Quelques mots et des maux…

Je n’ai jamais coûté « un pognon de dingue » à la société, j’ai souvent « traversé la rue » pour trouver du travail, plus exactement pour créer mon entreprise ou la déménager, je me suis toujours battu pour ne pas rester comme les gens « qui ne sont rien » et pour ne pas être « illettré ». Un peu d’humour (grinçant) ne gâche rien.

A l’inverse, tout au long de ma vie, j’ai largement participé à la solidarité nationale en m’acquittant d’importantes cotisations sociales, d’impôts, de droits de succession et autres taxes multiples, comme beaucoup d’entre nous, ce qui devrait permettre de pouvoir améliorer, entre autres, notre système hospitalier et éviter un blocage du pays, à l’instar de celui qui nous a été imposé.

Aujourd’hui, on nous dit que l’activité économique reprend, on nous parle d’embellie, on nous serine avec la reprise, on loue la croissance, tout cela est très bien, mais « en même temps » on subit une inflation extraordinaire et on oublie  tous ceux qui ont été jetés dans le fossé par la crise sanitaire ! Le « quoi qu’il en coûte » et les différentes aides n’ont pas profité à tout le monde de la même façon : une inégalité de plus. La fameuse expression « mettre la clef sous la porte », a pris tout son sens pour un nombre important de petites entreprises.

Mon entêtement à reconstruire, lorsque c’était nécessaire, ne m’a jamais fait défaut. En juillet 2019 j’ai même traversé davantage que la rue, la moitié du pays, pour retrouver de l’activité, après avoir constaté que là où j’étais il n’était pas facile d’exercer mon métier.

Malheureusement, quelques mois après, en mars 2020, comme beaucoup, j’ai été sommé de fermer mon établissement parisien, sans aucun dédommagement (les assureurs n’assurant pas !). Cela est d’autant plus terrible que je m’étais fixé cette ouverture de dojo comme un dernier combat. Certains s’en étaient d’ailleurs étonnés, au regard d’un âge qui est davantage celui de la retraite. Mais il faut savoir que les retraites consentis aux travailleurs indépendants sont insignifiantes, qu’elles n’offrent pas d’autre possibilité que celle de poursuivre une activité.

Ensuite, dans l’enseignement des arts martiaux existe une passion dont il est difficile de se passer, d’autant plus lorsque l’on ressent un sentiment d’utilité. Je pense l’être encore un peu  (utile).

Bien que cette fermeture imposée ne m’ait pas laissé indemne, j’ai bien l’intention de continuer le combat – je n’ai pas le choix, sans cesser de dénoncer ce que je considère toujours comme une injustice.

Cependant, certaines situations sont plus compliquées à rétablir que d’autres. C’est le cas de celle à laquelle je suis confronté. D’abord à cause de la violence de l’événement inédit que nous avons connu (et de sa gestion), mais aussi par rapport à l’âge évoqué plus haut.

Mon intention n’est donc pas uniquement de dénoncer, mais d’agir. C’est ce que je fais en entamant une reconstruction laborieuse, dans un premier temps à l’aide de quelques stages qui me permettent de renouer avec mon métier et de retrouver avec un immense plaisir de fidèles pratiquants et de découvrir quelques nouveaux visages.

Cependant, cela ne suffit évidemment pas et cette reconstruction rencontre des difficultés surprenantes et une certaine passivité (parfois) en matière de solidarité.

J’avoue que cette épreuve a laissé des traces. Le virus ne m’a pas tué, mais il a sévèrement abîmé ma vie ! Il est des moments de l’existence où les blessures cicatrisent moins rapidement et où se relancer est plus délicat.  Malgré ce triste tableau, la volonté est toujours là !

Violence et non-violence…

En ouverture d’un modeste article consacré à la violence (écrit à l’aide de mots simples) et pour l’illustrer, j’ai pensé publier cette petite leçon.
« L’aîné d’une tribu indienne explique la vie à son petit fils : « tu vois, en chacun de nous, deux loups s’affrontent en permanence : il y a le loup de la haine, du pessimisme et de l’égoïsme ; et il y a aussi le  loup de l’amour, de l’optimisme et de la générosité ». L’enfant demande : « Et quel est celui qui l’emporte ? ». Le sage répondit : « celui que tu nourris » ! »

Cela va sans dire que, comme beaucoup, je milite pour l’éradication de la violence, ce fléau qui enlaidit notre société. Il n’a cessé d’exister, les racines du mal sont profondes et les raisons multiples. Cependant il n’est pas interdit d’espérer, tout comme il n’est pas question d’abdiquer.

Il ne s’agit pas d’un exposé sur les origines et les causes des différentes formes de violences, je me limiterai à mon domaine de compétence et à l’impact positif que mon métier se doit d’apporter à la société. J’en profite pour rappeler qu’il n’existe pas que la violence physique, certaines violences mentales peuvent parfois être aussi redoutables.

Chaque professeur, quelle que soit la discipline qu’il enseigne, a un rôle majeur à jouer. Dans cette lutte, l’éducation est fondamentale, elle permet de prendre le mal à la racine. Certes, cela s’inscrit sur du long terme, mais cet enjeu le mérite.

Les professeurs d’arts martiaux ont une responsabilité encore plus importante dans la mesure où ils enseignent des techniques de combat, certaines à l’issue pouvant être fatale. Elles devront donc être considérées et enseignées avant tout comme des armes de dissuasion et utilisées exclusivement en dernier recours.

C’est toute la difficulté de la transmission de nos disciplines ; elle doit se faire dans un but éducatif et non destructif (bien que, comme indiqué plus haut, ce soit la vocation de la plupart des techniques). On ne répond pas à la violence par la violence. Cette affirmation pourra être considérée comme une sorte de poncif par certains, mais elle est pourtant vraie. Je sais que cette phrase a été dite et écrite à de nombreuses reprises. Il n’est jamais inutile « d’enfoncer le clou ».

Certains pensent que de tels propos sont empreints d’un angélisme inadapté, d’une naïveté déconcertante ou même de laxisme. Ceux-là ne peuvent pas être considérés comme des éducateurs responsables.

Etre contre la violence n’est pas forcément faire preuve d’inconscience ; lorsque l’on est agressé violemment, il faut être capable de riposter efficacement, avec un niveau technique et mental qui permet d’agir rapidement, mais avec nuance – dans la mesure du possible, sans ignorer les notions de légitime défense et de respect de la vie.

Il est navrant de constater que certaines méthodes de combat peuvent être utilisées à de mauvaises fins, ou enseignées de façon brutale, violente. Heureusement, il s’agit du fait d’une minorité de personnes ne pouvant être considérées ni comme des budokas, ni comme des enseignants.

Dans leur immense majorité, les professeurs de nos belles disciplines sont conscients de l’enjeu, ils ne se comportent pas comme des destructeurs, mais comme des éducateurs.

Le dojo !

Un DOJO n’est pas simplement un lieu où l’on transpire, c’est aussi un endroit dans lequel on s’inspire. Il doit y régner une ambiance particulière qui n’est pas celle d’une simple salle de sports, on doit y apprendre « quelque chose » de plus.

C’est le lieu dans lequel  on est censé « trouver sa voie » (traduction de dojo), c’est-à-dire le chemin. Le chemin de la sagesse, de la tolérance, de la détermination, bref le chemin de l’existence.

La voie qui permettra de s’élever sur le plan technique, mais aussi sur le plan mental. Les arts martiaux, enseignés et pratiqués comme ils doivent l’être, ne sont-ils pas des « Écoles de vie » ?

Malheureusement, ce n’est pas toujours la réalité, parfois les conditions ne sont pas réunies. D’abord, et nous n’y pouvons rien, certains équipements municipaux sont destinés à plusieurs disciplines sportives, autres que les arts martiaux, privant ainsi le lieu d’une certaine identité propice à l’étude bien particulière de nos disciplines.

Ensuite il y a ce que l’on peut appeler « l’esprit », celui qui est inculqué par le « maître des lieux », le professeur. C’est à lui qu’incombe la responsabilité de faire en sorte que les élèves trouvent leur voie, sur le plan technique, mais aussi sur le plan mental, comme indiqué plus haut.

Trouver la voie, c’est trouver le chemin qui mène aux progrès techniques et à la sagesse comportementale. Faire de sa pratique quelque chose d’utile pour soi et pour les autres. Il ne suffit pas d’afficher le code moral sur un mur du dojo et être ainsi en paix avec sa conscience, il faut aussi le respecter et le faire respecter.

Le dojo, n’est pas un endroit dans lequel seront vénérées quelques divinités que ce soit, mais simplement un lieu où l’on applique les principes de politesse élémentaire et de respect vis-à-vis du professeur et des autres élèves, du plus gradé au moins gradé, mais aussi de l’espace dans lequel nous étudions. Le dojo est un lieu d’étude, de partage et de respect.

C’est au professeur qu’incombe la responsabilité de faire respecter tous ces éléments. Comme arriver à l’heure, saluer en entrant dans le lieu, ne pas se déplacer pieds nus en dehors du tatami, veillez à ce que les « dogis » soient propres, saluer son partenaire dans une tenue correcte avant et après chaque changement, communiquer à voix basse, voilà quelques « bases » qui ne sont pas toujours respectées.

Dans un climat général qui se dégrade, avec notamment des actes inqualifiables, les professeurs d’arts martiaux sont investis, de par la nature de ce qu’ils enseignent, d’une responsabilité peut-être plus importante !

Ce serait incompréhensible qu’un professeur d’arts martiaux – dans lesquels la rigueur est l’une des principales vertus – ne se comporte pas de façon exemplaire et ne fasse pas respecter quelques règles élémentaires.

Plus qu’ailleurs, chez nous, l’exemple vient d’en haut !

D’abord s’amuser…

Encore une rediffusion qui ne me paraît pas superflue. Il s’agit juste de mon point de vue.

Je ne suis pas contre la compétition, mais contre les excès qui parfois l’accompagnent.
Avec un père au palmarès exceptionnel, il serait presque indécent de dénigrer cette forme d’expression, d’autant que, même si les circonstances ne m’ont pas permis de faire de même, j’ai pu apprécier le goût particulier de ces affrontements jusqu’au niveau national.

Ceci étant, il est dommage qu’un énorme pourcentage de l’enseignement dispensé, notamment dans les dojos, soit axé principalement et parfois exclusivement  sur ce que l’on appelle « la compète », au détriment des autres facettes offertes par nos disciplines et qui ont aussi et surtout une vocation éducative dans bien des domaines.

Me vient à l’esprit une scène banale dans laquelle la maman d’un enfant se renseigne auprès d’un responsable de club en vue d’une prochaine inscription. Le responsable en question lui fournit les renseignements et conclut : «nous ferons tout pour qu’il aille en compétition et qu’il rapporte des médailles ». Ce à quoi la maman répond : «non, il ne veut pas gagner, mais juste s’amuser ».  On oublie souvent cette notion de jeu, pourtant basique, chez les enfants mais aussi chez les adultes ! Tout comme on oublie qu’il n’est pas nécessaire de rajouter immédiatement une pression avec des objectifs à atteindre, l’école et la société en fournissent déjà.

Est-ce que tout est fait pour satisfaire ceux qui viennent  pour s’amuser, se défouler, s’exprimer physiquement, apprendre une technique juste pour le plaisir de la réaliser et de l’améliorer, passer les ceintures, maîtriser la défense personnelle,  tout en sachant se contrôler, connaître et respecter les règles de bonne conduite en société avec le Code moral, bref pratiquer un « loisir éducatif et récréatif » ?  Tout cela sans subir de pression ou encore  une sorte de stigmatisation qui pousse  à l’abandon si l’on n’adhère pas à cette  « championnite aiguë ».

Peut-être y aurait-il davantage de pratiquants si toutes les facettes des arts martiaux étaient systématiquement proposées.  C’est d’autant plus regrettable que cette course aux médailles   s’accompagne – parfois – d’excès et de l’absence de précautions  qui devraient être attachées à une pratique pour les enfants. Faire perdre du poids avant une compétition, par exemple.  Tout cela pour la photo d’un dirigeant dans la presse locale du lundi.

La compétition doit être proposée mais pas imposée, d’autant qu’elle ne peut être qu’une étape. Or, si on ne s’est  consacré qu’à cet aspect, une fois  que l’âge à partir duquel on ne peut plus participer à ces affrontements est atteint, c’est l’abandon qui survient inévitablement.

Il y aurait beaucoup à dire et à écrire sur ce que l’on pourrait appeler le « revers de la médaille », à savoir les conséquences néfastes de la compétition, mais comme il est toujours préférable de terminer sur une note positive, on peut le faire en affirmant que celle-ci apporte beaucoup de satisfactions (surtout à ceux qui gagnent) et qu’elle permet, à condition que le parcours soit bien encadré, de vivre une très belle expérience ! (J’évoque les disciplines dans lesquelles la compétition est possible.)

Maintenant, on me dira que le marché économique qui entoure le sport de haut-niveau  est important et générateur de richesses, d’emplois, etc., ce qui est vrai, mais ce qui est vrai aussi, c’est que dans ce domaine  les excès ne manquent pas ; ceci est un autre sujet à propos duquel nous pourrons débattre.

De la tenue…

L’article de cette semaine a déjà été proposé, mais en ce début de saison il n’est peut-être pas inutile de le publier à nouveau, après l’avoir quelque peu remanié.
« L’habit ne fait pas le moine », un peu quand même.

Par facilité on l’appelle le « kimono », bien que ce nom désigne plus spécifiquement un vêtement porté « à la maison ».
Dans les arts martiaux, il existe plusieurs appellations qui désignent ce que l’on revêt dans un dojo ; parmi les plus répandues on trouve le judogi, le karategi, le keikogi. On évoque très peu le « jujitsugi ». Pour les principaux arts martiaux japonais  on peut le nommer « dogi ». En taekwondo, c’est le dobok.

Quel que soit son nom, cette tenue est importante et ne saurait être négligée ; j’y vois plusieurs raisons.

D’abord, chaque discipline sportive possède son « uniforme » ; il ne viendrait pas à l’idée d’un footballeur de se rendre sur un terrain de foot en judogi.

Ensuite, grâce à sa texture, cette tenue est pratique et hygiénique. Elle est résistante aux différents assauts et autres sévices qu’on lui fait subir. Elle est hygiénique, elle permet d’absorber les litres de sueur produits lors des entraînements.

Elle possède également comme vertu d’effacer toute distinction sociale. On ne frime pas vraiment dans un « gi ». Nous sommes tous égaux pour ces moments d’étude et de partage.

Enfin, dans le combat rapproché, elle évite une proximité qui peut  être  parfois rebutante pour certains et certaines.

Cette tenue, je la respecte au plus haut point ; n’est-elle pas mon principal « outil de travail » ?.  Elle est aussi  devenue au fil des années ma « deuxième peau ». Parfois elle a même été mon « bleu de travail », comme nous le verrons plus bas. Certains s’en affranchissent, c’est dommage, surtout dans des disciplines dites « à traditions ».
Que l’on ne cache pas, sous des prétextes d’évolution, un manque de rigueur et de respect à l’égard de notre histoire et de notre identité.

Au début des années 1970, à l’initiative du champion de judo néerlandais Anton Geesink, il y eut une tentative de kimonos de couleurs qui n’a pas vraiment connu le succès. Ensuite, au début des années 1990, le kimono bleu est apparu lors de certaines compétitions de judo, dans le but de faciliter la compréhension des combats. Dans le même esprit, j’ai moi-même opté pour cette couleur dans mes démonstrations et dans des ouvrages.

Quelques professeurs l’utilisent à l’occasion de leurs cours, cela a été mon cas durant un temps, pour « aérer » mes tenues de démonstration, à l’époque où j’en faisais. Une fois cette époque passée, je suis revenu à la pure tradition. Et puis un enseignant doit pouvoir se distinguer davantage par son savoir et son aura que par sa tenue.

Dans cet article j’évoque les arts martiaux, mais d’autres sports de combats possèdent leur propre tenue (boxe, lutte, etc.), que les pratiquants arborent fièrement.

Enfin, l’utilisation de la « tenue de ville » (adaptée) pourra être considérée comme un complément à l’étude de la self-défense, dans des cours spécifiques. Ce pourra être aussi une approche et une étape avant de rejoindre le monde des budos.

L’importance du premier professeur…

Après le choix d’une discipline, l’importance du premier professeur

La semaine dernière j’évoquais le choix d’une discipline, mais le choix du professeur est tout aussi important. Ceci étant, à moins que beaucoup de changements s’opèrent au sein du club, le professeur est un peu « l’âme du dojo » et parfois même une « marque de fabrique ».  Choisir une discipline et un dojo, c’est aussi choisir un professeur.

Cet article vient en complément de celui de la semaine dernière, en insistant cette fois, sur l’importance du premier professeur. Il s’agit d’un article déjà proposé, mais quelque peu remanié.

Démontrer parfaitement une technique est une chose,  qu’elle soit assimilée par les élèves, en est une autre. « L’essentiel n’est pas ce que l’on enseigne, mais ce que les élèves apprennent ». Cette citation d’André Giordan (dont vous trouverez le parcours sur Internet) est éloquente. Un cours n’est pas un show et les explications se doivent d’être concises et ne pas se transformer en un discours interminable. Il y a des professeurs dotés d’une excellente technique mais qui sont incapables de la transmettre. A l’inverse, il y a des professeurs qui sont en capacité de transmettre des éléments qu’ils ne maîtrisent pas forcément parfaitement, cela s’appelle la pédagogie. Démonter est une chose, transmettre en est une autre.

Comment savoir si l’enseignant d’un dojo est compétent et s’il nous conviendra ? Un néophyte est forcément privé de moyens d’évaluation.  Il y a la réputation, mais encore faut-il que l’enseignant et son enseignement correspondent à ce que nous recherchons. Un professeur peut former d’excellents champions, mais si l’objectif est de trouver une pratique utilitaire ou essentiellement tournée vers le loisir,  ces compétences là ne seront pas utiles.

Si c’est  un ami qui nous conduit dans son dojo, ce qui est souvent le cas, il est préférable (là aussi) que les aspirations de cet ami soient en concordance avec les nôtres. Il faudra donc souvent  s’en remettre à la première impression et surtout ne pas avoir peur d’échanger avec le professeur et avec quelques habitués du dojo avant de s’engager.

Le métier de professeur, quelle que soit la discipline enseignée (français, mathématiques, chant, danse, arts martiaux, etc.) est un des métiers les plus beaux mais aussi les plus difficiles. Lors des confinements que l’on nous a infligés, certains parents, obligés de faire la classe à leurs enfants, ont pris conscience de cette réalité. Certes, chacun son métier et on peut opposer à cette affirmation que c’était difficile pour eux dans le mesure où ce n’est pas le leur, mais quand même…!

L’une des principales qualités d’un professeur qui s’adresse à différentes populations, comme c’est souvent le cas dans les arts martiaux, c’est d’être capable de s’adapter à l’âge et au niveau technique des élèves. Et en particulier aux débutants (qui sont les ceintures noires de demain).

J’ai déjà insisté sur ce point essentiel, celui du premier professeur. J’avais même cité en exemple l’ex-danseuse étoile, Marie Agnès Gillot, résidant à Paris mais qui accompagnait son fils chaque semaine en Normandie pour qu’il commence la danse avec celui qui avait été son premier professeur.

Son rôle est déterminant, c’est lui qui construit les fondations, qui nous fournit les bases. Donc, au moment de commencer, il est préférable de ne pas se tromper. Les mauvaises habitudes se prennent plus vite que les bonnes et elles sont tenaces.

Souvent la qualité du professeur se juge à celle de ses élèves (il y a aussi des exceptions).

Dans notre domaine, le professeur est un passeur de technique, mais il est aussi le transmetteur des fortes valeurs attachées aux arts martiaux, notamment ce fameux « Code moral », souvent affiché, pas toujours appliqué !

Avec le temps on se souviendra que c’est à ce premier professeur que l’on doit d’être le pratiquant que l’on est devenu ; il nous a fait découvrir et aimer une discipline et un art dans lequel nous nous épanouissons.

A titre personnel, j’ai eu la chance de bénéficier en tout premier de l’enseignement de mon père, Bernard Pariset. La chance : pas uniquement parce qu’il s’agissait de mon père, mais parce qu’en plus d’être un grand champion, il était un excellent enseignant doté d’une pédagogie naturelle dans laquelle s’exprimait une redoutable force de persuasion, mais aussi une façon extraordinaire de rendre les choses évidentes.

Le choix

Nous sommes encore à la rentrée, les portes des dojos sont ouvertes à nouveau, enfin !
Il y a ceux qui reprennent une pratique qui les passionne, ils étaient impatients de remettre le kimono (bien que ce ne soit le nom exact de la tenue que nous revêtons pour pratiquer, nous l’utilisons par facilité). Et puis, il y à ceux qui vont commencer leur « carrière de samouraï » et qui sont hantés par une multitude de questions au moment du choix. Certains ont déjà « trouver leur voie », souvent sur les conseils d’un proche, mais il y a les autres, ceux qui hésitent encore.

L’offre est importante et un débutant ne sait pas forcément sur quels critères se baser pour s’engager toute une saison et sûrement davantage, c’est ce qu’il faut souhaiter. D’autant que dans nos disciplines, normalement, nous nous engageons à long terme, même si malheureusement c’est de moins en moins le cas ; papillonnage et zapping prenant le pas sur rigueur et persévérance !

En premier lieu, il y a les motivations : la self-défense, le sport loisir, l’entretien physique, etc. Ou même une méthode plus « interne ». Avoué ou pas, l’aspect utilitaire reste une motivation importante.

Certains « experts » en manque de reconnaissance n’hésitent pas à se réclamer d’une formule magique, même parfois de la méthode qui rend invincible ; heureusement beaucoup n’ont pas cette prétention, ils sont réalistes et empreints de l’humilité indispensable à tous les vrais professeurs d’arts martiaux.

Comme je l’ai souvent rappelé, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises disciplines, mais tout simplement des professeurs plus ou moins compétents. Une bonne discipline mal enseignée n’apprendra rien à l’élève, au contraire elle construira de mauvaises fondations et donnera de très mauvaises habitudes, certaines étant difficilement réversibles.

C’est donc davantage sur le choix de l’enseignant, qu’il faut se tourner. Sa réputation, bien sûr, due à son parcours et à la qualité des élèves formés ; j’avais déjà évoqué il y a quelques semaines l’importance du premier professeur. Mais, on ne peut pas plaire à tout le monde, c’est pour cette raison qu’il faut se déplacer et demander à faire une ou deux séances à l’essai. Simplement pour constater si, oui ou non, l’ambiance dans laquelle se déroule l’enseignement nous correspond.

Donc, plus que le choix d’une discipline, c’est le choix d’un dojo – et de son enseignant – qui est déterminant.

Se pose aussi la question de la fréquence hebdomadaire à laquelle on doit s’astreindre. Là encore, il s’agit de s’adapter en fonction de plusieurs critères ; l’éloignement et la disponibilité personnelle, en font partie. Plus que la quantité, ce sera la régularité qui primera. Essayer, si possible de venir au(x) même(s) horaire(s) et de façon régulière ; éviter de « sauter » une ou plusieurs semaines. Certains prétendent qu’un seul entraînement hebdomadaire n’est pas suffisant, je pense qu’il est préférable de ne venir qu’une fois par semaine plutôt que zéro fois ; même si une fréquence de deux séances hebdomadaires est idéale. Au-delà il faut être semi-professionnel ou professionnel.

Bonne rentrée à tous et bonne saison dans un bon dojo….avec un bon professeur, tant qu’à faire !

Bilan et espoirs

Donc, le 26 en proposant un stage à Paris, je vais renouer avec un brin d’activité. Il était temps ! Cependant, « la remontada » risque d’être longue. On parle de reprise économique, tant mieux,  reste à savoir si cela va durer.

Cependant, les pouvoirs publics et la presse ont tendance à oublier tous ceux qui dans cette crise ont souffert, ceux qui ne s’en remettront pas et ceux qui se battent, souvent seuls,  pour survivre dans une indifférence assez édifiante. Il faudra faire aussi avec les inévitables séquelles physiques et psychologiques laissées par cette sale période.

A l’attention de ceux qui ignoreraient encore les raisons qui font que je me retrouve sans lieu de travail, c’est-à-dire sans dojo pour enseigner, mais aussi de ceux qu’il faudrait encore convaincre que la décision qui a été prise était la bonne, parce qu’il n’en existait pas d’autres, je propose ces quelques lignes (que personne n’est obligé de lire).

Le 16 mars 2020, le Président de la République nous informe que dès le lendemain (l’expression du jour au lendemain n’a jamais eu autant de sens) tous les établissements recevant du public devront fermer, au moins pour quinze jours (en fait cela a duré deux mois, et bien plus pour certaines activités, dont les arts martiaux).

Dans son allocution, je m’en souviens comme si c’était hier, pensez-donc je venais d’ouvrir quelques mois avant, il précisait que pour les locataires, les loyers seraient « bloqués » ; ce qui me paraissait être du bon sens, dans la mesure où si une interdiction, qui n’est ni de votre fait, ni de votre faute, est prononcée, il ne paraît pas concevable d’honorer un loyer pour un endroit que vous n’avez plus la possibilité d’exploiter. Or un mois après, ma propriétaire me harcelait afin que je règle l’échéance du mois d’avril, alors que nous savions à ce moment-là que la reprise d’activité ne se ferait pas avant l’été, au mieux ! La suite nous a donné raison, malheureusement. L’engagement qui avait été annoncé lors de l’intervention présidentielle n’a pas eu de suite, sans cynisme, j’ajoute que nous sommes un peu habitués à cela !

Je rappellerai les trois raisons essentielles qui m’on conduit à ne pas m’entêter, non pas par manque de combativité, bien au contraire, mais par lucidité et esprit de survie (je n’exagère pas). En effet, continuer était tout simplement suicidaire, je m’explique.

Il faut rappeler qu’il s’agissait d’un club privé avec des loyers parisiens. Il ne s’agissait pas d’un équipement municipal.

Ensuite, le dojo était presque « tout neuf », il n’avait pas l’antériorité qui lui aurait permis de bénéficier de réserves en matière de trésorerie : un « trésor de guerre ». Tout comme il ne pouvait prétendre au prêt garanti par l’état (qui aurait de toute façon alourdit le montant des dettes). Quant au Fond de solidarité, qui par ailleurs n’avait pas été mis en place au moment de la prise de décision de fermeture, toujours à cause de la jeunesse de l’entreprise, il n’aurait pas permis la survie.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, exerçant en « nom propre » ou dans d’autres termes en tant que « travailleur non salarié », j’étais en première ligne. Dans ce statut, il n’existe pas de dépôt de bilan, si ce n’est une faillite  personnelle qui vous exclut définitivement de la société. (Il n’existe pas non plus de chômage.)

Avant de prendre la décision, j’ai consulté un expert comptable, un avocat et un commissaire aux comptes. Pas un ne m’a conseillé de poursuivre, tous les trois m’ont recommandé de trouver au plus vite un accord avec la propriétaire pour une résiliation de bail à l’amiable, de façon à ne pas accumuler les dettes, notamment celles qui concernaient les loyers en question. En matière de baux commerciaux (les fameux 3-6-9) le locataire est engagé pour trois ans de loyer, il m’en restait plus de deux ans à honorer, avec le nombre de mois de fermeture que nous connaissons.

Je sais que ce n’est pas facile à comprendre lorsque l’on n’a pas de connaissance en matière d’entreprise privée. Heureusement, la majorité des personnes (même celles qui ne sont pas dans le privé)  ont compris que cette décision était la seule décision raisonnable qu’il fallait prendre ! Même si c’est ce qu’on appelle un coup dur, très dur !

Que l’on se rassure (ou pas),  je n’ai jamais baissé les bras, même si le combat est assez inégal, seul face au virus et à une gestion très surprenante. Par contre, il est vrai que je n’ai jamais cessé (au risque de me répéter) de dénoncer ce qui me semblait être une exécution en bonne et due forme. Je ne « radote » pas, j’exprime avec force et détermination une juste et saine colère, ce qui ne m’empêche pas d’être combatif, bien au contraire.

J’ai essayé durant ces dix-huit mois, de sauver l’essentiel, en appliquant les principes de non-opposition à la force brutale, de façon à pouvoir rebondir (bien que je ne sois pas un ballon). La première étape sera un stage proposé le 26 septembre à Paris. Ce sera déjà un bon début !

La rentrée, quelle rentrée ?

Dans une semaine, ce sera la rentrée. Quelle rentrée, pour quelle saison ?

Sans faire preuve de pessimisme, juste de réalisme, il faut avouer que l’on risque de vivre une troisième saison compliquée, la rentrée ne va pas être facile. J’y vois trois principales raisons : l’incertitude, l’état des lieux et le potentiel. Les trois étant intimement liés.

D’abord l’incertitude. Malgré le vaccin, le passe-sanitaire, les gestes barrières, et autres sacrifices, nous ne sommes toujours pas sortis d’affaires.  Le doute qui plane à propos de cette quatrième vague, ne va pas favoriser les engagements pour une saison sportive et au moment où j’écris ces lignes l’assurance de pouvoir reprendre normalement n’est pas acquise, il règne une certaine confusion dans les consignes et on ne peut pas affirmer que la confiance se soit installer. On commence aussi à évoquer une cinquième vague !

Ensuite, lorsque l’on fait l’état des lieux, il faut reconnaître les dégâts. Il ne s’agit pas simplement de mots ou de pronostiques, mais de faits et les faits sont têtus ! Pour utiliser une expression à la mode : « c’est factuel » : des clubs  privés fermés définitivement, des structures municipales touchées avec des professeurs en mal de travail, des bénévoles démotivés (des sujets qui semblent être occultés) et la mise en place délicate de certaines règles liées au protocole sanitaire. Que ce soit pour les clubs municipaux ou, pire encore pour les dojos privés, être ouvert est une chose, avoir suffisamment d’adhérents pour le rester, en est une autre. Et puis, des chiffres circulent sur les pertes abyssales concernant les licences des grandes fédérations lors de la saison dernière. Qui pourrait s’en étonner, d’ailleurs ? Il faut aussi faire avec l’affrontement des pro-vaccins et des anti-vaccins ou anti-passe sanitaire qui s’est invité dans notre milieu.

Enfin, le potentiel, justement.  Comme déjà évoqué, est-ce qu’il y aura suffisamment de pratiquants pour que cette nouvelle saison soit viable (surtout pour les structures privées) ? Les nouveaux seront-ils au rendez-vous pour pratiquer des disciplines on ne peut plus « au contact » ?  Pareil concernant les réinscriptions, lorsque l’on sait qu’avant la pandémie, il fallait renouveler environ la moitié de l’effectif chaque année (moyenne nationale). Les abandons ont toujours été nombreux pour différentes raisons, bonnes ou mauvaises ! Enfin, il faut espérer ne pas être confronté à de nouvelles restrictions, prochainement.

Je ne souhaite qu’une seule chose, c’est de ne pas avoir raison. Ces quelques lignes n’ont pas pour vocation de décourager, mais simplement « d’envisager » de façon à ne pas être surpris et à continuer le combat, même s’il est inégal. Il faut espérer que le combativité, la volonté, les capacités d’adaptation aux situations périlleuses et bien d’autres qualités dont les pratiquants et les enseignants d’arts martiaux ne sont pas dépourvus, suffiront pour sortir de cette situation insupportable, qui n’en finit pas.

Alors, croisons les doigts et souhaitons-nous une bonne rentrée. Pour ce qui me concerne, sans lieu d’enseignement (viable), forcément elle aura le goût de l’amertume et du gâchis, sans pour autant perdre l’espoir et en estimant qu’il n’est pas possible d’en rester là, qu’une telle injustice ne peut pas gagner !

Stages d’été : le Golfe bleu, première partie

Impossible d’évoquer les stages d’été sans parler du Golfe Bleu. J’ai déjà eu l’occasion de consacrer quelques articles à ce lieu mythique qui a vu passer des centaines et peut-être même des milliers de judokas, de pratiquants d’autres budos, mais aussi de volleyeurs, de pongistes, de plongeurs, etc. Et tout simplement  de vacanciers. Du début des années 1950 jusqu’au milieu des années 1980, tous ceux qui y sont venus ne serait-ce qu’une fois, gardent des souvenirs qui ne périront jamais. Je sais, je suis bien placé pour l’affirmer. A titre personnel c’est environ une dizaine d’étés que j’ai passé en entier ou en partie.
Je vous laisse découvrir ou relire la première partie l’article que j’avais déjà consacré à cet inoubliable « Golfe bleu ».

Aujourd’hui direction le soleil et la Provence. Exactement à Beauvallon-sur-Mer, un hameau situé sur la commune de Grimaud,  juste à coté de Sainte-Maxime et en face de Saint-Tropez.

C’est un voyage vers le soleil et dans le temps que je vous propose en vous emmenant, quelques décennies plus tôt, dans un lieu magique qui malheureusement n’existe plus : le Golfe Bleu.

À l’initiative de Gérard et Armande Néél, couple de professeurs de judo au fort tempérament, fut ouvert dans les années 1950 un centre de vacances sur le modèle du « Club Med ». Nous étions à 300 mètres de la mer, au milieu d’une forêt de mimosas, de chênes-lièges et de pins parasols.

Le  couple avait comme projet de rassembler durant l’été des judokas et leurs familles pour des périodes d’une semaine ou plus. Le centre fonctionnant du 15 juin au 30 septembre. Au début, l’hébergement – quelque peu spartiate – se faisait dans des paillottes avec de la terre battue comme revêtement de sol ! Un tatami, protégé par un toit, mais ouvert sur les côtés, se trouvait au centre du village de vacances.

Deux heures de techniques tous les matins et… deux heures de randoris toutes les fins d’après-midi, tel était le programme des stagiaires. Pour encadrer tout cela, ce sont les meilleurs champions qui sont passés par ce lieu, ceci jusqu’à la fermeture du centre à la fin des années 1980 !

Mais ce sont les débuts de l’aventure qui sont assez fascinants et qui me laissent tant de souvenirs. En effet, mon père faisait partie de l’encadrement des premières années, avec bien sûr son « alter-ego » Henri Courtine et le fameux géant néerlandais (un pléonasme) Anton Geesink. Le centre recevait des  judokas de toute l’Europe, et même de plus loin. Souvent des équipes nationales venaient préparer les saisons suivantes. Dans ce lieu unique  une ceinture jaune pouvait faire le combat de sa vie avec un Champion du monde.

Pour ma part et à l’âge qui était le mien, il ne s’agissait pas d’entraînement, mais tout simplement d’un endroit, ou pendant une petite dizaine d’années, j’ai vécu, de juin à septembre (à l’époque la rentrée des classes se faisait vers le 21 septembre) des vacances que je peux classer parmi les plus beaux moments de ma vie. Elles m’ont permis d’assister à des combats d’entraînements d’anthologie, de côtoyer les sommités du judo et des arts martiaux, de créer des amitiés indéfectibles et de faire de cette région ma région de cœur.

Aujourd’hui, un célèbre promoteur a mis fin à la colline magique. Seul rescapé, le restaurant-plage « Le Pingouin bleu », tenu par Pierrot, le fils de la famille. Si un jour vous passez par là, n’hésitez pas, vous serez bien accueillis et vous serez à quelques pas d’un lieu chargé d’une histoire comme on n’en connaîtra plus !

(Très vite, la seconde partie)