Confinement, déconfinement, reconfinement ; voilà des mots que nous n’avions sans doute jamais prononcés avant le mois de mars. Inévitablement Ils doivent former le trio de ceux les plus utilisés durant cette maudite année 2020.
Le premier confinement, je l’ai vécu à Paris, le deuxième c’est à Niort que je l’entame. En dehors de l’aspect géographique il y a, pour ma part, bien d’autres différences.
Bien qu’elle soit qualifiée de « plus souple » j’avoue vivre (encore) beaucoup moins bien le début de cette deuxième saison ; certaines séries devraient se passer de suites.
En mars, nous avons été surpris, une sorte d’effet de sidération nous envahissait, cela nous empêchait presque de réfléchir et d’analyser l’extrême gravité de la situation (surtout occupés que nous étions, enfin pas tous, à apprendre à faire notre pain, à ranger nos placards et à nous livrer à une introspection sans limite). Malgré tout, assez vite, nous nous sommes rendu compte que, malgré ces saines occupations, ce ne serait pas facile, surtout à l’annonce de la première « prolongation ». Mais, il nous restait l’espoir de penser qu’il s’agissait d’un phénomène unique, même si commençait à être agité le spectre d’une deuxième vague.
Et puis nous étions en mars, après un hiver calamiteux d’un point de vue météo (pas uniquement sur ce plan là, d’ailleurs), le soleil s’imposait et même pour ceux qui étaient « claquemurés » dans un espace réduit (ce qui pouvait être d’autant plus difficile à admettre), le ciel était bleu et les journées rallongeaient. Quant à ceux qui bénéficiaient ne serait-ce que d’un carré de pelouse, Ils étaient presque les rois.
Enfin, même si au fur et à mesure nous nous rendions compte que ce serait plus long que prévu, nous gardions l’espoir d’une certaine utilité. Effectivement les courbes se sont inversées. La suite nous prouva que décidément rien n’est jamais acquis.
Maintenant, c’est différent. Nous savons ce qui nous attend, nous sommes en automne avec des jours de plus en plus courts et nous avons le sentiment que le confinement du printemps n’a servi à rien, que nous n’avions rien appris, qu’il allait coûter très cher, que certains ont été sacrifiés inutilement et que son bénéfice a été dilapidé. Nous n’ignorons pas qu’avec ce « deuxième round » les dégâts seront encore plus nombreux. Il s’agit d’un désespoir annoncé. L’accumulation des épreuves est indigeste, comme l’addition d’un stress causé par des situations contre-nature.
Aux drames sanitaires s’ajouteront des drames économiques et qu’aux 200. 000 petites entreprises déjà fermées viendront s’en additionner beaucoup d’autres. Pour beaucoup en l’occurrence pour ceux qui sont en difficulté professionnelles, cela ne manque pas d’altérer la santé psychologique et physique.
Il existe aussi une différence de taille ; en mars il n’y avait qu’une France, celle qui pouvait travailler (exceptés les malheureux chômeurs victimes d’un mal que nos différents gouvernements n’ont jamais pu juguler, ou si peu).
Maintenant, il y a deux Frances. Celle qui – heureusement – continue à travailler et l’autre pour qui c’est interdit. Il faut être concerné pour savoir ce que cela représente. Qui accepterait d’être privé de revenu durant huit mois, sans savoir quand il pourra à nouveau « gagner sa vie » ? Si, en plus il n’est pas contraint de mettre « la clef sous la porte » et se trouver ainsi plongé dans un gouffre sans fond en ayant perdu l’engagement d’une vie. (« La clef sous la porte », voilà encore des mots qui n’ont jamais été aussi souvent prononcés.)
Indiscutablement nous ne sommes pas égaux devant les sacrifices demandés. Pour certains, cela ne change pas grand-chose, tant mieux ; d’autres ont même prospérés ; enfin il y a ceux qui ont tout perdu, ou vont tout perdre dans les semaines à venir.
Cette différence de traitement entraîne d’inévitables clivages, elle ne facilite pas la cohésion dont notre pays aurait pourtant besoin dans ces moments difficiles. La division est palpable !
Sans contestation, la santé est primordiale, mais lorsque l’on perd son travail et les efforts d’une vie, il s’agit d’un vrai traumatisme, on risque d’y perdre la santé et même parfois bien davantage. D’inévitables drames ne manqueront pas de survenir lorsque des familles entières seront plongées dans la précarité et la misère.
Au cours de sa dernière intervention, le Président de la République déclarait que le « travail continuait ». Peut-être qu’il considère que gérer un restaurant, un théâtre, une salle de sport, être acteur ou comédien (et j’oublie bien d’autres secteurs) n’appartient pas au monde du travail. C’est grave d’oublier tous ceux pour qui la vie a basculé ou va bientôt basculer. Peut-être que même, au plus haut niveau – faute d’être concerné directement – on ne mesure pas certaines situations désespérantes.
Nous ne sommes pas égaux devant les sacrifices qui sont imposés au pays. D’autant que les aides annoncées par le gouvernement sont bien souvent insuffisantes au regard du montant des pertes enregistrées depuis des mois. De plus, elles sont souvent soumises à des conditions que l’on peut remplir. Si elles avaient été suffisantes il n’y aurait pas autant d’entreprises obligées de fermer.
Et puis ce reconfinement intervient après huit mois d’épreuves, d’informations anxiogènes, de décomptes macabres ; imaginons qu’il en soit de même chaque soir pour les différentes causes de mortalités qui endeuillent chaque jour notre pays. Nous avons eu droit à une exception, lors de la petite pause estivale, mais manifestement nous avons été négligents, à moins que ce soit le déconfinement qui n’ait pas été bien préparé ?
Pour ceux qui sont concernés par l’impossibilité de travailler et pour qu’ils tiennent le choc, il faut aller chercher dans des réserves d’énergie et de courage qui ne sont pas inépuisables. A tout cela s’ajoute un manque de confiance envers ceux qui décident pour nous (le doute est omniprésent et justifié), mais aussi en notre propre capacité à franchir un mur chaque jour un peu plus haut, même avec la volonté la plus farouche, à moins de transgresser les interdits. Des interdits qui empêchent l’exercice de certaines professions qui pourtant ne semblent pas plus à risque, et même beaucoup moins, que d’autres ; des interdits qui empêchent de se cultiver le corps et l’esprit.
Souhaitons que nous n’ayons pas à établir d’ici quelques mois un nouveau comparatif avec un troisième confinement que certains commencent à nous prédire pour le printemps prochain. Toutes ces annonces qui sont autant de mises en garde que d’informations destructrices de moral, à fortiori pour ceux qui l’ont déjà bien entamé.
Alors oui, pour certains d’entre nous ce deuxième confinement est plus difficile à vivre puisqu’il s’ajoute au premier qui a fait déjà tant de dégâts, surtout lorsque pour une catégorie de la population, il se déroule dans la solitude avec un périmètre de liberté limité.
Il reste l’espoir, l’espoir qu’avec le temps la situation s’améliore, mais surtout qu’il ne soit pas trop tard. Cela va bientôt faire neuf mois que chaque jour « nous espérons » !
Les pratiquants d’arts martiaux sont des guerriers, dans le sens le plus noble du terme, mais contre quel(s) adversaire(s) ?