Bloc-notes aigre-doux

IL N’Y A PAS DE PETITS PROFITS / JU-JITSU OU SELF-DEFENSE ? / DECEPTION / ZEN / STAGE.

Jeudi dernier, dans le journal l’Equipe, un article nous informait que les médaillés français aux derniers J.O. d’hiver allaient être imposés sur les primes perçues ! Cette décision inspire plusieurs remarques. D’abord, il n’en n’avait pas été de même pour les athlètes médaillés aux J.O. d’été à Rio en 2016. Ensuite, il s’agit de primes relativement modestes, compte tenu des performances qui sont le fruit d’années d’entraînement, d’efforts et de sacrifices. Et puis, dans le même article on apprend que ces athlètes de haut-niveau sont, en termes de revenus, en dessous du seuil de pauvreté, exception faite pour le plus connu d’entre eux. C’est un peu lamentable dans la mesure où si ces résultats leur apportent satisfaction et gloire, ces athlètes sont aussi (et surtout) de magnifiques ambassadeurs de notre pays. On peut conclure ce premier paragraphe en affirmant que décidement « il n’y a pas de petits profits ». A l’heure où j’écris ces lignes, il semblerait que devant la bronca suscitée par cette décision, un rétropédalage ait été effectué ! Tant mieux, mais rien que le fait d’avoir essayé n’est pas glorieux.

Avec le deuxième point nous revenons au ju-jitsu, à propos d’un sujet déjà abordé. Je suis toujours étonné lorsque je vois sur une affiche qui présente le programme d’un stage, que soient dissociés ju-jitsu et self-défense. Les associer pour signifier auprès de ceux qui ne connaissent pas notre discipline, qu’il s’agit de la même chose, cela se comprend, mais afficher ju-jitsu ET self-défense, sous-entendant que l’on pratiquera du ju-jitsu et ensuite de la self-défense (comme s’il s’agissait de deux éléments différents), n’est pas logique. Lorsque l’on fait du ju-jitsu on fait forcément de la self-défense ! Sauf pour l’aspect compétition, mais à ce moment là, ce n’est plus vraiment du ju-jitsu ! Constater que dans le même stage on pratiquera le goshin-jitsu puis de la self-défense est une sorte de pléonasme ; en effet, même si le goshin-jitsu est un kata, la traduction de ces deux mots signifie « technique de défense », c’est de cela qu’il est en effet composé.

Troisième point. Je suis toujours étonné que l’on puisse critiquer quelqu’un, tout en se réclamant de lui, lorsque ça arrange. Je ne citerai pas les expressions populaires, assez inélégantes mais très expressives, qui qualifient ce genre de comportement. On ne peut pas plaire à tout le monde, mais un peu de cohérence semblerait plus correct. Tout comme il est décevant de constater que, chez certains, la mémoire peut être parfois défaillante ou encore très sélective. Décidemment, l’ingratitude ne nous déçoit  jamais, c’est une valeur sûre !

On continue, mais avec de la douceur et de la sagesse, à propos d’un petit livre que je ne peux que vous recommander. Il s’agit de « Zen » (tout simplement) ; l’auteur s’appelle Maxence Fermine. Voici quelques lignes figurant sur la quatrième de couverture : « Ne plus courir. Apprendre à vivre et à observer. Devenir immobile. Et contempler ce qui nous entoure. Avec un ravissement toujours plus grand. Voilà le début du zen. » Un art, celui de vivre apaisé, en relativisant les épreuves de la vie (et il y a de quoi faire), en se satisfaisant des éléments en notre possession et en les magnifiant.

Enfin, on termine de manière très sympathique. En effet, samedi prochain je retrouverai un groupe de « fidèles  ju-jitsukas » avec le premier stage de la saison qui se déroulera à Paris, plus précisément à Montreuil. Ce sera aussi l’occasion, je l’espère, de faire de nouvelles connaissances (il est encore temps pour se décider).

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N comme le Ne-waza (le travail au sol)

Mon dictionnaire des arts martiaux s’arrête aujourd’hui à la lettre N. N comme Ne-waza (le travail au sol).

Voilà un secteur que j’affectionne particulièrement. L’hérédité, sans doute. On le retrouve en judo et en ju-jitsu, bien sûr.

C’est un domaine qui possède une richesse technique exceptionnelle, dans lequel on peut s’exprimer très longtemps, qui offre la possibilité d’aller au bout de l’effort et enfin il n’est pas dénué d’un certain aspect ludique qui ne gâche rien, bien au contraire.

L’objectif n’est pas de détailler sa composition technique mais, comme je le fais dans ce dictionnaire, c’est de revenir sur ce qui me plait dans ce domaine. Il est malgré tout utile de remarquer que le panel technique du travail au sol est impressionnant : clefs, étranglements, immobilisations et toutes les possibilités de combinaisons offertes.

Les détracteurs du travail au sol se plaignent d’une promiscuité qui peut paraître gênante, mais aussi du fait que l’on n’est jamais au sol dans la réalité. Les plus présomptueux affirment qu’ils ne laisseront pas le loisir à un agresseur de venir au contact. D’autre part, certains (sans l’avouer) trouvent qu’il n’est pas agréable, à l’entraînement, d’être souvent « en dessous », ce qui arrive lorsque l’on n’est pas à l’aise dans ce secteur. On touche là à un cercle vicieux dans la mesure où moins on le pratique, moins « on est bon », et moins « on est bon » moins on l’aime et donc moins nous sommes enclins à le pratiquer. Il n’y a qu’à renverser le problème en pratiquant davantage.

Je reviens sur les points forts de ce domaine, ceux que j’apprécie particulièrement. En plus d’une incontestable efficacité si l’on est amené au sol, il y a l’engagement total qu’il autorise à l’entraînement, la possibilité de s’y exprimer même en avançant dans l’âge et enfin l’aspect ludique.

Développons ces trois points. Tout d’abord, à l’entraînement, le ne-waza nous offre effectivement un engagement complet dans la mesure où il est possible d’aller au bout de l’action et de l’effort, sans qu’il y ait d’atteintes à l’intégrité physique du partenaire (si les deux respectent les règles préétablies). Il s’agit là d’une grande satisfaction.

Il est possible de s’y exprimer longtemps, même en avançant dans l’âge, puisque la stratégie et la technique sont plus importantes que la vitesse : « Le serpent n’avale pas la grenouille en une fois ».

Quant à l’aspect ludique, il est incontestable. Les joueurs d’échec affirment qu’ils y trouvent un parallèle. Il est intéressant, par exemple, de pouvoir préparer plusieurs « coups à l’avance », surtout dans la mesure où la vitesse n’est pas déterminante (à l’inverse du travail debout). On peut donc tranquillement tendre des pièges et malicieusement, comme le chat joue (cruellement, lui) avec la souris, prendre son temps et faire durer le plaisir jusqu’à ce que le partenaire tombe dans la toile d’araignée. Non, nous sommes ni dans les fables de La Fontaine, ni dans une animalerie, mais bien dans le ne-waza !

SI pour le néophyte le ne-waza n’offre pas beaucoup d’intérêt coté spectacle, en revanche un pratiquant confirmé appréciera l’évolution d’un combat, et pas seulement sa finalité, justement, mais les moyens (les techniques, les enchaînements) et la stratégie utilisés afin d’y parvenir.

A titre plus personnel, j’ai été très vite à bonne école ; en effet, mon père excellait dans ce domaine.

Dans chacun des trois grands groupes de techniques qui forment le ne-waza, mes préférences vont à juji-gatame pour les clefs, okuri-eri-jime pour les étranglements et kuzure-kami-shiho-gatame pour la famille des immobilisations. Les initiés s’y retrouveront.

Je pense que ce domaine mérite que lui soit associée l’appellation  de « science du combat ».

Cependant, il serait dommage de ne se consacrer qu’à ce secteur, si passionnant soit-il ! Pour un ju-jitsu complet, n’oublions pas les coups (atemi-waza) et les projections (nage-waza).

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Educateurs sportifs ou destructeurs physiques ?

Décidemment il est difficile d’accepter certaines vidéos qui proposent des séquences techniques ou encore des extraits de cours dans lesquels émane davantage de violence que de maitrise de soi. Et encore je n’évoque pas le « street fight » avec lequel on touche le fond. Non, l’article ci-dessous ne concerne que des images filmées dans certains dojos (s’il est encore possible d’utiliser cette appellation), parfois même sous « le regard » de Jigoro Kano. Nous sommes loin de la technique et de la voie de la souplesse qu’il défendait et du système éducatif qu’il prônait.

A un moment où l’actualité nous déverse chaque jour son flot de drames en liaison directe avec la violence, il me semble qu’il n’est pas convenable et admissible d’oublier la mission d’éducateur attachée au rôle de professeur. Nous sommes des éducateurs sportifs et non pas des destructeurs. Que l’on ne s’y méprenne pas, je ne suis pas pour l’impunité, ni pour le laxisme, ni habité par un angélisme inadapté.

Déjà, si une certaine discipline de base était respectée dans tous les dojos, aussi bien en ce qui concerne les arrivées en retard, les allées-venues pieds nus en dehors des tatamis, ou bien encore l’harmonie dans les tenues, ce serait un bon début ; tout comme le serait le respect des lieux, du professeur, des partenaires (qui ne sont pas des adversaires) et du règlement. L’endroit dans lequel nous pratiquons (et dont certains se réclament sans craindre d’en usurper le sens) s’appelle le « dojo », ce qui signifie l’endroit ou l’on « trouve la voie ». Si l’enseignant n’est pas en capacité de faire respecter les règles basiques, cela ne commence pas bien ! L’enseignement et la pratique des disciplines de combat que nous appelons arts martiaux doivent être entourés de précautions. Elles apprennent à se défendre, mais pas à devenir violent.

Les samouraïs, qui les pratiquaient n’étaient pas des tendres, mais nous avons évolué ; nous n’en sommes plus à réparer notre honneur en nous faisant « hara-kiri ». Nous continuons à nommer nos disciplines « arts martiaux » en nous réclamant de certaines de leurs valeurs, mais nous devons y associer l’aspect éducatif. Des attitudes dans lesquelles suinte une certaine violence ne manquent pas de s’imprimer dans les subconscients. Dans l’interprétation et la traduction qui sont les miennes, je considère davantage les arts martiaux comme étant les « arts de l’esprit » que les « arts de la guerre ».

La lutte contre ce fléau que représente la violence doit se faire de deux manières : par l’éducation et par la sanction. Le premier point (l’éducation) s’inscrit sur du long terme, même du très long terme. C’est là que nous, professeurs (dans notre domaine de compétence), nous avons notre rôle, même notre responsabilité. Certes, nous apprenons des techniques qui sont faites pour mettre hors d’état de nuire un individu qui veut du mal et certaines d’entre elles peuvent être fatales. Mais notre mission ne se limite pas à la distribution de techniques de défense (encore moins de « surviolence »), il est indispensable que l’enseignement de ces techniques soit entouré de certaines précautions. Là encore, c’est au professeur d’insister sur les dangers qu’elles représentent si elles sont utilisées de façon inadaptée, en dehors des règles du respect de la vie et de la légitime défense.

Quant au deuxième point, la sanction, la loi doit être appliquée. Dans ce domaine nous sommes sous l’autorité des pouvoirs publics. Alors concentrons nous sur la nôtre et faisons en sorte de rester, aussi et avant tout, des éducateurs en commençant par faire respecter nos règles internes et en donnant une image dans laquelle les « armes naturelles » dont nous disposons, soient davantage des armes de dissuasion. Celles-ci nous apportant assurance et confiance mais certainement pas inconscience et suffisance.

On pourra me reprocher une certaine redondance dans mes propos sur certains sujets, mais selon l’expression populaire, il n’est jamais inutile « d’enfoncer le clou » ! Il faut être volontaire et même obstiné pour de grandes causes, le combat contre la violence me semble en être une. Et encore, cet article se limite aux méfaits engendrés par une violence comportementale, mais il y a aussi beaucoup à dire sur les conséquences physiques des pratiques extrêmes.

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M comme Mawashi Géri

Nous arrivons à la lettre M de mon dictionnaire.

Comme Thierry Lhermite, allias Popeye dans « Les Bronzés », l’explique si bien : « Mawashi-géri est un coup de pied circulaire, parce qu’il est…circulaire ». Voilà une pédagogie simplifiée ! Et puis : «  ça vient de très loin, du Japon ». Trêve de plaisanterie, sinon : « on me retire ma licence » ! Ce passage culte de la leçon de Karaté, du film qui ne l’est pas moins, nous apprend aussi qu’il est utile d’avoir une certaine souplesse pour pratiquer cet atemi et qu’un bon échauffement s’avère indispensable !

Plus sérieusement, revenons à ce « coup de pied » qui en plus d’être efficace est esthétique. Il demande peut-être plus de travail et davantage d’habilité que d’autres atemis ; il a ma préférence, c’est pour cette raison que je lui réserve la lettre M de mon dictionnaire.

Une fois bien assimilé, son efficacité est incontestable, surtout lorsqu’il est utilisé dans des situations particulièrement adaptées : en décalé par rapport à la ligne des points vitaux, par exemple.

Ce « coup de pied » on le retrouve dans différents arts martiaux et disciplines de combat sous d’autres appellations, ne serait-ce que dans notre boxe française sous le nom de « fouetté ».

L’esthétisme qui émane de cette technique, correctement appliquée, est aussi une des raisons de mon choix. La beauté du geste (qu’elle soit physique ou mentale) ne me laisse jamais indifférent. Pour l’acquérir elle impose de la rigueur dans la recherche du moindre détail et dans les efforts à fournir. La satisfaction du travail accompli et les résultats seront la récompense. Il s’agit de la recherche du geste parfait dans lequel se conjuguent efficacité et esthétisme.

L’esthétisme que certains (dont je fais partie) apprécient, n’est certainement pas un gadget, comme indiqué plus haut ; il impose rigueur et travail, il différencie l’art martial de la simple méthode de défense. Les efforts que sa recherche impose seront autant de bienfaits pour l’efficacité. Sans cette quête « du beau », du geste parfait, je ne pense pas que j’aurais passé autant de temps sur les tatamis. A mon sens il s’agit d’une importante motivation qui vient s’ajouter aux autres : souplesse, approfondissement, recherche du détail, inlassables répétitions, etc. Autant d’éléments qui renforceront, de fait, l’efficacité. Et puis, à contrario (et n’en déplaisent à ceux qui critiquent cette recherche en arguant que seule l’efficacité compte et qu’il n’y a pas de temps à perdre en fioriture), l’efficacité d’une technique n’est pas forcément en rapport avec sa laideur.

Enfin l’art martial ouvre d’autres horizons, d’autres perspectives, prioritairement en matière éducative ; comme j’aime l’affirmer, cette rigueur et ces règles imposées sur les tatamis pourront être transposées pour une vie sociétale harmonieuse.

Le but de ce dictionnaire – que je me plais à réaliser – n’est pas de détailler les techniques élues, ou de faire une bio complète des personnalités choisies, mais d’expliquer pourquoi leur choix s’impose à moi ; ce qui m’a plu dans ces techniques et ces personnages et ce qu’ils m’ont apporté.

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Quand ça ne veut pas…

Il y a des obstacles infranchissables et des montagnes incontournables devant lesquels les principes de non-opposition et du « lâcher-prise » prennent tout leur sens, même si c’est un peu « la mort dans l’âme » que je dois renoncer à mon projet de retour à Paris.

J’avais juste mal évalué les difficultés qui se présenteraient. Lorsque l’on sort un peu des sentiers battus et du cadre d’une vie normale – ce qui a été mon cas avec la cession du club parisien de la Bastille il y a trois ans – il n’est pas facile d’y retourner. De nombreux obstacles et chicanes difficiles à franchir se dressent devant vous et surtout des portes aux serrures inviolables se ferment.

La faute à des lois et à des réglementations qui parfois stigmatisent et pénalisent certaines catégories de la population, mais aussi à une économie de marché réservée aux plus puissants.

Trop d’adversité et un manque de solidarité (le précepte d’entraide est en bonne place dans les dojos, mais pas dans les actes), m’ont confirmé que décidément : « A l’impossible nul n’est tenu ».

Je regrette d’être dans l’obligation de prendre cette décision. Je pense évidemment à tous ceux qui vont être déçus ; même si cela ne les consolent pas, cette déception est partagée. Je comprends la frustration engendrée par le fait de ne pas forcément retrouver ce que l’on recherche au travers d’une pratique martiale.

C’est donc la mort dans l’âme que j’abandonne le projet, mais je n’abandonne ni la pratique, ni l’enseignement du ju-jitsu et je continuerai à le défendre avec les moyens dont je disposerai.

Une autre page se tourne, n’est-ce pas finalement un signe positif du destin ?

Et puis, le fait de rester là où je suis m’offre des compensations qui, elles, n’ont pas d’équivalents !

Une pudeur naturelle et une certaine réserve m’empêchent de m’épancher publiquement davantage, mais n’ayant rien à cacher, je suis à la disposition de tous ceux qui souhaiteraient communiquer directement par courriels, textos, messages privés ou même téléphone.

Je souhaite une excellente saison à tous les pratiquants d’arts martiaux.

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L comme Jean-Claude Leroy.

Aujourd’hui je vous propose la suite de mon dictionnaire des arts martiaux avec la lettre L comme Jean-Claude Leroy.

A une époque où l’on efface encore plus vite que l’on encense, c’est faire preuve de la moindre des corrections que de ne pas oublier ceux qui vous ont marqué et aidé. C’est ce que je m’attache à faire avec mon dictionnaire personnel.

Aujourd’hui je vous parle d’un temps que beaucoup ne peuvent pas connaître. C’était en février 1973, le Service national existait encore et je venais d’être incorporé au Bataillon de Joinville qui, comme son nom ne l’indiquait pas, était basé à Fontainebleau. Ce régiment réunissait des judokas en âge d’effectuer leurs obligations militaires et qui possédaient les qualités requises pour accéder à ce prestigieux groupe. C’est là que j’ai fait la connaissance de Jean-Claude Leroy, un des judokas le plus talentueux que j’ai connu et qui n’a pas eu le palmarès qu’il aurait dû conquérir.

Il était devenu un ami, et peut-être même, parfois un grand frère. Il était mon aîné de deux années et dans beaucoup de domaines il bénéficiait d’une expérience plus importante que la mienne. Ceci étant, je le dis avec humour et sympathie, il n’était pas forcément utile de suivre tous ses conseils, mais il allait de l’avant ; le problème c’est que l’énergie dont il disposait n’était pas assez canalisée.

Ce n’est que mon avis, mais il aurait pu (et dû) devenir notre premier champion du Monde de judo dans les années 1970. Un uchi-mata à gauche dévastateur, un panel impressionnant de techniques autour de ce « spécial », une vitesse exceptionnelle, un sens du combat développé à l’extrême, et une classe folle. En France il a battu les meilleurs de sa catégorie (les « légers », les moins de 63 kilos de l’époque), mais jamais dans la compétition qu’il fallait. Alors que lui a-t-il manqué dans sa conquête du graal ? Peut-être tout simplement l’envie ! Il aimait sans doute trop de choses dans la vie pour se consacrer à une seule. Et puis la beauté du geste lui importait davantage que les reflets de la médaille. Il préférait perdre en ayant tenté de « jolies choses », que gagner « aux pénalités ». Je l’évoque au passé, puisqu’il nous a quittés bien trop tôt au milieu des années 1990.

Né d’une mère vietnamienne et d’un père français il avait un physique fait pour les arts martiaux, surtout au cœur des années 1970, en pleine « période Bruce Lee ». Et comme entre autres qualités il maitrisait parfaitement l’atemi-waza (le travail des coups) grâce à une souplesse naturelle et à son sens du combat déjà évoqué plus haut (sens du combat qui est transposable dans toutes les arts martiaux), il n’aurait pas manqué de briller dans les autres formes d’opposition.

Après avoir passé presque tout notre Service national ensemble, nous avons continué à nous fréquenter ; il habitait dans le Val d’Oise et appartenait à un très grand club : le J.C.V.B. (Judo-Club-Villiers-le Bel). Il est venu enseigner quelques temps au dojo de la rue des Martyrs et surtout il était avec moi au début de l’aventure de l’atémi-ju-jitsu, puisque nous avions été, lui et moi, les deux « acteurs » du premier livre – produit par la F.F.J.D.A. – qui proposait la progression par ceintures. Nous avions réalisé aussi quelques documents vidéo. Puis, comme cela lui arrivait souvent, il disparaissait. C’est sans lui que j’ai continué la croisade pour cette méthode de ju-jitsu.

Le rythme de nos rencontres s’est étiolé au fil des ans ; seul, ce que l’on appelait à l’époque le « Tournoi de Paris » (grand rendez-vous annuel du judo) permettait de nous retrouver en tant que spectateurs attentifs, jusqu’à ce que la maladie nous sépare définitivement. La lettre L de ce dictionnaire ne pouvait que lui être consacrée.

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Un moteur nommé passion…

La semaine dernière je publiais un article sur le début de cette nouvelle saison qui commence cette semaine et sur mon retour dans la capitale. Cet article a connu un succès incroyable en termes de « likes », de commentaires, de partages et de « personnes atteintes » sur la page du club de Facebook. Il y était question du plaisir qui est le mien de retrouver beaucoup de mes anciens élèves et d’initier des débutants ; j’évoquais aussi le ju-jitsu, celui que j’enseigne depuis des décennies, je faisais état de ses atouts.

Parmi les commentaires – tous plus sympathiques les uns que les autres -, il y en est un qui a particulièrement attiré mon attention ; l’auteur évoquait ma passion qui « transpirait » entre les lignes. Effectivement cette passion est restée intacte, elle n’a pas diminué, elle est toujours solidement chevillée au corps. En toute franchise, je pense que d’une certaine manière, elle se renforce au fil des années et le fait d’avoir drastiquement diminué la cadence en termes de transmission – ces derniers temps – a révélé un sérieux manque.

En effet, j’ai pris conscience que pour beaucoup de pratiquants l’enseignement que j’avais l’honneur de dispenser occupait davantage de place que je ne l’imaginais. Au plaisir d’enseigner une discipline que l’on aime s’ajoute des responsabilités particulières : celle de véhiculer une technique, d’apporter un bien-être et un mieux-vivre tout en participant à une éducation générale.

Un exemple : sur l’un des thèmes que j’aborde régulièrement, à savoir le combat contre la violence, même si j’entends des personnes que je respecte affirmer que malheureusement cet état est intrinsèque chez l’humain et que nous n’y pouvons rien, je crois sincèrement que les éducateurs ont (s’ils le peuvent et le veulent) un rôle déterminant. Si tel n’était pas le cas, il y a longtemps que mes judogis et jujitsugis seraient « au clou ».

Je ne conteste pas qu’il s’agit d’un combat face à un adversaire colossal, qui sévit depuis des millénaires, mais nous avons su passer de Cro-Magnon au préhomme puis à l’homme, grâce à notre cerveau (même si tout le monde ne bénéficie pas du même développement de cet organe) qui parfois a programmé les pires horreurs, mais qui lui a permis aussi de réaliser de grandes avancées sur le plan scientifique, médical et dans celui des relations humaines, entre autres belles évolutions.

Cette passion qui ne me lâche pas je la trouve également dans la reconnaissance dont je bénéficie dans le milieu des arts martiaux (oh, pas de tout le monde, mais de la part de personnes que j’estime, c’est l’essentiel. Et puis, il y en a qui ont une mémoire courte et/ou très sélective, mais laissons-les à leurs petites idées). Cette reconnaissance me prouve que tous ces mois, toutes ces années et toutes ces décennies passées à enseigner, démontrer, expliquer, convaincre et surtout à donner du bonheur à des centaines de pratiquants sur les tatamis n’ont pas été inutiles ; une belle récompense lorsque l’on a une haute estime du métier qu’on a la chance d’exercer (même si parfois il n’est pas valorisé comme il le mérite). Mettre le judogi ou le « ju-jitsugi », est à chaque fois un « grand moment ». Ce vêtement que le plus souvent on nomme « kimono » par facilité, dans lequel il est bon de transpirer et sur lequel n’existe aucun signe ostentatoire ou signalant une différence de classe sociale.

Je donne rendez-vous à mes « fidèles anciens élèves », dès demain au Fair play sport, pour de « nouvelles aventures », mais aussi à tous ceux qui veulent découvrir le ju-jitsu et je souhaite une bonne saison à toutes et à tous.

Je remercie aussi sincèrement Jean-Pierre Vignau pour l’accueil qu’il nous réserve dans son dojo.

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Retour le 28 août

C’est avec un plaisir que je ne dissimule pas que je reviens à Paris pour y dispenser régulièrement mes cours de ju-jitsu. C’est avec le même plaisir que je vais retrouver beaucoup de mes fidèles élèves, mais aussi faire découvrir notre discipline à de nouveaux venus.

Comme je l’avais expliqué dernièrement sur mon blog dans un article appelé « retour gagnant », après trois années de réflexion, l’envie de retrouver la capitale, de renouer avec un enseignement régulier auprès d’anciens élèves et d’initier des néophytes a été la plus forte. Et puis, Pariset se marie très bien avec Paris !

Dans un premier temps ceux qui le souhaitent pourront me retrouver les mardis et jeudis (soirs et midis) au Fair Play Sport un dojo situé dans le XXe arrondissement et dirigé depuis des décennies par le karatéka Jean-Pierre Vignau, une personnalité forte des arts martiaux.

Notre ju-jitsu est une discipline à la fois simple et complète. Simple, lorsqu’elle est présentée et surtout enseignée correctement. Disposant d’une impressionnante palette de techniques elle permet de proposer une progression où chaque niveau pourra s’adapter. C’est cette palette qui en fait aussi une discipline très efficace, évolutive et dans laquelle la lassitude n’a pas sa place.

Pour les néophytes, il faut juste rappeler que sur le plan technique nous pratiquons les coups (poings, pieds, mais aussi tous ceux qui sont interdits dans les boxes réglementées), les projections et les contrôles (clefs, étranglements et immobilisations). En matière d’auto-défense toutes les ripostes à toutes les formes d’agressions sont envisagées et étudiées. Sur le plan physique, la souplesse, la tonicité et le « cardio » permettront d’acquérir une condition physique parfaite, cela dans le respect absolu du corps. Enfin, sur le plan mental, pour peu que le professeur remplisse son rôle il s’agira d’une véritable « école de vie » dans laquelle seront mises en avant de fortes valeurs de maîtrise, d’honneur et donc de respect, dans un climat qui condamnera sans relâche cette violence qui ne cesse d’enlaidir notre société et contre laquelle, nous éducateurs, nous avons un rôle majeur à jouer.

Alors, que ceux qui sont intéressés et qui souhaitent me retrouver n’hésitent pas à prendre contact avec moi pour que je puisse leur fournir tous les renseignements utiles.

A tous, bonne reprise et bonne saison 2018/2019. Entamer une saison en ayant le bon goût de s’inscrire dans un dojo traditionnel (attention afficher le code moral, ne signifie pas forcément qu’il soit appliqué), c’est parfait, mais aller au bout de la saison en question, c’est encore beaucoup mieux.

A très vite sur les tatamis.

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Encore une très belle leçon…

A l’occasion de cette semaine, sans doute très calme en matière d’activité, je me permets de proposer à nouveau un conte que j’aime tout particulièrement. Il est dans la ligne de ma croisade contre la violence. Bonne lecture ! (Histoire issue des « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon » aux éditions Albin Michel.)

Un samouraï se présenta devant le maître zen Hakuin et lui demanda :
— Y a-t-il réellement un paradis et un enfer ?
— qui es-tu ? demanda le maître.
— Je suis le samouraï…
— Toi, un guerrier ! s’exclama Hakuin. Mais regarde-toi. Quel seigneur voudrait t’avoir à son service ? Tu as l’air d’un mendiant. 
La colère s’empara du samouraï. Il saisit son sabre et le dégaina. Hakuin poursuivit :
— Ah bon, tu as même un sabre ? ! Mais tu es sûrement trop maladroit pour me couper la tête. 
Hors de lui, le samouraï leva son sabre, prêt à frapper le maître. A ce moment celui-ci dit : 
—  Ici s’ouvrent les portes de l’enfer.
Surpris par la tranquille assurance du moine, le samouraï rengaina son sabre et s’inclina. 
— Ici s’ouvrent les portes du paradis, lui dit alors le maître…
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Une belle victoire

Encore une histoire dans laquelle sont réunis humour, sagesse et intelligence. Loin d’être un signe de lâcheté ou de faiblesse, vaincre sans arme et sans combattre, n’est-ce pas la meilleure des solutions ? Bonne lecture.

« Le célèbre maître Tsukahara Bokuden traversait le lac Biwa sur un radeau avec d’autres voyageurs. Parmi eux, il y avait un samouraï extrêmement prétentieux qui n’arrêtait pas de vanter ses exploits et sa maîtrise au sabre. A l’écouter, il était le champion toutes catégories du Japon. C’est ce que semblaient croire tous les autres voyageurs qui l’écoutaient avec une admiration mêlée de crainte. Tous ? Pas vraiment, car Bokuden restait à l’écart et ne paraissait pas le moins du monde gober toutes ces sornettes. Le samouraï s’en aperçut et, vexé, il s’approcha de Bokuden pour lui dire :

— Toi aussi tu portes une paire de sabres. Si tu es samouraï, pourquoi ne dis-tu pas un mot ?

Bokuden répondit calmement :

– Je ne suis pas concerné par tes propos. Mon art est différent du tien. Il consiste, non pas à vaincre les autres, mais à ne pas être vaincu.

Le samouraï se gratta le crâne et demanda :

— Mais alors, quelle est ton école ?

— C’est l’école du combat sans arme.

— Mais dans ce cas, pourquoi portes-tu des sabres ?

— Cela me demande de rester maître de moi pour ne pas répondre aux provocations. C’est un sacré défi.

Exaspéré, le samouraï continua :

— Et tu penses vraiment pouvoir combattre avec moi sans sabre ?

— Pourquoi pas ? Il est même possible que je gagne !

Hors de lui, le samouraï cria au passeur de ramer vers le rivage le plus proche, mais Bokuden suggéra qu’il serait préférable d’aller sur une île, loin de toute habitation, pour ne pas provoquer d’attroupement et être plus tranquille. Le samouraï accepta. Quand le radeau atteignit une île inhabitée, le samouraï sauta à terre, dégaina son sabre, prêt au combat. Bokuden enleva soigneusement ses deux sabres, les tendit au passeur et s’élança pour sauter à terre, quand, soudain, il saisit la perche du batelier, puis dégagea rapidement le radeau pour le pousser dans le courant.

Bokuden se retourna alors vers le samouraï qui gesticulait sur l’île déserte et il lui cria :

— Tu vois, c’est cela, vaincre sans arme. »

(Extrait de contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon, par Pascal Fauliot)

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