Cette contradiction n’en est pas vraiment une. Mon professeur (qui était aussi mon père) me répétait souvent : « divise par deux l’intensité technique de ce que tu prévois d’enseigner et ça risque encore d’être dix fois trop difficile ».
Certes, il s’agit d’une formule, elle vaut ce que valent les formules ; elles sont là pour forcer le trait. Il n’empêche que la première qualité d’un enseignant est de se mettre au niveau de ses élèves et que cette évidence n’est pas toujours la règle.
Parfois il y l’envie de « montrer trop » sans que les étudiants aient le temps de digérer, ou le besoin de montrer « trop difficile » sans que l’élève possèdent les outils indispensables à l’assimilation ; ou encore les deux. Avant d’apprendre à plonger, il faut savoir nager.
Faire simple dans le contenu et dans l’expression. L’essentiel n’est pas ce que l’on montre, mais ce que les élèves retiennent.
Maintenant, il n’est pas toujours évident de satisfaire tous les niveaux lorsqu’ils sont rassemblés dans un seul cours. Surtout si l’effectif n’est pas assez important pour créer des ateliers. Il faut pourtant que chacun travail son programme.
Se trouver dans une telle situation, et la gérer, demande un minimum d’organisation. J’y reviendrai à l’occasion d’un autre article.
Aujourd’hui, imaginons un groupe de débutants. C’est sans doute un des cours les plus difficiles à dispenser. Enseigner à des gradés, pour peu que l’on possède un bagage technique correct, est plus facile et d’une certaine façon plus gratifiant.
Tout au long de ma carrière j’ai éprouvé de plus en plus de plaisir à initier et à enseigner à des personnes qui débutent. D’abord ils sont « vierges » de toutes (éventuelles) mauvaises habitudes, ce qui n’est pas rien et ils ont soif de découvertes. Ensuite, il faut s’astreindre à une indispensable patience, trouver les « trucs et astuces » pédagogiques qui facilitent l’acquisition. Tout au long de la leçon, il faut faire preuve d’un savant dosage dans les intensités techniques et physiques. Simplifier et non pas compliquer. S’adapter à l’âge, à la condition physique (surtout si elle est inexistante ou presque).
Les débutants d’aujourd’hui seront les confirmés de demain, donc le professeur a une responsabilité immense. Il ne doit pas les décourager avec un enseignement inadapté.
J’ai connu des professeurs qui avouaient ne pas avoir les clefs et la patience nécessaires pour s’occuper des débutants. Chacun possède ses spécialités, mais si un jour on veut enseigner à des ceintures noires, il faut d’abord que les ceintures blanches aient été bien formées.
Quant aux confirmés, il faut être en mesure de ne pas les lasser et leur donner l’envie de persévérer.
S’adapter et donc ne pas décevoir, ne pas décourager ceux qui ont fait l’effort de franchir les portes d’un dojo. Déjà, avant l’inscription il faut découvrir précisément ce que la personne est venue chercher et le cas échéant la réorienter, chaque art martial possédant ses spécificités. Et puis, si l’enseignant et le dojo doivent plaire à l’élève, l’élève doit aussi plaire au dojo.
En conclusion, s’il est essentiel de s’occuper de tous les échelons, il est indispensable de bien s’occuper des débutants. Un dojo, c’est comme une population, s’il n’y a pas de renouvellement, c’est fatalement l’extinction.