Après 1995 le 17 avril dernier et 2015 le 15 juin, c’est l’année 2005 que je souhaite évoquer aujourd’hui et poursuivre ainsi la saga des années qui se terminent par le chiffre 5 et qui, à titre personnel et professionnel, ont été toutes marquées par un ou plusieurs faits majeurs.
2005 n’a donc pas échappé à la règle. L’événement aura été la fermeture du mythique dojo de la rue des Martyrs. Celui dans lequel mon père a commencé la pratique du judo en 1947, puis en a assuré la direction à partir de la fin des années 1960, jusqu’à sa disparition quelques jours avant 2005.
Cette salle avait été ouverte en 1944 par Roger Piquemal. Professeur de « culture physique » de son état, il était aussi un des pionniers du judo français.
A l’origine le club s’appelait « Club français de jiu-jitsu », ensuite il est devenu le « Club français de judo ». On l’appelait simplement le « Club français ». A la simple évocation de ce nom, tout le monde savait de quoi il s’agissait.
Situé dans l’une des rues les plus attachantes de Paris, la rue des Martyrs, il jouissait d’un emplacement exceptionnel. Ce qui devait avoir été un lavoir, ou des écuries, était devenu, au fil des années, un lieu incontournable dans le monde du judo, puis des arts martiaux. Une certaine vétusté rajoutait au charme de ce lieu inoubliable pour tous ceux qui l’ont fréquenté. Nous étions très loin de l’ultra-modernité des salles de gym de notre époque.
Des personnalités exceptionnelles y sont passées, il représentait une immense partie de l’histoire du judo et des arts martiaux français.
Personnellement, il m’est impossible de l’oublier. Pour ce qui est écrit ci-dessus, qui n’est qu’un résumé de ce qu’il a vraiment représenté, mais aussi parce que c’est là que j’ai enfilé mon premier kimono. C’est là que j’ai étudié le judo et le ju-jitsu, sous la direction de mon père, c’est dans ce lieu que j’ai appris mon métier et que je l’ai exercé jusqu’en 1989, date à laquelle j’ai quitté « le nid », pour voguer sur d’autres sites. Cela ne m’empêchait pas d’y revenir régulièrement.
Et puis, à la fin de l’année 2004, il y eut la terrible disparition de mon père et m’est revenu la très lourde tâche de devoir gérer la succession. Cela n’a pas été simple, preuve en est qu’après six mois d’exploitation en parallèle avec le dojo de la Bastille, que je venais d’ouvrir, j’ai été contraint de procéder à la fermeture définitive de ce lieu sacré. En effet, des règles de sécurité de plus en plus sévères empêchaient de poursuivre une exploitation normale sauf à faire des aménagements qu’ils m’étaient absolument impossible de réaliser, sur un plan purement technique.
C’est, selon l’expression consacrée, c’est « la mort dans l’âme » que je me suis résigné à me livrer à un acte qui ne pourra quitter ma mémoire.
Il n’aurait pas été facile de gérer de front les deux établissements et s’il avait fallu choisir, pas un seul instant je n’aurais hésité, c’est pour «la rue des Martyrs » que j’aurais opté.
En 2005, ce fut aussi ma dernière participation au festival des arts martiaux de Bercy. A douze reprises j’eus l’honneur de présenter notre discipline à l’occasion du plus important festival des arts martiaux. Toujours un grand moment.
Les fins de cycles sont douloureuses par nature, la consolation se trouve dans les bons souvenirs que nous laissent ces lieux et ces événements que nous avons eu la chance de fréquenter et de vivre ; ils nous ont fait vibrer et ajouter du sens à notre vie. D’autres viennent – ou viendront – en remplacement.