Le maître et ses trois fils

En cette période d’activité ralentie et de fêtes, je vous propose une histoire de quelques lignes, petite en nombre de mots, mais grande dans le message qu’elle délivre. Comme toujours avec ces contes issus de la Chine et du Japon, nous ne sommes jamais déçus, ni par la forme et encore moins par le fond.

Il y avait autrefois un grand maître de kenjutsu (sabre) très célèbre dans tout le Japon qui, recevant la visite d’un autre grand maître, voulut illustrer l’enseignement qu’il avait donné à ses trois fils.

Le maître fit un clin d’œil à son invité et plaça un lourd vase de métal sur le coin des portes coulissantes, le cala avec un morceau de bambou et un petit clou, de façon à ce que le vase s’écrasât sur la tête du premier, qui, ouvrant la porte, entrerait dans la pièce.

Tout en bavardant et en buvant du thé, le maître appela son fils aîné qui vint aussitôt. Avant d’ouvrir, il sentit la présence du vase et l’endroit où il avait été placé. Il fit glisser la porte, passa sa main gauche par l’entrebâillement pour saisir le vase et continua à ouvrir la porte avec sa main droite. Puis, serrant le vase sur sa poitrine, il se glissa dans la pièce et refermant la porte derrière lui, il replaça le vase dans sa position initiale. Il avança alors et salua les deux maîtres. « Voici mon fils aîné, dit l’hôte en souriant, il a très bien saisi mon enseignement et il sera certainement un jour un maître de kenjutsu. »

Ayant appelé son deuxième fils, celui-ci entra sans hésitation, et n’attrapa le vase qu’au dernier moment?; il faillit le recevoir sur la tête. « Voici mon deuxième fils, dit le maître, il lui reste beaucoup à apprendre mais il s’améliore chaque jour. »

On appela alors le troisième fils. Entrant précipitamment dans la pièce, il reçut le vase sur la tête. Le coup fut sévère, mais avant que le vase n’atteigne les tatamis, il tira son sabre et d’un mouvement vif, coupa la pièce de métal en deux. « Voici mon fils cadet, Jiro, dit le vieil homme, c’est le benjamin de la famille, il lui reste une longue route à parcourir. »

Selon la formule?: « À méditer ».

Bonnes fêtes à tous.

Anatomie des 16 techniques, (troisième volet)

Je sais que ce blog est très majoritairement suivi par des pratiquants de ju-jitsu, mais aussi d’autres arts martiaux. Je n’ignore pas non plus que des personnes qui ne peuvent plus être présentes sur les tatamis se sont fidélisées auprès de ces articles. Mais, il y a aussi quelques personnes qui n’ont jamais enfilé de kimono et qui aiment bien suivre notre activité et « mon humeur » ainsi que l’état d’esprit qui anime notre activité. J’en suis ravi et je m’excuse auprès d’eux pour les quelques billets trop techniques, comme celui d’aujourd’hui, dans lesquels ils pourraient se sentir un peu perdus. Cela leur transmettra peut-être l’envie de franchir le Rubicon et ainsi d’appartenir à la famille des samouraïs de notre époque, en constatant notamment que dans notre art il n’est pas question de force mais de subtilités techniques comme en attestent les quatre situations présentées ci-dessous. Que ces fidèles lecteurs se rassurent, d’autres articles moins techniques continueront d’agrémenter ce blog. Les arts martiaux ne sont-ils pas – aussi – une « école de vie »??

Donc, aujourd’hui, troisième volet de la saga des 16 techniques commencée il y a un mois.

Dans la neuvième technique, UKE fait face à TORI et le saisit par les cheveux avec sa main droite. Ce dernier réagit en plaquant ses deux mains sur celle de son agresseur. Simultanément il porte MAE-GERI en ligne basse. En reculant largement, il applique une torsion de poignet sans relâcher la pression à l’aide de ses deux mains, jusqu’à ce qu’UKE soit à plat ventre. Il termine avec un ATEMI porté avec le coude au niveau de la nuque. L’action de torsion est renforcée par l’ATEMI et le déplacement sur l’arrière.

La dixième technique voit UKE se placer sur la droite de TORI, et mettre sa main gauche sur l’épaule la plus éloignée de celui-ci. TORI porte immédiatement HIJI sur le sternum. Il enchaîne avec O-GOSHI à droite et sans le moindre temps d’arrêt, en gardant le poignet (ou la manche) droit(e) de UKE, et en plaçant sa main droite sur le coude droit de UKE, il l’amène face au sol à l’aide d’UDE-GATAME. Outre l’ATEMI au plexus, l’efficacité est obtenue par le positionnement des hanches sous le centre de gravité de l’agresseur et par un déplacement sur la gauche lors de l’application de la clef.

Dans la onzième technique et à l’instar de la septième, UKE applique une violente poussée de face et déséquilibre ainsi TORI qui se retrouve sur le dos. A ce moment, il y a un temps de lutte au cours duquel UKE saisit TORI à la gorge. Celui-ci place ces pieds sur le ventre de UKE, passe ses mains sous les avant-bras et saisit la veste de l’adversaire au niveau des revers. Il est en position pour le faire passer par-dessus. Le déséquilibre est obtenu par une «action-réaction» à l’aide des jambes et un accompagnement des deux mains vers le haut.

Dans la douzième, UKE porte un très large coup de poing circulaire en direction du visage (Il ne s’agit pas là d’un ATEMI très technique.) TORI effectue une esquive rotative accompagnée d’un grand déplacement qui le place sur la gauche de UKE. Il? « l’alpague » au niveau des épaules et lui applique KO-SOTO-GARI avec son pied droit. Dans cette action, là aussi, le déséquilibre est d’abord obtenu par la réaction de UKE qui n’ayant pas trouvé d’opposition se retrouve penché sur l’avant et tente alors de se rééquilibrer. TORI accentue cette tentative de reprise d’équilibre par une forte traction sur l’arrière. Appliquant ainsi le principe d’addition de forces. La projection s’effectue par un fauchage précis du pied gauche de UKE avec le pied droit, dans la direction du talon vers les orteils. Cela doit donner l’impression à UKE qu’un tapis lui serait tiré sous les pieds.

Dans ce « carré » la fluidité dans l’application des enchaînements est déterminante.

Très vite, sur ce blog, la suite et la fin de notre enchaînement bien-aimé.

Anatomie des 16 techniques, la suite…

Nous poursuivons l’analyse des «16 techniques» entreprise il y a quinze jours sur ce même blog. Nous avions étudié les quatre premières. Aujourd’hui, passons aux quatre suivantes

Dans la cinquième, UKE saisit TORI par la tête avec son bras gauche. Le déséquilibre arrière pour l’application de TE-GURUMA est obtenu à l’aide d’une action de la main droite au niveau du menton de UKE et qui se répercute directement sur les cervicales. (Dans la réalité, il sera également possible d’agir sur des points très sensibles, en appliquant, par exemple, les doigts dans les yeux et/ou en saisissant les cheveux.) Au passage TORI applique TSUKKAKE au niveau de l’abdomen, pour « fixer » l’adversaire. Sans relâcher l’action de la main droite sur l’arrière, TORI place sa main gauche entre les jambes de UKE pour passer sous le centre de gravité. L’efficacité s’obtient par un simple principe de bascule : la main droite agit sur l’arrière et vers le bas tandis que la main gauche effectue une traction du bas vers le haut. TORI projette ainsi UKE avec TE-GURUMA.

Pour la sixième technique, avec sa main droite, UKE saisit la manche gauche de TORI en tirant, façon « arrachage » de sac à main. Celui-ci ne résiste pas, il pivote sur son pied gauche et porte MAE-GERI à droite au niveau du ventre. Il obtient un déséquilibre sur l’avant, et en poursuivant son pivot sur sa gauche il applique IPPON-SEOE-NAGE à droite.

Avec la septième, nous abordons une des techniques les plus complexes de notre enchaînement. D’abord, parce qu’elle comporte deux phases distinctes. Ce qui demande, en plus de la maîtrise technique indispensable à leur réalisation, une parfaite fluidité. De plus, cette phase intervient au milieu de l’enchaînement et risque de nuire à son ensemble en cas de cafouillage. Donc, TORI est surpris et amené au sol par une forte poussée. Il se retrouve sur le dos et l’avancée de UKE sa réaction première est de placer son pied droit sur son ventre, de façon à lui appliquer une forme de TOMOE-NAGE à partir du sol (ce qui explique la position pointe vers l’extérieur pour le pied en question.) Sur la défense de UKE, TORI va le renverser sur l’arrière en lui fauchant ses deux points d’appui. Pour cela, à partir de sa position sur le dos, il pivote sur sa gauche et engage son bras gauche derrière la jambe droite et son pied gauche derrière la jambe gauche. D’une action combinée de l’avant-bras et du mollet gauche, il fauche et écarte les deux appuis de son adversaire. Le pied droit, qui est resté au niveau du ventre de UKE, renforce cette action par une forte poussée. Une fois UKE sur le dos, TORI vient le fixer sur les cervicales en engageant sa main droite entre les jambes de façon à venir saisir le revers droit de la veste de UKE. La main gauche se place devant la gorge et saisit l’autre revers. Il conclut ainsi avec l’étranglement KATA-JUJI-JIME.

Dans la huitième, il s’agit du simple enchaînement de deux techniques, à savoir (sur une tentative de saisie de face) YOKO-GERI porté au niveau de la poitrine avec la jambe droite suivi d’O-SOTO-GARI à gauche. Nous sommes dans une logique de liaison : obtenir un déséquilibre arrière pour projeter dans cette direction. A noter que ceux qui n’arrivent pas à «monter la jambe» peuvent se contenter d’un coup de pied au niveau de l’abdomen, à ce moment-là, il leur sera indispensable de compenser à l’aide d’un rapide TEICHO de la main gauche au menton afin d’obtenir le déséquilibre approprié.

En résumé, voici les grands principes de ces quatre techniques : Dans la cinquième, c’est celui de la bascule, tout en passant sous le centre de gravité. Pour la sixième, le déséquilibre avant est obtenu grâce à MAE-GERI, il faut additionner à cela la force centrifuge créée par le déplacement de TORI. La septième propose le principe d’action-réaction ajouté au fauchage simultané des deux points d’appui. Quant à la huitième, il s’agit d’appliquer une logique d’enchaînement en fonction du déséquilibre obtenu avec l’ATEMI.

Il est des techniques qui peuvent apporter des critiques quant aux difficultés qu’elles imposent. Il est vrai que l’on peut toujours penser que se satisfaire d’une pratique simpliste fera l’affaire et qu’en cas d’agression les fioritures ne seront pas de mise. Ce qui est vrai dans la réalité. Mais pour espérer être efficace dans cette réalité, on ne peut faire autrement que de se surpasser à l’entraînement.  Deuxièmement, « qui peut le plus, peut le moins ». Troisièmement, aucune des techniques travaillées n’est illogique quant à leur liaison et par conséquent à leur efficacité. Et comme indiqué il y a quinze jours, elles répondent toutes à des évidences de déséquilibre, soit par des principes mécaniques, soit par l’utilisation des points sensibles de l’agresseur. Mais pour être efficaces, elles demandent de la vitesse de réaction et d’exécution ainsi que de la maitrise technique. Autant de qualités qui ne s’obtiennent pas en dehors d’une pratique régulière et rigoureuse. Enfin, régler des problèmes après avoir patiemment étudié les solutions qui en viennent à bout est aussi le travail d’un pratiquant d’arts martiaux et une très grande satisfaction personnelle lorsque la maîtrise est acquise. Si tant est…

 

Montréal 1995 et…abominable actualité !

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Sur la photo, je suis en compagnie d’André Ohayon, (sur la droite de l’image), Jean Frenette, Olivier Hermeline et Laurent Rabillon (sur la gauche.)

Il était prévu de consacrer l’intégralité de ce billet à l’évocation des vingt ans de la démonstration que j’avais effectuée à Montréal en 1995. Cependant on ne peut mettre de côté les événements dramatiques que nous venons de subir et vaquer à nos occupations comme si de rien n’était. Ne pas oublier (comment le pourrions-nous??), mais aussi continuer à vivre normalement. En 1995, déjà, notre pays subissait une vague d’attentats meurtriers. Quelques jours après l’horreur que nous venons de vivre, il est désolant de constater que la violence et l’abominable ne nous lâchent malheureusement pas !

Bien que dans les moments que nous vivons, chaque mot peut se transformer en allusion inappropriée et surtout mal interprétée, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a là une raison supplémentaire pour lutter contre toute forme de violence dans tous les domaines y compris et surtout dans l’enseignement, la pratique et la promotion des activités physiques, dont les arts martiaux font partie !

Revenons donc à cet anniversaire et à Montréal.

Cela va faire exactement vingt?ans. C’était le troisième jeudi de novembre, celui du beaujolais nouveau?! Dans l’avion qui nous menait dans la belle province du Québec, nous avions d’ailleurs eu droit à un ballon de cette boisson qui partage les opinions. Il ne s’agit pas d’une chronique œnologique, mais cette évocation fait figure de point de repère. Le troisième jeudi du mois de novembre?1995, en compagnie d’Olivier Hermeline, d’André Ohayon et de Laurent Rabillon, je m’envolais pour Montréal afin de démontrer notre ju-jitsu outre-Atlantique. C’était à l’occasion d’un gala d’arts martiaux organisé par Jean Frenette, le karatéka champion de kata artistique qui avait véritablement enflammé Bercy quelques années auparavant.

En fait, ce jeudi-là, nous n’étions que trois. L’un de mes partenaires ayant oublié son passeport, il avait dû remettre son départ au lendemain. Le fait que l’on parle français à Montréal était sans doute la cause de cet acte manqué.

Comme toujours, lors de tels déplacements, l’activité principale n’est pas touristique. Outre la démonstration, nous sommes tributaires des organisateurs et des différentes obligations de communications qui leur sont imposées. Beaucoup de temps passé en car, dans cette mégapole dont les rues mesurent parfois plusieurs kilomètres.

Vers le 20 novembre, l’été indien est bel et bien terminé, l’hiver a largement pris ses quartiers. Quatre jours de froid intense avec en prime une belle tempête de neige dans la nuit du samedi au dimanche. A l’inverse de notre pays dans lequel quelques flocons peuvent entraîner une paralysie partielle et parfois totale, là-bas la vie continue normalement même avec un tapis de neige imposant.

Concernant le gala par lui-même, je n’ai plus souvenir de l’intégralité du programme proposé, mais Jean Frenette avait pensé le spectacle en deux parties, en «?panachant » intervenants français et nord-américains. Dans la délégation française figurait mon ami Christian Tissier, aux démonstrations d’aïkido toujours impeccables. Notre hôte était un peu la star de la soirée. Quant à nous, nous avons présenté la prestation qui était celle produite quelques mois auparavant dans l’enceinte de Bercy. Une petite entorse de la cheville en tout début de démo a ajouté une pression imprévue et c’est en serrant les dents dix minutes durant que j’ai pu assurer le spectacle.

La contrepartie fut une terrible boiterie pendant plusieurs jours et la conjugaison de cette blessure avec les trottoirs enneigés a donné à ce dimanche des allures de chemin de croix. Quatre jours éprouvants mais enthousiasmants, tout comme la qualité des souvenirs qui me reviennent vingt années plus tard.

La semaine prochaine, nous continuerons à « disséquer » nos 16 techniques.

Bloc-notes

Le billet posté il y a quinze jours a suscité un intérêt phénoménal. Il traitait du projet (!?) de création d’une nouvelle progression par la FFJDA, dans laquelle serait inclus l’aspect self-défense du ju-jitsu. Relayé par Facebook, cet article a atteint cinq fois plus de personnes que la moyenne des autres billets sur ce réseau social. Pourquoi une telle audience?? Assurément le sujet (la self-défense) passionne. Mais, sans doute aussi la polémique qui découle de cette prise de conscience étonnante. Cela prouve, si besoin était, que tous ceux qui se reconnaissent depuis des lustres dans l’intérêt du développement du ju-jitsu sous son aspect premier ne sont pas des utopistes. Mais que de temps perdu ! Et puis, il sera intéressant de voir quelle sera la suite donnée à ce projet.

Pour ce qui nous concerne, à l’EAJJ, un tel intérêt ne peut que nous conforter dans la poursuite de notre chemin, d’autant que nous possédons une belle avance en matière de contenu technique. De plus, le fait d’avoir rejoint la FEKAMT depuis quelques saisons nous donne davantage de poids et de moyens. L’assemblée générale et le rassemblement des 10 et 11 octobre derniers à Gien ont permis de confirmer qu’il y avait un intérêt certain à regrouper des arts martiaux qui ont en commun la passion d’une forme de pratique traditionnelle, tout cela avec une totale liberté quant au contenu des programmes techniques de chaque école.

Les 28 et 29?novembre prochains, à Monts, ce sera au tour de l’EAJJ de tenir son A.G. Un stage tous niveaux sera également proposé, ainsi qu’un passage de grades. Ce sera aussi l’occasion de réunir les membres de la Commission technique. Un week-end chargé en perspective.

Enfin, pour terminer ce billet en forme de bloc-notes, j’informe qu’un nouveau livre est en préparation. Il portera sur un enchaînement inédit de quinze techniques mettant en valeur l’atémi-waza et le katame-waza, avec en bonus, les articles du blog de cette année riche en événements, pour le moins?!

 

Prise de conscience ?

img047En feuilletant le dernier numéro du magazine de la Fédération de judo Judo mag, j’ai pu constater, dans les quelques pages consacrées au ju-jitsu, plus exactement au judo-ju-jitsu, qu’il y était évoqué la nécessité de ne pas négliger l’aspect utilitaire de notre discipline bien-aimée. Qu’il était par conséquent utile d’accoler le mot self-défense à celui de ju-jitsu et qu’une progression était en cours de réalisation. Les bras m’en sont tombés. Mieux vaut tard que jamais, me direz-vous ! Il était temps, mais cela ne manque pas d’appeler quelques remarques.

La première, pourquoi cette décision, et pourquoi maintenant ? La deuxième, ce projet va-t-il être suivi d’effet ? La troisième, de quelle façon ?

Reprenons et détaillons ces remarques.

Premièrement, cette décision doit faire suite à une prise de conscience. D’abord que le développement du ju-jitsu sous sa forme « combat » est un triple non-sens. Outre le fait qu’un art martial traditionnel ne peut se pratiquer en compétition d’affrontements directs, cette forme de travail ne permet pas de capter une population qui est intéressée par l’aspect utilitaire. Enfin, développer le « ju-jitsu combat », c’est proposer une forme de concurrence au judo. Concernant le travail technique actuel il aura quand même fallu vingt ans pour s’apercevoir qu’il ne correspondait pas à une certaine demande ! (La dernière progression mise en place datant de 1995.) La baisse notable des licenciés due, entre autres, à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires a sans doute déclenché une interrogation quant aux différents moyens d’enrayer cette inflexion. Le ju-jitsu bénéficie subitement d’un intérêt inattendu !

Deuxième point : cela va-t-il rester au niveau d’un projet ? Et troisièmement, s’il existe une vraie volonté, de quelle manière va-t-elle se concrétiser ? Il est indiqué sur l’article en question que la mise en place d’une progression française intégrant le ju-jitsu-self-défense est en bonne voie. Ce sera donc une nouvelle progression avec un nouveau programme. De quoi décourager quelque peu les professeurs qui devront à nouveau devoir faire face à d’incessants changements. En espérant que ce ne soit pas une autre « usine à gaz », comme celle mise en place il y a vingt ans et qui avait suscité la réprobation de certains dont je fais partie. En souhaitant aussi que les programmes de grades n’imposent pas des thèmes en inadéquation avec l’aspiration des élèves. En clair qu’ils ne soient pas surchargés de judo, et que le jour de l’examen, l’ensemble du  jury connaisse le programme ! Et puis, je ne vois pas trop ce qui pourrait être inventé de plus en matière technique. A toujours vouloir faire du nouveau on en arrive à faire, parfois, n’importe quoi !

Saluons quand même cette prise de conscience.  Tout comme il faut saluer le fait de reconnaître que ce qui avait été proposé en son temps n’était pas cohérent.

Pour ce qui nous concerne, avec l’EAJJ, sous l’égide de la FEKAMT, ces prises de conscience ne nous concernent pas, notre « boîte à outils » étant parfaitement garnie depuis bon nombre d’années. En témoigne la couverture de l’ouvrage présentée en accompagnement de cet article, datant de…1985 !

 

Haut niveau et traumatismes

unnamed (19)Dernièrement plusieurs articles ont été consacrés aux risques de traumatismes liés aux sports de haut niveau dans des disciplines de contact. Notamment, le journal Le Monde dans son édition du 5 octobre, au titre évocateur : « La grande broyeuse », à propos du nombre croissant de blessures lors de la Coupe du monde de rugby, mais surtout de la gravité de ces blessures. Le 22 septembre sur Europe 1, une chronique médicale se faisait le relais d’un sujet qui mettait en avant les risques liés à la répétition des chocs au niveau de la tête. Ces risques et ces accidents ont toujours existé, en l’occurrence dans les sports dits de « contact », et pas seulement dans les disciplines de combat. Le rugby et bien sûr le football américain ne sont pas épargnés. Mais pourquoi, statistiques à l’appui, assistons-nous à une telle progression de graves traumatismes ? Certes, il y a un nombre croissant de pratiquants, mais ce n’est pas le sport amateur qui affole les compteurs. Non, selon les analystes, il faudrait tout simplement aller chercher du côté de la professionnalisation de certains sports. Celle-ci rendant les obligations de résultat plus importantes, tout simplement, étant entourés d’enjeux financiers considérables, qui parfois les dépassent, les athlètes sont soumis à une pression que l’on pourrait qualifier d’inhumaine, rendant les matchs ou les combats d’une âpreté du même nom. Et puis, l’on parle des matchs, durant lesquels la majorité des blessures surviennent, mais il ne faut pas oublier que ces accidents sont parfois et même souvent la conséquence d’entraînements beaucoup trop intensifs.

Cette pression, on la doit, une fois de plus, à des enjeux financiers, dictés par des personnes qui, elles, ne sont pas sur le terrain et qui connaîtront une meilleure vieillesse que ceux qu’ils ont poussés outrageusement dans l’arène.

Il ne faut pas oublier que l’une des définitions de l’activité physique est la suivante : « Le sport améliore l’homme » ! En sommes-nous convaincus à la lecture d’un commentaire du président de Provale (syndicat des joueurs de rugby du championnat de France), Robins Tchale-Watchou, (dans l’article du Monde) : « Quand tu n’as plus de cartilage aux deux genoux, tu ne peux même pas faire un tour de vélo avec tes gamins, tout ton quotidien change. » Je suis assez bien placé pour approuver cette analyse. Bien qu’à mon époque la pratique était davantage « civilisée », les contraintes n’étaient pas les mêmes. Imaginons les athlètes d’aujourd’hui, dans quelques décennies, notamment ceux que l’on met dans les cages !

Ju-jitsu et judo

Kano_JigoroDe par leur histoire, ju-jitsu et judo sont intimement liées. L’un ayant donné naissance à l’autre. Jigoro Kano a créé le judo à partir du ju-jitsu. Pour cela il a épuré la méthode de combat des samouraïs en fonction de raisons bien précises, en conservant les techniques qui regroupaient les critères suivants : efficacité et sécurité. Efficacité en combat et sécurité lors de la pratique, de l’entrainement.

A l’époque des samouraïs, seule l’efficacité comptait, bien qu’existait quand même un code d’honneur. Maitre Kano a souhaité aller plus loin et faire en sorte que l’art de combat soit aussi une façon de s’éduquer physiquement et mentalement. Combattre, si possible, une violence intrinsèque et plus largement, par l’étude de principes « intelligents », contribuer indirectement – et même directement – à une meilleure vie en société. On peut incontestablement qualifier cet homme d’humaniste.

Lors d’un voyage en France, lui fut présentée une méthode de self-défense – inspirée du judo – conçue par Moshé Feldanfrais, un disciple de Maitre Kawashi (voir ce blog en date du 28 novembre 2013.) L’auteur demanda à Jigoro Kano de bien vouloir préfacer l’ouvrage qui allait proposer la méthode en question. Ce dernier accepta en insistant sur le fait que ce n’était pas l’idée qu’il se faisait du judo, que pour lui, l’aspect utilitaire s’apparentais à une présentation réductrice, mais que si cela pouvait permettre aux étudiants, au travers de cette pratique, de se rapprocher d’une quête plus large, il n’y voyait pas d’inconvénient.

Malheureusement, par la suite, le judo est devenu, pour beaucoup, un sport de compétition en perdant à la fois de son sens utilitaire et n’hésitons pas à dire le mot, son aspect philosophique.

Au même titre que Jigoro Kano en 1882 changea le nom de ju-jitsu en judo, pour marquer les esprits et élargir l’éventail des bienfaits de sa pratique, il fut nécessaire, à la fin des années 1960, devant l’ampleur de la dérive compétitrice du judo, de revenir à l’appellation ju-jitsu afin d’insister sur le fait qu’existait une autre voix – parallèle – à celle axée sur la recherche de médailles.

Ces deux aspects (judo et ju-jitsu) pouvant très bien coexister, mais à la condition d’en avoir la volonté et d’être dotée d’une certaine ouverture d’esprit. En France, ce ne fut pas le cas, ou bien alors en proposant une forme de ju-jitsu, également orientée sur la compétition (incompatible avec un art martial traditionnel), et qui, par certaines techniques et formes de corps, s’opposait à une complémentarité pourtant naturelle.

Bon nombre de pratiquant d’un ju-jitsu traditionnel se sont trouvés désemparés, expliquant ainsi la multitude de styles en recherche d’identité et surtout de reconnaissance au sein d’une structure indispensable au bon développement de toute discipline. Notre école, l’EAJJ, partant du principe que l’union fait la force, a rejoint, il y a quelques années la fédération européenne de karaté et d’arts martiaux traditionnels (FEKAMT), espérant ainsi évoluer en toute sérénité et œuvrer pour une reconnaissance des styles à but non-compétitifs. C’est également une manière de stopper l’éradication programmée d’une forme de ju-jitsu.

Ce week-end se tient à Gien dans le Loiret, l’assemblée générale de cette institution, ainsi qu’un stage au cours duquel interviendront les principaux experts des disciplines appartenant à la FEKAMT. J’aurai le plaisir d’y apporter ma contribution.

Un dernier avis, sur la complémentarité du judo et du ju-jitsu. Au début des années 1970, au moment de ce que l’on a appelé d’une terme un peu lourd « la relance du ju-jitsu », l’idée était toute simple, il s’agissait de proposer deux pratiques, judo et ju-jitsu, avec des passerelles, chacune respectant l’autre et ses spécificités. Celles-ci devant d’ailleurs être considérées davantage comme des complémentarités que comme des différences. Mais sans doute était-ce trop simple !

 

2005…et la rue des Martyrs

imagesWON2G4F8Après 1995 le 17 avril dernier et 2015 le 15 juin, c’est l’année 2005 que je souhaite évoquer aujourd’hui et poursuivre ainsi la saga des années qui se terminent par le chiffre 5 et qui, à titre personnel et professionnel, ont été toutes marquées par un ou plusieurs faits majeurs.

2005 n’a donc pas échappé à la règle. L’événement aura été la fermeture du mythique dojo de la rue des Martyrs. Celui dans lequel mon père a commencé la pratique du judo en 1947, puis en a assuré la direction à partir de la fin des années 1960, jusqu’à sa disparition quelques jours avant 2005.

Cette salle avait été ouverte en 1944 par Roger Piquemal. Professeur de « culture physique » de son état, il était aussi un des pionniers du judo français.

A l’origine le club s’appelait « Club français de jiu-jitsu », ensuite il est devenu le « Club français de judo ». On l’appelait simplement le « Club français ». A la simple évocation de ce nom, tout le monde savait de quoi il s’agissait.

Situé dans l’une des rues les plus attachantes de Paris, la rue des Martyrs, il jouissait d’un emplacement exceptionnel. Ce qui devait avoir été un lavoir, ou des écuries, était devenu, au fil des années, un lieu incontournable dans le monde du judo, puis des arts martiaux. Une certaine vétusté rajoutait au charme de ce lieu inoubliable pour tous ceux qui l’ont fréquenté. Nous étions très loin de l’ultra-modernité des salles de gym de notre époque.

Des personnalités exceptionnelles y sont passées, il représentait une immense partie de l’histoire du judo et des arts martiaux français.

Personnellement, il m’est impossible de l’oublier. Pour ce qui est écrit ci-dessus, qui n’est qu’un résumé de ce qu’il a vraiment représenté, mais aussi parce que c’est là que j’ai enfilé mon premier kimono. C’est là que j’ai étudié le judo et le ju-jitsu, sous la direction de mon père, c’est dans ce lieu que j’ai appris mon métier et que je l’ai exercé jusqu’en 1989, date à laquelle j’ai quitté « le nid », pour voguer sur d’autres sites. Cela ne m’empêchait pas d’y revenir régulièrement.

Et puis, à la fin de l’année 2004, il y eut la terrible disparition de mon père et m’est revenu la très lourde tâche de devoir gérer la succession. Cela n’a pas été simple, preuve en est qu’après six mois d’exploitation en parallèle avec le dojo de la Bastille, que je venais d’ouvrir, j’ai été contraint de procéder à la fermeture définitive de ce lieu sacré. En effet, des règles de sécurité de plus en plus sévères empêchaient de poursuivre une exploitation normale sauf à faire des aménagements qu’ils m’étaient absolument impossible de réaliser, sur un plan purement technique.

C’est, selon l’expression consacrée, c’est « la mort dans l’âme » que je me suis résigné à me livrer à un acte qui ne pourra quitter ma mémoire.

Il n’aurait pas été facile de gérer de front les deux établissements et s’il avait fallu choisir, pas un seul instant je n’aurais hésité, c’est pour «la rue des Martyrs » que j’aurais opté.

En 2005, ce fut aussi ma dernière participation au festival des arts martiaux de Bercy. A douze reprises j’eus l’honneur de présenter notre discipline à l’occasion du plus important festival des arts martiaux. Toujours un grand moment.

Les fins de cycles sont douloureuses par nature, la consolation se trouve dans les bons souvenirs que nous laissent ces lieux et ces événements que nous avons eu la chance de fréquenter et de vivre ; ils nous ont fait vibrer et ajouter du sens à notre vie. D’autres viennent – ou viendront – en remplacement.

Septembre et projets

DSC03768Le mois de septembre touche à sa fin et lorsque l’on a en charge la gestion d’un club de sports et/ou d’arts martiaux, on peut déjà tirer un premier bilan et faire un pronostic sérieux pour le reste de la saison. C’est ce que j’ai connu pendant plus de quarante ans. Ce n’est pas le cas cette année, pour des raisons évoquées à plusieurs reprises sur ce blog. Affirmer que cela se vit dans une parfaite indifférence serait mentir ! Un inévitable manque est ressenti. D’autant plus que ce mois de septembre, à titre personnel, devait être celui d’une rééducation faisant suite à une intervention chirurgicale au niveau de l’épaule. Un contre-avis, qu’il a sans doute été prudent de suivre, a annulé purement et simplement l’opération. Du coup le trimestre ne présente plus la même physionomie en termes de planning. Est-ce que cela se classe dans la colonne bonne ou mauvaise nouvelle ? C’est une autre histoire ! En tout cas, cela accélère la réorganisation sur le plan personnel et professionnel.

A court terme, quelques projets sont en gestation. Sur le plan de la communication, comme vous avez pu le constater, le blog n’a pas pris de vacances. Le site Internet se transforme, il va devenir, dans un premier temps, un site dédié au ju-jitsu et principalement à notre méthode. Informations sur les manifestations, telles que stages privés et fédéraux (EAJJ/FEKAMT), coupes techniques. Mais aussi, des pages techniques, des vidéos, des infos sur de prochaines parutions, sondages, etc. Il n’est pas encore opérationnel à 100 %, loin de là mais vous pouvez déjà aller le visiter : www.jujitsuericpariset.com . Et puis, sans doute, la création d’une sorte d’amicale de mes élèves (anciens et futurs.)

Concernant le blog sur lequel vous vous trouvez, il va perdurer avec quelques innovations. J’ai pensé faire appel à certains intervenants extérieurs, des pratiquants gradés qui ouvriront l’information et la réflexion sur des sujets divers, en rapport avec notre art. La légitime défense, par exemple, mais aussi des sujets différents, comme le rôle qu’une discipline, telle que le ju-jitsu et les arts martiaux en général, peuvent avoir dans la société et les relations humaines. Les sujets ne manquent pas, les talents non plus !

Facebook et Twitter continueront à se faire les relais du site et du blog, mais aussi, ponctuellement à proposer des réflexions disons, plus personnelles.

J’imagine que pour la plupart des aficionados des arts martiaux, le chemin des dojos a été repris et que pour ce qui concerne certains qui me sont plus proches, après un moment de désappointement, il en a été de même. Je m’adresse à eux, plus particulièrement, en leur confirmant que le désappointement est partagé. Mais, comme je l’avais assuré dans un précédent article à l’aide d’une formule qui n’avait pas laissé insensibles certains : « Nous nous reverrons, ici ou là. » (Renaud) Il est important de toujours citer les auteurs, ce que j’avais omis de faire en son temps.

Bonne continuation et à bientôt.