La tenue

« L’habit ne fait pas le moine », un peu quand même !

Au moins une fois par an j’évoque un vêtement qui me tient à cœur, celui qu’on appelle familièrement le kimono, bien que ce nom désigne plus spécifiquement une tenue  d’intérieur.

Dans les arts martiaux, il existe plusieurs appellations qui définissent ce que l’on revêt dans un dojo ; parmi les plus répandues on trouve le judogi, le karategi, le keikogi. Le « jujitsugi » est très peu évoqué. Pour les principaux arts martiaux japonais on peut le nommer tout simplement « dogi ». En Taekwondo, art martial coréen, c’est le dobok.

Quel que soit son nom, cette tenue est importante, elle ne doit pas être négligée ; j’y vois plusieurs raisons.

D’abord, chaque discipline sportive possède son « uniforme » ; il ne viendrait pas à l’idée d’un footballeur de se rendre sur un terrain de foot en judogi.

Ensuite, grâce à sa texture, cette tenue est pratique et hygiénique. Elle est résistante aux différents assauts qu’on lui fait subir. Elle est hygiénique, elle permet d’absorber les litres de sueur produits lors des entraînements.

Elle possède également comme vertu celle d’effacer toute distinction sociale. On ne frime pas vraiment dans un « gi ». Nous sommes tous égaux pour ces moments d’étude et de partage. Dans certains cas elle permet d’oublier quelques complexes physiques.

Enfin, dans le combat rapproché, notamment au sol, elle évite une proximité qui peut être parfois gênante et même rebutante pour certains et certaines.

Enfin sur le plan de la self défense, donc de l’efficacité, et à ceux qui affirment avec raison que dans la rue nous ne sommes pas en judogi, on peut répondre que dans la rue nous ne sommes pas non plus torse nu, ou très rarement et qu’un morceau de tissu peut remplacer celui du judogi pour appliquer certaines techniques. D’autres pouvant d’ailleurs se réaliser avec ou sans vêtement, quel qu’il soit.

Cette tenue, je la respecte au plus haut point ; n’est-elle pas mon principal « outil de travail » ? Elle est aussi devenue au fil des années ma « deuxième peau ». Parfois elle a même été mon « bleu de travail ».

Certains s’en affranchissent, c’est dommage, surtout dans des disciplines dites « à traditions ».

Lorsque je vois des entraînements (d’arts martiaux) se dérouler avec une multitude de tenues : short, t-shirt, survêtement, je ne peux m’empêcher d’être peiné. Je ne pense pas que cette réaction puisse être qualifiée de « vieux jeu ». Le respect et la tradition me paraissent indispensables. Sans respect, sous quelque forme que ce soit, il n’y a plus rien.

S’affranchir de toutes les traditions au nom d’une prétendue modernité ou même d’une soi-disant liberté pourra être sans limite. Si on ne respecte pas un symbole tel que la tenue, pourquoi pas, tant que nous y sommes, ignorer le salut, le bonjour et le merci et ainsi de suite, jusqu’à manquer de respect aux personnes.

Sans un minimum de rigueur et d’effort, il n’y a plus ni progrès, ni évolution, ni vie sociale digne de ce nom !

Que ne soit pas masqué un manque de rigueur et de respect à l’égard de notre histoire et de notre identité au nom d’une soi-disant modernité.

Au début des années 1970, à l’initiative de l’immense champion de judo néerlandais Anton Geesink, il y eut une tentative de kimonos de couleurs (de toutes les couleurs), qui n’a pas vraiment connu le succès. Ensuite, au début des années 1990, le kimono bleu est apparu lors des compétitions de judo, dans le but de faciliter la compréhension des combats. Dans le même esprit, j’ai moi-même opté pour cette couleur dans mes démonstrations et dans des ouvrages. Ça m’arrive encore pour des photos au sol, notamment.

Quelques professeurs l’utilisent à l’occasion de leurs cours, cela a été mon cas durant un temps, pour « aérer » mes ju-jitsugis de démonstration, à l’époque où j’en faisais. Une fois cette époque passée, je suis revenu à la pure tradition. Et puis un enseignant doit pouvoir se distinguer davantage par son savoir et son aura que par la couleur de sa tenue.

Dans cet article j’évoque les arts martiaux, mais d’autres sports de combats possèdent leur propre équipement (boxe, lutte, etc.), les pratiquants l’arborent fièrement.

Enfin, l’utilisation de la « tenue de ville » (adaptée) pourra être considérée comme un complément à l’étude de la self défense, dans des cours spécifiques. Ce pourra être aussi une approche et une étape avant de rejoindre le monde des budos. Alors : un peu de tenue !

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La « forme de corps »…

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Voilà une expression connue des pratiquants d’arts martiaux, lorsqu’il s’agit de projections et de travail au sol, bien qu’on puisse aussi trouver cette qualité dans les techniques de percussions. C’est la capacité à bien adapter son corps à toutes les situations d’initiative et de défense.

On dit d’un pratiquant qu’il a une bonne « forme de corps ». De quoi s’agit-il exactement ?  Est-ce un don du ciel, ou bien le fruit du travail ?

C’est déjà une belle appréciation. Cette bonne forme de corps permet, au moment de l’exécution d’une technique, de ne faire qu’un avec la technique en question, de l’épouser pleinement. C’est la parfaite adaptation du corps à la technique.

Pour posséder cette qualité, on peut être doté de quelques prédispositions, mais ce sont surtout les inlassables répétitions qui permettent d’obtenir un tel résultat. On doit « sculpter », «  modeler » son corps, un peu comme l’artiste travaille « la masse » pour produire une belle sculpture. (Toujours la valeur travail !)

D’ailleurs, à propos d’artistes, ceux qui pratiquent les arts martiaux n’en sont-ils pas ? Ne sommes-nous pas admiratifs devant la beauté d’un geste qui associe efficacité et esthétisme ?

Cette forme de corps rassemble plusieurs qualités : principalement la précision, la souplesse, la tonicité et la vitesse. Je ne parle pas de force physique, mais d’une utilisation optimale de l’énergie dont chacun est pourvu, tout en utilisant dans certains cas celle de l’adversaire. On est dans le principe du « maximum d’efficacité avec le minimum d’effort (physique) ».

Pour revenir aux prédispositions, il y a des morphologies plus adaptées à telle ou telle pratique martiale, il y a des personnes plus talentueuses, mais quelques soient ces prédispositions, il faudra les révéler, les renforcer et les conserver. Les révéler grâce au professeur, les renforcer et les conserver avec l’entraînement.

Cette forme de corps utilise nos armes naturelles dans un ensemble où sont réunis plusieurs éléments qui s’enchaînent, ou s’associent et s’imbriquent avec naturel, mais aussi avec un bon déplacement qui offre le bon placement : le bon geste au bon moment. Une bonne forme de corps, qui n’est pas utilisée au bon moment, ne sera pas utile.

Quoiqu’il en soit, c’est toujours et encore la volonté et le travail qui permettent de trouver et de renforcer cette qualité. Il faudra bénéficier d’un professeur qui offrira un bon apprentissage et les bonnes méthodes d’entraînement pour affûter et ciseler un ensemble qui conduira à une finesse technique, synonyme d’une indiscutable efficacité dans tous les domaines.

Pour acquérir cette « forme de corps », il faut d’abord le vouloir (le pouvoir presque tout le monde le peut, le vouloir c’est autre chose). On se doit d’être sans cesse à la recherche de l’amélioration, non pas de la perfection qui n’existe pas, mais tout simplement de l’élévation : aller plus haut !(Illustrations de l’article avec les figurines réalisées par Bernard Pariset (1929-2004) Champion de judo et sculpteur à ses temps perdus)

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Les inséparables Tori et Uke

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Retour sur deux personnages bien connus des pratiquants d’arts martiaux et notamment des jujitsukas. Pour les novices, afin de faciliter les présentations, nous pourrions expliquer que dans ce couple d’inséparables, Tori incarne « le gentil » et Uke « le méchant ».

Cette définition, même si elle facilite l’identification des rôles, est un peu simpliste dans la mesure où les deux protagonistes, dans ces positions interchangeables, sont complémentaires et non pas adversaires. Sans Uke, Tori n’existe pas. Dire que c’est Tori qui conclut une action est plus juste pour signifier les implications respectives.

Une traduction littérale nous révèle que Tori est celui qui « prend » ou « choisit » et Uke celui qui « reçoit » ou « subit ».

Dans la connivence qui unit ces deux personnages, il n’existe aucune rivalité, ils doivent être continuellement en quête d’une parfaite osmose.

Bien souvent c’est Tori qui attire davantage l’attention et le rôle d’Uke n’est  pas toujours considéré à sa juste valeur et parfois même il peut paraître ingrat. Or, son rôle est déterminant. C’est grâce à lui que Tori réalise ses progrès, qu’il peut ouvrir et élargir son champ des connaissances.

En plus d’une parfaite maîtrise de la chute,  Uke doit être capable d’adopter toutes les situations, les postures et les réactions qui peuvent se présenter à son partenaire. Il se doit d’être d’une disponibilité corporelle totale, malléable à souhait, dans le bon sens du terme. Il doit «jouer le jeu ».

Pour parfaitement maîtriser une technique ou un enchaînement, il est indispensable de pouvoir les répéter des dizaines, des centaines, des milliers de fois. Imaginons un seul instant le faire sur un mauvais partenaire, pire encore sur un partenaire qui résiste systématiquement ! Pas de répétition, pas de progrès.

Le rôle d’Uke étant déterminant, il serait presque préférable d’être d’abord un bon Uke avant de devenir un bon Tori.

Au-delà de cette constatation, somme toute assez logique, par l’intermédiaire de cet article, c’est l’occasion de rendre hommage à ces personnages et de rappeler qu’entre eux il n’y a ni vainqueur ni vaincu, mais une victoire commune, celle de la conquête du savoir.

(Illustration de cet article avec un dessin de l’inoubliable Claude Fradet)

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Le triple engagement

On ne fait pas toujours ce que l’on veut, il y a les imprévus, les impondérables, les cas de force majeure, etc. Mais parfois, l’absence à une séance (ou à plusieurs) est la conséquence d’une (ou plusieurs) « petite flemme ». Certes, on n’est obligé de rien, mais lorsqu’on cède à la facilité on rompt une sorte de triple engagement.

D’abord vis à vis du professeur. Celui-ci a préparé sa leçon, il compte sur son effectif et lui faire profiter de ce que lui-même a appris grâce à sa régularité lors de son apprentissage. Être professeur, quelque soit la discipline, c’est exercer un métier et faire évoluer ses élèves, c’est l’objectif. Il n’est pas simplement un diffuseur occasionnel de techniques (quand on n’a pas mieux à faire) et qui ne seront pas assimilées en quelques fois. Il y met du cœur et de la passion.

Ensuite, c’est un engagement vis-à-vis des autres élèves. On va peut-être manquer à ses partenaires, au collectif. Bien qu’il s’agisse d’un sport individuel, il ne peut se pratiquer seul. Une bonne ambiance dans les cours, c’est aussi le résultat de se retrouver de façon régulière, cela participe à l’élévation du groupe grâce à une saine émulation. C’est une aventure commune.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, on rompt avec un engagement vis-à-vis de soi-même. L’estime de soi et la fierté personnelle, et bien ce n’est pas rien. Et puis, que l’on me contredise si j’ai tort, les fois où on s’est fait un peu violence pour venir s’entraîner, et bien ces fois-là, on ne l’a jamais regretté. Sans oublier que la récompense ultime sera de progresser, dans un domaine qui demande quelques efforts, mais en sont-ils vraiment ?

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Au sujet de la self défense

Le sujet a toujours existé et les méthodes de self défense n’ont cessé de susciter de l’intérêt. Avec des noms parfois différents (auto défense, défense personnelle, etc.) mais avec le même objectif : celui de pouvoir faire face à une agression physique à notre encontre où à celle d’un tiers.

Le sujet provoque des questions récurrentes de la part des novices et occasionne des points de vue différents venant des enseignants de disciplines de combat.

D’abord, questions répétitives : quelle est la méthode la plus efficace ? Combien de temps faut-il pour savoir se défendre ? A la première il faut répondre que le professeur et les élèves sont plus importants que la méthode (à condition, quand même, que celle-ci soit complète). Un bon outil utilisé par un mauvais ouvrier ne donnera rien de bon. (La réponse à la seconde question se trouve à la fin du paragraphe suivant.)

Ensuite concernant les points de vue, il y a ceux qui affirment enseigner ou pratiquer la meilleure méthode, en ne manquant pas de critiquer ce que font les autres, c’est prétentieux. D’autres pensent que ça ne sert à rien, c’est dommage.

D’autres encore, estiment que sans l’expérience de « la rue » aucune efficacité n’existe, ce n’est pas très raisonnable. Enfin une catégorie plus mesurée pense que nous sommes tous dotés d’un potentiel défensif plus ou moins important et que chaque entraînement permettra de l’augmenter, en sachant que l’invincibilité n’existe pas. Évidemment je me situe dans cette dernière catégorie.

Il y a les questions, les points de vue, il y a aussi les témoignages de personnes qui ont réussi à se sortir d’une mauvaise situation. J’en ai quelques uns parmi mes élèves et anciens élèves.

Quoiqu’il en soit, il y a une règle incontournable, qui est celle de la régularité. Elle semble évidente et pourtant.

Pratiquer de temps en temps, c’est mieux que rien, mais s’astreindre à un entraînement régulier, c’est ce qui permettra de progresser. En effet, il y a l’étude des techniques de riposte sur un maximum de situations d’attaques, debout au sol, à mains nues ou armées, contre un ou plusieurs adversaires, mais sans de nombreuses répétitions l’efficacité sera limitée.

Cette indispensable régularité tiendra par la volonté de l’élève, mais aussi par le fait d’avoir un enseignement qui en plus d’être source d’efficacité ouvrira des horizons favorisant la fidélisation. Un enseignement qui donnera du plaisir dans l’étude ; celui de se retrouver avec un collectif pour un partage sans stress ni violence ; de se renforcer physiquement, ce qui ne gâche rien en matière d’efficacité ; mais aussi d’éprouver du plaisir dans la recherche de l’évolution technique et, ce qui n’est pas le moins important, le plaisir de s’élever mentalement et d’obtenir des bienfaits sur le moral.

Reste à trouver le bon professeur, la bonne méthode et… un peu de volonté !

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Retour sur waki gatame

Voilà une technique que j’affectionne tout particulièrement. Peut-être est-ce parce que je la maîtrise assez bien que je l’affectionne, ou bien est-ce parce que je l’affectionne que je la maîtrise ? Quelle est la conséquence et quelle est la cause ?

Cette clef est très peu, et même pas du tout, pratiquée en compétition de judo, bien qu’elle soit autorisée (sauf erreur de ma part si elle est appliquée avec maîtrise). Par contre, en ju-jitsu elle a toute sa place. On peut la pratiquer debout ou au sol, mais aussi en liaison « debout sol ».

Waki-gatame appartient aux « kansetsu-waza », les techniques de « clefs articulaires », appelées aussi les clefs aux bras, ou encore dans un temps lointain les armlock. Enfant, avec mes copains de tatami, ce mot nous fascinait. « Les armlock » !  Nous n’attendions qu’une chose : l’âge qui nous autoriserait leur pratique.

En ju-jitsu self défense elles permettent la maîtrise d’une personne en lui infligeant une douleur plus ou moins importante sur l’articulation, pouvant aller jusqu’à la luxation.

La maîtrise des techniques de clefs demande du temps et donc  beaucoup de patience. Elles offrent deux avantages : le premier d’être efficace, le second de permettre la maîtrise d’une personne sans forcément que ses jours soient mis en danger. Cet aspect ne doit pas être négligé, sur le plan de la légitime défense et sur celui du respect de la vie, tout simplement.

Le principe de waki-gatame est de verrouiller l’articulation du coude avec l’aisselle, tout en maintenant le poignet de l’adversaire avec les  deux mains qui sont l’un des deux  « points fixes » indispensables, l’autre étant l’articulation de l’épaule du partenaire.

On peut l’appliquer pour répondre à diverses attaques : en coups de poing, sur des saisies de face et sur l’arrière, dans certaines circonstances au sol et bien évidemment en riposte à des attaques à main armée.

Il n‘empêche que certains sont perplexes quant à une efficacité longue à acquérir. A ces doutes, j’opposerais deux arguments : d’abord celui de l’indispensable persévérance dont doit être doté un pratiquant d’arts martiaux (entre autres qualités), ensuite parce que  je connais beaucoup de personnes (pas forcément des hauts gradés) qui ont pu échapper à de sombres issues grâce à des techniques de clefs comme waki-gatame. L’efficacité est incontestable pour maîtriser un bras armé.

Il est certain qu’une multitude de détails entrent en ligne de compte, aussi bien en matière de précision que de positionnement du corps ;  les répétitions sont faites pour acquérir les qualités indispensables à une bonne efficacité.

Appréciant  cette clef, j’ai (toujours) comme projet de créer un document pour la présenter sous  toutes ses formes à partir des  différentes opportunités, sans oublier les défenses et éventuelles contre-prises qui y sont attachées.

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« Gardien du temple »

Lors du stage de dimanche dernier à Léognan j’ai reçu un compliment qui m’a particulièrement touché : « Vous êtes un des derniers gardiens d’une pratique traditionnelle qui porte et défend des valeurs qui semblent se perdre». J’ai remercié la personne en insistant sur le fait de ne pas être le seul dans ce cas.

Il est vrai que je ne me reconnais pas dans certaines évolutions.

Être considéré comme un « Gardien du Temple » me convient. Il ne s’agit pas de l’expression d’un conservatisme stérile, mais tout simplement de celle d’une fidélité à des convictions et à une discipline qui m’a tant apporté et qui m’a permis de devenir ce que je suis.

Pourquoi la renierais je ? D’abord elle est on ne peut plus complète techniquement, elle porte des valeurs éducatives dans tous les secteurs et je m’y exprime totalement dans sa pratique et dans sa transmission. En matière de reniement et de trahison, il y aurait encore pire, comme l’enseigner sous un autre nom davantage à la mode.

Certes, je n’ignore pas qu’en ce moment cette mode n’est pas aux disciplines dites traditionnelles, mais je n’ai pas trop d’inquiétude, les modes passent et les traditions, par définition, restent.

Je ne pense pas que s’attacher à certaines traditions signifie appartenir à un autre temps, ou encore être ringard, « has  been ». Au contraire, je pense que tout ce qui tend vers l’éducation est profondément moderne. Surtout quand il est question de lutte contre la violence.

Cette violence qui habite notre quotidien, qui pousse même les portes de certains dojos (qui ne méritent plus ce nom) elle a toujours existé, mais depuis les réseaux sociaux, elle est « véhiculée » de façon permanente. Forcément ce n’est pas sans conséquence. Et c’est là que les éducateurs, en premier ceux qui enseignent nos disciplines, ont un rôle majeur afin de contrebalancer cet état de fait  insupportable.

Ils le peuvent et ils le doivent dans leur programme d’enseignement avec des techniques efficaces mais sécuritaires et avec un discours constructif, une ambiance dépourvue de stress et de mauvaises ondes. On ne doit pas ressortir plus abîmé, mentalement et physiquement, qu’à la suite d’une agression.

Une ambiance qui nous « élève » et non pas qui nous rabaisse ; le mot élève n’est pas né par hasard.

La tradition dans notre domaine, puisque c’est de cela dont il est principalement question dans cet article, ça commence par la politesse, le respect du professeur, du partenaire, des plus hauts gradés comme des débutants (c’est une des missions des gradés que celle de guider un pratiquant qui effectue ses premiers pas sur un tatami), le respect du collectif en essayant de ne pas être en retard, de ne pas parler pendant les explications du professeur et s’exprimer à voix basse avec son partenaire lors des répétitions.

C’est aussi le respect du lieu dans lequel nous pratiquons. Avec les différents saluts, l’observation des règles d’hygiène comme ne pas marcher pieds nus en dehors des tatamis, avoir le corps et la tenue propres. A propos de la tenue, c’est ne pas s’affranchir de celle avec laquelle doivent se pratiquer nos disciplines.

S’émanciper de ces règles mène forcément à la dérive de la société.

Certaines peuvent sembler anodines, même désuètes, mais aucune n’est à négliger. On connaît parfaitement où mènent le relâchement. Et puis, il ne s’agit pas d’efforts démesurés ; il est tout simplement question de faire attention à soi et… aux autres !

Enfin, ces quelques efforts, auxquels ont peut ajouter différentes recherches comme la finesse technique (quand on a la chance de pratiquer un art qui a de l’épaisseur), la perfection, pourquoi pas la beauté du geste et l’expression corporelle et ne pas se contenter du minimum ; cet ensemble permettra de ressentir l’immense satisfaction que seuls connaissent et connaîtront ceux qui auront consenti à ces quelques efforts.

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Incontournables sutemis

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Ils sont l’illustration parfaite du principe de non opposition et de celui de l’utilisation de la force de l’adversaire.

Dans notre langue, nous les appelons les « techniques de sacrifices ». En effet, pour les appliquer il faut s’effacer devant l’adversaire en se mettant volontairement au sol, sur le dos ou le flanc : se sacrifier. Il s’agit de sacrifices utiles, ô combien.

De fait, les sutemis sont praticables par tous les gabarits et notamment les plus faibles. Une fois bien maîtrisés, leur efficacité est redoutable.

Tomoe-nage la fameuse « planchette japonaise » est le plus célèbre d’entre eux

Dans leur exécution, non seulement on ne s’oppose pas à la force de l’adversaire, mais on y ajoute la nôtre. Même avec peu de toute puissance, il suffit de « conduire » celle de l’opposant. A partir de là, « tout le monde peut faire tomber tout le monde ».

Nous sommes au cœur de l’efficacité du ju-jitsu tel qu’il doit être enseigné et pratiqué.

Certes sans action offensive de l’adversaire, il est impossible d’appliquer ces principes d’addition de force, mais le ju-jitsu (bien présenté) a toujours revendiqué le titre de méthode de défense et non pas d’attaque.

En judo, ils s’appliquent principalement en contre prise ou en appliquant le principe d’action réaction.  Avec l’avènement de la compétition et des catégories de poids, certaines projections ont dû être adaptées, c’est le cas des sutemis ; dans la mesure où, à technique (presque) équivalente et à poids égal, les principes de base n’ont plus les même effets, y compris celui de la surprise pour la personne qui en agresse une autre et qui n’envisage pas que celle-ci puisse se défendre en utilisant de telles techniques.

Toujours en judo, le meilleur exemple d’adaptation né à la fin des années 1960 et pour lequel on peut presque utiliser le terme de nouvelle technique, s’appelle tomoe-nage avec l’apparition du yoko-tomoe-nage. Cette dernière forme ne trouvant sa raison d’être que dans le randori et le combat de judo. Il n’existe pas vraiment d’applications en self défense. Une analyse approfondie de cette belle technique pourra faire un beau sujet par la suite.

Il existe des différences techniques mais aussi d’utilisation selon que l’on se trouve dans le cadre de la (self) défense ou bien dans celui du judo. Ne serait-ce que dans la rue, sur un sol dur, nous nous placerons sur le dos qu’en dernière analyse, lorsque la poussée est tellement forte que nous sommes déjà en déséquilibre et que l’application de techniques comme hiza-guruma, par exemple, qui nous laisseraient debout, n’est plus possible.

A l’inverse, en judo les sutemis peuvent être pratiqués directement, comme toute autre technique.

Il existe aussi les « makikomi », ils sont un peu les « cousins » des sutemis. Littéralement, il s’agit de techniques d’enroulement. Le corps de Tori venant au contact de celui d’Uke pour l’entraîner jusqu’au sol. La différence essentielle réside dans le fait que pour les sutemis, il y a séparation des corps durant l’action et que pour les makikomi, c’est l’inverse ; l’efficacité se réalisant avec le plus étroit contact entre les deux protagonistes (au profit de Tori, évidemment, qui emmène le corps d’Uke avec le sien, le plus souvent dans une synergie rotative). Le point commun étant que dans les deux cas l’idée est d’entraîner l’adversaire au sol.

La maîtrise de ces « techniques de sacrifices » requiert de la patience, comme beaucoup d’autres, mais leur parfaite exécution – qui donne l’impression d’agir sans aucun effort et même de façon un peu magique – procure peut-être une joie supérieure à celle ressentie dans la réalisation d’autres projections. C’est en tout cas un sentiment que je ne pense pas être le seul à partager.

(Les deux photos d’illustration ont quelques décennies d’écart et… des partenaires différents !)

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Indispensables liaisons

Cette semaine je reviens sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, à savoir les liaisons que l’on trouve en ju-jitsu.

D’abord un rappel technique : le Ju-jitsu propose des techniques de coups, de projections et de contrôles : (l’atemi-waza, le nage-waza et le katame-waza.) L’étude et la maîtrise de ces trois composantes est indispensable, mais ce qui l’est tout autant, c’est la capacité à les enchaîner avec une parfaite fluidité. Exemple : bien maîtriser un coup de pied et une projection  est une chose, bien maîtriser l’enchaînement de ces deux techniques en est une autre. C’est ce qui représente une grande part de l’efficacité de cet art.

Le ju-jitsu n’est pas un « assemblage », c’est-à-dire un mélange de plusieurs disciplines, il est une entité, un bloc. Nous devons être en capacité de nous adapter immédiatement à une situation donnée, que ce soit à distance ou bien en corps à corps et surtout être capable de passer de l’une à l’autre. C’est le principe de ce que j’appelle « la liaison », cette liaison sur laquelle j’insiste et que j’aborde régulièrement dans mon enseignement.

Pour que cette liaison soit possible, certains impératifs doivent être respectés, comme « la garde » par exemple. Une garde trop basse sur les jambes ne permettra pas d’obtenir l’indispensable fluidité dans la liaison d’un coup avec une projection.

Bien  que soient indispensables les répétitions de techniques secteur par secteur, il faudra le plus souvent possible travailler des enchaînements dans lesquels nous trouverons au moins deux des composantes du ju-jitsu. Un coup enchaîné avec une projection, ou avec un contrôle, ou mieux encore, une liaison des trois composantes.

Ces enchaînements peuvent aussi se travailler sous forme d’uchi-komi (des répétitions sans chute) avec un partenaire. Mais aussi seul, « dans le vide ».

J’ai évoqué les liaisons « coups projections », mais les liaisons « debout sol », sont tout aussi importantes (on les retrouve également en judo). Enchaîner le plus vite possible, une projection avec une clef,  sera aussi important que maîtriser chacune des deux techniques en question.

On devra pratiquer régulièrement des enchaînements dans lesquels on recherchera à ce qu’il y ait le moins de temps morts possibles entre la projection et le contrôle.

L’étude et les répétitions d’enchaînements tels que les katas ou des exercices plus récents comme les « 16 techniques » doivent figurer régulièrement au programme des cours et pas simplement à l’approche des passages de grades.

Enfin, il est incontestable que chacun possède ses préférences, pour des raisons intrinsèques, ou par admiration. Cela n’interdit pas d’essayer de s’améliorer dans les domaines pour lesquels les prédispositions naturelles ne sont pas au rendez-vous.

Alors, au travail.

Pour illustrer cet article et en guise d’exemple, les trois premières techniques des « 24 techniques » (en compagnie d’Alain Aden, en 1994.) Extrait du livre « Enchaînements de base et avancés ».

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Les bons vœux

C’est une tradition qui doit être respectée, à condition qu’elle soit sincère et non pas qu’une simple formalité.

Que pouvons nous nous souhaiter ?  D’abord  la santé, sans laquelle rien n’est possible. Ensuite, être à l’abri du besoin, ce qui est préférable, ne serait-ce que pour rester, justement, en bonne santé.

Puis, un vœu quelque peu utopique : que la Paix puisse enfin régner sur le Monde. Certes, ce n’est pas gagné et c’est bien dommage qu’avec les sales guerres qui ont endeuillées les siècles, l’être humain n’est pas acquis davantage de sagesse.

Ensuite, et c’est en lien avec le vœu précédent, que s’épanouissent les sentiments nobles comme l’amitié, l’amour, la concorde, et bien d’autres (l’entraide par exemple…), tout ce qui nous embellit le cœur et ne l’abime pas.

Pour ce qui nous rapproche plus particulièrement, à savoir la pratique des arts martiaux, il faut souhaiter que tous ceux qui commencent ne s’arrêtent pas au premier découragement. Une pratique pérenne ne fait que rendre meilleur, et pas uniquement dans la maîtrise des techniques, mais aussi en révélant des qualités intrinsèques qui nous seront utiles dans notre quotidien, dans nos actions et la qualité de nos relations.

A la condition qu’il s’agisse d’une pratique éducative évolutive qui nous offre la possibilité de nous élever et de nous améliorer techniquement, physiquement et mentalement. Nous sommes dans un dojo pour bâtir, non pas pour détruire. Une pratique sans stress, nous sommes aussi sur les tatamis pour passer de bons moments.

Toujours dans notre domaine, il faut souhaiter la régularité qui est la seule garantie de progrès. Il faudra s’impliquer sérieusement, venir une fois de temps en temps ne sert à rien. Certes, cette régularité dépendra aussi d’un enseignement attractif, motivant et sécuritaire.

Attractif : qui donne envie de commencer.  Motivant : qui donne envie de continuer. Sécuritaire : qui permet d’évoluer en évitant une pratique brutale qui provoque des blessures et qui n’est pas constructive. Une pratique sécuritaire ne signifie pas inefficace, au contraire.

Enfin, que dans les dojos continuent à exister les belles valeurs qui, en plus de la qualité technique, font la richesse et la sagesse de nos ARTS. Sans oublier que nos disciplines doivent conserver leur rôle dans le combat contre une violence qui ne cesse de croître.

Bonne année à toutes et à tous.

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