Judo et ju-jitsu

A l’aube d’une nouvelle saison pour les clubs qui auront la chance de pouvoir reprendre, j’ai pensé livrer quelques réflexions issues de quelques années  d’expérience. Cela dans un long article !

Il n’est pas indispensable de pratiquer les deux pour être bon dans l’un ou dans l’autre, mais nul ne peut contester que le ju-jitsu et le judo soient intimement liés et qu’ils puissent être complémentaires à la condition d’être compatibles, nous y reviendrons plus bas. Jigoro Kano ne s’est-il pas inspiré de certaines écoles de ju-jitsu pour mettre au point sa méthode qu’il a nommé judo ?

Beaucoup plus tard dans notre pays,  au tout début des années 1970, à l’initiative de mon père, Bernard Pariset, le ju-jitsu (quelque peu oublié)  fût réhabilité et  remis en valeur au sein de la fédération de judo. Il n’était pas question de mettre en place une concurrence au judo, mais une complémentarité évidente. L’objectif était de revaloriser  un  aspect du judo qui avait été délaissé et qui  pourtant est à son origine, à savoir l’aspect utilitaire. Il s’agissait tout simplement de proposer un « plus ». Une corde supplémentaire à l’arc des professeurs qui souhaitaient élargir leurs possibilités d’accueil dans les dojos, c’était une simple réappropriation.

A cette époque, le judo connaissait un important développement, mais l’aspect  sportif  prédominait. Dans l’enseignement, les autres secteurs étaient quelque peu délaissés, ce qui excluait une bonne partie d’une population à la recherche d’un art martial axé sur la self-défense. Celle-ci se tournait alors vers d’autres disciplines.

L’objectif  était tout simplement de réhabiliter et de se réapproprier des techniques qui avaient été délaissées.  Au sein même de la fédération, cela n’a pas toujours été bien compris. Il a fallu que l’initiateur de cette remise en valeur bénéficie de l’écoute et de la confiance d’Henri Courtine, le Directeur technique national de l’époque, pour que ce projet aboutisse.

Par leurs histoires, le judo et le ju-jitsu sont donc intimement liés,  ce qui entraîne forcément  une indiscutable  complémentarité technique. Ils forment d’ailleurs un ensemble et s’il y a deux appellations, c’est pour souligner des spécificités qui ne sont pas antagonistes.

Ceci étant, il existe  différentes  méthodes et écoles de ju-jitsu. Elles  possèdent chacune leur identité, parfois bien différentes les unes des autres. Celle dont il est question, appelée « atemi ju-jitsu »,  avait pour objectif d’être interchangeable  avec le judo. C’est-à-dire que  le professeur  pouvait enseigner sans difficulté, s’il le souhaitait, le judo et le ju-jitsu et les pratiquants avaient la possibilité de passer  de l’un à l’autre. Le mot « atemi » avait été associé pour signifier la remise en valeur de techniques qui appartenaient par le passé au « patrimoine » judo-ju-jitsu.

Simplement, pour que les deux soient complémentaires et compatibles, certaines conditions doivent être respectées,  ce n’est pas toujours  le cas.  Ce que j’expose est mon sentiment, un sentiment qui, au fil des ans, n’a pu que se renforcer et  se matérialiser par une constante satisfaction de mes élèves tout au long  des décennies consacrées à l’enseignement.

Le ju-jitsu que j’appellerai « traditionnel » peut être considéré de différentes façons. D’abord comme une discipline à part entière, ou encore comme une complémentarité au judo. Au même titre que l’inverse peut l’être tout autant. Mais le ju-jitsu doit rester un art martial à but non-compétitif, axé sur le self-défense et proposant des techniques interdites en judo, parce que trop dangereuses en opposition directe, mais terriblement efficaces en self-défense. Instaurer des compétitions d’affrontement direct en ju-jitsu est contre-nature, et de plus cela installe une concurrence directe avec le judo, c’était l’inverse de l’objectif initial (complémentaire, mais pas concurrent). Le ju-jitsu en compétition ce n’est plus du ju-jitsu. Je ne suis pas contre la formule, mais contre l’appellation. « Judo-boxe » ou « karaté-judo » seraient plus appropriés.  Il faut remarquer aussi qu’à partir du moment où des compétitions existent dans une discipline, les enseignants ont tendance à n’enseigner que les techniques autorisées par un règlement forcément restrictif.
Ensuite, si on souhaite que les deux soient –  et restent –  compatibles et complémentaires, il est indispensable que des attitudes comme la garde et les techniques communes (projections, clés, étranglements) soient les mêmes, ce qui malheureusement n’a plus été le cas à partir de 1995.

Cette compatibilité  entraîne trois conséquences positives. D’abord elle offre  une rapide adaptation pour les professeurs, ensuite les élèves peuvent  passer sans aucune difficulté de l’un à l’autre, enfin et ce qui n’est pas le moins important, cela  procure  une réelle efficacité  en matière de self-défense grâce à l’osmose entre les différentes composantes (coups, projections, contrôles). Cela n’a pas été le cas avec les compétitions techniques appelées « duo-system » dans lesquelles les pratiquants affichent des gardes très basses, incompatibles avec certaines grandes projections  du judo.

Développons ces trois points.

D’abord la facilité d’adaptation des professeurs. Quand la « relance » du ju-jitsu a été mise en place, il fallait les convaincre et leur faciliter la tâche en mettant à leur disposition  une méthode dans laquelle ils allaient pouvoir rapidement se reconnaître et donc s’adapter. En fait, c’est une sorte de calque qui leur a été proposé. Les projections, par exemple, peuvent être pratiquées dans la forme judo, à partir du kumi-kata, mais aussi dans leur expression ju-jitsu, sur une attaque de « rue » : un coup de poing, une saisie, etc. Bref, une agression. Ce qui est ni incongru, ni exceptionnel dans la mesure où toutes les projections de base trouvent leurs origines à partir d’attaques à mains nues ou bien armées. C’est en quelque sorte leur première raison d’être.
Deuxième point : la facilité à ce que les pratiquants passent  de l’un à l’autre, du judo au ju-jitsu, ou l’inverse (sans qu’ils en soient obligés, cela se faisant en fonction d’un ressenti), ce qui permet au professeur, comme indiqué plus haut de proposer deux aspects et d’élargir ainsi son champs d’action. Si les attitudes, sont radicalement différentes, par exemple une garde ju-jitsu très basse sur les jambes (comme dans le duo-systém »), les élèves rencontreront les plus grandes difficultés d’adaptation avec les grandes projections du judo, elles seront donc écartées de l’enseignement et de la pratique.
Troisième point : sur le plan de l’efficacité pure, cette osmose est indispensable. Prenons l’exemple d’un coup enchaîné avec une projection ; il est souhaitable que la position des jambes soit identique pour que l’enchaînement en question se fasse naturellement  et donc le plus vite possible. La rapidité étant un critère indispensable en matière d’efficacité ; pour cela il faut qu’existe une parfaite fluidité dans la liaison entre les différentes composantes. Et puis, ces attitudes de gardes très basses  ne se retrouvent  pas dans la rue.

Pour souligner cette indiscutable compatibilité, il est possible de faire un parallèle « coups/projections ». Exemple : mae-geri keage enchaîné avec o-soto-gari ; on trouve une similitude dans la façon de lancer la jambe pour donner le coup et dans la préparation de la projection. Un second exemple avec yoko-geri de la jambe avant enchaîné avec harai-goshi. La similitude se trouve dans la façon adoptée par  Tori pour se rapprocher d’Uke, en croisant  les pieds (le pied gauche  venant se placer derrière le droit, aussi bien pour le coup de pied que pour la projection).  On peut aussi trouver un parallèle dans la façon de lancer la jambe sur l’arrière avec ushiro-geri keage et la dernière phase d’un uchi-mata. De même qu’un gedan-geri ressemblera à un harai-tsuri-komi-ashi, en termes de forme de corps et donc d’efficacité dans la liaison.

On peut aussi ajouter, ce qui n’est pas négligeable, l’apport qu’une  telle pratique du ju-jitsu pourra apporter aux judokas : les  enchaînements donneront le sens du timing, de la liaison et les randoris d’atémi renforceront le coup d’œil, les réflexes, la souplesse et la condition physique. Pour les ju-jitukas, une pratique très technique des projections du judo et du travail au sol sera d’une incontestable utilité. Enfin, pour tous il permettra d’acquérir ce que l’on appelle le « sens du combat ». Celui-ci se transpose d’une discipline à l’autre. Le coup d’œil, l’anticipation, certains automatismes, etc.

En résumé, pour un enseignant la maîtrise et l’enseignement des deux permettent de satisfaire un nombre important de pratiquants : de la petite enfance en quête d’une méthode d’éducation physique et mentale,  à l’adulte  à la recherche d’un art martial efficace et accessible quelque soit son âge et sa condition physique, en passant par un judoka souhaitant se réaliser temporairement  au travers de la compétition.

Tout cela devant s’effectuer en proposant, sans imposer.

Cette complémentarité semble tellement évidente qu’il est surprenant qu’elle ne soit pas suffisamment  comprise. Tout comme il est étonnant  et regrettable que le ju-jitsu le plus « compatible » avec le judo ne soit pas (ou très peu) enseigné au sein de la fédération de judo.
Il n’est jamais trop tard…

Eric Pariset
Professeur de judo et de ju-jitsu

La rentrée, quelle rentrée ?

Dans une semaine, ce sera la rentrée. Quelle rentrée, pour quelle saison ?

Sans faire preuve de pessimisme, juste de réalisme, il faut avouer que l’on risque de vivre une troisième saison compliquée, la rentrée ne va pas être facile. J’y vois trois principales raisons : l’incertitude, l’état des lieux et le potentiel. Les trois étant intimement liés.

D’abord l’incertitude. Malgré le vaccin, le passe-sanitaire, les gestes barrières, et autres sacrifices, nous ne sommes toujours pas sortis d’affaires.  Le doute qui plane à propos de cette quatrième vague, ne va pas favoriser les engagements pour une saison sportive et au moment où j’écris ces lignes l’assurance de pouvoir reprendre normalement n’est pas acquise, il règne une certaine confusion dans les consignes et on ne peut pas affirmer que la confiance se soit installer. On commence aussi à évoquer une cinquième vague !

Ensuite, lorsque l’on fait l’état des lieux, il faut reconnaître les dégâts. Il ne s’agit pas simplement de mots ou de pronostiques, mais de faits et les faits sont têtus ! Pour utiliser une expression à la mode : « c’est factuel » : des clubs  privés fermés définitivement, des structures municipales touchées avec des professeurs en mal de travail, des bénévoles démotivés (des sujets qui semblent être occultés) et la mise en place délicate de certaines règles liées au protocole sanitaire. Que ce soit pour les clubs municipaux ou, pire encore pour les dojos privés, être ouvert est une chose, avoir suffisamment d’adhérents pour le rester, en est une autre. Et puis, des chiffres circulent sur les pertes abyssales concernant les licences des grandes fédérations lors de la saison dernière. Qui pourrait s’en étonner, d’ailleurs ? Il faut aussi faire avec l’affrontement des pro-vaccins et des anti-vaccins ou anti-passe sanitaire qui s’est invité dans notre milieu.

Enfin, le potentiel, justement.  Comme déjà évoqué, est-ce qu’il y aura suffisamment de pratiquants pour que cette nouvelle saison soit viable (surtout pour les structures privées) ? Les nouveaux seront-ils au rendez-vous pour pratiquer des disciplines on ne peut plus « au contact » ?  Pareil concernant les réinscriptions, lorsque l’on sait qu’avant la pandémie, il fallait renouveler environ la moitié de l’effectif chaque année (moyenne nationale). Les abandons ont toujours été nombreux pour différentes raisons, bonnes ou mauvaises ! Enfin, il faut espérer ne pas être confronté à de nouvelles restrictions, prochainement.

Je ne souhaite qu’une seule chose, c’est de ne pas avoir raison. Ces quelques lignes n’ont pas pour vocation de décourager, mais simplement « d’envisager » de façon à ne pas être surpris et à continuer le combat, même s’il est inégal. Il faut espérer que le combativité, la volonté, les capacités d’adaptation aux situations périlleuses et bien d’autres qualités dont les pratiquants et les enseignants d’arts martiaux ne sont pas dépourvus, suffiront pour sortir de cette situation insupportable, qui n’en finit pas.

Alors, croisons les doigts et souhaitons-nous une bonne rentrée. Pour ce qui me concerne, sans lieu d’enseignement (viable), forcément elle aura le goût de l’amertume et du gâchis, sans pour autant perdre l’espoir et en estimant qu’il n’est pas possible d’en rester là, qu’une telle injustice ne peut pas gagner !

Stages d’été : le Golfe bleu, première partie

Impossible d’évoquer les stages d’été sans parler du Golfe Bleu. J’ai déjà eu l’occasion de consacrer quelques articles à ce lieu mythique qui a vu passer des centaines et peut-être même des milliers de judokas, de pratiquants d’autres budos, mais aussi de volleyeurs, de pongistes, de plongeurs, etc. Et tout simplement  de vacanciers. Du début des années 1950 jusqu’au milieu des années 1980, tous ceux qui y sont venus ne serait-ce qu’une fois, gardent des souvenirs qui ne périront jamais. Je sais, je suis bien placé pour l’affirmer. A titre personnel c’est environ une dizaine d’étés que j’ai passé en entier ou en partie.
Je vous laisse découvrir ou relire la première partie l’article que j’avais déjà consacré à cet inoubliable « Golfe bleu ».

Aujourd’hui direction le soleil et la Provence. Exactement à Beauvallon-sur-Mer, un hameau situé sur la commune de Grimaud,  juste à coté de Sainte-Maxime et en face de Saint-Tropez.

C’est un voyage vers le soleil et dans le temps que je vous propose en vous emmenant, quelques décennies plus tôt, dans un lieu magique qui malheureusement n’existe plus : le Golfe Bleu.

À l’initiative de Gérard et Armande Néél, couple de professeurs de judo au fort tempérament, fut ouvert dans les années 1950 un centre de vacances sur le modèle du « Club Med ». Nous étions à 300 mètres de la mer, au milieu d’une forêt de mimosas, de chênes-lièges et de pins parasols.

Le  couple avait comme projet de rassembler durant l’été des judokas et leurs familles pour des périodes d’une semaine ou plus. Le centre fonctionnant du 15 juin au 30 septembre. Au début, l’hébergement – quelque peu spartiate – se faisait dans des paillottes avec de la terre battue comme revêtement de sol ! Un tatami, protégé par un toit, mais ouvert sur les côtés, se trouvait au centre du village de vacances.

Deux heures de techniques tous les matins et… deux heures de randoris toutes les fins d’après-midi, tel était le programme des stagiaires. Pour encadrer tout cela, ce sont les meilleurs champions qui sont passés par ce lieu, ceci jusqu’à la fermeture du centre à la fin des années 1980 !

Mais ce sont les débuts de l’aventure qui sont assez fascinants et qui me laissent tant de souvenirs. En effet, mon père faisait partie de l’encadrement des premières années, avec bien sûr son « alter-ego » Henri Courtine et le fameux géant néerlandais (un pléonasme) Anton Geesink. Le centre recevait des  judokas de toute l’Europe, et même de plus loin. Souvent des équipes nationales venaient préparer les saisons suivantes. Dans ce lieu unique  une ceinture jaune pouvait faire le combat de sa vie avec un Champion du monde.

Pour ma part et à l’âge qui était le mien, il ne s’agissait pas d’entraînement, mais tout simplement d’un endroit, ou pendant une petite dizaine d’années, j’ai vécu, de juin à septembre (à l’époque la rentrée des classes se faisait vers le 21 septembre) des vacances que je peux classer parmi les plus beaux moments de ma vie. Elles m’ont permis d’assister à des combats d’entraînements d’anthologie, de côtoyer les sommités du judo et des arts martiaux, de créer des amitiés indéfectibles et de faire de cette région ma région de cœur.

Aujourd’hui, un célèbre promoteur a mis fin à la colline magique. Seul rescapé, le restaurant-plage « Le Pingouin bleu », tenu par Pierrot, le fils de la famille. Si un jour vous passez par là, n’hésitez pas, vous serez bien accueillis et vous serez à quelques pas d’un lieu chargé d’une histoire comme on n’en connaîtra plus !

(Très vite, la seconde partie)

La loi du plus fort…et quelques autres réflexions. On continue parce que ce n’est pas fini

Loin de moi le désir de plomber l’ambiance estivale – elle n’est déjà  pas folichonne sur bien des plans, pas seulement sur celui de la météo -, mais juste l’envie d’exprimer quelques réflexions suite aux dégâts subis par certains depuis maintenant un an et demi.

N’ayant ni travail, ni vacances (forcément), je « bénéficie » donc d’un peu de temps libre, entre lecture, écriture, entraînement en solo et beaucoup de cogitations. Ceux qui soufflent à l’idée d’un article qu’ils jugeraient redondant, peuvent ne pas aller plus loin dans la lecture.

Oui, j’ai déjà traité le sujet à maintes reprises, mais lorsque l’on subit un tel préjudice sur une telle durée, on ne peut faire autrement que de continuer à réagir face à ce qui s’apparente à une forme d’injustice. Cela n’empêche pas d’agir et de chercher des solutions. Simplement pour le moment aucune n’est réalisable. Ce n’est ni par un manque d’inspiration, ni dû à l’absence de volonté, c’est une réalité ! (difficile à assumer.)

Avant d’envisager quelques possibilités, revenons un peu en arrière.
Un an et demi sans travail, certains attribuent cette situation au destin. C’est la vie, on me dit ! Il y a une part de vérité dans cette affirmation, mais juste une petite part. Ce virus qui nous est tombé dessus, certes c’est un peu comme la foudre qui s’abat de façon aléatoire. Mais j’y mettrai quelques objections.
D’abord, si l’être humain ne jouait pas un jeu dangereux avec « sa » planète, certaines catastrophes pourraient être évitées. Peut-être qu’il y a un peu de ça avec ce virus.
Ensuite, nous n’avons pas tous été touchés de la même manière et les conséquences n’ont pas été les mêmes. Il y a clairement une forme d’injustice dans la mesure où certains préjudices auraient pu, non pas être évités (quoique), mais partagés, pour que ce ne soit pas la loi du plus fort qui règne, une fois de plus.

Revenons sur l’iniquité qui caractérise cette crise. Comme dans toute catastrophe, il faut d’abord penser aux victimes. Cependant,  dans ce propos, j’évoque tous ceux qui n’ont pas contracté la maladie, c’est-à-dire la grande majorité de la population, et heureusement. Non, il s’agit des personnes que l’on appelle les « victimes collatérales ».
Dans cette crise sanitaire il y a trois grandes catégories (en matière de conséquences professionnelles, donc de survie). La première, la plus importante, regroupe tous ceux pour qui rien a changé, et tant mieux. Exception faite pour des restrictions dérangeantes sur le principe, mais l’essentiel, à savoir le travail, a été préservé. Certes, des mesures frôlant l’absurde, et même l’étant parfois complètement, ont été difficiles à accepter (nous en subissons encore quelques-unes). Il y a une deuxième catégorie qui rassemble ceux qui ont prospéré, le malheur des uns…on connaît la suite, tant mieux pour eux.  Enfin, la troisième catégorie, ceux qui ont tout perdu, je la connais bien. J’ajouterai quand même deux autres catégories. D’abord le personnel hospitalier, qui n’a rien perdu en termes de travail, mais qui par contre n’a compté ni ses heures, ni ses efforts, il est indispensable de continuer à leur rendre hommage ; à quand la revalorisation de cette profession ? Enfin, il y a ceux qui ont souffert dans leur métier, mais qui devraient s’en sortir, grâce à l’ancienneté de l’entreprise, grâce à des aides, ou tout simplement à de grosses réserves de trésorerie. Il faut toutefois espérer qu’il n’y ait pas de rechute.

Donc, étant de la catégorie de ceux qui ont tout perdu, ou presque (sauf le mental), je peux en parler en connaissance de cause. Ce qui me vient spontanément à l’esprit, c’est qu’une fois encore, la loi du plus fort s’impose. Prenons l’exemple des loyers, déjà évoqué. Les établissements privés recevant du public obligés de payer les loyers alors qu’ils n’avaient pas le droit d’exercer, cela au motif que les propriétaires en ont besoin pour vivre. Mais les petits entrepreneurs n’ont-ils besoin de rien pour vivre ? Non seulement ils n’avaient pas les recettes pour assurer leur gagne-pain, mais ils devaient s’endetter pour des années afin de payer les loyers en question. Il aurait fallu que le gouvernement impose une équité, ce qui n’a pas été fait.

Autre exemple avec les assurances qui ont refusé de prendre en charge ce qui pour certains est tout simplement une perte d’exploitation. Ceci au motif que ce n’était pas prévu dans les contrats. Là aussi, le gouvernement aurait pu intervenir. Il ne manque pas d’imposer sa loi dans de nombreux domaines…

Donc, une fois de plus, ce sont les plus petits qui trinquent, ce n’est pas nouveau, c’est une raison pour continuer à s’indigner. Ouvrons juste une parenthèse qui nous ramène sur les tatamis avec cette loi du plus fort (sur un plan physique) qui en son temps a conduit bien du monde dans les clubs de judo, quand celui-ci est apparu en France avec des techniques et des principes permettant à un plus faible de venir à bout d’un plus fort. Dommage que dans le contexte actuel, il soit impossible d’appliquer ces beaux principes. Ne pas s’opposer à la force brutale, dans cette situation, ce serait de trouver d’autres solutions que celle de vouloir à tout prix faire son métier, en opérant une reconversion, par exemple ! Sérieusement, est-ce envisageable, est-ce raisonnable, à un certain âge et surtout quand on aime un métier « utile » ? Alors, il faut attendre, s’armer de patience, c’est ce que l’on me dit. Mais cela va faire un an et demi et cela n’est pas fini, si l’on en croit les dernières informations. Donc, il faudrait mourir en silence, et bien non ! Pourtant, cette période dans laquelle ne cessent  de s’imposer angoisse et incertitude ne peut qu’être néfaste à une bonne santé mentale et physique, il serait temps que cela cesse. On a beau être résistant, nous ne sommes pas composés de fer inoxydable.

Consacrer l’essentiel de mon énergie à chercher des solutions, cela fait dix huit mois que je m‘y attèle,  à moins, comme évoqué plus haut, d’opérer une reconversion fantaisiste et très aléatoire, aucune ne se présente, ou plus exactement n’est réalisable pour le moment.

Nos disciplines ont été très abimées, nous ne sommes pas encore sortis de cette crise, l’avenir est incertain. Aussi, remonter une structure privée, même si j’en avais les moyens, c’est un risque que je ne reprendrais pas dans le contexte actuel. Demander des créneaux horaires dans ma nouvelle ville c’est fait, sans réponse pour le moment. Faire des stages encore faut-il qu’il y ait des stagiaires, les sections adultes qui n’ont pu proposer que deux mois de pratique à leurs élèves la saison dernière sont fortement abîmées.

Alors, même si l’utilité n’est pas flagrante, je ne peux m’empêcher de continuer à exprimer une saine et légitime colère, mais sans jamais baisser la garde, à l’instar des samouraïs !

25 étés à Soulac !

La semaine dernière, dans mon article hebdomadaire, j’évoquais  mes cinquante années de métier. Durant ce demi-siècle, entre autres rassemblements, j’ai organisé et dirigé pendant vingt-cinq ans un stage d’été à Soulac-sur-Mer, dans le Sud-ouest de la France, en Gironde précisément.

En ce début de mois d’août, j’ai pensé que c’était le bon moment pour revenir sur ces stages qui se déroulaient à ce moment-là de l’année.

Cette aventure avait commencé en 1986. Auparavant c’est dans le département de Lot-et-Garonne, au Temple-sur-Lot, que je me rendais pour ces rendez-vous qui marquent l’été. Les pratiquants d’arts martiaux connaissent  cet endroit, beaucoup d’experts sont venus dispenser leur savoir.

Si j’ai opté pour les bords de l’Atlantique en 1986,  c’est pour répondre à la demande d’un nombre important de stagiaires qui  venaient en famille ;  les accompagnateurs souhaitaient que leur soient proposées davantage d’activités pendant que le ju-jistuka, ou la ju-jitsukate,  suait sur les tatamis. Il faut avouer aussi  qu’en France,  à l’époque, nous étions davantage mer que campagne.

Donc, à l’automne 1985, j’ai envoyé une lettre à presque toutes les stations balnéaires de l’Atlantique pour leur exposer le projet. C’est Soulac qui a répondu en premier. Après un week-end de reconnaissance en octobre, j’ai opté pour cette belle petite citée. Je n’imaginais pas que nous y retournerions pendant un quart de siècle, sans aucune interruption.

Jean-François-Pintat, le Maire de l’époque, avant que ce soit son fils Xavier qui prenne la suite, a répondu à notre demande rapidement, mais encore fallait-il que j’ai un coup de cœur pour me décider, ce fût le cas. Je ne voulais pas d’une trop grande station balnéaire, nous en connaissons beaucoup de très belles, mais par nature, je préfère des endroits à l’animation mesurée.  Ce qui m’a plu à Soulac, c’est tout simplement la nature. D’un côté l’océan avec des kilomètres de sable fin et de l’autre, la forêt de pins. Au milieu, c’est plus un village qu’une ville : une ambiance familiale, beaucoup d’activités, mais comme indiqué plus haut, suffisamment de calme pour ceux qui viennent (aussi) pour se reposer. Je n’oublie pas une architecture remarquable avec les inimitables villas soulacaises, toutes plus belles les unes que les autres.

Concernant l’hébergement, les premières années, la presque totalité des stagiaires logeait au Centre Capdeville, un centre initialement réservé aux footballeurs. Il était dirigé par Christian Fétis, une personnalité du football français. Ensuite, c’est son fils Frédéric qui a repris les rennes. Nous sommes restés en contact, de solides rapports amicaux s’étaient installés entre nous. J’étais souvent invité à la table de la famille, pour mon plus grand plaisir, j’ai toujours été merveilleusement bien reçu.

La dernière édition du stage de Soulac a eu lieu en 2010. A cette époque la gestion de mon dojo parisien était assez « écrasante », et comme cela arrive dans la vie, j’avais besoin de faire une pause et de profiter de l’été, pour me reposer et reposer un peu le kimono (pour les puristes, je rappelle que j’utilise souvent ce mot qui n’est pas le mot exact, mais c’est celui-ci qui est communément utilisé, peut-être à tort).

Ces stages rassemblaient des jujitsukas venus de toute la France, mais aussi de l’étranger : Belgique, Suisse, Allemagne, Pays-Bas, et bien d’autres pays.

Beaucoup de souvenirs me reviennent à l’esprit en pensant à ces étés. En plus des séances en kimono avec un programme technique très copieux et une intensité physique conséquente, s’imposent les séances en extérieur au milieu des arbres, mais aussi au bord de l’océan. Arriver  à neuf heures du matin  et découvrir une plage déserte pour pratiquer  sur un sable adapté à notre activité grâce à la marée basse, il faut l’avoir fait au moins une fois.

Il n’est pas exclu de programmer une nouvelle édition l’année prochaine, en espérant que nous serons, à ce moment-là, sortis de cette situation qui, depuis le début, a plus particulièrement pénalisé nos belles disciplines.

A toutes et à tous, je souhaite un beau mois d’août, avec ou sans stage, avec ou sans vacances.

50 ans (de métier)

Cette semaine je fête mon anniversaire, mais en septembre c’est un autre que j’aurais aimé fêter, celui qui marque un parcours de cinquante années dans les arts martiaux, cela ne sera malheureusement pas le cas, pour des raisons connues de tous.

Certes, c’est à cinq ans que j’ai revêtu mon premier judogi, mais c’est en 1971 que je suis entré dans le monde des arts martiaux pour en faire mon métier. Je n’ai pas commencé à donner des cours à l’âge de 17 ans, il s’agissait de ce que l’on pourrait appeler  une formation en alternance. En quelques lignes, je vais tenter de résumer ce demi-siècle consacré presque exclusivement aux arts martiaux.

Comme indiqué plus haut, j’ai débuté la pratique à l’âge de cinq ans, mais avec une régularité relative, c’est en 1971 que les choses sérieuses ont commencé. En septembre de cette année-là je rejoignais mon père dans son dojo parisien de la Rue des Martyrs pour commencer ma formation par le bas de l’échelle : l’aspirateur, la serpillière, l’accueil et l’assistance aux professeurs lors des cours destinés aux enfants. Tout cela en continuant ma formation et mon renforcement technique.
A l’époque existaient deux niveaux avant d’accéder au Graal, à savoir le diplôme de Professeur de judo, karaté, aïkido et méthodes de combats assimilées (un sacré diplôme). On passait d’abord par animateur, puis moniteur. C’est en 1976 que j’accédais  au sésame tant convoité.

Entre 1971 et 1976, en plus de la préparation aux diplômes, il y a eu le Bataillon de Joinville ; une année essentiellement consacrée au judo. En 1977, j’étoffais mes capacités avec le diplôme de professeur de boxe française.

Les cinquante années qui viennent de s’écouler ne se sont pas limitées à l’enseignement, même s’il a occupé la plus grande partie de mon activité et tout simplement de ma vie. En effet, dés la fin des années 1970, avec le ju-jitsu (l’atemi-ju-jitsu), j’ai encadré de nombreux stages fédéraux et privés, effectué des démonstrations en France et à l’étranger, écrit des bouquins, réalisé des vidéos, participé à des réunions fédérales, et puis il y a eu beaucoup d’entraînement, les compétitions en judo, etc.

J’ai enseigné dans différents dojos, c’est tout naturellement dans celui de la Rue des Martyrs que j’ai commencé. Ensuite j’ai subi quelques déménagements, toujours en professant dans des dojos privés qui étaient le fruit de mes initiatives. Prochainement je reviendrai, à la fois sur ce choix d’indépendance, mais aussi sur des événements qui ont parfois contrarié le bon déroulement des choses ; l’entrepreneuriat ne se réalise pas sans obstacles, même s’il est préférable qu’ils ne soient ni trop hauts, ni trop nombreux.

Une vie dans laquelle, par la force des choses, le « professionnel » et le « personnel » ont été intimement liés, pour le meilleur, mais aussi parfois  pour le pire. Je ne suis pas le seul à connaître et à subir les épreuves que le destin parfois nous impose, cependant elles ont été nombreuses et parfois douloureuses ; elles ont rendu moins fluide le cours de l’existence. C’est aussi dans ces moments là que l’on teste notre capacité de résistance.

En septembre prochain, je pensais vraiment « marquer le coup », cela ne se fera pas, cet anniversaire ne sera que virtuel ; en aucun cas comme je l’aurais souhaité. Nul ne peut ignorer ce qui nous est arrivé en mars 2020 et qui a bouleversé notre existence, à des degrés divers. Je fais partie de ceux qui « ont pris cher ». Un investissement matériel réduit à néant, suivi de dix huit mois sans travail, et ce n’est pas terminé. Il y a des épreuves, face auxquelles, malheureusement, la volonté n’est pas suffisante et où les combats consistent à affronter des moulins à vent. Seule la volonté et la capacité de résistance permettent de ne pas sombrer ! Sur cet effroyable gâchis, je suis déjà revenu à de multiples reprises. Il est indispensable de chasser le pessimisme, mais parfois il faut  se rendre à l’évidence, pour beaucoup d’entreprises privées, il sera difficile de repartir autrement qu’en claudiquant, et encore. Et puis, la vie que nous vivons et l’ambiance dans laquelle nous évoluons sont exécrables.

Cet anniversaire raté n’est qu’une déception de plus, certains y verrons de la futilité, mais la vie n’est pas faite que d’évènements graves. N’avons-nous pas besoin de temps à autre d’un peu de légèreté, et de quelques petits plaisirs qui rendent notre vie plus supportable et lui donnent un sens ? Les anniversaires sont des points de repaire qui sont un peu comme des petits cailloux semés pour ne pas se perdre !

Finissons malgré tout sur une note positive, en espérant un retour rapide à une « vie  normale » et à une pratique de nos disciplines dans des conditions qui le seront tout autant !

Quant à cet anniversaire, il sera dans ma tête, c’est déjà bien !

La nostalgie

Longtemps considérée comme un sentiment négatif, elle a tendance à être réhabilitée. Différentes études lui ont attribué des effets positifs.
Alors, qu’elle soit attachée à certains de mes articles, n’apporte ni contestation ni reniement de ma part.

La nostalgie s’appuie sur l’évocation de souvenirs heureux que l’on regrette. Elle ne consiste pas uniquement à s’épancher sur les malheurs du moment qui nous sont imposés, elle ranime des souvenirs qui peuvent nous apporter une bouffée d’oxygène mental.

«Demain aujourd’hui sera hier ».
Et puis en tant que pratiquant d’arts martiaux, l’évocation des souvenirs est aussi le moyen de rappeler le passé sur lequel nous avons construit notre présent. Ce n’est pas propre à nos disciplines, mais peut-être davantage, dans la mesure où elles sont qualifiées à juste titre de « disciplines à traditions ».

Évoquer le passé, c’est aussi se souvenir de ceux qui nous ont aidées à devenir ce que nous sommes. De nos enseignants qui nous ont d’abord donné l’envie de commencer, ensuite de continuer et qui nous ont délivré un bagage technique et parfois mental. Je dis parfois, parce que la mémoire n’est pas toujours au rendez-vous.

Être tourné résolument vers le futur, ne signifie pas qu’il faille ignorer le passé. Parfois, il est  important de l’écraser, lorsqu’il est question d’évènements négatifs. (Nous ne manquerons pas de travail dans quelques temps.)

L’évocation des bons souvenirs n’est donc pas mauvaise en soi, et même indispensable, elle peut faire office d’antidépresseur naturel. Cela n’implique pas forcément l’affirmation que « c’ était mieux avant » (quoique depuis dix-huit mois, il serait légitime de se poser la question), mais que c’était différent. Le tout est de savoir faire le tri. Mais pour être tout à fait franc en me servant d’une formule déjà très utilisée, je préfère avoir eu quinze ans en 1969 qu’en 2020.

Dans cette période de présent douloureux (ô combien) et d’avenir immédiat incertain, et sans m’enfermer dans mon passé, je n’abandonnerai ni l’évocation d’évènements positifs, ni les hommages aux glorieux aînés.

Cela n’empêche pas d’envisager l’avenir, même si depuis quelque temps, nous ne sommes pas vraiment maîtres de notre destin.

La photo d’illustration qui doit dater du milieu des années 1950 et que j’ai déjà utilisée, représente le dojo parisien de la Rue des Martyrs, ce lieu dans lequel j’ai acquis la plus grande partie de mon savoir, mais aussi où j’ai appris mon métier.

Trois fils (et sixième sens)

C’est avec plaisir que je renoue avec une petite habitude, celle de proposer – de temps en temps – une petite histoire qui nous vient du Japon ou de Chine. Au delà du plaisir de la lecture il y a forcément matière à réflexion !

« Il y avait autrefois un grand maître de kenjutsu (sabre) très célèbre dans tout le Japon qui, recevant la visite d’un autre grand maître, voulut illustrer l’enseignement qu’il avait donné à ses trois fils.

Le maître fit un clin d’œil à son invité et plaça un lourd vase de métal sur le coin des portes coulissantes, le cala avec un morceau de bambou et un petit clou, de façon à ce que le vase s’écrasât sur la tête du premier, qui, ouvrant la porte, entrerait dans la pièce.

Tout en bavardant et en buvant du thé, le maître appela son fils aîné qui vint aussitôt. Avant d’ouvrir, il sentit la présence du vase et l’endroit où il avait été placé. Il fit glisser la porte, passa sa main gauche par l’entrebâillement pour saisir le vase et continua à ouvrir la porte avec sa main droite. Puis, serrant le vase sur sa poitrine, il se glissa dans la pièce et refermant la porte derrière lui, il replaça le vase dans sa position initiale. Il avança alors et salua les deux maîtres. « Voici mon fils aîné, dit l’hôte en souriant, il a très bien saisi mon enseignement et il sera certainement un jour un maître de kenjutsu. »

Ayant appelé son deuxième fils, celui-ci entra sans hésitation, et n’attrapa le vase qu’au dernier moment ; il faillit le recevoir sur la tête. « Voici mon deuxième fils, dit le maître, il lui reste beaucoup à apprendre mais il s’améliore chaque jour. »

On appela alors le troisième fils. Entrant précipitamment dans la pièce, il reçut le vase sur la tête. Le coup fut sévère, mais avant que le vase n’atteigne les tatamis, il tira son sabre et d’un mouvement vif, coupa la pièce de métal en deux. « Voici mon fils cadet, Jiro, dit le vieil homme, c’est le benjamin de la famille, il lui reste une longue route à parcourir. »

Fin juin

Traditionnellement et pour beaucoup d’entre nous, la « fin juin » est une date bien agréable. Nous sommes en été, avec de longues journées, les vacances approchent, d’ailleurs les plus jeunes y sont déjà, enfin presque.

Dans le milieu sportif et le monde des arts martiaux, c’est ce que l’on appelle la fin de la saison, en principe – exemption faite pour cette année – élèves et professeurs sont satisfaits de ces mois écoulés et du travail accompli, heureux de pouvoir se reposer et plein d’espoir pour le mois de septembre, synonyme de nouvelles aventures.

Les « fins juin », pour ce qui me concerne, ont parfois eu des saveurs différentes, je l’avais évoqué dernièrement. Dans les six dernières années, j’en ai connu de trois « types ».

En 2015, le 30 juin, je remettais les clefs du dojo de la Bastille à une autre équipe. J’avais besoin de souffler après quelques années éprouvantes (c’est un euphémisme).  S’exprimait alors un sentiment libérateur, emprunt d’une émotion considérable face aux témoignages de sympathie et aux regrets manifestés.

Le 29 juin 2019, après quatre années à l’issue desquelles les évènements et mes réflexions me conduisaient à prendre la décision de revenir à Paris, je donnais les premiers cours dans le nouveau dojo de la Rue Victor Chevreuil. Une belle émotion m’envahissait ce jour-là.

Le 29 juin 2020, je quittais Paris. Je survivais au virus, pas le dojo. J’ai eu largement l’occasion de revenir sur cet événement destructeur. On ne peut pas changer le passé, par contre on peut penser à l’avenir, même si les circonstances ne nous rendent pas forcément maître de notre destin.

Pour la plupart des clubs, se sont donc deux mois de repos qui se présentent. Quelques clubs privés restent ouverts en juillet pour les adultes, parfois au mois d’août dans les villes à forte population. Il est vrai que si les enfants sont en vacances durant deux mois, il n’en n’est pas de même pour la majorité des adultes.

L’été sera aussi, pour certains professeurs et élèves, la période des stages d’été. Ces rassemblements  permettent de renforcer sa pratique avec un entraînement intensif, mais aussi grâce à d’autres experts et différents partenaires. Tout cela dans une ambiance estivale.

J’ai eu le plaisir d’en organiser et d’en diriger de nombreux de 1977 à 2010. Le premier, c’est tout naturellement au Golfe Bleu, à Beauvallon, qu’il s’est déroulé.

Pour différentes raisons, durant quelques étés, je n’ai plus satisfait à ces rendez-vous estivaux. L’habitude a été reprise en 1982 au Temple-sur-Lot. Beaucoup de pratiquants d’arts martiaux connaissent très bien ce lieu. C’est à l’initiative d’un charismatique professeur, Georges Bilas, qu’avait commencé l’histoire des stages sur les bords du Lot. Des personnalités et des experts de nombreuses disciplines s’y sont rendus. L’histoire n’est pas terminée, mais  elle est différente puisque Monsieur Bilas n’est plus parmi nous.  Je sais qu’au mois d’août mon ami Jacques Seguin y dirigera avec d’autres professeurs un grand stage de judo.

A partir de 1986, c’est sur les bords de l’Atlantique que se sont déroulés mes stages de ju-jitsu. A Soulac-sur-Mer exactement. L’aventure a duré un quart de siècle. Vingt-cinq étés qui auront vu passer des centaines de stagiaires venus de toutes les régions de France, mais aussi de l’étranger.
J’aurai l’occasion d’y revenir plus en détail très prochainement.

Malheureusement la fin juin que nous vivons cette année n’a pas la même saveur que les autres. Nous venons de finir une saison laminée par la crise et l’incertitude quant à une reprise de l’épidémie n’est pas complètement écartée. C’est à  la rentrée que l’on pourra évaluer précisément l’étendue des dégâts. Combien de renouvellements, de nouvelles inscriptions ? Combien de dojos ne pourront pas reprendre, ou alors sous perfusion ? Combien de clubs auront les moyens de survivre ?

Quant aux stages de cet été, d’après mes informations, beaucoup n’ont pas été reconduits face à l’incertitude.  Souhaitons à ceux qui sont programmés qu’ils puissent se dérouler dans les meilleures conditions.

Personnellement je ne désespère pas de pouvoir renouer avec cette belle habitude en 2022. Cela dépendra de beaucoup de choses, notamment de la tournure que prendra la saison prochaine et des possibilités d’exercer enfin mon métier, ce qui n’est plus le cas depuis 18 mois.

Pour finir cet article, on peut noter que cette fin juin est aussi très différente en matière de météo. Lorsque nous avons inauguré le dojo de la Rue Victor Chevreuil, le samedi 29 juin 2019, nous étions en pleine canicule et ce sont 40 degrés qui régnaient sur la capitale. Décidément les mêmes périodes ne laissent pas les mêmes souvenirs !Souhaitons que l’avenir nous en offre de très beaux !

Bonnes vacances à tous ceux qui pourront en prendre et bel été à tous !

Les katas

Il n’est pas inutile de revenir aux premières raisons d’être des katas. Les quelques lignes qui suivent ne sont que l’émanation de mon point de vue. « L’évolution vient du partage des opinions ».

On traduit kata par le mot «  forme ». Pour plus de clarté on peut ajouter « imposée ».

Ils sont des moyens d’apprentissage, des méthodes d’entraînement, ils permettent la codification et la transmission des techniques et des principes. Ils sont aussi les garants de nos traditions.

Malheureusement, quelques fois, ils sont considérés comme des  « passages obligés » pour accéder au grade supérieur et ne sont donc abordés que dans cette optique ! Qu’ils intègrent un ensemble de contenus techniques d’évaluation, cela semble juste, mais leur utilité est plus importante que cela, heureusement.

Les katas permettent de rassembler les techniques par famille et/ou par thème et de leur faire traverser les âges, ce sont aussi et surtout de formidables méthodes d’entraînement.  En effet, ils représentent souvent un combat (le goshin-jitsu-no-kata notamment), certes un combat codifié pour des raisons évidentes de sécurité, mais il s’agit bien du reflet d’un affrontement ;  en conséquence, les attaques de Uke doivent être sincères et fortes de façon à ce que les ripostes de Tori le soient tout autant, mais aussi qu’elles soient  réalistes et donc efficaces.

Pour les judokas, certains katas sont aussi l’occasion d’étudier des techniques « oubliées » parce qu’elles sont interdites en compétition, c’est le cas du kime-no-kata et du goshin-jitsu-no-kata.

Le kata est également un exercice de style, c’est-à-dire qu’une certaine attitude doit être respectée. C’est ce qui différencie l’art martial de la simple méthode de combat ou de self-défense.

Ils sont aussi, tout simplement une addition de techniques intéressantes à pratiquer une par une, il n’est donc pas nécessaire d’attendre que se profile à l’horizon un examen pour commencer à les étudier.

Lors de l’exécution d’un kata à l’occasion d’un examen, l’évaluation doit se faire avant tout sur l’efficacité des ripostes de Tori, celles-ci  répondent aux attaques de Uke dont la sincérité doit être incontestable. Ensuite, puisqu’il s’agit de formes imposées, il est évidemment indispensable  de respecter l’ordre de la présentation, les déplacements et emplacements. Enfin il faudra être attentif à l’attitude générale dans laquelle doivent être exclus désinvolture et relâchement corporel.

Cependant, un problème et un mystère demeurent et entourent les katas : il s’agit de ces incessantes modifications dont ils sont les victimes de la part des organismes « officiels ». Cela a pour effet de décourager les élèves, de désorienter les professeurs et le jury, allant jusqu’à discréditer ces exercices.

En conclusion, je pense que pour faire apprécier le kata, il suffit simplement de le présenter comme partie intégrante de la pratique  et non pas comme un passage imposé pour obtenir un grade.