Ju-jitsu et self-défense

unnamed (4)De mon point de vue, ju-jitsu et self-défense sont indissociables. Il existe juste une différence dans le fait que la self-défense est un des aspects du ju-jitsu. Ou bien, formulé différemment, que le ju-jitsu est une méthode de défense, mais pas que ! Puisqu’il est aussi une méthode d’éducation physique et mentale. Le côté utilitaire n’est pas la seule recherche au travers de son étude. Les personnes intéressées uniquement par cet aspect font très souvent l’impasse sur la tenue, les grades, les rituels, les protocoles, etc. Mais je crois sincèrement que le contraire n’est pas juste, on ne peut affirmer que lorsque l’on pratique le ju-jitsu, la défense personnelle ne nous concerne pas. (Sans pour autant que cela devienne une obsession.) D’abord parce qu’elle est le fondement de tout art de combat et le ju-jitsu en fait partie, ô combien, et ensuite on ne peut se permettre d’apprendre une technique qui ne requiert pas le critère d’efficacité. Surtout quand dans notre enseignement existent les défenses contre armes. Il serait irresponsable de ne pas prendre en compte le fait qu’une technique démontrée, enseignée, et qui va être ensuite répétée par les élèves ne possède pas comme principale qualité d’être efficace. Après, il est vrai que ce qui nous différencie peut-être des méthodes dites purement utilitaires, c’est la recherche d’un développement physique harmonieux, d’une formation morale empreinte de respect, de maîtrise (indispensable pour une parfaite réaction liée aux raisons de proportionnalité de la riposte), bref de l’application du code moral des budos et aussi, et c’est très important, d’une pureté technique, de la recherche du geste parfait. Ce dernier point ne nuisant absolument pas à une bonne efficacité, ni à une perte de temps, partant de l’adage : « Qui peut le plus, peut le moins. » Plus un mouvement sera répété, peaufiné, maîtrisé, plus il sera efficace. Je ne prétends pas non plus que toutes les méthodes purement utilitaires occultent totalement de telles données.

Ce billet vient en complément du précédent qui traitait des katas et de mon étonnement quant à constater que les modifications apportées, contre toute logique, n’allaient pas dans le bon sens. Au risque de me répéter, pour moi les katas sont – et dans l’ordre d’importance – premièrement la représentation d’un combat, certes codifié, mais il s’agit d’un affrontement quand même. A ce titre ils pourraient être considérés comme des méthodes d’entraînement (aux automatismes, entre autres). Deuxièmement, il s’agit d’exercices de style dans le sens où la précision et le geste parfait seront recherchés. Troisièmement, une rigueur d’attitude (utile dans d’autres domaines) sera demandée lors de leur présentation. Pour conclure, et pardon d’avoir déjà insisté sur ce point, je pense qu’il serait regrettable de considérer les katas uniquement comme des « purges » qu’il faudrait s’administrer avant un passage de grade. Même s’ils servent aussi de solides moyens d’évaluation pour gravir ces échelons, ce n’est pas leur unique vocation, loin de là !

Site ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com

 

Réflexions sur le Goshin-jitsu

DSC03875L’arsenal technique de notre discipline est riche et divers. Le programme par ceinture de notre méthode atémi ju-jitsu propose d’abord une progression dans laquelle sont répertoriées des techniques de défenses debout et au sol sur les principales situations d’attaque. Ensuite les katas et enfin des exercices d’entraînement appelés communément randoris.

Aujourd’hui, intéressons-nous aux katas, plus particulièrement au goshin-jitsu, mais surtout à ces fameuses modifications dont il est victime.

Les katas sont en quelque sorte la mémoire de notre art. Ils permettent de véhiculer les richesses techniques au travers des années, mais ils sont aussi des exercices d’entraînement aux automatismes dans lesquels une rigueur de présentation est imposée. Parmi eux existe le goshin-jitsu. Ce qui signifie « technique de défenses ». Il a été créé en 1955 et présenté à Tokyo à l’occasion des premiers championnats du monde de judo pour ne pas oublier qui si le judo devenait un sport pratiqué en compétition, il ne fallait pas négliger l’aspect utilitaire qui était sa raison d’être initiale sous le nom de ju-jitsu. Au fil des années et bien que cela soit contradictoire avec leur vocation, quelques petites touches ont parfois été apportées, le plus souvent elles étaient le fruit du hasard ou bien d’une interprétation ponctuelle et même « d’un malentendu ». Mais par définition cela n’est pas logique. Or, force est de constater que cette logique a été une nouvelle fois bafouée dernièrement et de façon importante. Pourquoi d’incessantes modifications aux risques de perturber les étudiants et surtout de ne pas respecter l’esprit même de ces exercices de transmission. Pour imposer une sorte d’imprégnation sur les « sujets des fédérations » en obligeant les professeurs à un recyclage permanent ? Ou encore et cela est plus grave, lorsque les changements ne vont pas dans le bon sens, notamment en direction d’une meilleure efficacité, on pourrait se demander si ce ne serait pas une sorte de discrédit que l’on chercherait à infliger à un secteur, que l’on pourrait considérer comme concurrent. Quoi qu’il en soit, au sein de l’EAJJ, nous ne céderons pas et nous conserverons ce que nous pensons être des valeurs intangibles. Quitte à apparaître, une fois de plus, comme des rebelles, mais à ce titre nous sommes en cohérence avec nos idées – et nos actes – qui nous ont amenés depuis des années à nous démarquer d’actions qui ne nous paraissaient pas justes. Efficacité avant tout, mais également respect auprès des pratiquants qui consiste à ne pas leur infliger d’incessantes modifications. D’autant plus lorsqu’elles ne vont pas dans le bon sens.

Les plus novices excuseront ce billet assez technique. Les chevronnés apprécieront, du moins je l’espère !

Une rentrée…

 

photoUne dernière petite photo de mer et de ciel bleu, non pas pour remuer le « tant? dans la plaie » pour ceux qui reprennent cette semaine, mais tout simplement pour les bons souvenirs que représentent l’air marin et le ciel bleu. Alors, la rentrée, évoquons-la ! Tout d’abord, voilà un bel exemple de marronnier qui en terme journalistique signifie un sujet qui revient de façon récurrente, pour ne pas dire redondante, chaque année à la même période. Le guide des vins, celui des hôpitaux (il n’existe pas forcément de lien entre les deux), les soldes, etc. La rentrée scolaire en fait partie (et puis cela tombe bien, c’est la saison des marrons) avec ses variantes que sont la rentrée sportive et la rentrée tout court. Bref, c’est souvent le moment d’acter les bonnes résolutions prises pendant les vacances, vacances durant lesquelles s’opèrent souvent des prises de conscience au contact d’amis que l’on a enviés pour leur bonne forme physique exempte de toutes autres formes. Ou bien encore grâce à leur pouvoir de persuasion sur les bienfaits de la discipline de combat qu’ils ont pratiqué tout au long de la saison passée. Ce billet s’adresse aux novices, à ceux qui n’ont pas encore pratiqué les arts martiaux, ou alors, il y a longtemps. On se dit qu’après tout, pourquoi pas, il faut se bouger, et se lancer dans un art martial offre beaucoup d’avantages. D’abord, cela se fait en intérieur, garantissant un certain confort pour les journées pluvieuses de l’automne et celles rigoureuses de l’hiver, comme celles que nous pouvons connaître dans nos régions. Ensuite cela permet d’allier l’utile à l’agréable. Apprendre une méthode de défense, entretenir son corps et, si l’état d’esprit est bon dans le club (ce qui est souhaitable), c’est un plaisir que de s’y rendre et de partager un agréable moment au cours duquel l’amitié s’invite régulièrement. Sans pour autant tomber dans une ambiance à la décontraction trop importante, qui sera incompatible avec une pratique sérieuse et sécurisée. Au moment de choisir, il ne faudra pas oublier que justement le choix du professeur est tout aussi important que celui de la discipline. Un bon outil utilisé par un mauvais ouvrier ne donnera rien de bon ! Si malheureusement le novice n’est pas en mesure de juger le niveau technique de l’enseignant (parfois camouflé sous des titres ronflants, mais absolument creux), il doit être capable de juger l’ambiance générale. On a coutume de dire que la première impression est la bonne, alors peut-être faut-il se fier à cet adage, mais qui, comme les autres, comporte sa marge d’erreur ! N’oublions pas non plus la réputation ainsi que les avis des adhérents. Maintenant il est aussi indispensable de hiérarchiser ses propres priorités. Savoir ce que l’on recherche en premier. L’aspect utilitaire, l’aspect physique, un bien-être intérieur. Sachant que ces données restent intimement liées. Et puis, il faudra s’assurer que la pratique de la discipline permettra de se rendre entier au travail le lendemain, tout simplement s’y rendre. Enfin, et je prêche assez naturellement pour notre art, en insistant sur le fait qu’une discipline aux racines profondes, aux fondamentaux (techniques et mentaux) solides et qui a fait ses preuves au cours des siècles, s’impose comme une garantie. Le système de grades qui s’y attache est plus important qu’il n’y paraît. Pas simplement pour gravir ces échelons ? ce qui de toutes les façons représente toujours une satisfaction ?, mais parce qu’ils sont forcément attachés à une méthode, à un programme, à une progression. Et puis, ils seront autant d’objectifs générateurs de motivation, donc de régularité.

Pour moi, cette année, il s’agira d’une rentrée… sans rentrée et cela pour la première fois depuis quarante années ! Un arrêt qui ne sera vraisemblablement pas définitif, et durant lequel je pourrai m’occuper de ju-jitsu de manière différente. Cela n’empêche pas une certaine nostalgie à ce moment de l’année si particulier, où l’on retrouve avec un immense plaisir les anciens et où de nouvelles vocations vont voir le jour sous notre responsabilité ; elles seront autant de nouvelles relations, riches dans leur diversité. Et puis, pour un enseignant, parmi les moments gratifiants de ce métier, il y a celui de constater les progrès de ses élèves au fil des mois et des saisons.

Alors, excellente rentrée à toutes et à tous !

 

Atémi-waza

unnamedLa rentrée est là et avec elle le probable retour sur les tatamis pour (presque) tout le monde ; c’est l’occasion de revenir sur quelques aspects techniques de notre discipline. Aujourd’hui, j’ai choisi l’atémi-waza (le travail des coups).

Cet été, certains ont pu tester une approche, disons différente de notre discipline (c’était aux dojos de l’été, pour ne pas les nommer). Certains comptes rendus m’ont inspiré le sujet de ce billet.

Le travail des coups représente une composante importante de notre discipline, mais ce n’est pas la seule. Surtout, elle ne représente pas une finalité et son étude doit être faite selon certains critères.

Ci-dessous, le développement de ces trois points.

Premier point, le ju-jitsu est composé de trois grandes familles de techniques : le travail des coups (l’atémi-waza), le travail des projections (nage-waza) et le travail des contrôles (katame-waza). Chaque pratiquant possède ses préférences ainsi qu’un domaine dans lequel il se sent davantage à son aise. Question d’affinités, mais aussi et surtout d’aptitudes personnelles. Il n’empêche qu’aucune de ces trois composantes ne doit être négligée.

Deuxième point, dans notre art et à l’inverse de certaines disciplines, les coups ne doivent pas être considérés comme une finalité mais un moyen d’y parvenir. Exemple d’un enchaînement type : coups pour déséquilibrer, projection pour amener au sol et contrôle pour finaliser. Ce n’est pas systématique, mais cela répond à une logique de distance et pourrait d’ailleurs faire état d’une forme de chartre, de méthodologie fixant notre discipline.

Enfin, troisième point et pas le moindre, l’étude des coups se fera sans perdre de vue qu’ils doivent être compatibles avec les autres composantes. Par exemple, la garde (la posture) doit donner la possibilité de porter un coup, enchaîné avec une projection. Par conséquent, pour une bonne fluidité dans les liaisons, synonyme de rapidité, donc d’efficacité, la garde doit être compatible avec les différentes composantes : une garde trop basse (sur les jambes) limitera forcément la réalisation de certaines projections.

Voilà une mise au point qui a comme simple but de rappeler que notre discipline possède une identité et une histoire colossale, il serait invraisemblable de ne pas les respecter. Cela n’enlève rien à l’utilité et à l’efficacité d’autres arts martiaux et à l’intérêt qu’ils suscitent auprès de leurs fidèles, mais lorsque l’on pratique un art comme le ju-jitsu, il n’est pas question de le transformer, au risque de lui faire perdre aussi son âme ! Evoluer, oui, transformer au risque de dénaturer, non !

Enfin et ce sera le tout dernier point, il faut prendre en compte qu’une utilisation excessive des coups et notamment dans certaines situation comporte un risque en terme d’image pour ces techniques.

Un trésor…

Nous sommes encore en été et cette saison empreinte de douceur, et pour certains de temps libre, est propice à la réflexion ainsi qu’à la rêverie. Aussi, une fois de plus, j’avais envie de vous faire partager une histoire extraite du livre de Catherine Rambert : Petite Philosophie du soir.

Il sera temps dès la semaine prochaine de traiter, sur ce blog, des sujets, disons plus techniques. Bonne lecture.

Le trésor caché.

Il y a plusieurs siècles de cela, un homme très riche et très puissant croisa la route d’un pauvre hère qui allait à pied, sous le chaud soleil d’été. Malgré son apparent dénuement, il semblait serein et gai. Il ne possédait qu’une paire de chaussures et une canne, qui l’aidaient à progresser sur les chemins difficiles, sans autre protections contre les rayons de Phébus que sa bonne humeur.

Son visage respirait le bonheur.

L’homme riche, en revanche, se déplaçait dans un bel attelage, porté par de fiers destriers blancs. Ses serviteurs brandissaient au-dessus du carrosse un immense parasol et de grands éventails aux couleurs chatoyantes. Tous ceux qui composaient la suite du seigneur étaient vêtus des livrées les plus belles, ornées de broderies d’or. Mais lui, tapi dans l’ombre au fond de ses coussins, présentait sans cesse une face tourmentée, soucieux qu’il était de développer à chaque instant sa fortune déjà immense.

Néanmoins, sa quête personnelle d’argent ne l’avait pas rendu indifférent aux douleurs des autres.

Apercevant le pauvre, marchand non loin de là, il fit arrêter son attelage :

— Holà, où vas-tu comme ça, brave homme ? Tu sembles bien démuni. Veux-tu faire partie de mes serviteurs ? Ainsi, tu ne seras plus dans la misère. Chacun d’entre eux est payé cent sous.

— Mille mercis de votre générosité, monseigneur, répondit l’humble marcheur avec douceur. Je préfère garder ma liberté. Elle me permet d’aller et venir à mon gré et où bon me semble. De plus, en vérité, j’ai entrepris un long voyage, à la recherche d’un trésor.

— Un trésor ? Tu m’intéresses, reprit le richissime personnage, toujours avide de plus de biens. Comment ça un trésor ?

            — Oui, messire, un beau et merveilleux trésor. Celui qui le découvre devient aussitôt le plus riche et le plus heureux des hommes. Aucune fortune au monde ne peut égaler ce que je cherche.

— Mais dis-moi où il est, je t’aiderai à le trouver, et nous le partagerons. Voilà un marché qui me paraît équitable. Qu’en penses-tu ?

— Vous avez raison. Mon trésor demande bien des efforts. Il est très loin, là-bas, après les steppes et les montagnes, au-delà du désert et des mers. Nous ne serons pas trop de deux pour le découvrir. Je veux bien que vous veniez avec moi. Mais il vous faut laisser là votre équipage et vos gens, car ce trésor a un secret : il se révèle à ceux qui se sont donné la peine de le chercher, sans artifice de puissance ou de gloire.

— Qu’à cela ne tienne, je pars avec toi, répondit aussitôt le nanti, abandonnant sur-le-champ sa suite et ses chevaux oubliant son confort et ses protections du soleil.

Aussitôt les deux hommes se mirent en route. Ils marchèrent des jours et des lunes. Ils traversèrent les déserts du Sud, où ils virent de somptueux paysages et de magnifiques soleils couchants, descendirent des rivières dans lesquelles ils péchèrent des poissons aux saveurs exquises, ils gravirent des montagnes et ils virent pour la première fois la neige, découvrirent les steppes du Nord et leurs splendides pur-sang sauvages. Ils progressèrent ainsi durant de longues saisons, affrontant ensemble mille périls. Lorsque le riche marchand se blessa au pied, le sage le porta sur ses épaules, et ainsi durant plusieurs jours. Lorsque celui-ci fut à son tour affaibli par le froid, le seigneur lui offrit ses riches vêtements afin de le protéger.

Ainsi s’écoulèrent les mois. Chemin faisant, les deux hommes apprirent à se connaître. De grandes discussions les animaient, et parfois les faisaient rire aussi. Ils dormaient tantôt à la belle étoile, tantôt dans des abris de fortune, se nourrissaient frugalement et partageaient le vin lorsque, par bonheur, ils en trouvaient. Le marchand ne demandait jamais où était le trésor, tant il redoutait d’être incongru. Un jour, cependant, alors qu’une année s’était écoulée depuis leur départ, il interrogea son compagnon de route.

— Voilà des mois que nous progressons, lui dit-il. Nous avons affronté mille dangers. Nous avons traversé les déserts, les mers et les plaines, et je ne vois toujours pas de trésor. Ne t’es-tu pas trompé, mon ami ?

— Pas du tout. J’ai trouvé le plus grand, le plus beau et le plus merveilleux de tous les trésors.

—  Comment ça ? s’étonna l’autre, soudain furieux de ne s’être aperçu de rien. Tu l’as trouvé et ne m’as rien dit, félon ? Traître ! Nous devions pourtant le partager ! Mais où est-il donc ?

— Là, à côté de moi, depuis des semaines et des mois, répondit le sage. Me voilà riche de ton amitié, et toi de la mienne. N’est-ce pas là la plus grande des fortunes ?

Son compagnon accueillit ces propos sans un mot.

Puis, les larmes aux yeux, comprenant le message, il se leva et sera son ami dans ses bras.

Au bout de quelques minutes, il ajouta :

— Je crois que nous devons reprendre notre route, maintenant.

Et ensemble, les deux hommes poursuivirent leur chemin.

 

Un sourire dans l’été

Je ne résiste pas à l’envie de vous proposer un autre extrait du fameux livre Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon. Réfléchir sous le soleil (ou pas) n’est pas trop fatiguant et surtout utile.

Infaillible concentration

Sen no Rikyu demeure dans la mémoire des Japonais le plus illustre Maître de Cha no yu, le rituel du thé. Il était au service de Hideyoshi, le kampaku qui gouvernait le pays à l’époque.

Un jour, alors que le Maître Rikyu officiait au cours d’une cérémonie du thé, Hideyoshi fit remarquer à ses généraux : « Regardez bien Rikyu préparer le thé et vous constaterez que son corps est rempli de Ki, que ses gestes précis et mesurés sont comme ceux d’un grand guerrier, ils n’offrent aucune ouverture. Sa concentration est sans faille. »

Une idée traversa Kato Kiyomasa, fameux général : pour vérifier si ce que disait le kampaku était aussi exact qu’il voulait le faire croire, il décida de toucher l’officiant avec son éventail dès qu’une ouverture se présenterait. Pris au jeu, il se mit à observer attentivement Sen no Rikyu qui se trouvait juste à côté de lui. Au bout de quelques minutes, croyant percevoir une faille, le général allait pointer son éventail.  

A cet instant précis, le Maître de thé le regarda droit dans les yeux, en lui souriant.

Kiyomasa en eut le souffle coupé. Son éventail lui en tomba des mains.

 

Tout commentaire semble superflu !

Bonne fin d’été.

 

Stages d’été

Nous sommes au cœur de l’été et c’est à cette période que des années durant j’ai eu le plaisir d’animer des stages. Ces rassemblements permettaient d’associer plaisir, perfectionnement et vacances. Cela n’a échappé à personne que la dernière édition du célèbre stage qui se déroulait en Gironde à Soulac-sur-Mer remonte à 2010.

Il y a un lien direct avec cette « coupure » et les nombreux soucis issus du dojo parisien. Il était difficile d’être sur plusieurs fronts à la fois.

Maintenant que j’ai pu opter pour un autre rythme, il n’est absolument pas exclu que pour l’été prochain (2016), l’aventure recommence.

Il y a eu vingt-cinq années de stages à Soulac, mais il y a eu aussi, au tout début, Beauvallon-sur-Mer au célèbre Golfe bleu dans le magnifique département du Var. Puis Le Temple-sur-Lot en pleine campagne, au milieu des fruitiers et sur les bords de la rivière apaisante. Ensuite et surtout ce fut Soulac et cette adorable station balnéaire qui nous a offert la pureté de son magnifique océan et l’euphorie que cette immensité ne manque pas de procurer à tous ceux qui sont réceptifs aux beautés que nous offre la nature. Je n’oublie pas une semaine, en juillet 2009, durant laquelle nous sommes retournés sur les côtes varoises, plus exactement à Ramatuelle sur la presqu’île de Saint-Tropez. Tous ces stages ont laissé de beaux souvenirs à ceux qui ont eu la chance d’y participer. Quelle que soit la destination, nul doute que beaucoup seront heureux de renouer avec ces grands rassemblements.

Pour ce qui est de cette année, il est sûrement encore temps de s’inscrire au stage que l’EAJJ propose à Villefort dans le Lot, du 16 au 22 août, et qui sera dirigé par Christian Rassouw. Pour cela, rendez-vous sur le site de l’association : www.atemi-jujitsu.org

Bonne continuation à toutes et à tous.

Un mois, déjà !

Déjà un mois de passé depuis la cessation de mon activité au club de la Bastille. Un mois aussi nous sépare de la très chaleureuse soirée d’au revoir du 30 juin. Ce soir-là, la joie d’être réunis l’avait emporté sur la tristesse que peut engendrer toute séparation. Sans doute la présence de l’espoir répandant de bonnes ondes n’était pas étrangère à cette liesse.

Le dojo de la Bastille avait vu le jour en janvier 2004. Précédemment, c’est dans le XIIarrondissement que j’exerçais. Puis, ce club s’est révélé rapidement trop petit. L’envie de faire mieux et de proposer davantage de surface pouvait se comprendre. Mais, bien souvent, « le mieux est l’ennemi du bien », non pas que le succès ne fut pas au rendez-vous, mais des éléments négatifs se sont très vite abattus sur ce lieu. Tout d’abord – et surtout – à titre personnel, l’année 2004 fut marquée par la disparition de mon père.

Ensuite, il y a eu de nombreux problèmes. Ceux-ci n’étaient pas issus de la fatalité mais de la malfaisance ! Comme cela avait été déjà explicité, depuis 2010, j’ai livré tout seul un combat parfaitement injuste et déséquilibré contre la copropriété. Une décision qui portait sur la fermeture du passage dans lequel se trouve l’établissement avait été prise en assemblée générale, à l’unanimité, en 2010. C’est pour qu’elle n’aboutisse pas que j’ai agi. Cette mise en place aurait vraisemblablement condamné notre dojo. Il fallait à la fois gérer le club, ce qui je crois fut correctement fait, et livrer un combat qui n’aurait pas dû exister. (Ce combat aura eu au moins l’utilité de « déminer » et de faire en sorte que les successeurs, eux, ne connaissent pas les mêmes soucis.) Mais on ne sort pas indemne d’une telle bagarre qui aura duré une demi-décennie. Et puis, sur le long terme, une pratique sportive intense ne laisse pas intact, mais d’une certaine façon, elle est « légitime», si je puis dire. Donc, à une usure physique « normale » est venue s’ajouter une usure morale anormale. Toujours à propos d’usure, l’épaule devra attendre le mois de septembre pour se faire réparer. Des raisons d’organisation personnelle m’ont amené à reporter l’intervention.

Cela fait aussi déjà un mois que la nouvelle équipe, dirigée par Michel Dufloux, assume la suite, il est évident que je lui souhaite bonne chance et bon courage. Cette équipe est là pour prendre en charge la continuité de l’enseignement.

Pour ce qui concerne les projets personnels, ils sont nombreux, mais il existe un temps pour chaque chose. Par l’intermédiaire de ce blog et de ce que l’on appelle « les réseaux sociaux», vous ne manquerez pas d’être régulièrement informé aussi bien sur leur teneur que sur leur calendrier. A ce propos, ces dernières semaines, par mail, par téléphone, sur Facebook, sur le blog et à l’aide du livre d’or, j’ai reçu un nombre très important de messages, tous plus chaleureux les uns que les autres. Je profite de cette occasion pour adresser mes remerciements les plus sincères à leurs auteurs.

Je conclurai en écrivant qu’à cette époque de l’année, je pense à tous ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir profiter de l’été pour prendre des vacances afin de se dépayser et de se reposer. Je leur souhaite bon courage. A tous, je souhaite une belle fin d’été.

Eric Pariset

A quelque chose malheur…

Au cœur de l’été, un « peu de philosophie » ne peut pas faire de mal ! J’ai trouvé le récit proposé ci-dessous, adapté à beaucoup de situations vécues. J’ai voulu en faire profiter les fidèles lecteurs de ce blog. Ce conte est extrait d’un livre de Catherine Rambert : Petite Philosophie du matin, paru au Livre de Poche.

Le Paysan et le Sage

Au siècle dernier, dans un village du fin fond de l’Asie, vivait un vieux sage. Les habitants avaient l’habitude de le consulter pour lui soumettre leurs problèmes, et d’écouter ses conseils avisés. C’était un homme aimé et respecté de tous.

Un jour, un paysan du village vint le voir, affolé. L’unique bœuf qu’il possédait pour l’aider à labourer son champ était mort dans la nuit. Eploré, il se lamentait sur ce qui lui semblait être la pire des catastrophes.

                — Peut-être que oui… peut-être que non…, se contenta de dire le sage d’une voix douce.

Ne sachant que penser de cette réaction, le paysan s’en alla, perplexe. Quelques jours plus tard, il revint, fou de joie. Il avait capturé un jeune cheval sauvage et l’avait utilisé pour remplacer son bœuf et tirer la charrue. L’étalon fougueux facilitait les labours, tant il était vif.

                Le paysan dit au sage :

                — Tu avais bien raison. La mort de mon bœuf n’était pas la pire des catastrophes. Ce cheval est une bénédiction.

                — Peut-être que oui… Peut-être que non…, répondit le penseur avec douceur et compassion.

                En partant, le paysan se dit que décidément, le vieux sage était un homme curieux, puisqu’il n’était pas capable de se réjouir avec lui de sa bonne fortune.

                Mais quelques jours plus tard, le fils du paysan se cassa la jambe en tombant du cheval et dut s’aliter pendant plusieurs jours.

                L’homme retourna voir le sage pour pleurer sur cette nouvelle calamité. Son fils allait être immobilisé pour les moissons, et il craignait que sa famille meure de faim.

                — Quel malheur ! répétait-il.

               — Peut-être que oui… peut-être que non, opina tranquillement le sage.

                — Décidément tu ne sais dire que cela, s’énerva le paysan. Si c’est là tout le réconfort que tu me donnes, je ne viendrai plus te voir !

                Et il sortit, tout à sa colère.

                C’est alors qu’une terrible nouvelle se répandit dans le pays. La guerre venait d’éclater. Des troupes de soldats vinrent enrôler tous les jeunes hommes valides. Tous ceux du village furent contraints de partir vers une mort probable au combat. Tous, sauf le fils du paysan, toujours blessé.

                Ce dernier retourna une nouvelle fois chez le sage.

                — Pardonne-moi, implora-t-il. J’ai passé mon temps à me lamenter sur ce qui m’arrivait et à imaginer les pires catastrophes, alors que rien de tout cela ne s’est produit. Au lieu de rester calme, j’ai paniqué et je t’ai maudit. Je sais aujourd’hui qu’il est vain d’imaginer l’avenir, car on ne sait jamais ce que le futur nous réserve. Il faut garder espoir, tant il y a toujours de pire malheur que le sien. Enfin… peut-être que oui… ou peut-être que non.

                Et le sage sourit, plein de bonté et d’indulgence.

Voilà !

Troublante coïncidence

Samedi 27 juin à 12 h 45 : cela faisait déjà un quart d’heure que la séance était terminée. La plupart des élèves étaient déjà rhabillés. Une ambiance particulière régnait dans le dojo en cette fin de saison. Il s’agissait aussi et surtout de mon dernier cours au dojo de la Bastille ! Un peu éreinté par tant d’événements qui avaient marqué ces dernières semaines et par cette ultime matinée de cours, je m’étais assis sur le banc devant l’accueil et de là j’échangeais avec les élèves des propos quelque peu empreints d’une certaine nostalgie, mais non dénués d’espoir ! A ce moment un monsieur fit son entrée dans le dojo. Il devait avoir environ une soixantaine d’années. Il jeta d’abord un regard sur sa gauche en direction de l’accueil, puis dans la mienne. Il me semblait connaître ce visage, mais impossible spontanément de lui donner un prénom, ni un nom.

« Bonjour Éric, Jean Hess ! Comment vas-tu ? »

Incroyable ! Il s’agissait tout simplement de mon premier partenaire de judo avec qui j’avais commencé la pratique au dojo de la rue des Martyrs sous la férule de mon père. C’était en 1960 et nous avions tous les deux six ans. C’est tout à fait par hasard qu’il avait choisi ce samedi pour me rendre une petite visite, c’est-à-dire le jour où je cessais mon activité dans mon dojo du 11e arrondissement parisien. La dernière fois que nous nous étions vus, ce devait être en 1990. Espérons qu’il ne faudra pas, à nouveau, attendre vingt-cinq ans. Ce fut donc une matinée chargée d’émotion, les élèves présents ce matin-là n’apporteront pas de contradiction à cette affirmation.

Et puis, quelques jours après, le mardi 30 en matinée, alors que je sortais du dojo, un monsieur qui empruntait le passage, s’écria en me croisant : « Eric Pariset ! Jacques Durant, nous étions ensemble à Saint-Michel de Picpus et nous faisions du judo sous la direction d’Henri Courtine ! » Troublant, pour le moins !