Trois mouches…

A cette période durant laquelle certains prenne06cad30e00d5b6ef2e59f9e88094c720nt un peu de vacances méritées et propices à la réflexion, découvrir – ou redécouvrir – une « petite histoire », comme celle que je vous propose ci-dessous, ne peut qu’être bénéfique. Bonne lecture.

Trois mouches

Dans une auberge isolée, un samouraï est installé, seul à une table. Malgré trois mouches qui tournent autour de lui, il reste d’un calme surprenant. Trois rônins entrent à leur tour dans l’auberge. Ils remarquent aussitôt avec envie la magnifique paire de sabres que porte l’homme isolé. Sûrs de leur coup, trois contre un, ils s’assoient à une table voisine et mettent tout en œuvre pour provoquer le samouraï. Celui-ci reste imperturbable, comme s’il n’avait même pas remarqué la présence des trois rônins. Loin de se décourager, les rônins se font de plus en plus railleurs. Tout à coup, en trois gestes rapides, le samouraï attrape les trois mouches qui tournaient autour de lui, et ce, avec les baguettes qu’il tenait à la main. Puis calmement, il repose les baguettes, parfaitement indifférent au trouble qu’il venait de provoquer parmi les rônins. En effet, non seulement ceux-ci s’étaient tus, mais pris de panique, ils n’avaient pas tardé à s’enfuir. Ils venaient de comprendre à temps qu’ils s’étaient attaqués à un homme d’une maîtrise redoutable. Plus tard, ils finirent par apprendre, avec effroi, que celui qui les avait si habilement découragés était le fameux Miyamoto Musashi.

 

Les 16 bis, suite et fin

Aujourd’hui, nous finissons l’étude des 16 bis entreprise il y a quelques semaines. Le principal objectif de cet exercice est de mettre en exergue les points importants et les plus intéressants. Vous pouvez retrouver l’intégralité de cet enchaînement dans une vidéo sur ce blog en date du 2 mars 2016.

Dans la treizième technique, UKE tente une saisie arrière. TORI, l’arrête avec un USHIRO-GERI-KEAGE (fouetté) au niveau du bas-ventre et il enchaîne avec UCHI-MATA. Une fois de plus la fluidité dans la liaison « coup-projection » sera déterminante. A noter le parallèle indiscutable qui existe dans la façon de lancer la jambe dans USHIRO-GERI-KEAGE et dans UCHI-MATA. Preuve de l’indiscutable compatibilité entre les composantes du JU-JITSU.

A partir de la quatorzième technique, ce sont trois défenses contre armes qui sont abordées. Dans la quatorzième, il s’agit d’une menace avec un couteau tenu dans la main droite d’UKE. TORI porte MIKAZUKI-GERI à droite, dans la main armée, de l’intérieur vers l’extérieur. A l’aide de la même jambe, il enchaîne avec YOKO-GERI au niveau du genou droit. Il vient au contact pour appliquer TAI-OTOSHI. Le point essentiel sera, pour la projection, la capacité à se « glisser » sous UKE dans un mouvement qui rappelle une vague venant se placer sous le centre de gravité. (Il est important de spécifier que la projection ne pourra s’appliquer que si l’arme a été lâchée grâce au premier ou au second ATEMI.)

Pour la quinzième technique, UKE porte un coup de bâton en pointe dans la direction de l’abdomen. TORI esquive en reculant la jambe droite et saisit l’arme à deux mains. La droite sur l’extrémité la plus proche et la gauche entre celles de UKE. TORI tire l’arme vers lui pour obtenir une réaction de la part de l’adversaire. A ce moment et dans un mouvement circulaire, il monte l’arme en direction du visage et sans la lâcher il engage sa jambe gauche derrière celle d’UKE, pour lui appliquer O-SOTO-GARI. Le point important se trouve dans le principe « action-réaction » qui permet d’obtenir le déséquilibre indispensable à la projection.

Enfin, pour la seizième et dernière technique, UKE est derrière TORI et le menace à l’aide d’un revolver en lui mettant l’extrémité du canon dans le dos. TORI, mains en l’air, descend vivement son bras droit et enroule le bras armé d’UKE. Il prend soin de bien placé son tranchant de main dans la saignée du coude. En exécutant cette action, il effectue un demi-tour en avançant le pied gauche. Ensuite, avec sa main gauche il saisit la main armée (paume en direction d’UKE). En effectuant un retour en arrière qui consiste à reculer la jambe gauche, il applique une variante de KOTE-GAESHI. Une fois UKE au sol, il le désarme. L’efficacité résidera (entre autres) dans les deux TAI-SABAKI (déplacements).

Cette étude que j’ai eu le plaisir de vous proposer depuis plusieurs semaines n’a de sens que si elle est accompagnée d’un travail sur un TATAMI. Surtout dans la mesure où l’une des spécificités de cet enchaînement se trouve dans le nombre important de projections qui le compose. Et non des moindres. On y trouve des techniques emblématiques. UCHI-MATA, TAI-OTOSHI, O-SOTO-GARI, YOKO-GURUMA, pour n’en citer que quelques-unes, appartenant aux principales familles.

Site Internet d’Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com

 

Créations

L2-Ju-jitsu-Les-16-techniques-imposées-397x600J’ai pu constater dernièrement sur Facebook que les 16 bis (qui, sans lien d’ailleurs, sont le sujet du blog, par épisodes) étaient présentées comme un « kata d’Eric Pariset ». C’est le fait de David Lobrie passionné d’arts martiaux résidant en Belgique et qui anime une page très dynamique sur le réseau social. Cela fait plaisir, d’autant que pour ce qui concerne l’origine il s’agit de la vérité, et même si je n’ai jamais abusé de cette reconnaissance, il est plaisant de constater qu’un enchaînement que l’on a créé il y a plus de trente ans a valeur de kata pour certains. Cela m’a rappelé que les « 16 bis » n’étaient pas ma seule réalisation et l’envie m’est venue de consacrer quelques lignes à chacune d’entre elles.

Il y a eu tout d’abord les « 16 techniques ». L’enchaînement le plus connu qui fut longtemps au programme des grades FFJDA et qui a été retiré parce que considéré comme « trop judo » ! Il est toujours à mon programme d’enseignement ! Créées en 1982 pour les besoins d’une démonstration à l’occasion des Championnats du monde de judo féminin qui se déroulaient à Paris, ces techniques constituaient le bouquet final d’une présentation qui mettait en avant le renouveau du ju-jitsu.

Ensuite les « 16 bis » ont été mises au point pour proposer un enchaînement supérieur, dans le cadre d’une évolution indispensable, et pouvant offrir une autre belle démonstration.

Il en a été de même pour les « 16 ter », encore un plus difficiles à exécuter et qui réclament quelques années de pratique. Elles permettent de constater que l’on a toujours à appendre et à progresser.

Toujours à peu près à la même époque, c’est-à-dire au début des années 1980, une suite a été élaborée pour la mise en valeur de l’une des composantes du ju-jitsu, qui avait été négligée durant pas mal de temps, à savoir l’atemi-waza, (le travail des coups.) Ainsi sont nés « les 16 atémis ». Ils offrent un enchaînement très simple dans l’esprit et la forme de notre ju-jitsu. Les techniques étant compatibles avec les autres composantes de notre discipline.

Après ce fut au tour des « 16 contrôles » de voir le jour. Nous étions au début des années 1990. Cette fois l’objectif était de valoriser un autre secteur du ju-jitsu et non un des moindres, à savoir le travail des contrôles, le katame-waza.

A la même époque j’ai réalisé les « 24 techniques », une présentation très structurée de notre art pour répondre à la demande d’un judoka – un peu perdu – devant le programme de l’unité de valeur ju-jitsu (à la FFJDA) pour son 4e dan judo-jujitsu. Serait-ce encore bien valable ou bien « trop judo » (là aussi) pour être honnête ?

Enfin, le petit dernier qui n’a pas encore de nom et qui met en avant deux familles de notre art, les coups et les contrôles, mais aussi – et surtout – leurs liaisons. Quinze techniques qui présentent les bases de notre ju-jitsu dans ces deux composantes. Il pourrait se nommer tout simplement les « 15 atemis et katames ».

Il est toujours bon et utile de se souvenir d’où l’on vient ! Aucune gloire dans tout cela, mais simplement la satisfaction et la fierté du travail accompli en se rendant utile. En avoir eu la possibilité et l’avoir fait ! Et surtout, ces enchaînements permettent de « fixer » notre travail et ainsi de constituer des références et des points de repère indispensables aux élèves et peut-être encore davantage aux professeurs !

Site ju-jitsu Eric Pariset : www.jujisuericpariset.com

Une belle compétition

bercy-reuters_0Le week-end dernier avait lieu le grand rendez-vous annuel du judo français, avec ce que l’on appelait avant le Tournoi de Paris. Un peu le Roland-Garros du judo. Cet événement, qui soufflait ces quarante-deux bougies, a hérité d’une appélation sans doute plus moderne (Paris Grand Slam 2016) tout comme le Palais de Bercy qui accueille l’événement et qui affiche un nom à la consonance très commerciale. Peu importe dans la mesure où il existe toujours autant de plaisir à assister à des combats de qualité offerts par des athlètes de très haut niveau. Ce tournoi est devenu une véritable institution. Je me souviens des premières éditions au début des années 1970, lorsqu’il n’y avait que cinq catégories de poids et uniquement chez les masculins et que cela se passait au bon vieux stade Pierre de Coubertin.

Presque cinquante années après, le judo reste un sport aux valeurs incontestables et qui ne souffre pas de certaines « affaires » qui polluent d’autres disciplines. Il est dommage qu’il ne bénéficie pas d’une grande couverture médiatique et cela en dépit de l’évolution des règles d’arbitrage qui rend les combats plus spectaculaires, puisque plus offensifs. En effet, les pénalités pour non-combativité « tombent » plus vite. Par contre, l’interdiction de pratiquer certaines techniques accentue une sclérose que l’on pourrait reprocher. Cependant, en matière de sport de combat, il est préférable d’avoir une réglementation rigoureuse, ne serait-ce que pour garantir l’intégrité physique des combattants. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est important de distinguer sport de combat et art martial. Ce dernier ne pouvant normalement pas offrir des affrontements en opposition directe, sauf à se révéler extrêmement dangereux.

Certains peuvent se demander pourquoi en tant que ju-jitsuka, qui plus est, en dehors de la Fédération française de judo, j’apprécie également ce sport qu’est le judo. Il y a plusieurs raisons à ce qui est bien plus qu’un simple intérêt.

D’abord, comment aurais-je pu y échapper avec un père comme celui que j’ai eu ? Je suis tombé dedans tout petit, d’une certaine façon. C’est ensuite que je me suis spécialisé en ju-jitsu. Après, il n’est pas incompatible d’aimer plusieurs arts de combat, surtout lorsque de par leur histoire et leur technique ils sont si proches. Le fait de ne pas adhérer à la politique menée par la fédération de judo-ju-jitsu en matière de… ju-jitsu, n’empêche pas d’aimer le judo. D’autant plus que je soutiens ce que j’ai toujours soutenu, à savoir qu’il y avait matière à satisfaire tout le monde sous un même toit, mais c’est une autre histoire. Pour revenir au judoka que je suis aussi, j’apprécie sans retenue les combats, que ce soit à l’entraînement ou en compétition. La compétition en judo est un engagement vrai, on ne fait pas semblant, mais avec un état d’esprit qui me convenait tout à fait, au travers duquel je n’ai jamais ressenti la moindre violence. A l’entraînement et à la condition de choisir des partenaires adaptés à l’âge, au gabarit et aux motivations, la notion de jeu n’est jamais absente, et ce n’est pas le moindre atout, du moins pour ce qui me concerne. Tout cela avec un engagement physique d’une intensité que les pratiquants ne peuvent ignorer.

Alors, vous allez me dire, pourquoi s’être tourné vers le ju-jitsu ? Eh bien tout d’abord, pour la complémentarité technique offerte, notamment avec l’atemi-waza (le travail des coups, absolument contrôlé, en l’occurrence) qui existait dans le judo que Kano avait issu de l’ancien ju-jitsu. Et puis, le judo devenant de plus en plus un sport, l’aspect self-défense (inné aux arts martiaux) disparaissait au grand regret d’une population intéressée, à juste titre, par cette étude.

Bref, pour revenir au sujet de ce billet et en guise de conclusion, une belle compétition internationale de judo est toujours un grand moment. Surtout que la France n’est jamais absente des podiums !

 

 

 

L’essentiel

Parmi les pratiquants de longue date qui aspirent à occuper des fonctions de transmission, en clair qui souhaitent enseigner, il existe trois catégories. Ceux qui réunissent les qualités indispensables ; techniques et pédagogiques. Ceux qui en possèdent une et enfin, et c’est très ennuyeux, ceux qui n’en possèdent aucune. En étant plus direct, on pourrait affirmer qu’aux extrêmes il y a ceux qui sont bons en tout et d’autres… bons à rien !

Revenons sur ces atouts.

D’abord l’aspect technique. Parfois il s’agit de prédispositions naturelles, mais le plus souvent c’est grâce à un travail considérable. Le talent ne gâche rien, bien évidemment, mais « le talent sans le travail n’est qu’une sale manie ». Georges Brassens.

Ensuite, il y a l’aspect pédagogique ; la capacité à transmettre son savoir. Y compris pouvoir expliquer et enseigner des techniques que l’on ne maîtrise pas forcément.

L’idéal est évidemment de posséder ces deux qualités. Briller dans une seule n’est satisfaisant que s’il s’agit – pour les enseignants – de l’aspect pédagogique. J’ai connu des champions d’exception, absolument incapables de transmettre des principes et techniques de base et même leurs spécialités et à l’inverse, j’ai souvent fait le constat que de modestes pratiquants sont d’excellents professeurs et/ou entraîneurs. Cela me permet d’avoir le plaisir de rebondir avec une citation fétiche : « L’essentiel n’est pas ce que l’on enseigne, mais ce que les élèves apprennent. » Les fidèles de ce blog doivent penser qu’il y a un peu de répétition dans ces lignes qui citent une énième fois ce professeur et écrivain du nom d’André Giran. Cette affirmation est devenue pour moi une sorte de leitmotiv. Elle est comme une petite flamme permanente qui brille dans un coin de ma tête. Elle illustre tout à fait ma pensée et la conception que j’ai de ma tâche.

Pour revenir aux qualités, je connais aussi des personnes qui ne maîtrisent aucune de celles énoncées plus haut et là, on peut se demander ce qu’ils font, parfois, à certains postes de responsabilités. Il est vrai que bien souvent ils opèrent, ou même sévissent, dans des institutions d’Etat où les places sont attribuées en fonction de critères qui échappent totalement à la logique. En tout cas à celles des compétences. Il s’agit aussi parfois d’un bête « malentendu », mais en aucun cas du fruit de qualités indiscutables de transmission qui se concrétisent par des résultats probants, à savoir : le nombre d’élèves sur du long terme, de ceintures noires formées, de résultats en compétitions pour les disciplines à but compétitif, etc. Et tout simplement de personnes épanouies au travers d’une pratique adaptée. Heureusement que ces personnes n’exercent pas dans le privé !

L’éducation physique en général – et l’enseignement des arts martiaux en particulier – est un savant dosage d’explications du professeur et de répétitions de la part de l’élève. L’explication ne doit pas être trop longue et comporter l’essentiel, surtout si le public est néophyte. L’attention se relâche très vite et entrer dans le détail n’est absolument pas une nécessité, au contraire. J’aime à comparer le métier d’enseignant à celui d’artiste sculpteur, qui dans un premier temps va faire son « bloc » et qui au fur et à mesure affinera, pour ensuite finir par les détails. Dans cet art, nous ne concevrions pas le contraire ! Et puis, sans pour cela que la séance se transforme en show où l’enseignant confond parfois leçon et spectacle, il ne faut pas hésiter à montrer et démontrer sous différents angles en expliquant le minimum indispensable. Explications et démonstrations succinctes, quitte après quelques répétitions de la part des élèves à démontrer une nouvelle fois, en insistant sur les fautes décelées, celles-ci étant bien souvent redondantes. L’enseignement se conçoit par paliers, il est nécessaire de ne jamais l’oublier. Et le professeur doit toujours avoir à l’esprit que ce qu’il démontre pourra se diviser par dix et être encore dix fois trop compliqué pour le débutant à qui il s’adresse.

Quant aux plus gradés, outre les détails qu’il faudra peaufiner, ce ne seront rien moins que d’inlassables répétitions, méthodes d’entraînement et autres randoris qui seront générateurs de progrès. Une autre citation que j’aime : « On ne peut rien contre l’entraînement. » Je ne me souviens plus de l’auteur, mais parmi les fidèles de ce blog, j’en connais au moins un qui pourra nous secourir ! Dans un prochain billet nous irons un peu plus en avant en évoquant  la motivation qu’il est utile de susciter, et surtout comment !

 

Site ju-jitsu Eric Pariset :  www.jujitsuericpariset.com

Anatomie des 16 techniques, (troisième volet)

Je sais que ce blog est très majoritairement suivi par des pratiquants de ju-jitsu, mais aussi d’autres arts martiaux. Je n’ignore pas non plus que des personnes qui ne peuvent plus être présentes sur les tatamis se sont fidélisées auprès de ces articles. Mais, il y a aussi quelques personnes qui n’ont jamais enfilé de kimono et qui aiment bien suivre notre activité et « mon humeur » ainsi que l’état d’esprit qui anime notre activité. J’en suis ravi et je m’excuse auprès d’eux pour les quelques billets trop techniques, comme celui d’aujourd’hui, dans lesquels ils pourraient se sentir un peu perdus. Cela leur transmettra peut-être l’envie de franchir le Rubicon et ainsi d’appartenir à la famille des samouraïs de notre époque, en constatant notamment que dans notre art il n’est pas question de force mais de subtilités techniques comme en attestent les quatre situations présentées ci-dessous. Que ces fidèles lecteurs se rassurent, d’autres articles moins techniques continueront d’agrémenter ce blog. Les arts martiaux ne sont-ils pas – aussi – une « école de vie »??

Donc, aujourd’hui, troisième volet de la saga des 16 techniques commencée il y a un mois.

Dans la neuvième technique, UKE fait face à TORI et le saisit par les cheveux avec sa main droite. Ce dernier réagit en plaquant ses deux mains sur celle de son agresseur. Simultanément il porte MAE-GERI en ligne basse. En reculant largement, il applique une torsion de poignet sans relâcher la pression à l’aide de ses deux mains, jusqu’à ce qu’UKE soit à plat ventre. Il termine avec un ATEMI porté avec le coude au niveau de la nuque. L’action de torsion est renforcée par l’ATEMI et le déplacement sur l’arrière.

La dixième technique voit UKE se placer sur la droite de TORI, et mettre sa main gauche sur l’épaule la plus éloignée de celui-ci. TORI porte immédiatement HIJI sur le sternum. Il enchaîne avec O-GOSHI à droite et sans le moindre temps d’arrêt, en gardant le poignet (ou la manche) droit(e) de UKE, et en plaçant sa main droite sur le coude droit de UKE, il l’amène face au sol à l’aide d’UDE-GATAME. Outre l’ATEMI au plexus, l’efficacité est obtenue par le positionnement des hanches sous le centre de gravité de l’agresseur et par un déplacement sur la gauche lors de l’application de la clef.

Dans la onzième technique et à l’instar de la septième, UKE applique une violente poussée de face et déséquilibre ainsi TORI qui se retrouve sur le dos. A ce moment, il y a un temps de lutte au cours duquel UKE saisit TORI à la gorge. Celui-ci place ces pieds sur le ventre de UKE, passe ses mains sous les avant-bras et saisit la veste de l’adversaire au niveau des revers. Il est en position pour le faire passer par-dessus. Le déséquilibre est obtenu par une «action-réaction» à l’aide des jambes et un accompagnement des deux mains vers le haut.

Dans la douzième, UKE porte un très large coup de poing circulaire en direction du visage (Il ne s’agit pas là d’un ATEMI très technique.) TORI effectue une esquive rotative accompagnée d’un grand déplacement qui le place sur la gauche de UKE. Il? « l’alpague » au niveau des épaules et lui applique KO-SOTO-GARI avec son pied droit. Dans cette action, là aussi, le déséquilibre est d’abord obtenu par la réaction de UKE qui n’ayant pas trouvé d’opposition se retrouve penché sur l’avant et tente alors de se rééquilibrer. TORI accentue cette tentative de reprise d’équilibre par une forte traction sur l’arrière. Appliquant ainsi le principe d’addition de forces. La projection s’effectue par un fauchage précis du pied gauche de UKE avec le pied droit, dans la direction du talon vers les orteils. Cela doit donner l’impression à UKE qu’un tapis lui serait tiré sous les pieds.

Dans ce « carré » la fluidité dans l’application des enchaînements est déterminante.

Très vite, sur ce blog, la suite et la fin de notre enchaînement bien-aimé.

Anatomie des 16 techniques, la suite…

Nous poursuivons l’analyse des «16 techniques» entreprise il y a quinze jours sur ce même blog. Nous avions étudié les quatre premières. Aujourd’hui, passons aux quatre suivantes

Dans la cinquième, UKE saisit TORI par la tête avec son bras gauche. Le déséquilibre arrière pour l’application de TE-GURUMA est obtenu à l’aide d’une action de la main droite au niveau du menton de UKE et qui se répercute directement sur les cervicales. (Dans la réalité, il sera également possible d’agir sur des points très sensibles, en appliquant, par exemple, les doigts dans les yeux et/ou en saisissant les cheveux.) Au passage TORI applique TSUKKAKE au niveau de l’abdomen, pour « fixer » l’adversaire. Sans relâcher l’action de la main droite sur l’arrière, TORI place sa main gauche entre les jambes de UKE pour passer sous le centre de gravité. L’efficacité s’obtient par un simple principe de bascule : la main droite agit sur l’arrière et vers le bas tandis que la main gauche effectue une traction du bas vers le haut. TORI projette ainsi UKE avec TE-GURUMA.

Pour la sixième technique, avec sa main droite, UKE saisit la manche gauche de TORI en tirant, façon « arrachage » de sac à main. Celui-ci ne résiste pas, il pivote sur son pied gauche et porte MAE-GERI à droite au niveau du ventre. Il obtient un déséquilibre sur l’avant, et en poursuivant son pivot sur sa gauche il applique IPPON-SEOE-NAGE à droite.

Avec la septième, nous abordons une des techniques les plus complexes de notre enchaînement. D’abord, parce qu’elle comporte deux phases distinctes. Ce qui demande, en plus de la maîtrise technique indispensable à leur réalisation, une parfaite fluidité. De plus, cette phase intervient au milieu de l’enchaînement et risque de nuire à son ensemble en cas de cafouillage. Donc, TORI est surpris et amené au sol par une forte poussée. Il se retrouve sur le dos et l’avancée de UKE sa réaction première est de placer son pied droit sur son ventre, de façon à lui appliquer une forme de TOMOE-NAGE à partir du sol (ce qui explique la position pointe vers l’extérieur pour le pied en question.) Sur la défense de UKE, TORI va le renverser sur l’arrière en lui fauchant ses deux points d’appui. Pour cela, à partir de sa position sur le dos, il pivote sur sa gauche et engage son bras gauche derrière la jambe droite et son pied gauche derrière la jambe gauche. D’une action combinée de l’avant-bras et du mollet gauche, il fauche et écarte les deux appuis de son adversaire. Le pied droit, qui est resté au niveau du ventre de UKE, renforce cette action par une forte poussée. Une fois UKE sur le dos, TORI vient le fixer sur les cervicales en engageant sa main droite entre les jambes de façon à venir saisir le revers droit de la veste de UKE. La main gauche se place devant la gorge et saisit l’autre revers. Il conclut ainsi avec l’étranglement KATA-JUJI-JIME.

Dans la huitième, il s’agit du simple enchaînement de deux techniques, à savoir (sur une tentative de saisie de face) YOKO-GERI porté au niveau de la poitrine avec la jambe droite suivi d’O-SOTO-GARI à gauche. Nous sommes dans une logique de liaison : obtenir un déséquilibre arrière pour projeter dans cette direction. A noter que ceux qui n’arrivent pas à «monter la jambe» peuvent se contenter d’un coup de pied au niveau de l’abdomen, à ce moment-là, il leur sera indispensable de compenser à l’aide d’un rapide TEICHO de la main gauche au menton afin d’obtenir le déséquilibre approprié.

En résumé, voici les grands principes de ces quatre techniques : Dans la cinquième, c’est celui de la bascule, tout en passant sous le centre de gravité. Pour la sixième, le déséquilibre avant est obtenu grâce à MAE-GERI, il faut additionner à cela la force centrifuge créée par le déplacement de TORI. La septième propose le principe d’action-réaction ajouté au fauchage simultané des deux points d’appui. Quant à la huitième, il s’agit d’appliquer une logique d’enchaînement en fonction du déséquilibre obtenu avec l’ATEMI.

Il est des techniques qui peuvent apporter des critiques quant aux difficultés qu’elles imposent. Il est vrai que l’on peut toujours penser que se satisfaire d’une pratique simpliste fera l’affaire et qu’en cas d’agression les fioritures ne seront pas de mise. Ce qui est vrai dans la réalité. Mais pour espérer être efficace dans cette réalité, on ne peut faire autrement que de se surpasser à l’entraînement.  Deuxièmement, « qui peut le plus, peut le moins ». Troisièmement, aucune des techniques travaillées n’est illogique quant à leur liaison et par conséquent à leur efficacité. Et comme indiqué il y a quinze jours, elles répondent toutes à des évidences de déséquilibre, soit par des principes mécaniques, soit par l’utilisation des points sensibles de l’agresseur. Mais pour être efficaces, elles demandent de la vitesse de réaction et d’exécution ainsi que de la maitrise technique. Autant de qualités qui ne s’obtiennent pas en dehors d’une pratique régulière et rigoureuse. Enfin, régler des problèmes après avoir patiemment étudié les solutions qui en viennent à bout est aussi le travail d’un pratiquant d’arts martiaux et une très grande satisfaction personnelle lorsque la maîtrise est acquise. Si tant est…

 

Anatomie des 16 techniques

C’est un billet, assez technique que je vous propose cette semaine.

Les « 16 techniques » ont été créées en 1982, pour les besoins d’une démonstration de ju-jitsu à l’occasion des deuxièmes championnats du monde féminins de judo qui se déroulaient à Paris. Sur ce blog, plusieurs articles ont été consacrés à l’histoire de cet enchaînement qui est l’un des piliers de notre enseignement. Aujourd’hui, l’intention est d’analyser de la façon la plus simple (mais pas simpliste) ce qui peut être considéré comme un de nos katas modernes.

Lors de cette première démonstration, face à la différence de gabarit entre TORI et UKE, il était indispensable de mettre en avant les grands principes de base du ju-jitsu. Utilisation de la force de l’adversaire, de la gravitation, suppression de points d’appuis, etc. Le tout à l’aide de techniques qui retiennent l’attention, donc spectaculaires.

Pour commencer cette étude, nous nous limiterons aux quatre premières.

En tout premier, UKE saisit le revers de TORI en exerçant une traction. La riposte consiste à ne pas résister et à aller dans le sens de l’attaque, en y ajoutant deux atémis (teicho au visage et shuto dans la saignée du coude) afin de renforcer la perte d’équilibre du à la non-résistance de TORI. Celui-ci obtenant un excellente opportunité pour appliquer o-soto-gari (grand fauchage extérieur).

Dans la deuxième technique (une saisie à la gorge de face en poussant), il s’agit de l’exemple parfait de l’utilisation de la force de l’adversaire par une technique de sacrifice de son propre corps afin de faire passer celui de l’agresseur « par-dessus ». C’est l’application de la fameuse « planchette japonaise », à savoir tomoe-nage.

Pour la troisième, sur une saisie arrière à la gorge, l’action consiste à faire passer l’adversaire par-dessus notre centre de gravité en nous plaçant juste en dessous du sien. Ainsi, grâce à un principe de bascule très simple, on applique une des plus fameuses techniques de projection, je veux parler d’ippon-seoe-nage.

Enfin, la quatrième technique consiste à supprimer purement et simplement l’unique point d’appui sur lequel UKE s’est placé en portant un coup de pied circulaire en direction des côtes de TORI. C’est une grande technique de jambe, o-uchi-gari qui projette l’attaquant sur l’arrière.

Ces principes sont le fondement même de notre discipline. Il est utile de les rappeler aux confirmés et indispensable de les inculquer aux débutants. C’est aussi apporter la preuve qu’à l’origine toutes les techniques sont faites pour qu’un moins fort physiquement puisse faire tomber un plus fort ! (Ce qui n’est malheureusement plus tout à fait le cas dans le judo moderne.) Lorsque l’on a compris de tels principes qui ne relèvent pas d’une énorme expertise en géométrie, l’apprentissage en est grandement favorisé, et par conséquent les progrès ne manqueront pas de suivre.

Ces explications peuvent paraître sommaires à certains, mais c’est un peu le but. Dans un premier temps, il est indispensable de globaliser afin de faciliter une rapide compréhension. Il sera toujours temps ? et même nécessaire ? d’entrer davantage dans les détails par la suite.

La suite, bientôt…

Prise de conscience ?

img047En feuilletant le dernier numéro du magazine de la Fédération de judo Judo mag, j’ai pu constater, dans les quelques pages consacrées au ju-jitsu, plus exactement au judo-ju-jitsu, qu’il y était évoqué la nécessité de ne pas négliger l’aspect utilitaire de notre discipline bien-aimée. Qu’il était par conséquent utile d’accoler le mot self-défense à celui de ju-jitsu et qu’une progression était en cours de réalisation. Les bras m’en sont tombés. Mieux vaut tard que jamais, me direz-vous ! Il était temps, mais cela ne manque pas d’appeler quelques remarques.

La première, pourquoi cette décision, et pourquoi maintenant ? La deuxième, ce projet va-t-il être suivi d’effet ? La troisième, de quelle façon ?

Reprenons et détaillons ces remarques.

Premièrement, cette décision doit faire suite à une prise de conscience. D’abord que le développement du ju-jitsu sous sa forme « combat » est un triple non-sens. Outre le fait qu’un art martial traditionnel ne peut se pratiquer en compétition d’affrontements directs, cette forme de travail ne permet pas de capter une population qui est intéressée par l’aspect utilitaire. Enfin, développer le « ju-jitsu combat », c’est proposer une forme de concurrence au judo. Concernant le travail technique actuel il aura quand même fallu vingt ans pour s’apercevoir qu’il ne correspondait pas à une certaine demande ! (La dernière progression mise en place datant de 1995.) La baisse notable des licenciés due, entre autres, à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires a sans doute déclenché une interrogation quant aux différents moyens d’enrayer cette inflexion. Le ju-jitsu bénéficie subitement d’un intérêt inattendu !

Deuxième point : cela va-t-il rester au niveau d’un projet ? Et troisièmement, s’il existe une vraie volonté, de quelle manière va-t-elle se concrétiser ? Il est indiqué sur l’article en question que la mise en place d’une progression française intégrant le ju-jitsu-self-défense est en bonne voie. Ce sera donc une nouvelle progression avec un nouveau programme. De quoi décourager quelque peu les professeurs qui devront à nouveau devoir faire face à d’incessants changements. En espérant que ce ne soit pas une autre « usine à gaz », comme celle mise en place il y a vingt ans et qui avait suscité la réprobation de certains dont je fais partie. En souhaitant aussi que les programmes de grades n’imposent pas des thèmes en inadéquation avec l’aspiration des élèves. En clair qu’ils ne soient pas surchargés de judo, et que le jour de l’examen, l’ensemble du  jury connaisse le programme ! Et puis, je ne vois pas trop ce qui pourrait être inventé de plus en matière technique. A toujours vouloir faire du nouveau on en arrive à faire, parfois, n’importe quoi !

Saluons quand même cette prise de conscience.  Tout comme il faut saluer le fait de reconnaître que ce qui avait été proposé en son temps n’était pas cohérent.

Pour ce qui nous concerne, avec l’EAJJ, sous l’égide de la FEKAMT, ces prises de conscience ne nous concernent pas, notre « boîte à outils » étant parfaitement garnie depuis bon nombre d’années. En témoigne la couverture de l’ouvrage présentée en accompagnement de cet article, datant de…1985 !

 

2005…et la rue des Martyrs

imagesWON2G4F8Après 1995 le 17 avril dernier et 2015 le 15 juin, c’est l’année 2005 que je souhaite évoquer aujourd’hui et poursuivre ainsi la saga des années qui se terminent par le chiffre 5 et qui, à titre personnel et professionnel, ont été toutes marquées par un ou plusieurs faits majeurs.

2005 n’a donc pas échappé à la règle. L’événement aura été la fermeture du mythique dojo de la rue des Martyrs. Celui dans lequel mon père a commencé la pratique du judo en 1947, puis en a assuré la direction à partir de la fin des années 1960, jusqu’à sa disparition quelques jours avant 2005.

Cette salle avait été ouverte en 1944 par Roger Piquemal. Professeur de « culture physique » de son état, il était aussi un des pionniers du judo français.

A l’origine le club s’appelait « Club français de jiu-jitsu », ensuite il est devenu le « Club français de judo ». On l’appelait simplement le « Club français ». A la simple évocation de ce nom, tout le monde savait de quoi il s’agissait.

Situé dans l’une des rues les plus attachantes de Paris, la rue des Martyrs, il jouissait d’un emplacement exceptionnel. Ce qui devait avoir été un lavoir, ou des écuries, était devenu, au fil des années, un lieu incontournable dans le monde du judo, puis des arts martiaux. Une certaine vétusté rajoutait au charme de ce lieu inoubliable pour tous ceux qui l’ont fréquenté. Nous étions très loin de l’ultra-modernité des salles de gym de notre époque.

Des personnalités exceptionnelles y sont passées, il représentait une immense partie de l’histoire du judo et des arts martiaux français.

Personnellement, il m’est impossible de l’oublier. Pour ce qui est écrit ci-dessus, qui n’est qu’un résumé de ce qu’il a vraiment représenté, mais aussi parce que c’est là que j’ai enfilé mon premier kimono. C’est là que j’ai étudié le judo et le ju-jitsu, sous la direction de mon père, c’est dans ce lieu que j’ai appris mon métier et que je l’ai exercé jusqu’en 1989, date à laquelle j’ai quitté « le nid », pour voguer sur d’autres sites. Cela ne m’empêchait pas d’y revenir régulièrement.

Et puis, à la fin de l’année 2004, il y eut la terrible disparition de mon père et m’est revenu la très lourde tâche de devoir gérer la succession. Cela n’a pas été simple, preuve en est qu’après six mois d’exploitation en parallèle avec le dojo de la Bastille, que je venais d’ouvrir, j’ai été contraint de procéder à la fermeture définitive de ce lieu sacré. En effet, des règles de sécurité de plus en plus sévères empêchaient de poursuivre une exploitation normale sauf à faire des aménagements qu’ils m’étaient absolument impossible de réaliser, sur un plan purement technique.

C’est, selon l’expression consacrée, c’est « la mort dans l’âme » que je me suis résigné à me livrer à un acte qui ne pourra quitter ma mémoire.

Il n’aurait pas été facile de gérer de front les deux établissements et s’il avait fallu choisir, pas un seul instant je n’aurais hésité, c’est pour «la rue des Martyrs » que j’aurais opté.

En 2005, ce fut aussi ma dernière participation au festival des arts martiaux de Bercy. A douze reprises j’eus l’honneur de présenter notre discipline à l’occasion du plus important festival des arts martiaux. Toujours un grand moment.

Les fins de cycles sont douloureuses par nature, la consolation se trouve dans les bons souvenirs que nous laissent ces lieux et ces événements que nous avons eu la chance de fréquenter et de vivre ; ils nous ont fait vibrer et ajouter du sens à notre vie. D’autres viennent – ou viendront – en remplacement.