Atemi-waza, le travail des coups

La semaine dernière, je proposais un article technique sur les liaisons du ju-jitsu : l’intérêt des combinaisons entre les différentes composantes et l’importance de la recherche de fluidité dans leurs enchaînements.

Aujourd’hui arrêtons nous sur l’atemi-waza (le travail des coups), l’une des trois composantes de cette discipline. Pour rappel, les deux autres étant le nage-waza (le travail des projections) et le katame-waza (le travail des contrôles).

En ju-jitsu, l’atemi-waza possède la particularité de ne pas être une finalité, mais un moyen d’y parvenir ; un « coup porté » permet un déséquilibre favorisant l’enchaînement avec une projection ou un contrôle, ou encore les deux.

Logiquement il compose la première partie d’une défense, puisqu’il s’utilise à distance. Un « enchaînement type », se déroulera de la façon suivante : coup, projection et contrôle. Mais ce n’est pas une règle absolue.

L’étude de l’atemi-waza est importante pour trois raisons essentielles.

D’abord pour son efficacité dans le travail à distance. Il est souhaitable d’avoir une bonne maîtrise dans ce domaine aussi bien pour l’utiliser que pour s’en défendre. Si mon partenaire ne maîtrise pas bien les coups, j’ai peu de chance d’apprendre à me défendre contre ceux-ci.

Ensuite, sa pratique est intéressante sur le plan physique, elle permet de travailler la souplesse, la vitesse, et dans les randoris (les exercices d’opposition codifiés) de parfaire sa condition physique. Sans oublier l’aspect ludique que l’on trouvera dans ces affrontements, pour peu qu’ils soient pratiqués avec un parfait état d’esprit.

Enfin, cette pratique procurera ce que l’on appelle le « sens du combat » : le coup d’œil qui favorise les automatismes  d’attaques et de défenses. Ce sens du combat qui peut se transposer d’une forme de science à une autre. Pour être précis, quelqu’un qui a des compétences dans le travail à distance, à de fortes chances d’en posséder aussi dans le corps à corps. Savoir saisir le bon moment, l’opportunité.

Le livre dont la couverture illustre cet article contient différents chapitres qui traitent des méthodes d’entraînement spécifiques à cette composante, mais aussi un enchaînement appelé « les 16 atemis ». Cette « suite » propose 16 défenses sur des coups portés  à l’aide des bras et des jambes, avec des ripostes uniquement en atemi. Une des particularités de cette « sorte de kata » se trouve dans la compatibilité des techniques avec les autres composantes du ju-jitsu. Chaque défense doit pouvoir s’enchaîner avec une projection et/ou un contrôle.

Malheureusement ce livre qui date de 1985 est épuisé, mais sa réédition est toujours envisagée.

 

Les liaisons

Voilà un sujet qui me tient particulièrement à cœur, à savoir les liaisons que l’on trouve en ju-jitsu.

Le Ju-jitsu propose des techniques de coups, de projections et de contrôles : l’atemi-waza, le nage-waza et le katame-waza. L’étude et la maîtrise de ces trois composantes est indispensable, mais ce qui l’est tout autant, c’est la capacité à les enchaîner avec une parfaite fluidité. Exemple : bien maîtriser un mae-geri et un o-soto-gari est une chose, bien maîtriser l’enchaînement de ces deux techniques en est une autre. C’est ce qui représente une grande part de l’efficacité de cet art.

Le ju-jitsu n’est pas un « assemblage », c’est-à-dire un mélange de plusieurs disciplines, il est une entité, un bloc. Nous devons être en capacité de nous adapter immédiatement à une situation donnée, que ce soit à distance ou bien en corps à corps et surtout être capable de passer de l’une à l’autre. C’est le principe de ce que j’appelle « la liaison », cette liaison sur laquelle j’insiste et que j’aborde régulièrement dans mon enseignement.

Pour que cette liaison soit possible, certains impératifs doivent être respectés, comme la garde par exemple. Une garde trop basse sur les jambes ne permettra pas d’obtenir l’indispensable fluidité dans la liaison d’un coup avec une projection. Mais aussi – bien que soient indispensables les répétitions de techniques secteur par secteur, il faudra le plus souvent possible travailler des enchaînements dans lesquels nous trouverons au moins deux des composantes du ju-jitsu. Un coup enchaîné avec une projection, ou avec un contrôle, ou mieux encore, une liaison des trois composantes.

Ces enchaînements peuvent aussi se travailler sous forme d’uchi-komi (des répétitions sans chute) avec un partenaire. Mais aussi seul, « dans le vide ».

J’ai évoqué les liaisons « coups-projections », mais les liaisons «debout-sol », sont tout aussi importantes (on les retrouve également en judo). Enchaîner le plus vite possible, une projection avec une clef,  sera aussi important que maîtriser chacune des deux techniques en question. On devra pratiquer régulièrement des enchaînements dans lesquels on recherchera à ce qu’il y ait le moins de temps morts possible entre la projection et le contrôle.

L’étude et les répétitions d’enchaînements tels que les katas ou des exercices plus récents comme les « 16 techniques » doivent figurer régulièrement au programme des cours et pas simplement à l’approche des passages de grades, ce qui  malheureusement est parfois le cas.

Enfin, il est incontestable que chacun possède ses préférences, pour des raisons intrinsèques, ou par admiration. Cela n’interdit pas d’essayer de s’améliorer dans le ou les domaine(s) pour lesquelles les prédispositions naturelles ne sont pas au rendez-vous.

Alors, au travail.

Pour illustrer cet article et en guise d’exemple, la première technique des « 24 techniques » (en compagnie d’Alain Aden, en 1994.) Extrait du livre « Enchaînements de base et avancés ».

Le randori

Retour plus technique avec un article consacré à un exercice indispensable : le randori

En guise d’introduction je propose une définition glanée sur Internet et qui me semble être un parfait résumé : « Exercice libre orienté vers l’attaque. Le randori permet la rencontre de deux partenaires dans une confrontation dont la victoire ou la défaite n’est pas l’enjeu ».

Le randori est sans doute l’exercice le plus important pour progresser et le plus agréable à pratiquer à condition de le faire avec un partenaire habité par un état d’esprit identique au notre.

Le randori existe dans la plupart des arts martiaux, qu’ils soient ou non à but compétitif. On peut traduire ce mot par « exercice libre ». Libre dans l’utilisation des techniques et leurs enchaînements, dans l’adaptation aux situations. C’est à la fois un exercice de perfectionnement technique et d’amélioration de la condition physique, mais c’est aussi un moment de vérité durant lequel il est possible de se tester dans une situation d’opposition, même si cette opposition est codifiée pour des raisons évidentes de sécurité. Je le définirai comme un exercice d’opposition codifiée à thème.

Il est important pour trois raisons principales. D’abord il permet de progresser dans l’attaque et la défense, ensuite il participe à l’acquisition et au renforcement de la condition physique et enfin, s’il est fait dans un bon état d’esprit, on prend beaucoup de plaisir dans une opposition aux allures de jeu. On peut ainsi mesurer les progrès ; par exemple, le jour où il devient possible de projeter quelqu’un alors que cela ne l’était pas quelque temps avant.

En ju-jitsu, les trois principaux thèmes sont le randori d’atemi (les coups) le randori de projections et le randori au sol. Ils permettent de se perfectionner dans chacun de ces trois domaines en toute sécurité. A titre personnel, je suis contre un exercice d’opposition dans lequel tout est autorisé. A ceux qui ne partagent pas ce point de vue au motif que dans la réalité tout est permis, je réponds que la réalité c’est la réalité et que l’entraînement c’est l’entraînement. Les consignes d’efficacité et de sécurité sont indissociables. Une pratique constructive se fait en limitant les situations dans lesquelles les risques de blessures sont importants.

Dans ces affrontements qui sont essentiellement axés sur le renforcement du système d’attaque, il est évident que l’on travaille aussi la défense. Ne serait-ce que pour proposer à son partenaire une opposition correcte.

Je conclurai en soulignant que chacun des trois principaux secteurs évoqués (coups, projections et travail au sol) possède ses particularités dans le plaisir procuré. Pour le travail des projections, arriver à « faire tomber » quelqu’un à l’aide d’une belle réalisation ou d’un enchaînement ou encore de l’application du fameux principe action-réaction est une joie que seuls ceux qui la connaissent peuvent en attester. Dans le travail au sol, l’affrontement est différent dans la mesure où, ne réclamant pas autant de vitesse d’exécution, il offre la possibilité de « fourbir » sa stratégie, de préparer plusieurs « coups » à l’avance, de prendre son temps dans l’action. Enfin, et pour terminer, on peut établir un parallèle entre le randori « coups de poings et pieds » et une conversation. « L’assaut courtois », tel que l’on nommait cet exercice du temps de Charlemont, le fondateur de la boxe française, peut s’assimiler à une discussion au cours de laquelle les deux protagonistes éviteraient de parler en même temps, sans pour autant se priver de défendre leurs propres arguments en coupant la parole s’il le faut, mais au cours de laquelle ne serait prononcé aucun « gros mot », c’est à dire ne serait exécutée aucune technique ou enchaînement dangereux.

Alors, pour toutes les raisons évoquées, n’oubliez pas les randoris.

Deuxième lettre ouverte

Le 12 novembre dernier, j’adressai une lettre ouverte (et par voie postale) au Ministre de l’Economie pour lui faire remarquer que les bons chiffres de la croissance dont il se félicitait ne bénéficiaient pas à tous et que certaines catégories avaient été sévèrement sacrifiées.

M’étonnant que ce courrier soit resté sans réponse et étant décidé à continuer le combat, je récidive.

Ci-dessous le courrier de ce jour, et plus bas la copie de celui envoyé précédemment le 12 novembre 2021.

Niort le 5 janvier 2022
Deuxième lettre ouverte à l’attention de Monsieur le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance
Monsieur le Ministre,

Le 12 novembre dernier, je vous avais adressé une lettre ouverte, expédiée aussi par voie postale.

Sans doute par naïveté, je pensais recevoir une réponse, ce ne fût pas le cas.  Ce courrier avait pour but de vous indiquer que certaines déclarations sont difficiles à entendre, mais aussi pour que vous portiez une attention particulière à des situations aux conséquences catastrophiques, à l’instar de celle qui est la mienne.

Je me permets donc de vous adresser copie du courrier en question. En espérant, cette fois, avoir davantage de chance. Je vous remercie par avance et je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération.
Éric Pariset Professeur d’arts martiaux

Courrier envoyé le 12 novembre 2021
Niort le 12 novembre 2021
Lettre ouverte à l’attention de Monsieur le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance
Monsieur le Ministre,

Vous évoquez la belle croissance d’après crise, mais vous semblez oublier une catégorie de gens qui regroupe ceux qui ont été laissés au bord du chemin ! La croissance en question à laquelle vous faites référence ne profite pas à tout le monde, loin s’en faut.

En 2015, j’avais décidé de quitter la capitale pour m’installer en province en espérant pouvoir y exercer mon activité qui viendrait en complément de l’inconsistance de la retraite des indépendants ! Malheureusement, ne trouvant pas de solutions dans mon secteur d’activité, en juillet 2019 je décidais de revenir à Paris pour y ouvrir un dojo privé.

Je n’ai pas hésité à traverser la moitié du pays pour recréer une petite entreprise. Quelques mois après, en raison de la crise sanitaire, j’étais contraint de fermer cette entreprise.

Tout le monde n’a pu bénéficier pleinement des aides ; les critères d’éligibilité n’étant accessibles qu’à certaines conditions. Comme je ne pouvais pas me permettre de lutter contre une propriétaire qui exigeait ses loyers, j’ai, selon l’expression consacrée, mis « la clé sous la porte ».

Je sais que je ne suis pas un cas unique, une partie de la population a été sacrifiée dans une certaine indifférence. Pour résumer, j’ai perdu mon outil de travail, mon travail, l’investissement engagé dans l’ouverture de l’entreprise et tout espoir de reconstruction, faute de moyens. Et quand bien même je pourrais le faire, le climat anxiogène dans lequel nous nous trouvons n’incite pas à l’investissement, surtout lorsqu’on a déjà été floué une première fois !

Ce courrier a pour but de porter à votre attention que certaines déclarations sont difficiles à entendre et à accepter. Aujourd’hui, je suis retourné en province avec la farouche volonté de rebondir, cependant dans certaines circonstances elle ne suffit pas, je le constate amèrement.

En espérant que ces quelques lignes retiendront votre attention, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération.

Éric Pariset
Professeur d’arts martiaux

ERIC@PARISET.NET  06 14 60 18 25

Petite rétrospective 2021 (dans notre domaine).

A titre personnel, l’événement le plus douloureux de cette année aura été la disparition d’Henri Courtine en février dernier. Sur mon blog, je lui ai consacré de nombreux articles.
Compétiteur au palmarès exceptionnel, magnifique technicien, dirigeant exemplaire, il a marqué l’histoire du judo.
Mais pour moi il aura été plus que ça. En effet, grâce à une belle complicité entretenue avec mon père tout au long de leurs carrières respectives, j’ai eu la chance de le connaître personnellement et d’apprécier l’homme !

Sinon, cette année aura été marquée, comme la précédente, par le fameux « stop and go » de cette pandémie briseuse de vies et de métiers et qui n’en finit pas, mais aussi par une gestion assortie de décisions parfois surprenantes.

Côté positif, toujours dans notre domaine, nous ont été offerts de beaux moments avec les résultats des jeux olympiques, ce qui a permis d’oublier, quelque temps, le sort réservé à nos disciplines.

A titre personnel, remettre le judogi à partir de septembre aura été une délivrance, après un an et demi d’arrêt forcé. Même si, comme cela a déjà été souligné, ce n’est pas suffisant, loin de là. Surtout dans la mesure où le bout du tunnel n’est peut-être pas encore là.

Pas beaucoup d’autres souvenirs positifs me viennent à l’esprit quand je repasse le film d’une année qu’il nous faudra vite oublier, si toutefois c’est possible, tant elle aura été destructrice dans bien des domaines.

Même si les dernières informations, dont nous sommes bombardés en permanence, ne vont pas dans le bon sens et que persiste un climat anxiogène de plus en plus insupportable, espérons quand même une nouvelle année sous des cieux plus favorables et adressons-nous les meilleurs vœux de bonheur.

Commentaire approprié

La semaine dernière, l’article dans lequel j’évoquais un premier bilan de l’année écoulée, avait suscité le commentaire suivant : « quand même dommage de vous avoir à Niort et de ne pas pouvoir pratiquer faute de salle ». A quoi je répondais : « à qui le dites vous » ! (L’entraînement à l’extérieur, si agréable soit-il, a ses limites !)

Ce n’est pas faute d’avoir essayé de trouver une solution. D’abord auprès de la mairie, avec des demandes restées sans réponse. J’ai envisagé alors la création d’une structure privée, mais d’une part les loyers sont excessifs et d’autre part, en termes d’investissement j’ai déjà donné au mois de juin 2019. De retour à Paris, j’avais ouvert un dojo privé que j’ai été obligé de fermer quelques mois après pour les raisons que nous connaissons, perdant l’intégralité de l’investissement !

Quand on entend les informations alarmistes – et parfois contradictoires – de ces derniers jours, l’inquiétude et la réflexion sont légitimes. En attendant cela fait exactement vingt et un mois sans travail, exception faite de quelques petits stages, excellents pour le moral, mais insuffisants.

Qui supporterait d’être dans une situation  où ni la volonté, ni les compétences, ni l’énergie ne sont utiles pour s’en extraire ?

Manifestement dans les jours qui viennent, certains secteurs risquent à nouveau d’être « sanctionnés ». Pénalisé davantage, c’est impossible pour moi, mais contrarié dans un début de reconstruction, c’est probable. Malgré tout cela, la combativité ne disparaît pas et ne disparaîtra pas !

Pour être complet et objectif, je dois signaler la mise à disposition du club de taekwondo de Manuel Baptista à Niort, pour un stage qui s’est déroulé le dimanche 5 décembre. Je le remercie infiniment, comme je remercie tous ceux qui étaient présents ce matin-là, faisant preuve d’une belle ouverture d’esprit et d’une envie de partage !

Malheureusement, le planning de ce club réputé est bien rempli et les interventions de ce type ne peuvent qu’être ponctuelles et limitées.

Cette publication ne m’empêche pas de vous souhaiter de très bonnes fêtes !

2021 : quelques mots…

2021 : quelques mots et des photos souvenirs (à retrouver sur la page Facebook du Club Jujitsu Eric Pariset) !
Très prochainement un bilan plus étoffé concernant cette année.

Les 1ers janvier 2020 et 2021 nous nous souhaitions une bonne année…c’est en repensant à ces moments là que l’on s’aperçoit qu’il ne suffit pas toujours de vouloir pour pouvoir ! Encore une année qui s’achève et qui ne laissera pas de bons souvenirs pour une grande partie de la population. Nous avons continué à subir une crise commencée en 2020. Et malgré les efforts et les sacrifices consentis, les maux subis au cours de ces deux années sont de plus en difficiles à supporter, inévitablement ils laisseront des traces, c’est déjà le cas. D’autant que sans vouloir être défaitiste, si l’on en croit les dernières informations aussi alarmistes qu’anxiogènes, dont nous sommes quotidiennement bombardés, ce n’est malheureusement pas terminé.

Allons-nous continuer longtemps à assister en toute impuissance aux dommages collatéraux, c’est-à-dire à la dégradation – et même à la disparition de nombreux secteurs ? Mais aussi à la mise à mal de la santé physique et mentale de beaucoup d’entre nous. Autant de catastrophes engendrées collatéralement, les faits sont là.

Certes, depuis vingt et un mois, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne, certains sont plus chanceux que d’autres, tant mieux pour eux. N’étant pas dans la bonne catégorie, pour me consoler, on me dit que l’essentiel reste la santé ; ce qui est vrai. Mais des mois sans travail et sans perspectives positives dans ce domaine, est-ce un bon moyen pour la conserver ? Et puis, est-ce que vivre, c’est juste se contenter de ne pas être malade ?

Certes, on peut apprendre à se satisfaire de peu, mais on est en droit de s’interroger et de s’agacer quand ces remarques sortent de la bouche de gens nantis pour lesquels la crise n’a rien retirer : ni les moyens de vivre correctement, ni ceux  de satisfaire les principaux besoins et principales envies.

Loin de moi de vouloir exprimer un sentiment de jalousie envers ces épargnés, mais de la part de certains, un comportement emprunt d’un peu de retenue serait plus acceptable. Mais il y a pire encore avec les donneurs de leçons ; là c’est insupportable !

Beaucoup de gens dans ma situation n’ont pas besoin de leçons, la plupart savent ce qu’ils ont à faire, c’est-à-dire reconstruire sur un champ de ruine. Et pour reprendre une expression largement utilisée depuis presque deux ans, ils ne « lâchent rien ». Heureusement, il y a beaucoup d’encouragements qui vont droit au cœur.

A titre personnel, depuis presque deux ans, ce ne sont ni la volonté, ni l’énergie qui me font défaut. On me dit tu vas rebondir ! Oui, mais de quelle manière, dans un des secteurs d’activité les plus pénalisés ? Alors quelles sont les opportunités qui s’offrent à moi ? Premièrement, ouvrir un nouveau dojo ? Dans le climat actuel et avec les annonces qui nous sont faites, cela serait irresponsable, j’ai déjà largement donné ! Et puis il faut en avoir les moyens. Deuxièmement, trouver des créneaux horaires dans les équipements municipaux ?  Il n’est pas évident de se faire accepter, pour ne pas dire impossible. Troisièmement, faire des stages ? J’ai commencé, mais pour faire des stages il faut… des stagiaires. D’une part, les sections rassemblant des adultes ont beaucoup souffert depuis vingt et un mois. Et puis, n’ayant plus de dojo je n’ai plus d’élèves, exception faite de quelques irréductibles fidèles. Enfin, les querelles de chapelle n’ont pas disparu. Elles éloignent un peu plus chaque jour les beaux principes et préceptes d’entraide mutuelle prônés par le fondateur du judo. (qui ne manque pas d’être cité en référence, par ailleurs !). Enfin, certains ont une solide mémoire sélective, en oubliant facilement une partie du passé.

Heureusement, il y a quelques belles surprises émanant de personnes qui se reconnaîtront et que je remercie, mais ce n’est pas suffisant.

Pour la nouvelle année, je souhaite simplement pouvoir exercer mon métier, un métier qui m’est indispensable, que j’aime et dont l’utilité n’est plus à démontrer.

Certaines situations ne sont pas simplement dues à de la malchance, comme on pourrait le croire, mais à une forme d’injustice que l’on se doit combattre en la dénonçant, les mots peuvent être des armes de combat et la manifestation de la colère saine et légitime. Dans certains cas, il n’y qu’à voir ce dont sont capables des gens confrontés à la désespérance engendrée par de telles situations. Tout cela n’empêche pas d’agir positivement dans l’espoir d’une reconstruction, sans doute longue et chaotique.

Cela n’empêche pas non plus de souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année, même avec Papy et Mamie dans la cuisine, toutes fenêtres ouvertes.

Le dojo et la rue

De temps en temps on entend « curieusement » qu’en matière de self-défense, la seule expérience valable se trouve dans la rue. Certes, travailler dans le confort d’un dojo et se retrouver confronté à la violence de la réalité, ce n’est pas pareil. Nous ne sommes pas tous égaux face au stress que représente une agression, mais envisager de s’entraîner et de se tester en situation réelle, n’est pas vraiment concevable.

Alors comment savoir si l’on pourra se sortir d’une situation d’agression ? On ne le sait pas tout simplement ! On le découvrira, si nous y sommes confrontés, à mon avis personne ne le souhaite. Beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. D’abord notre niveau technique et notre condition physique, ensuite, effectivement, notre réactivité et notre capacité à ne pas se retrouver tétanisé par l’évènement. La chance pourra aussi entrer en ligne de compte.

Il reste à s’en remettre principalement à l’apprentissage, mais aussi à d’innombrables répétitions pour façonner le corps et affûter les automatismes. Et puis, ce qui n’est pas négligeable, il faut se souvenir de quelques règles essentielles : ne pas se surestimer, éviter les situations et les endroits « à risque », ne pas avoir honte d’éviter le danger, favoriser la négociation,  ne pas ignorer que de toutes les façons, il y a de grandes chances qu’un affrontement se termine mal, que ce soit pour l’agressé ou pour l’agresseur.

Dans un précédent article traitant du même sujet, j’avais évoqué quelques exemples de personnes, d’âges et de niveaux techniques différents, ayant pu se sortir d’agressions grâce à leur pratique. Ce sont des exemples qui m’ont été rapportés et que je n’ai aucune raison de mettre en doute.

J’ai aussi une autre catégorie d’exemples, ceux de personnes qui avaient subi des agressions et pour lesquels, à partir du moment où ils ont commencé à pratiquer, ils n’ont plus été confrontés à ce genre d’événement. Sans doute une certaine assurance émanait d’eux, ce que ressentaient les éventuels agresseurs. Ce n’est évidemment pas une garantie, mais c’est un atout non négligeable.

Enfin, même si nous vivons dans un climat violent, nous le constatons presque chaque jour, (la violence s’immisce parfois de façon désolante dans des milieux où on ne l’attend pas) il n’est pas sain de s’entraîner uniquement dans cette optique. Il y a d’autres choses à découvrir dans l’étude des arts martiaux. Cette violence, elle a d’ailleurs toujours plus ou moins existé, mais les moyens de la mettre au grand jour n’étaient pas les mêmes. Malheureusement nous constatons que certains actes sont commis par des personnes de plus en plus jeunes, notamment en direction de leurs professeurs au collège et au lycée. C’est là que les arts martiaux peuvent apporter une contribution importante en matière d’éducation.

Pour conclure, il n’est pas inutile de rappeler que personne n’est invincible. Affirmer que grâce à telle ou telle méthode on le deviendrait, est une escroquerie. Par contre on peut défendre l’idée que le potentiel défensif – plus ou moins important, que nous avons tous en nous ne fera qu’augmenter avec une pratique sérieuse et régulière !

Atemi ju-jitsu et combat

Cette « publication souvenir » nous ramènent au milieu des années 1970.

La méthode « atemi ju-jitsu » avait pour objectif la remise en valeur du ju-jitsu – et d’un groupe de techniques délaissées, en l’occurrence les percussions (atemi) – afin de répondre à la demande émanant d’une population intéressée par l’aspect utilitaire et pas forcément par l’aspect sportif. Cette initiative permettait d’élargir et de satisfaire un important panel de pratiquants. L’association avec le judo était naturelle, elle  établissait une solide complémentarité.

Par la suite, l’instauration de compétitions d’affrontement direct en ju-jitsu allait à l’encontre du but initial, celui de proposer un enseignement à but non compétitif.  Je me suis souvent exprimé sur le sujet en affirmant que je n’étais pas contre la compétition (bien que parfois certains excès interpellent), mais que certaines disciplines pouvaient difficilement s’adapter à des affrontements directs, sauf à être tronquées techniquement pour des raisons évidentes de sécurité. Par conséquent, elle est quelque peu dénaturée et perd l’objectif initial.

La formule peut être attractive et intéresser certains pratiquants, mais sous une autre appellation que ju-jitsu, et puis elle est malgré tout difficilement praticable. De plus, à partir du moment où existent des compétitions, beaucoup de professeurs se limitent à l’enseignement des seules techniques qui y sont autorisées. Nous ne sommes plus dans la self-défense, nous retournons à la case départ en éloignant les hommes et les femmes à la recherche d’un simple loisir utilitaire, doté d’un engagement physique abordable et mesuré.

Certains clubs, qui le peuvent et le veulent, proposent les deux formes de travail (traditionnel et « combat »), mais par manque de créneaux horaires, c’est souvent la deuxième forme qui est privilégiée. Privant les clubs de judo ju-jitsu d’un potentiel non négligeable de pratiquants se tournant vers d’autres horizons, déçus de ne pas trouver ce qu’ils recherchent.

Pour ma part je suis plus que jamais attaché à la forme traditionnelle de notre ju-jitsu, elle est sa vraie nature. Dans cette forme il reste une complémentarité indiscutable au judo, ou encore sa meilleure approche.

Quelques mots sur les grades

Dans les arts martiaux, les grades occupent une place importante. Cependant, il ne faut ni les surévaluer, ni les négliger.
Essentiellement, ils permettent de situer le niveau de maîtrise technique du pratiquant, cela en fonction de la couleur de la ceinture qu’il porte autour de la taille.

Au début, les ceintures de couleur n’existaient pas, seules la blanche, la marron et la noire « tenaient » la veste du judogi. C’est à l’initiative de Maître Kawaishi , lorsqu’au milieu du siècle dernier il prit en main le judo français, que les ceintures de couleur ont fait leur apparition. Il avait bien compris l’esprit européen (et français en particulier) toujours friand de reconnaissances à arborer.

Jigoro Kano, fondateur du judo en 1882, avait tenu à hiérarchiser les valeurs pour l’accession à ces différents niveaux avec le fameux « Shin-Ghi-Tai » ! Ce qui signifie : l’esprit, la technique et le corps. L’ordre établi n’est pas le fruit du hasard. L’esprit (le mental) arrive en premier, il nous habite jusqu’à la fin de notre aventure sur terre.
Ensuite, il avait placé la maîtrise technique, que l’on peut démontrer assez longtemps et enseigner tout le temps.
C’est assez logiquement que le corps (le physique) arrive en dernier ; malheureusement avec l’âge même si on en prend soin, le déclin est inéluctable.

Il est vrai que mis à part les « grades compétitions » décernés à l’issue de combats qui favorisent malgré tout l’aspect physique des candidats, la délivrance des grades techniques est forcément subjective puisque c’est du jugement humain qu’elle dépend.

L’expérience qui m’anime me fait dire qu’il y a deux ceintures très importantes dans la vie d’un budoka : la ceinture jaune et la ceinture noire. La ceinture jaune, tout simplement parce que c’est la première et la ceinture noire parce que, malgré les années et un nombre sans cesse plus important de 1er dan, elle représente toujours un symbole très fort. Une sorte de graal !

Cependant, il ne faut pas oublier qu’elle n’est pas une finalité, simplement une étape très importante. Elle est une belle récompense, la preuve d’une pratique qui s’est inscrite dans la durée, synonyme de rigueur.

Mais elle doit être aussi une sorte de contrat signé avec l’art martial que l’on pratique et… avec soi-même. Un engagement qui signifie, qu’à partir de ce moment-là, s’impose le devoir de ne  jamais abandonner les tatamis, sauf cas de force majeur.

Les grades sont des encouragements à ne pas lâcher la pratique et même à la renforcer dans la dernière ligne droite de chaque préparation.

Certains les assimilent à des hochets et les négligent. (C’est vrai que parfois des questions s’imposent quant à la générosité avec laquelle ils sont distribués : grades de copinage, de soumission, monnayés ou d’entre-soi.)

Cependant nous sommes dans un système où ils existent et nous nous devons de les accepter. Peut-être que leur valeur prend vraiment son sens par rapport à l’organisme ou la personne qui les décernent.

L’obtention d’un grade (mérité) est de toutes les façons une grande satisfaction pour l’ensemble des pratiquants d’arts martiaux.