Un peu d’histoire, (Pas si lointaine.)
A la fin des années 1970 le judo devenait très populaire au profit de l’aspect sportif, mais au détriment de l’aspect traditionnel et utilitaire. La mise en place des catégories de poids a permis à davantage de compétiteurs de pouvoir s’exprimer, mais en effaçant un peu le côté mythique et magique « du petit qui pouvait battre le grand ».
Si le judo s’imposait comme une excellente méthode d’éducation physique et mentale en direction des enfants, il perdait de son influence auprès des adultes en quête d’une méthode de self défense. D’autres disciplines, venant d’Orient, commençaient à occuper les tatamis : l’Aïkido offrait un aspect traditionnel recherché par certains et le karaté représentait pour beaucoup un moyen efficace de se défendre, notamment à l’aide de ses « atemi » (coups portés).
Mon père, Bernard Pariset, après une carrière exceptionnelle de judoka se consacrait à son dojo parisien de la rue des Martyrs. Ainsi, il était à l’écoute de néophytes adultes souhaitant pratiquer un art martial. Or, il constate que les demandes de renseignements affluent en direction… du karaté. Nullement jaloux de cet état de fait – il y avait une section karaté dans le dojo – il pensait néanmoins que c’était dommage, puisque dans notre discipline existait un secteur qui avait été délaissé : l’atemi-waza.
Fort de ce constat, il réussi à convaincre Henri Courtine, à l’époque directeur technique national de la F.F.J.D.A., de mettre en place une progression ju-jitsu en parallèle à celle du judo et dans laquelle serait revalorisée la famille des coups : « l’atemi-waza ». Pour marquer les esprits, il décida d’appeler cette méthode « atemi-ju-jitsu ».
Il n’était pas question de révolution, mais d’adaptation. Les atémis que l’on retrouvait dans les différentes écoles de ju-jitsu méritaient une remise à jour, les autres disciplines comme le karaté l’avait d’ailleurs opérée, quelques temps avant.
L’idée était très simple : il suffisait de prendre la progression de judo de l’époque et de mettre en face de chaque technique son application en self-défense en la renforçant avec un « atemi », quand c’était utile et possible. Cela n’avait rien d’hétéroclite dans la mesure où les projections puisent leurs origines dans la self défense ; on le prouve facilement en prenant une seul exemple : hiza-guruma sur une poussée de face aux épaules.
L’objectif étant de faciliter la tâche des professeurs en leur proposant un moyen « clefs en mains » de satisfaire une population qui, soit avait passé l’âge d’affronter un entraînement physique parfois trop important, ou bien tout simplement qui n’en n’avait pas l’envie.
De fait, cette population restait dans la famille « judo ju-jitsu ».
Sur le plan purement technique, je peux attester que les enchaînements coups-projections-contrôles sont d’une parfaite compatibilité et offrent une efficacité incontestable. On restait aussi dans les mêmes attitudes, au niveau des gardes par exemple, il n’y avait donc aucune difficulté pour passer de l’un à l’autre et inversement : du ju-jitsu au judo et le contraire.
Au milieu des années 1970, le projet s’est concrétisé, il a connu un vrai succès dans les années 1980. Dans beaucoup de dojos on a assisté à l’éclosion de nombreuses sections « atemi-ju-jitsu », avec une quantité de pratiquants dépassant les espérances. Ainsi judokas et jujitsukas se rassemblaient sous une même bannière et sous le même toit, avec deux options, mais un même état d’esprit, une complémentarité et une interchangeabilité constructive.
Malheureusement parfois le succès fait peur et beaucoup y ont vu une concurrence potentiellement nuisible au judo, alors que l’objectif était exactement l’inverse. Peut-être est-ce que cela a été mal compris ou pas voulu être compris ? Toujours est-il qu’à partir du milieu des années 1990 une gestion radicalement différente a été mise en place. Les programmes des passages de grades sont devenus davantage judo que ju-jitsu et le peu qui restait du ju-jitsu était différent dans la forme et dans l’esprit. Et puis, l’apparition de compétitions d’affrontement direct allait à l’encontre de l’objectif initial, à savoir de proposer une discipline à but non compétitif, comme doit l’être un art martial traditionnel. De fait, l’introduction de compétitions en ju-jitsu peut devenir une concurrence au judo. Et puis, à partir du moment où existent des compétitions dans une discipline, les professeurs ont tendance à n’enseigner que les techniques autorisées dans ces affrontements. Ce qui entraîne la suppression de techniques efficaces en self défense.
En abandonnant l’aspect utilitaire, ou tout du moins en le négligeant, on se prive d’une population qui va voir ailleurs.
Devant ces bouleversements et mon incapacité à me résoudre à abandonner ce que j’avais appris, démontré et enseigné, et ne me retrouvant ni dans la forme, ni dans le fond des nouvelles orientations, j’ai décidé de prendre mes distances en 1995. J’étais dans l’impossibilité de renier mes convictions. Non pas par manque d’ouverture d’esprit, ni de renoncement à évoluer (d’ailleurs de mon point de vue, il ne s’agissait pas d’une évolution) mais, en plus de la fidélité à des convictions, il s’agissait tout simplement de pragmatisme, puisque les clubs qui avaient ouvert de telles sections connaissaient un énorme succès. Alors, pourquoi ce changement ? Je me pose encore la question.
En illustration de cet article, on trouve les couvertures des premiers ouvrages consacrés à cette méthode. Celui qui présente le travail debout est de 1976, le second consacré au travail au sol doit dater de 1983.
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