Souvenirs de 1986, « la défense dans la ville ».

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La semaine dernière, grâce aux réseaux sociaux j’ai retrouvé avec plaisir, Jean Pucci, c’est lui qui, en 1986, avait réalisé la série télé « La défense dans la ville ». Entre nous le courant était tout de suite passé et sans prétention, je crois que nous avions fait du bon travail. Ces retrouvailles m’ont donné l’idée de consacrer un billet à cette aventure.

Cela se passait en 1986 et au sein de la FFJDA la mise en place de la revalorisation du ju-jitsu portait ses fruits. Les stages de formations des professeurs se succédaient à un bon rythme, j’avais eu l’honneur et le plaisir d’encadrer les premiers, notamment à Chamonix en 1982. Une commission technique fédérale avait été créée et de nombreuses sections ju-jitsu voyaient le jour avec chacune d’elles un nombre impressionnant de nouveaux adhérents. L’idée avait germé de proposer une série destinée à « vulgariser » le ju-jitsu en le présentant sous sa forme très utilitaire et je me suis vu confier la conception de vingt-six clips de six minutes chacun destinés à passer à une heure de bonne écoute sur une grande chaine de télé. Grâce à Christian Quidet, éminent journaliste sportif, c’est « Antenne 2 » devenu ensuite « France 2 » qui avait accepté le projet.

A chaque épisode était présentée une agression en extérieur, puis l’étude technique de sa riposte en dojo. Enfin nous retournions en extérieur pour voir l’agressé venir à bout de son agresseur.

Le tournage s’était étalé sur environ six mois, de septembre 1986 jusqu’à février 1987. Les épisodes devaient être diffusés pendant l’émission « Stade 2 » que l’on pouvait voir tous les samedis après-midi. A l’occasion du lancement de la série, une émission spéciale en direct avait été prévue, c’était au mois de mars 1987. Une bonne demi-heure de direct, plus la diffusion du premier épisode, ça commençait bien.

Sur le plan purement pratique, l’idée était de montrer diverses formes d’agressions et différents profils « d’agressés ». Défenses sur coup de poing et coup de pied, sur saisies, au sol, contre armes. Tout cela présenté par des hommes, des femmes, des jeunes et moins jeunes. Les séquences se déroulaient dans la rue, mais aussi en pavillon, en appartement, au DAB d’une banque, dans un square, à la terrasse d’un café, etc. Sans oublié des scènes tournées dans le métro, sans les autorisations nécessaires, mais il doit y avoir maintenant prescription.

Malheureusement les téléspectateurs n’ont pu assister à la totalité des épisodes, la diffusion s’est arrêtée brutalement après le sixième épisode, pour des raisons qui restent obscures, sans doute le succès remporté par l’émission ne plaisait pas à tout le monde.

Jean Pucci et son équipe de techniciens de l’image et du son avaient vraiment bien assurés, ces semaines de tournage ont permis de tisser quelques liens, je suis très heureux d’avoir pu le retrouver.

la photo d’illustration est extraite d’un numéro de « Karaté-Bushido » de l’année 1987

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Abandon

tai-otoshiA chaque début de saison ce sont malheureusement plus de 50 % d’élèves qui ne renouvellent pas leur adhésion et ne reprennent plus le chemin du dojo. Ce chiffre émane de sondages effectués il y a quelques années mais il y a peu de chance qu’il ait évolué favorablement. Cela signifie que pour conserver le même effectif et « a fortiori » l’augmenter, il faut recruter la saison suivante un nombre équivalent de débutants, sinon plus. Il s’agit d’un challenge colossal et si ce n’était pas le cas, l’équilibre de la structure serait menacé.

S’agissant d’une moyenne, cela signifie que certains clubs conservent davantage d’adhérents, mais à l’inverse, d’autres en perdent beaucoup plus.

Avant de savoir comment attirer de nouveaux élèves, il serait judicieux de faire en sorte d’avoir moins d’abandons !

Il y a ceux contre lesquels nous ne pouvons rien : la maladie, le changement de situation professionnelle ou encore familiale. De même, dans certaines régions, les sollicitations sont plus nombreuses dans des domaines diverses. Ou bien encore, une vie dans laquelle beaucoup de temps sera perdu dans les transports facilitera l’irrégularité qui débouche fatalement sur l’abandon. Enfin, il y a ceux qui pensent, souvent à tord, que finalement ces activités ne sont pas faites pour eux et ceux qui n’y trouvent plus d’intérêt. Déjà à partir de ces deux derniers états de fait le rôle du professeur est essentiel. C’est lui qui va donner – ou pas – l’envie de continuer.

J’évoquais dernièrement sur ce blog la dévalorisation de cette fonction de professeur. Ne serait-elle pas en lien direct avec la forte baisse d’adhésions dans certains dojos ? Les professeurs (pas tous) ne seraient-ils pas devenus des entraîneurs ne s’intéressant qu’à l’élite du club en stigmatisant ceux qui, pour différentes raisons, n’adhérent pas à la compétition ! Beaucoup de personnes intéressées, soit par le côté utilitaire (la self-défense) ou bien par d’autres aspects attachés aux arts martiaux traditionnels se dirigent vers des disciplines dans lesquelles ne leur seront pas imposés des choix qui ne sont pas les leurs !

Donner l’envie de commencer passe par un programme attractif et abordable, mais pour donner l’envie de continuer il faut éviter la lassitude en proposant un programme varié avec une solide pédagogie, mais aussi un enseignement adapté à toutes les conditions physiques et encadré de façon à éviter les grosses blessures. Tout cela doit se dérouler dans une ambiance où la violence sera proscrite. Enfin, il faudra définir des objectifs (en dehors de l’inévitable « compète » réservée surtout aux plus forts) qui permettront la réalisation de progrès, et qui représentent encore la meilleure incitation à persévérer. Appliquer ces théories est souvent plus compliqué que « lâcher » l’effectif en randoris libres dans lesquels seuls les plus costauds s’expriment (et survivent). La formation pédagogique de certains professeurs (et le temps que ceux-ci peuvent y consacrer) n’est peut-être pas assez adaptée à des aspirations qui ne cessent d’évoluer.

Ne pas renouveler chaque année un nombre important d’élèves est préjudiciable de deux façons. D’abord pour ceux que l’on perd, mais aussi parce que – de fait – on se prive du meilleur ambassadeur qui soit, à savoir un élève à l’enthousiasme fédérateur. Celui-là ne cessera de parler de son activité autour de lui (parfois un peu trop d’ailleurs). Pour illustrer ces lignes, finissons sur une autre statistique : 50 % des nouvelles adhésions se réalisent par… relation. Lorsqu’un club perd deux élèves il risque donc de se priver d’un nouveau potentiel, du coup il en perd trois. Et comme l’année suivante l’effectif est moindre, le pourcentage de nouveaux inscrits par « relation » s’en trouvera d’autant plus affecté.

Il n’est pas possible de finir cet article sans évoquer la qualité de l’ambiance générale qui devra régner au sein du dojo, en n’oubliant pas qu’il s’agit d’une activité qui s’inscrit aussi dans le domaine du loisir, même si le respect du code moral, composé de valeurs éducatives pour toutes les générations, devra être respecté.

Quant à capter de nouvelles adhésions cela pourra faire l’objet d’un nouveau billet.

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Les 16 atemis

L’enchaînement des « 16 atemis » démontré dans la vidéo ci-jointe (réalisée en 1992) a été mis au point au début des années 1980. Les techniques qui le composent ont largement été inspirées par le « travail des coups » que l’on retrouve dans le kime-no-kata et le goshin-jitsu-no-kata.

L’objectif était de mettre en avant ce secteur important que représente l’atémi-waza. Les techniques ne sont pas spectaculaires, essentiellement utilitaires (ce qui n’implique pas que ce qui est spectaculaire n’est pas efficace). Le perfectionnement dans ce secteur devra d’ailleurs être renforcé par d’autres méthodes d’entraînement sur lesquelles nous pourrons revenir ultérieurement.

Sa présentation comporte quelques particularités :

En premier lieu, il se pratique sans se mettre « en garde », partant du principe que devant un effet de surprise, on doit être capable de réagir à partir d’une attitude naturelle. En second, il s’exécute systématiquement à droite et à gauche. Tori et Uke (le gentil et le méchant !), changent de place entre chaque technique par rapport au joseki (le jury, lors d’un examen) jusqu’à la 5ème ; puis entre l’exécution à droite et à gauche à partir de la 6ème, exception faite pour la 9ème et la 10ème. Ces changements de place permettent une remise à distance harmonieuse pour que – et c’est le troisième point -, Tori et Uke avancent l’un vers l’autre avant chaque attaque. Bien que lors d’un examen ce ne soit pas rédhibitoire en cas d’oubli, le kiaï devra être utilisé ; il s’agit d’une expiration forcée qui se matérialise par un cri.

En complément de cet enchaînement et afin que ce travail reste dans l’esprit et la forme du ju-jitsu, le professeur devra proposer des finalités en projections et/ou contrôles.

A l’époque de la création des « 16 Atemis », cet enchaînement venait compléter une liste dans laquelle figurent « les 16 techniques », « les 16 Bis », « les 16 Ter », « les 16 contrôles » et les « 24 techniques ». Ces enchainements que j’ai eu le plaisir de créer venaient en complément du programme par ceintures debout et au sol et des deux katas cités plus haut.

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Du dojo à la rue…

tori-2Dernièrement un internaute se demandait si les professeurs de ju-jitsu testaient leurs techniques « en situation », c’est-à-dire dans la rue, pour être tout à fait précis. Cette question pourrait être posée plus largement à tous ceux qui enseignent une méthode de défense. Mais peut-être y avait-il un peu de malice dans cette interrogation ? Ceci étant, tester chaque technique dans la rue avant de l’enseigner n’est pas vraiment possible. D’abord parce que c’est interdit ; il existerait un problème de droit (et de conscience) s’il s’agissait de provoquer une telle situation.

Certes, travailler dans le confort d’un dojo et se retrouver confronté à la violence de la réalité, ce n’est pas pareil. Mais la crédibilité d’un enseignant et l’efficacité des élèves ne peuvent pas passer par la rue. Il est vrai que certaines méthodes sont plus crédibles que d’autres, mais en grande partie, cela dépend de l’enseignant, et malheureusement il y a de l’incompétence partout ! Parfois aussi une certaine forme d’abus (pour employer une formule polie), quand certains n’hésitent pas à « surfer » sur des évènements dramatiques.

Apprendre à éviter les « situations à risque » fait  partie de l’éducation inhérente aux arts martiaux et plus largement à toutes les disciplines se réclamant de la self-défense. L’aspect psychologique, sur lequel certains insistent avec raison ne doit pas être à sens unique ; être préparé mentalement est préférable, mais il faut aussi mettre en garde sur toutes les conséquences d’un combat de rue. Cet aspect psychologique se renforcera par une pratique régulière, ne serait-ce que par la confiance acquise au fil du temps, ce qui est plus sain qu’un conditionnement permanent dans l’état de stress propre à une agression. Et puis, l’essentiel reste l’apprentissage technique et les nombreuses répétitions. La régularité que l’on s’imposera renforcera aussi la condition physique et les automatismes. Ces derniers étant incontournables, à fortiori pour ceux qui pensent ne pas être encore trop affutés mentalement.

Durant ma carrière, j’ai recueilli un nombre important de témoignages de la part de personnes ayant pu se sortir de mauvaises situations grâce à leur pratique, sans jamais avoir eu besoin de se tester « en situation réelle» au préalable.

Et puis, en matière d’agression, comme pour certains évènements de la vie, il existe une part d’imprévu dans laquelle la chance et des circonstances particulières peuvent jouer un rôle non négligeable. Pour illustrer cette affirmation, j’évoquerai deux exemples véridiques. Le premier met en scène un ex-champion du Monde de boxe, mis KO dans un bar par un « pochtron ». Le second un élève, pas du tout sportif et plus très jeune, qui à la sortie de sa première séance de ju-jitsu a pu se défaire d’un agresseur qui tentait de lui arracher sa sacoche, tout simplement en lui appliquant un coup de pied appris et répété une demi-heure auparavant. Comme quoi tout peut arriver, le pire comme le meilleur ! Il n’est donc pas possible de répondre avec sincérité à une question souvent posée par des néophytes : « Au bout de combien de temps, je pourrai me défendre ? ».  Chacun possède en lui un potentiel défensif, plus ou moins important. Celui-ci augmentera au fur et à mesure de la pratique. Il n’existe ni solution miracle ni invincibilité, seulement un enseignement sérieux et un  entraînement régulier.

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Haut les cœurs aux Pays-Bas

imafCe week-end, en Hollande, on fêtait les quarante ans de l’International Martial Art Fédération (l’IMAF) dans sa « Branche Europe ». Cette organisation regroupe des arts martiaux traditionnels, elle permet de véhiculer et surtout de conserver un état d’esprit et une conception des arts martiaux qui est à l’opposé du « tout compétition ».

L’événement se passait donc en Hollande, le siège de l’institution étant dans le pays des tulipes. Je m’y étais déjà rendu en 2002 pour le vingt-cinquième anniversaire.

Je suis un habitué de ce genre de week-ends au cours desquels le plaisir des rencontres et celui de transmettre n’a d’égal que la fatigue qui nous envahit à la fin de ces deux journées. Mais c’est d’une bonne fatigue dont il s’agit.

En plus de son objectif principal qui est de transmettre et d’échanger, ce séjour permet de retrouver d’anciennes connaissances et d’en nouer de nouvelles, chez les élèves mais également auprès d’autres experts.

Pour cela il y aussi les repas pris en commun et les discussions en dehors des tatamis.

Durant le séjour, on n’échappe pas à de nombreux déplacements en voiture, de l’aéroport (ou de la gare) à l’hôtel, de l’hôtel au dojo, du dojo à l’endroit où l’on mange, etc. Bref, pas une minute ne nous appartient. Et puis, lorsque l’on est à l’étranger et que l’on ne maitrise pas la langue, il faut un supplément d’organisation. En effet, même si nos disciplines sont très visuelles, leur enseignement ne saurait se passer d’explications orales. Bien heureusement, j’ai pu bénéficier de l’assistance d’interprètes performants qui réussissaient même l’exploit de traduire les quelques inévitables « blagues » qui ne manquent pas de pimenter mon enseignement.

Donc, le principe de ce stage était de proposer quatre disciplines sur quatre tatamis différents, animés par les experts invités. M.M. Bertoletti, La Salendra, Jansen, Kutter et votre serviteur. Ainsi étaient représentés l’Italie, l’Allemagne, la Belgique et notre beau pays. Les stagiaires se répartissaient sur ces ateliers dans lesquels ils pouvaient travailler du karaté, du ken ju-jutsu, du « rapid system » et bien-sûr du ju-jitsu. A l’issue de chaque intervention d’une heure, nous faisions « tourner les groupes ». Cela permet un échange technique et culturel intéressant, même si le temps qui nous est réservé nous empêche d’approfondir complètement les thèmes abordés.

Durant la coupure du midi, en plus d’un « casse-croute » revitalisant, nous avons pu bénéficier de démonstrations et de remises de diplômes.

Lorsqu’à la fin du dimanche, le retour « à la maison » s’effectue avec le sentiment d’avoir apporté des connaissances et du bonheur, d’avoir pu défendre et démontrer une discipline dans laquelle on croit et qui, manifestement, a satisfait les personnes présentes, bref lorsque le sentiment d’avoir fait son métier le plus rigoureusement possible, la fatigue s’efface.

Merci aux organisateurs de cette belle journée. A tous, je donne rendez-vous prochainement pour de « nouvelles aventures » !

 

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La loi de l’équilibre

couverture-contes-et-legendesA l’occasion des premières vacances scolaires de la saison, certains dojos s’offrent une première pose. C’est sans aucun doute un moment propice pour un peu de lecture et de réflexion. Découvrir, ou redécouvrir une belle leçon de patience grâce à un extrait de l’excellent ouvrage « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon », participera à l’étude de nos chers arts martiaux. Bonne lecture.

Ayant l’occasion de séjourner au Japon au début du siècle dernier, un européen avait décidé d’y apprendre le ju-jitsu qui lui paraissait être une méthode de combat redoutable. Il commença donc à suivre les cours d’un Maître renommé.

Mais quelle ne fut pas sa surprise quand, au bout de la troisième séance, il n’avait toujours appris aucune technique de combat ! Il s’était seulement exercé à des mouvements très lents, en décontraction. A la fin de la séance, il décida d’aller trouver le Maître.

« Monsieur, depuis que je suis ici, je n’ai rien fait qui ressemble à des exercices de lutte.

– « Asseyez-vous, je vous prie », déclara le Maître.

L’européen s’installa négligemment sur le tatami et le Maître s’assit en face de lui.

« Quand commencerez-vous à m’enseigner le ju-jitsu ? »

Le Maître sourit et demanda :

– « Etes-vous bien assis ? »

– «  Je ne sais pas…Y a-t-il une bonne façon de s’asseoir ? »

Pour toute réponse, le Maître désigna de la main la façon dont il s’était lui-même assis, le dos bien droit, la tête dans le prolongement de la colonne vertébrale.

– « Mais écoutez, reprit l’Européen, je ne suis pas venu ici pour apprendre à m’asseoir. »

– « Je sais, dit patiemment le Maître, je sais, vous voulez apprendre à lutter. Mais comment pouvez-vous lutter si vous ne cherchez pas l’équilibre ? »

– « Je ne vois vraiment pas le rapport entre le fait de s’asseoir et le combat.»

-« Si vous ne pouvez rester en équilibre quand vous êtes assis, c’est-à-dire dans l’attitude la plus simple, comment voulez-vous garder l’équilibre dans toutes les circonstances de la vie et surtout, dans un combat ? »

S’approchant de son élève étranger qui restait perplexe, le japonais le poussa légèrement. L’européen tomba à la renverse. Le Maître, toujours assis, lui demanda alors d’essayer de le renverser à son tour. Poussant d’abord timidement d’une main, puis y mettant les deux, l’élève finit par s’arc-bouter vigoureusement contre le Maître, sans succès. Soudain, ce dernier se déplaça légèrement et l’autre bascula en avant, s’étalant de tout son long sur les tatamis.

Esquissant un sourire, le Maître ajouta :

– « J’espère que vous commencez à comprendre l’importance de l’équilibre. »

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Duel !

kodokan-atemi-wazaDans les années 1960, la bataille faisait rage entre les deux principaux arts martiaux de l’époque et jusque dans les cours de récréation une question revenait fréquemment : «Quel est le plus fort : le judo ou le karaté ? ». A l’heure actuelle cette question saugrenue existe toujours, sauf qu’il y a pléthore d’arts (plus ou moins) martiaux et autres disciplines de combat. La question n’a que peu de sens, en effet, puisque avant tout cela dépend de « qui pratique quoi ?». Sans aucun doute Teddy Riner serait bon dans n’importe quelle discipline de combat ! En plus de qualités techniques et physiques, un combattant de haut-niveau (judoka, boxeur, etc.) possède ce que l’on appelle le « sens du combat ». Il se transpose aussi bien dans le corps à corps que dans le combat à distance. Esquiver un crochet ou empêcher l’adversaire d’imposer son kumi-kata, porter un direct ou réussir à placer sa main sur le judogi, être dans le bon « timing » pour entrer une attaque en «  poing-pied » ou une tentative de projection, porter le contre au bon moment, autant d’exemples qui demandent des qualités similaires et transposables. Quant au mental, ce que l’on peut appeler populairement « l’œil du tigre », il est identique quel que soit l’affrontement. Comme pour le choix d’un art martial, pour lequel le professeur importe autant que l’art auquel on va se consacrer, l’efficacité dépendra aussi et surtout du combattant.

La rivalité entre judo et karaté n’existait pas uniquement sur le plan technique, elle se plaçait aussi sur un plan « comptable ». Tout au début des années 1970 le judo se développait considérablement sur le plan sportif ; il augmentait de façon importante le nombre de ses licenciés, notamment chez les enfants ; sa valeur éducative et – il faut l’avouer – son coté « pratique » en étaient les principales raisons. En même temps, il perdait de sa magie, il n’était plus l’art qui permettait au petit de faire tomber le grand. Avec l’instauration des catégories de poids, les petits se retrouvaient entre eux, les grands aussi. En privilégiant l’aspect sportif, le judo se défaisait de son aspect utilitaire. Dans les dojos, le ju-jitsu, que certains appelaient aussi « la self », n’était plus enseigné et encore moins l’atemiwaza, qui, à l’origine, faisait partie intégrante du patrimoine, tel que le concevait son fondateur, Jigoro Kano, comme en témoigne l’image qui accompagne ce billet. De ce fait, de plus en plus d’adultes se tournaient en nombre vers cette discipline qui venait d’arriver en France et qui utilisait l’art du travail à distance, son efficacité semblait redoutable, il s’agissait du karaté. C’est pour cette raison que la remise en valeur du ju-jitsu (au sein de la fédération de judo), à l’initiative de mon père Bernard Pariset, devait inévitablement passer par la réhabilitation du secteur délaissé qu’était celui de l’atemi-waza. Cela commençait par le nom. C’est ainsi que celui d’atemi-ju-jitsu a vu le jour. Sur le plan purement technique les atémis (les coups) avaient été proposés en compléments du travail debout et du travail au sol (compatibles dans l’esprit et dans la forme). Il permettait à l’enseignant qui souhaitait conserver les adultes non intéressés par la compétition de lui faciliter la tâche en transposant, tel un calque, des techniques de défense sur le programme de la méthode française d’enseignent du judo de l’époque. Cela ne demandait pas un grand effort de remise à niveau, ceux qui n’avaient pas hésité à le faire ne le regrettaient pas, de très belles sections ju-jitsu voyaient le jour, regroupant un nombre impressionnant d’adhérents. Avec cette initiative il n’était pas question de couper l’herbe sous le pied d’une discipline respectable comme le karaté, mais tout simplement de rendre au ju-jitsu ce qui lui appartenait en réhabilitant l’atemi-waza. Vingt cinq années plus tard, en 1995, la fédération délégataire emportait le ju-jitsu sur d’autres voies (pas celles de la souplesse, en tout cas !). Peut-être que cela était volontaire, par crainte d’une remise en valeur trop importante et qui aurait pu – notamment – apporter à la toute première question (judo ou karaté, quel est le plus « fort » ?) la réponse suivante : « le ju-jitsu, puisqu’il possède les techniques des deux » !

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Un dimanche « en ju-jitsu »

saint-palais-logoCertes, il n’y avait pas énormément de ju-jitsukas sur les tatamis du magnifique dojo du club de Saint-Palais-sur-Mer en Charente-Maritime à l’occasion du stage que j’ai eu le plaisir de diriger dimanche dernier. Cela n’a rien de bien extraordinaire dans la mesure où il s’agissait d’une « première ». De plus, il est vrai que perdurent certains « blocages » ainsi qu’un sectarisme d’un autre âge. Et puis, existe la crainte de quelques réprimandes venant « d’en haut » en faisant la promotion d’un stage dirigé par une personne n’appartenant pas au « sérail » (et qui d’ailleurs n’appartient à aucun sérail, si ce n’est à celui des enseignants et défenseurs du ju-jitsu). Dommage, surtout lorsque ce sont les pratiquants que l’on prive d’un partage des connaissances.

Ceux qui étaient présents manifestaient une belle motivation, et à un travail intensif sur le tatami, s’est ajoutée la joie de faire de nouvelles connaissances et de renouer avec d’anciennes. C’est aussi l’occasion de tester (si besoin en était) l’attractivité d’une méthode qui satisfait un large éventail de la population, des plus jeunes au moins jeunes et des plus affutés physiquement à ceux qui le sont moins (mais qui aspirent à le devenir).

Entre deux séances, c’est aussi l’occasion d’échanges de points de vue sur le ju-jitsu, les arts martiaux et divers sujets de société. C’est aussi parfois dans ces moments là que naissent de belles amitiés.

Enfin, dimanche dernier il y a eu ce bon moment, lorsque j’ai découvert avec plaisir, et en bonne place dans le dojo, la planche murale sur laquelle je présentais les 16 techniques et le Goshin-jitsu. Cette affiche a bien une trentaine d’années, la conserver et s’en inspirer encore maintenant est la preuve que « tout n’est pas perdu ».

Un grand merci aux dirigeants du club de nous avoir accueillis et des félicitations à Hervé Adam, qui ne s’est pas ménagé dans la préparation de cette belle journée. En attendant la prochaine….

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Professeur, l’indispensable revalorisation…

tai-otoshiBien que spécialisé dans le ju-jitsu, je pratique, j’aime et je me passionne aussi infiniment pour le judo. Comment pourrait-il en être autrement avec l’hérédité qui est la mienne ? Et puis, un lien indéfectible existe entre le ju-jitsu que j’enseigne et le judo. Là aussi, comment pourrait-il en être autrement, d’un point de vue historique ?

Je voudrais revenir sur les discussions et les débats suscités par les résultats de l’équipe de France à l’occasion des derniers championnats du Monde de judo. Plus exactement sur l’absence de résultats, du coté des masculins, exception faite pour le phénomène Riner. Mais n’est-il pas le « Teddy qui cache la forêt » puisqu’en dehors de lui aucune autre médaille n’a été ramenée de Budapest chez les hommes ?

Pourquoi une nation comme la France qui compte autant de licenciés ne fait pas mieux ? A qui la faute ? Chacun fait part de son point de vue, il ne m’est pas interdit de donner le mien.

Mettre en cause le fonctionnement fédéral dans le domaine du haut-niveau ne me semble pas être juste. Grâce, entre autres, aux licences, subventions et autres sponsors les infrastructures sont nombreuses et adaptées, les entraîneurs compétents. Mais en est-il de même pour l’enseignement de base ? Le professeur étant le premier acteur de la formation d’un champion, le problème ne viendrait-il pas de là ? A-t’il à sa disposition les moyens de remplir sa mission ? Il ne s’agit pas de remettre en cause ses compétences dans leur intégralité ni encore moins sa motivation, mais peut-être les moyens dont il dispose. Je n’évoque pas les infrastructures de base, puisque notre pays ne manque pas de clubs, le moindre village possède un équipement dédié au judo (savoir si cela va pouvoir durer en raison de certaines mesures, est une autre question), mais justement, n’y a-t-il pas trop de dojos et pas suffisamment de professeurs bénéficiant du temps nécessaire pour acquérir et disposer d’une méthode d’enseignement complète.

Pour construire une maison, si beaux soient les matériaux qui permettront de l’élever ils ne serviront à rien si les fondations ne sont pas bonnes, si elles ne sont pas solides. Il en est de même pour les « hautes sphères » du judo, si la formation de base qui, par définition, ne peut s’acquérir que dans le premier dojo n’a pas été suffisante. (C’est volontairement que je ne qualifie pas la formation de mauvaise, mais d’insuffisante.)

Insuffisante parce que la fonction de professeur de judo a été dévalorisée ; il n’y a plus, ou si peu, de professeurs qui vivent uniquement de leur enseignement. Ils le font en plus d’un autre métier, et par conséquent – si motivés soient-ils – ils ne peuvent s’impliquer totalement (faute de temps, tout simplement) comme dans un métier à part entière, même s’ils sont pourvus d’une indiscutable conscience, celle-ci, par définition, là aussi ne peut être professionnelle, puisqu’ils ne sont pas – ou en partie simplement -professionnels. Certains enseignants d’ailleurs officient à titre complètement bénévole, ce qui est loin d’être un défaut, mais qui n’est pas non plus une systématique garantie d’implication optimale et donc de qualité. Là aussi il s’agit d’une question de moyens. Le judo s’est popularisé et à l’instar d’autres sports, dans les clubs municipaux, les cotisations sont accessibles à toutes les couches sociales, mais bien souvent le budget de l’association ne permet pas une rémunération du professeur en rapport avec les responsabilités à assumer, le temps à consacrer et les résultats escomptés. « Tout travail mérite salaire » (Y a-t-il des professeurs des écoles non-rémunérés, non formés, non accompagnés tout au long de leur carrière ?), à moins de considérer que la fonction qui est celle d’éduquer par le judo ne mérite pas le titre de métier ! Ce qui malheureusement est devenu le cas ! Et pourtant, il transite quand même beaucoup d’argent dans le monde du sport et des fédérations, ne serait-ce que la manne financière que représentent les licences ! Pour rivaliser au plus haut-niveau, peut-être faut-il commencer à donner des moyens décents au premier formateur, le premier professeur ?

Le judo n’est pas qu’un sport, il est aussi une « Ecole de vie », un moyen d’éducation pour tous et d’insertion pour certains ; il s’agit aussi d’une discipline de combat extrêmement riche sur le plan technique. Combien de mouvements techniques, si l’on additionne le travail debout et le travail au sol ? Combien de techniques mais aussi de combinaisons, d’enchainements ? Combien de méthodes d’entrainement doivent être enseignées et répétées pour qu’elles soient intégrées et maitrisées et qu’elles produisent leurs fruits ? Beaucoup plus que dans les autres sports de haut-niveau ! Alors les professeurs doivent développer des compétences techniques certes, mais aussi pédagogiques, faire preuve d’une solide motivation et surtout ils doivent concéder beaucoup de temps pour les maîtriser puis les enseigner dans leur intégralité. Et puis, parfois (et même souvent) viennent s’ajouter le poids des tâches administratives, d’incessantes modifications des règles d’arbitrage (ce qui est le cas pour les autres nations), mais aussi – ce qui est propre à notre pays – de nombreuses refontes des programmes d’enseignement.

Enfin, certains clubs trop pressés d’envoyer des élèves en compétition le font alors que les bases nécessaires à de telles épreuves ne sont pas encore intégrées, ce qui ne manque pas d’entraîner des abandons en cascade dus à des blessures physiques et phycologiques, privant peut-être le haut-niveau de compétences n’ayant pas eu le temps d’éclore.

En conclusion, Il est sans doute urgent de reconsidérer et de revaloriser la fonction de professeur  en lui donnant tout simplement les moyens d’assurer parfaitement sa mission. Cela permettra de susciter des vocations et évitera de passer à côté de jeunes talents ne pouvant se contenter de leur passion pour vivre et n’hésiterons pas à se diriger vers d’autres cieux.

Briller au plus haut niveau impose sans doute une parfaite gestion de la base au sommet !

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16 Techniques, suite.

harai-goshiCet article fait suite à celui de la semaine dernière qui était consacré aux « 16 Techniques ».

Si cet enchainement est un exercice d’apprentissage et de perfectionnement (pouvant aussi servir de démonstration) qui va développer bon nombre de qualités, il est aussi une base de travail importante permettant aussi d’aborder différents thèmes. Il offrira au professeur une grande diversité de méthodes de perfectionnement dans les nombreux domaines qui constituent le ju-jitsu. Le but de ce billet étant d’aborder quelques unes de ces méthodes.

Première possibilité, proposer des réponses différentes aux attaques ; soit en conservant un schéma de riposte identique, en utilisant les mêmes groupes de techniques : exemple, sur la première technique, remplacer o-soto-gari par ko-soto-gari. Ou bien adapter une autre composante, une clef ou un étranglement. Deuxième possibilité, pour les techniques qui n’en n’ont pas, mettre une finalité au sol : conclure avec juji-gatame après ippon-soie-nage pour la 3ème, par exemple. Ensuite travailler dans l’éventualité d’une réaction du partenaire : si, sur la 1ère technique Uke recule la jambe droite pour ne pas subir o-soto-gari, on pourra enchaîner avec o-uchi-gari. Si en se dégageant en chute-avant il esquive o-uchi-gari dans la 4ème, on gardera le contact avec la cheville pour lui appliquer une clef de jambe, lorsqu’il sera sur le dos. On pourra aussi aborder le thème des contre-prises. Certes, en matière de self-défense, apprendre des techniques permettant de « mettre à mal » les ripostes peut apparaître curieux sinon immoral, mais prendre en considération les failles possibles d’une technique est indispensable afin de la renforcer.

Dans le cadre d’un perfectionnement propre aux « 16 techniques », il existe des méthodes d’entraînements qui éviteront une éventuelle lassitude et surtout qui renforceront des points précis. Exécuter l’enchaînement entièrement à gauche, ou bien faire chaque mouvement systématiquement à droite puis à gauche. Travailler avec plusieurs partenaires. Répéter les techniques en séquençant l’enchaînement : on exécute les quatre premières vite et fort afin de se concentrer sur celles-ci. Travailler chaque technique en uchi-komi (répétition sans chute), idem par groupe de quatre techniques, puis avec l’ensemble de l’enchaînement, ceci pour la mémorisation et pour affûter les automatismes de la toute première phase de la riposte.

Avec un peu d’imagination, de temps et d’expérience il n’est pas impossible de trouver d’autres formes d’entraînement qui permettent d’aborder un nombre impressionnant de techniques, de situations, de combinaisons, mais aussi de parfaire condition physique et automatismes, tout en offrant un enseignement dans lequel la lassitude ne pourra s’installer.

En espérant que ces quelques lignes puissent être utiles à certains.

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