n’avaient jamais rien pratiqué et d’autres, venant d’arts martiaux différents. Des gens souhaitant se mettre ou se remettre à une activité physique correspondant à leur forme du moment. Il en résulte un mélange de niveaux rassurant ; un dojo qui n’a que des ceintures foncées, ce n’est pas forcément bon signe, tout comme le fait de ne pas arriver à fidéliser des débutants ! L’ambiance qui règne sur ces nouveaux tatamis est un autre point positif. Une ambiance à la fois studieuse et décontractée (nous sommes aussi dans les loisirs) avec des élèves intéressés par la diversité des techniques que nous offre notre art, aussi efficaces que subtiles et dans lesquelles la finesse et la recherche du détail motivent au plus haut point. L’investissement physique, sans violence ni brutalité, permet d’acquérir ou de parfaire sa condition physique, en se dépassant raisonnablement.
Exception faite – dans ce cas précis – des « anciens » venus sur ces nouveaux tatamis, il n’est jamais évident de repartir de zéro, ce n’est jamais gagné d’avance, il y a une part de risque inévitable. Cette part de risque, je l’ai prise en connaissance de cause. Je n’avais pas trop le choix, par ailleurs. Sans doute l’expérience, la volonté et la passion qui sont miennes ne sont pas étrangères à cette encourageante entrée en matière.
Les projets sont nombreux pour les semaines et les mois à venir. Aussi bien pour motiver les pratiquants que pour susciter de nouvelles vocations. Des stages, les vendredis à thème, des cours avec des dominantes, des séances de découverte, un « pot de l’amitié » pour fêter la fin de l’année, etc.
Je n’oublie pas mes interventions programmées à l’extérieur du dojo : Bourgogne en janvier, Belgique et région bordelaise ensuite, et bien d’autres encore. L’aventure ju-jitsu continue et de belle manière !
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