Le ne-waza (travail au sol)

Cette semaine, l’article technique est consacré au ne-waza (le travail au sol).

Voilà un domaine à la richesse technique exceptionnelle et dans lequel il est possible de s’exprimer très longtemps. Il est pratiqué dans beaucoup de disciplines, son efficacité est incontestable, que ce soit dans le domaine sportif ou dans le domaine « utilitaire ». En judo, par exemple, les conclusions au sol ne sont pas rares et en self défense, même si une agression à de fortes chances de débuter debout, il ne serait pas raisonnable de le négliger. Enfin, l’aspect ludique, sur lequel j’insiste souvent, est bien présent.

Développons !

La richesse technique est importante, puisque l’on y trouve des clefs, des étranglements et des immobilisations, plus toutes les combinaisons et enchaînements réalisables.

On peut s’y exprimer longtemps, la vitesse n’est pas un critère déterminant, à l’inverse du travail debout. On peut « prendre son temps » pour aboutir, et même préparer plusieurs coups à l’avance. Les joueurs d’échecs y trouvent d’ailleurs un parallèle.

En plus d’un sérieux bagage technique, on développera une bonne condition physique et un renforcement musculaire naturel.

Dans les disciplines qui se pratiquent en compétition d’affrontements directs, beaucoup de combats trouvent leur conclusion au sol. En self défense, on doit être en capacité de réagir lorsque l’on y est amené, souvent contre son gré. Une maîtrise technique dans ce domaine permet de ne pas subir et de pouvoir contrôler sans trop de violence. Et puis, il serait peut-être un peu présomptueux d’affirmer qu’on ne laissera pas le loisir à un éventuel agresseur de venir au contact.

Enfin, c’est sans doute dans ce domaine que l’aspect ludique est le plus présent. Certes, cela se vérifie davantage quand on est celui qui domine. C’est à ce moment-là que l’on pourra être un peu « joueur » comme le chat l’est avec la souris.

Certains sont assez bloqués par rapport au ne-waza. C’est vrai que le souvenir (ou la perspective) de se trouver étouffé(e) sous un torse velu et suintant, n’est pas forcément engageant. Je peux en attester, pour l’avoir vécu en tant que jeune pratiquant. A ce moment-là, il faut se dire qu’existent deux solutions : soit arrêter la pratique, soit la renforcer pour ne plus être celui qui subit. Et puis, la diversité des partenaires, des niveaux et la bonne organisation du tatami par le professeur, doivent permettre de trouver plus fort et moins fort que soi. En sachant que c’est naturellement l’entraînement qui offre les progrès, cette évidence est malgré tout bonne à rappeler ; il n’existe pas de remèdes magiques, ni de disciplines ou de domaines dans lesquels règne la « science infuse ». Par contre, le ne-waza est une véritable « science du combat ».

Katame-waza, le travail des contrôles

Après l’atemi-waza et le nage-waza, place au katame-waza, pour aborder la troisième composante du ju-jitsu.

Dans les techniques de contrôle se trouvent les clefs (kansetsu-waza), les étranglements (shime-waza) et les immobilisations (osae-waza). Ces trois domaines sont utilisés en judo comme en ju-jitsu, avec des objectifs différents.

En ju-jitsu ces techniques marquent souvent la dernière phase d’une défense, après les coups et les projections, mais pas systématiquement, elles peuvent être utilisées directement sur une attaque. En judo elles se concrétisent toujours au sol.

En ju-jitsu, elles peuvent s’appliquer aussi bien debout qu’au sol. Leur efficacité est redoutable et elles permettent parfois de moduler la riposte. A l’aide d’une clef, par exemple, il est possible de maîtriser un agresseur sans forcément mettre ses jours en danger, ce qui n’est pas inutile ; le respect de la vie et la notion de légitime défense sont des notions à respecter.

Les clefs (kansetsu-waza) consistent à « forcer » les articulations à « contre-sens » pour celles en hyper-extension ou aller au-delà des possibilités de flexion pour les clefs en torsion.  Le premier groupe appartient aux « gatame », le second aux « garami ». En ju-jitsu self-défense  existe aussi les torsions de poignet, les clefs de jambes, autant de techniques interdites en judo, pour des raisons évidentes de sécurité.

Concernant les étranglements (shime-waza), l’étude doit être sérieusement encadrée, il est évident que l’issue peut s’avérer fatale. Cependant, comme pour beaucoup de techniques, l’apprentissage est long et avant une parfaite maitrise il faut une longue pratique au cours de laquelle on aura acquis de la sagesse et du contrôle. Il y a deux formes d’étranglements : respiratoires et sanguins. Ils se pratiquent essentiellement à l’aide des membres supérieurs, mais les jambes sont aussi de redoutables armes naturelles dans ce domaine, la preuve  avec le fameux « sankaku-jime ».

Quant aux immobilisations (osae-waza), elles sont surtout utilisées en judo et uniquement au sol. En ju-jitsu self-défense l’intérêt se limite à celles qui emprisonnent aussi les bras de l’adversaire.

Comme indiqué plus haut, l’efficacité demande beaucoup de pratique, donc de patience, de volonté et de rigueur. Mais ne s’agit-il pas de qualités indispensables dont doit être doté tout étudiant dans les arts martiaux ?

Bien réaliser un waki-gatame, par exemple, demande énormément de travail. Il y a la précision, la meilleure utilisation des ressources naturelles du corps et pour cela une « forme de corps » que l’on va modeler, un peu comme un sculpteur le ferait avec son « ouvrage ».  Pour cela les conseils du professeur sont indispensables, mais plus encore il s’agira de ne pas se lasser de longues, très longues répétitions pour « ressentir » la technique.

Côté efficacité, je ne manque de témoignages de personnes agressées ayant pu se sortir de situations très délicates, pour ne pas dire périlleuses, notamment face à des attaques avec armes, grâce au « katame-waza ». Cela vaut la peine de consacrer du temps à l’étude de cette composante incontournable du ju-jitsu.

Le randori

Retour plus technique avec un article consacré à un exercice indispensable : le randori

En guise d’introduction je propose une définition glanée sur Internet et qui me semble être un parfait résumé : « Exercice libre orienté vers l’attaque. Le randori permet la rencontre de deux partenaires dans une confrontation dont la victoire ou la défaite n’est pas l’enjeu ».

Le randori est sans doute l’exercice le plus important pour progresser et le plus agréable à pratiquer à condition de le faire avec un partenaire habité par un état d’esprit identique au notre.

Le randori existe dans la plupart des arts martiaux, qu’ils soient ou non à but compétitif. On peut traduire ce mot par « exercice libre ». Libre dans l’utilisation des techniques et leurs enchaînements, dans l’adaptation aux situations. C’est à la fois un exercice de perfectionnement technique et d’amélioration de la condition physique, mais c’est aussi un moment de vérité durant lequel il est possible de se tester dans une situation d’opposition, même si cette opposition est codifiée pour des raisons évidentes de sécurité. Je le définirai comme un exercice d’opposition codifiée à thème.

Il est important pour trois raisons principales. D’abord il permet de progresser dans l’attaque et la défense, ensuite il participe à l’acquisition et au renforcement de la condition physique et enfin, s’il est fait dans un bon état d’esprit, on prend beaucoup de plaisir dans une opposition aux allures de jeu. On peut ainsi mesurer les progrès ; par exemple, le jour où il devient possible de projeter quelqu’un alors que cela ne l’était pas quelque temps avant.

En ju-jitsu, les trois principaux thèmes sont le randori d’atemi (les coups) le randori de projections et le randori au sol. Ils permettent de se perfectionner dans chacun de ces trois domaines en toute sécurité. A titre personnel, je suis contre un exercice d’opposition dans lequel tout est autorisé. A ceux qui ne partagent pas ce point de vue au motif que dans la réalité tout est permis, je réponds que la réalité c’est la réalité et que l’entraînement c’est l’entraînement. Les consignes d’efficacité et de sécurité sont indissociables. Une pratique constructive se fait en limitant les situations dans lesquelles les risques de blessures sont importants.

Dans ces affrontements qui sont essentiellement axés sur le renforcement du système d’attaque, il est évident que l’on travaille aussi la défense. Ne serait-ce que pour proposer à son partenaire une opposition correcte.

Je conclurai en soulignant que chacun des trois principaux secteurs évoqués (coups, projections et travail au sol) possède ses particularités dans le plaisir procuré. Pour le travail des projections, arriver à « faire tomber » quelqu’un à l’aide d’une belle réalisation ou d’un enchaînement ou encore de l’application du fameux principe action-réaction est une joie que seuls ceux qui la connaissent peuvent en attester. Dans le travail au sol, l’affrontement est différent dans la mesure où, ne réclamant pas autant de vitesse d’exécution, il offre la possibilité de « fourbir » sa stratégie, de préparer plusieurs « coups » à l’avance, de prendre son temps dans l’action. Enfin, et pour terminer, on peut établir un parallèle entre le randori « coups de poings et pieds » et une conversation. « L’assaut courtois », tel que l’on nommait cet exercice du temps de Charlemont, le fondateur de la boxe française, peut s’assimiler à une discussion au cours de laquelle les deux protagonistes éviteraient de parler en même temps, sans pour autant se priver de défendre leurs propres arguments en coupant la parole s’il le faut, mais au cours de laquelle ne serait prononcé aucun « gros mot », c’est à dire ne serait exécutée aucune technique ou enchaînement dangereux.

Alors, pour toutes les raisons évoquées, n’oubliez pas les randoris.

Petite rétrospective 2021 (dans notre domaine).

A titre personnel, l’événement le plus douloureux de cette année aura été la disparition d’Henri Courtine en février dernier. Sur mon blog, je lui ai consacré de nombreux articles.
Compétiteur au palmarès exceptionnel, magnifique technicien, dirigeant exemplaire, il a marqué l’histoire du judo.
Mais pour moi il aura été plus que ça. En effet, grâce à une belle complicité entretenue avec mon père tout au long de leurs carrières respectives, j’ai eu la chance de le connaître personnellement et d’apprécier l’homme !

Sinon, cette année aura été marquée, comme la précédente, par le fameux « stop and go » de cette pandémie briseuse de vies et de métiers et qui n’en finit pas, mais aussi par une gestion assortie de décisions parfois surprenantes.

Côté positif, toujours dans notre domaine, nous ont été offerts de beaux moments avec les résultats des jeux olympiques, ce qui a permis d’oublier, quelque temps, le sort réservé à nos disciplines.

A titre personnel, remettre le judogi à partir de septembre aura été une délivrance, après un an et demi d’arrêt forcé. Même si, comme cela a déjà été souligné, ce n’est pas suffisant, loin de là. Surtout dans la mesure où le bout du tunnel n’est peut-être pas encore là.

Pas beaucoup d’autres souvenirs positifs me viennent à l’esprit quand je repasse le film d’une année qu’il nous faudra vite oublier, si toutefois c’est possible, tant elle aura été destructrice dans bien des domaines.

Même si les dernières informations, dont nous sommes bombardés en permanence, ne vont pas dans le bon sens et que persiste un climat anxiogène de plus en plus insupportable, espérons quand même une nouvelle année sous des cieux plus favorables et adressons-nous les meilleurs vœux de bonheur.

Commentaire approprié

La semaine dernière, l’article dans lequel j’évoquais un premier bilan de l’année écoulée, avait suscité le commentaire suivant : « quand même dommage de vous avoir à Niort et de ne pas pouvoir pratiquer faute de salle ». A quoi je répondais : « à qui le dites vous » ! (L’entraînement à l’extérieur, si agréable soit-il, a ses limites !)

Ce n’est pas faute d’avoir essayé de trouver une solution. D’abord auprès de la mairie, avec des demandes restées sans réponse. J’ai envisagé alors la création d’une structure privée, mais d’une part les loyers sont excessifs et d’autre part, en termes d’investissement j’ai déjà donné au mois de juin 2019. De retour à Paris, j’avais ouvert un dojo privé que j’ai été obligé de fermer quelques mois après pour les raisons que nous connaissons, perdant l’intégralité de l’investissement !

Quand on entend les informations alarmistes – et parfois contradictoires – de ces derniers jours, l’inquiétude et la réflexion sont légitimes. En attendant cela fait exactement vingt et un mois sans travail, exception faite de quelques petits stages, excellents pour le moral, mais insuffisants.

Qui supporterait d’être dans une situation  où ni la volonté, ni les compétences, ni l’énergie ne sont utiles pour s’en extraire ?

Manifestement dans les jours qui viennent, certains secteurs risquent à nouveau d’être « sanctionnés ». Pénalisé davantage, c’est impossible pour moi, mais contrarié dans un début de reconstruction, c’est probable. Malgré tout cela, la combativité ne disparaît pas et ne disparaîtra pas !

Pour être complet et objectif, je dois signaler la mise à disposition du club de taekwondo de Manuel Baptista à Niort, pour un stage qui s’est déroulé le dimanche 5 décembre. Je le remercie infiniment, comme je remercie tous ceux qui étaient présents ce matin-là, faisant preuve d’une belle ouverture d’esprit et d’une envie de partage !

Malheureusement, le planning de ce club réputé est bien rempli et les interventions de ce type ne peuvent qu’être ponctuelles et limitées.

Cette publication ne m’empêche pas de vous souhaiter de très bonnes fêtes !

Le dojo et la rue

De temps en temps on entend « curieusement » qu’en matière de self-défense, la seule expérience valable se trouve dans la rue. Certes, travailler dans le confort d’un dojo et se retrouver confronté à la violence de la réalité, ce n’est pas pareil. Nous ne sommes pas tous égaux face au stress que représente une agression, mais envisager de s’entraîner et de se tester en situation réelle, n’est pas vraiment concevable.

Alors comment savoir si l’on pourra se sortir d’une situation d’agression ? On ne le sait pas tout simplement ! On le découvrira, si nous y sommes confrontés, à mon avis personne ne le souhaite. Beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. D’abord notre niveau technique et notre condition physique, ensuite, effectivement, notre réactivité et notre capacité à ne pas se retrouver tétanisé par l’évènement. La chance pourra aussi entrer en ligne de compte.

Il reste à s’en remettre principalement à l’apprentissage, mais aussi à d’innombrables répétitions pour façonner le corps et affûter les automatismes. Et puis, ce qui n’est pas négligeable, il faut se souvenir de quelques règles essentielles : ne pas se surestimer, éviter les situations et les endroits « à risque », ne pas avoir honte d’éviter le danger, favoriser la négociation,  ne pas ignorer que de toutes les façons, il y a de grandes chances qu’un affrontement se termine mal, que ce soit pour l’agressé ou pour l’agresseur.

Dans un précédent article traitant du même sujet, j’avais évoqué quelques exemples de personnes, d’âges et de niveaux techniques différents, ayant pu se sortir d’agressions grâce à leur pratique. Ce sont des exemples qui m’ont été rapportés et que je n’ai aucune raison de mettre en doute.

J’ai aussi une autre catégorie d’exemples, ceux de personnes qui avaient subi des agressions et pour lesquels, à partir du moment où ils ont commencé à pratiquer, ils n’ont plus été confrontés à ce genre d’événement. Sans doute une certaine assurance émanait d’eux, ce que ressentaient les éventuels agresseurs. Ce n’est évidemment pas une garantie, mais c’est un atout non négligeable.

Enfin, même si nous vivons dans un climat violent, nous le constatons presque chaque jour, (la violence s’immisce parfois de façon désolante dans des milieux où on ne l’attend pas) il n’est pas sain de s’entraîner uniquement dans cette optique. Il y a d’autres choses à découvrir dans l’étude des arts martiaux. Cette violence, elle a d’ailleurs toujours plus ou moins existé, mais les moyens de la mettre au grand jour n’étaient pas les mêmes. Malheureusement nous constatons que certains actes sont commis par des personnes de plus en plus jeunes, notamment en direction de leurs professeurs au collège et au lycée. C’est là que les arts martiaux peuvent apporter une contribution importante en matière d’éducation.

Pour conclure, il n’est pas inutile de rappeler que personne n’est invincible. Affirmer que grâce à telle ou telle méthode on le deviendrait, est une escroquerie. Par contre on peut défendre l’idée que le potentiel défensif – plus ou moins important, que nous avons tous en nous ne fera qu’augmenter avec une pratique sérieuse et régulière !

Atemi ju-jitsu et combat

Cette « publication souvenir » nous ramènent au milieu des années 1970.

La méthode « atemi ju-jitsu » avait pour objectif la remise en valeur du ju-jitsu – et d’un groupe de techniques délaissées, en l’occurrence les percussions (atemi) – afin de répondre à la demande émanant d’une population intéressée par l’aspect utilitaire et pas forcément par l’aspect sportif. Cette initiative permettait d’élargir et de satisfaire un important panel de pratiquants. L’association avec le judo était naturelle, elle  établissait une solide complémentarité.

Par la suite, l’instauration de compétitions d’affrontement direct en ju-jitsu allait à l’encontre du but initial, celui de proposer un enseignement à but non compétitif.  Je me suis souvent exprimé sur le sujet en affirmant que je n’étais pas contre la compétition (bien que parfois certains excès interpellent), mais que certaines disciplines pouvaient difficilement s’adapter à des affrontements directs, sauf à être tronquées techniquement pour des raisons évidentes de sécurité. Par conséquent, elle est quelque peu dénaturée et perd l’objectif initial.

La formule peut être attractive et intéresser certains pratiquants, mais sous une autre appellation que ju-jitsu, et puis elle est malgré tout difficilement praticable. De plus, à partir du moment où existent des compétitions, beaucoup de professeurs se limitent à l’enseignement des seules techniques qui y sont autorisées. Nous ne sommes plus dans la self-défense, nous retournons à la case départ en éloignant les hommes et les femmes à la recherche d’un simple loisir utilitaire, doté d’un engagement physique abordable et mesuré.

Certains clubs, qui le peuvent et le veulent, proposent les deux formes de travail (traditionnel et « combat »), mais par manque de créneaux horaires, c’est souvent la deuxième forme qui est privilégiée. Privant les clubs de judo ju-jitsu d’un potentiel non négligeable de pratiquants se tournant vers d’autres horizons, déçus de ne pas trouver ce qu’ils recherchent.

Pour ma part je suis plus que jamais attaché à la forme traditionnelle de notre ju-jitsu, elle est sa vraie nature. Dans cette forme il reste une complémentarité indiscutable au judo, ou encore sa meilleure approche.

Suite de l’histoire de mes démonstrations, troisième partie

A partir de 1978 commença une longue période de démonstrations effectuées  en compagnie d’un nouveau partenaire : François Bernier. Il officia en tant que Uke jusqu’en 1984. Il s’était inscrit au club de la Rue des Martyrs en 1973 et avait rapidement gravi les échelons grâce à une pratique intensive.

Six années de démonstrations à travers la France et à l’étranger, mais aussi à l’occasion de quelques événements majeurs comme la « Nuit des arts martiaux » organisée par le magazine « Karaté-Bushido » en 1982 à Coubertin (le deuxième épisode d’une série, qui s’appelle maintenant le « Festival des Arts Martiaux), le Tournoi de Paris en 1983 et l’inauguration de Bercy en 1984 lors d’une soirée organisée par les fédérations d’arts martiaux, qui – pour une fois – s’étaient associées.

Ces prestations ont permis au ju-jitsu que je véhiculais de s’imposer  dans le monde des arts martiaux au-delà de celui du judo, et au-delà des frontières.

Si démontrer sa discipline dans des salles aussi importantes  que Coubertin ou  Bercy, représente de grands moments,  il est aussi important et peut-être plus chaleureux de le faire à l’occasion de galas en province.

Dans des salles plus modestes ont ressent davantage  la chaleur du public et son enthousiasme pour peu que la prestation l’enchante. Ensuite, à l’occasion des « après-galas » (à l’image de certaines  troisièmes mi-temps)  qui ne manquent pas d’être organisés, c’est l’occasion de contacts directs avec les dirigeants et  les pratiquants du club organisateur. Ces « après galas » », qui nous emmenaient systématiquement  jusqu’à plus d’heure, étaient la garantie de rudes lendemains. Mais la satisfaction du travail bien accompli, les nouvelles connaissances, les échanges et l’assurance d’excellents souvenirs effaçaient toute fatigue.

C’était aussi l’occasion de créer de nouvelles relations durables. Il n’était pas rare de retourner plusieurs fois dans certaines régions. Je pense notamment à la Vendée, chez Louis Renaudeau évoqué dernièrement à l’occasion de sa triste disparition. Entre les stages et les démonstrations j’ai dû me rendre une dizaine de fois dans le bocage vendéen. La disparition de Louis m’a beaucoup peiné.

Durant cette période de démonstrations qui allait de 1978 à 1984, il y eut une date particulière, c’était en 1982, à l’occasion des deuxièmes championnats du monde de Judo féminins qui se déroulaient en France à Coubertin. Nous étions au début de la deuxième étape de ce que l’on a appelé « la relance du ju-jitsu » avec entre autres actions la mise en place d’une commission nationale au sein de la FFJDA. L’occasion était belle de promouvoir ce renouveau  et il était logique que ce soit une femme qui le fasse en endossant le rôle de Tori.  Ce jour-là, j’avais repris celui de « Uke », et c’est une de mes élèves ceinture noire, Marie-France Léglise, qui me « maltraitait ». Je me souviens d’une partenaire  paralysée par le tract devant un Coubertin plein à craquer. Il faut avouer que pour une première ce n’est pas évident. Je peux affirmer que nous avons réussi notre pari et marqué les esprits. Lors de cette journée, l’équipe de France féminine de judo avait « envahi » les podiums, installant définitivement le judo féminin – et français en l’occurrence – à la place qu’il méritait.

Pour l’anecdote, c’est à cette occasion que sont nés deux enchaînements majeurs avec une première approche des « 16 techniques » et des « 24 techniques ». Si je voulais favoriser le côté spectaculaire de notre discipline avec une grande partie « des 16 », j’avais à cœur de la présenter comme une méthode structurée et très technique en présentant  quelques techniques « des 24 ».

Ces prestations peuvent avoir  plusieurs vertus : celles d’enchanter le public, de faire connaître la discipline et parfois, comme ce fût le cas, d’être à l’origine de créations qui bénéficieront aux élèves en intégrant les programmes d’enseignement.

C’est aussi au cours de cette période que j’ai commencé à mettre de la musique sur les démonstrations. En France, j’ai dû être l’un des premiers à oser. Maintenant, on ne pourrait imaginer le contraire. Je me souviens que justement c’était en province, à Oyonnax dans l’Ain, une ville dans laquelle nous nous sommes rendus trois années de suite. C’est sur une musique de Jean-Michel Jarre que nous avons effectué cette première.

La prochaine partie de cet historique couvrira une décennie, celle allant de 1985 à 1995.

Vous pouvez trouver davantage de photos sur la page Facebook du club : Club Jujitsu Eric Pariset

Un état des lieux et une question…

La semaine dernière, j’évoquais l’importance de la régularité dans la pratique. Ce n’est pas cette année qu’il sera facile de suivre cette recommandation, même avec la meilleure volonté du monde, surtout dans certaines régions. Certes, le gouvernement a revu sa copie en autorisant les moins de 18 ans à fouler les tatamis, mais pour les adultes il faudra patienter encore au moins quinze jours, dans les fameuses régions en rouge. Nous ne sommes plus à quelques changements de programme près.

Combattre le virus réclame sans doute des réglages, des « adaptations à la situation », on aimerait juste un peu moins de cacophonie,  moins de divergences d’opinion entre les scientifiques et plus  de cohérence (et de vérité) de la part des politiques.

On ne peut que constater le manque d’accueil dans les hôpitaux, mais est-ce notre faute à nous, contribuables de base, si  l’argent public (notre argent) est mal utilisé ? D’autant que ceux qui sont en charge de cette « utilisation » ne sont jamais sanctionnés financièrement à titre personnel en cas de faute et de mauvaise gestion. Par contre, la sanction  est tombée pour des citoyens qui n’ont commis aucune  faute et qui ne demandaient qu’une chose : travailler. C’est juste insupportable !

Peut-être aussi qu’en six mois il aurait été possible de faire en sorte de  ne pas être pris au dépourvu face à cette deuxième vague pourtant  largement annoncée !

Il y a la gravité de la pandémie, mais maintenant commencent à se faire sentir les d’autres dommages. Nous entrons, pour certains domaines, dans une phase destructive sur bien des plans, c’est indiscutable.
Les aides promises, si les promesses sont tenues, sont de toutes les façons bien insuffisantes face au montant des préjudices.  Nous allons devoir faire face au chômage pour certains, aux faillites personnelles pour d’autres, des familles entières plongées dans la précarité et ensuite dans la misère avec  d’inévitables drames humains.

Sans compter que le fait que tout le monde ne soit pas impacté de le même manière a tendance à opposer certains secteurs à d’autres ; cela ne va pas dans le sens d’une indispensable cohésion sociale. Peut-être est-ce souhaité ?

Je ne pensais pas qu’un jour ce beau métier (professeur d’arts martiaux), celui de dispenser un savoir,  serait un jour attaqué de la sorte.  Ce métier qui a été aussi celui de ceux qui m’ont tout appris et que nous sommes encore nombreux à exercer.

Dans les arts martiaux, il y a trois types de victimes. Les pratiquants, les professeurs et nos disciplines.

Pour les pratiquants, la frustration est le premier effet négatif. Pour beaucoup en ce moment, elle s’accompagne d’un sentiment d’injustice, tout du moins d’incompréhension. Il y a la frustration consciente et celle qui l’est un peu moins, mais plus destructive. La première est très simple à expliquer : on est déçu, tout simplement. Déçu de devoir arrêter un processus de progression, déçu de ne plus passer un moment agréable durant lequel on fortifie son corps, améliore son esprit et tisse du lien social.  La deuxième, c’est tout notre corps (y compris notre tête) qui en pâti. C’est un secret pour personne que lors des entraînements nous fabriquons de l’endorphine, qui est une sorte de drogue naturelle (licite), mais dont il est difficile de se passer. Cette endorphine est aussi un antidépresseur naturel qui ne coute rien à la société. Or depuis plusieurs mois, on subit un sérieux sevrage. C’est dommageable pour chaque individu et par conséquent pour la collectivité. Les bienfaits du sport sur la santé sont connus, c’est presqu’irresponsable de s’en passer. On me dit qu’il y a plus grave, mais à force de tout reléguer au second plan, la vie va vite devenir « compliquée » et dépourvue de toute saveur.

Quant aux professeurs, pour ceux dont ce n’est pas le métier, c’est contrariant, même très contrariant, la responsabilité vis-à-vis d’un groupe que l’on se doit de faire progresser est remise en cause d’une certaine façon. Pour ceux dont c’est le métier, c’est catastrophique. J’emploie volontairement le mot de métier, plus noble que « travail ». Surtout un métier comme professeur, qui plus est, professeur d’un art. Ce qui nous conduit au mot artisan, les définitions du « Larousse » me conviennent parfaitement. En effet, il y en a deux, celle qui fait état de l’aspect purement administratif : «Travailleur indépendant, qui justifie d’une qualification professionnelle et d’une immatriculation au répertoire des métiers pour l’exercice, à son propre compte, d’une activité manuelle ». Et puis, la seconde qui reflète bien la réalité : « Personne qui pratique un métier manuel selon des normes traditionnelles ». Parfait !

Toute ma vie, j’ai travaillé, sans ne jamais rien réclamer à personne. Je comptais sur ma force de travail et mes compétences. Lorsque surgissaient des obstacles, je les franchissais, parfois dans la douleur, mais je ne reculais pas ! Confronté à l’INTERDICTION, la volonté ne sert à rien ! A moins de devenir hors-la-loi et s’exposer à une forte répression.

Dans notre domaine, les dernières victimes sont nos disciplines. Un arrêt comme celui que nous avons connu de mars à l’été dernier, en plus d’être inédit, est ravageur. Et, dans certaines régions, dès cette semaine, cela recommence, c’est un peu trop, quand même !  Le plus préoccupant, c’est la stigmatisation qui risque d’entourer nos arts de combat, freinant inévitablement de nouvelles vocations. Or, comme dans toutes les sociétés, s’il n’y a pas de renouvellement, il y a extinction de la race. Nous n’en sommes pas encore là, il n’est pas envisageable que les arts martiaux cessent de vivre, mais ce qui est important, c’est que les structures qui les accueillent et les professeurs qui les enseignent, puissent survivre. La vigilance et la combativité sont plus que jamais de mise, même pourvues de faibles moyens.
Juste une question pour conclure : pour combattre ce virus, n’y avait-il vraiment aucun autre moyen que celui de mettre notre pays à l’arrêt et de massacrer des pans entiers de notre économie ? Ce qui ne manquera pas d’anéantir d’autres vies.

eric@pariset.net

Le professeur

Il y a des professeurs qui ont  une technique parfaite et une très bonne pédagogie, c’est l’idéal. Il y a ceux qui ont une maitrise technique moyenne mais une excellente pédagogie, c’est l’essentiel.  Il y a ceux qui maitrisent parfaitement les techniques, mais qui ne possèdent qu’une pédagogie relative, c’est dommage. Enfin, il y a ceux qui sont mauvais techniciens et mauvais pédagogues, heureusement c’est rare ! Ces derniers ne doivent pas avoir beaucoup d’élèves, sauf s’ils n’ont pas de concurrence.

La semaine dernière j’évoquais le choix d’une discipline, mais le choix du professeur est tout aussi important. Démontrer parfaitement une technique est une chose,  qu’elle soit assimilée par les élèves, en est une autre. « L’essentiel n’est pas ce que l’on enseigne, mais ce que les élèves apprennent ». Cette citation d’André Giordan (dont vous trouverez le parcours sur Internet) est éloquente. Un cours n’est pas un show et les explications se doivent d’être concises et ne pas se transformer en un discours interminable.

Comment savoir si l’enseignant d’un dojo est compétent et s’il nous conviendra ? Un néophyte est forcément privé de moyens d’évaluation.  Il y a la réputation bien évidemment, mais encore faut-il que celle-ci soit fondée  sur ce que nous recherchons. Un professeur peut former d’excellents champions, mais si l’objectif est de trouver une pratique utilitaire ou essentiellement tournée vers le loisir,  ces compétences là ne seront pas utiles.

Si c’est  un ami qui nous conduit dans son dojo, ce qui est souvent le cas, il est préférable (là aussi) que les aspirations de cet ami soient en concordance avec les nôtres.  Il faudra donc souvent  s’en remettre à la première impression et surtout ne pas avoir peur d’échanger avec le professeur et avec quelques habitués du dojo avant de s’engager.

Le métier de professeur, quelque soit la discipline enseignée (français, mathématiques, chant, danse, arts martiaux, etc.) est un des métiers les plus beaux mais aussi les plus difficiles. Lors du confinement que l’on nous a infligé au printemps dernier, certains parents, obligés de faire la classe à leurs enfants, ont pris conscience de cette réalité. Certes, chacun son métier et on peut opposer que c’était difficile pour eux dans le mesure ou ce n’est pas le leur, mais quand même…!

Pour être enseignant il est préférable de posséder quelques prédispositions, mais cela ne suffit pas. Georges Brassens disait : « Le talent sans le travail n’est qu’une sale manie ».
Donc, il faut toujours se remettre en question à chaque début de saison et veillez à ce que la passion ne s’éteigne jamais.

L’une des principales qualités d’un professeur qui s’adresse à différentes populations, comme c’est souvent le cas dans les arts martiaux, c’est d’être capable de s’adapter à l’âge et au niveau technique des élèves. Et en particulier aux débutants (qui sont les ceintures noires de demain). D’où l’importance du « premier professeur », celui qui bâtit les fondations. Dans un des mes articles publiés sur mon blog et sur Facebook, j’avais insisté sur ce point essentiel. J’avais même cité en exemple l’ex-danseuse étoile, Marie Agnés Gillot, résidant à Paris et qui accompagnait son fils chaque semaine en Normandie pour qu’il commence la danse avec celui qui avait été son premier professeur.

Dans le domaine qui est le notre, le professeur est un passeur de technique, mais il est aussi le transmetteur des fortes valeurs attachées aux arts martiaux, notamment ce fameux « Code moral », souvent affiché, pas toujours appliqué !

Donc, au moment de commencer, il est préférable de ne pas se tromper. Les mauvaises habitudes se prennent plus vite que les bonnes et elles sont tenaces.

Avec le temps on se souviendra que c’est à ce premier professeur que l’on doit d’être le pratiquant que l’on devenu ; il nous a fait découvrir et aimer une discipline et un art dans lequel nous nous épanouissons.

eric@pariset.net