Atemi ju-jitsu, un peu d’histoire

Un peu d’histoire, (Pas si lointaine.)

A la fin des années 1970 le judo devenait très populaire au profit de l’aspect sportif, mais au détriment de l’aspect traditionnel et utilitaire. La mise en place des catégories de poids a permis à davantage de compétiteurs de pouvoir s’exprimer, mais en effaçant un peu le côté mythique et magique « du petit qui pouvait battre le grand ».

Si le judo s’imposait comme une excellente méthode d’éducation physique et mentale en direction des enfants, il perdait de son influence auprès des adultes en quête d’une méthode de self défense. D’autres disciplines, venant d’Orient, commençaient à occuper les tatamis : l’Aïkido offrait un aspect traditionnel recherché par certains et le karaté représentait pour beaucoup un moyen efficace de se défendre, notamment  à l’aide de ses « atemi » (coups portés).

Mon père, Bernard Pariset, après une carrière exceptionnelle de judoka se consacrait à son dojo parisien de la rue des Martyrs. Ainsi, il était à l’écoute de néophytes adultes souhaitant pratiquer un art martial. Or, il constate que les demandes de renseignements affluent en direction… du karaté. Nullement jaloux de cet état de fait – il y avait une section karaté dans le dojo – il pensait néanmoins que c’était dommage, puisque dans  notre discipline existait un secteur qui avait été délaissé : l’atemi-waza.

Fort de ce constat, il réussi à convaincre Henri Courtine, à l’époque directeur technique national de la F.F.J.D.A., de mettre en place une progression ju-jitsu en parallèle à celle du judo et dans laquelle serait revalorisée la famille des coups : « l’atemi-waza ». Pour marquer les esprits, il décida d’appeler cette méthode « atemi-ju-jitsu ».

Il n’était pas question de révolution, mais d’adaptation. Les atémis que l’on retrouvait dans les différentes écoles de ju-jitsu méritaient une remise à jour, les autres disciplines comme le karaté l’avait d’ailleurs opérée, quelques temps avant.

L’idée était très simple : il suffisait de prendre la progression de judo de l’époque et de mettre en face de chaque technique son application en self-défense en la renforçant avec un « atemi », quand c’était utile et possible. Cela n’avait rien d’hétéroclite dans la mesure où les projections puisent leurs origines dans la self défense ; on le prouve facilement en prenant une seul exemple : hiza-guruma sur une poussée de face aux épaules.

L’objectif étant de faciliter la tâche des professeurs en leur  proposant un moyen « clefs en mains » de satisfaire une population qui, soit avait passé l’âge d’affronter un entraînement physique parfois trop important, ou bien tout simplement qui n’en n’avait pas l’envie.

De fait, cette population restait dans la famille « judo ju-jitsu ».

Sur le plan purement technique, je peux attester que les enchaînements coups-projections-contrôles sont d’une parfaite compatibilité et offrent une efficacité incontestable. On restait aussi  dans les mêmes attitudes, au niveau des gardes par exemple, il n’y avait donc aucune difficulté pour passer de l’un à l’autre et inversement : du ju-jitsu au judo et le contraire.

Au milieu des années 1970, le projet s’est concrétisé, il a connu un vrai succès dans les années 1980. Dans beaucoup de dojos on a assisté à l’éclosion de nombreuses sections « atemi-ju-jitsu », avec une quantité de pratiquants dépassant les espérances. Ainsi judokas et jujitsukas se rassemblaient sous une même bannière et sous le même toit, avec deux options, mais un même état d’esprit, une complémentarité et une interchangeabilité constructive.

Malheureusement parfois le succès fait peur et beaucoup y ont vu une concurrence potentiellement  nuisible au judo, alors que l’objectif était exactement l’inverse. Peut-être est-ce que cela a été mal compris ou pas voulu être compris ? Toujours est-il qu’à partir du milieu des années 1990 une gestion radicalement différente a été mise en place. Les programmes des passages de grades sont devenus davantage judo que ju-jitsu et le peu qui restait du ju-jitsu était différent dans la forme et dans l’esprit. Et puis, l’apparition de compétitions d’affrontement direct allait à l’encontre de l’objectif initial, à savoir de proposer une discipline à but non compétitif, comme doit l’être un art martial traditionnel. De fait, l’introduction de compétitions en ju-jitsu peut devenir une concurrence au judo. Et puis, à partir du moment où existent des compétitions dans une discipline, les professeurs ont tendance à n’enseigner que les techniques autorisées dans ces affrontements. Ce qui entraîne la suppression de techniques efficaces en self défense.

En abandonnant l’aspect utilitaire, ou tout du moins en le négligeant, on se prive d’une population qui va voir ailleurs.

Devant ces bouleversements et mon incapacité à me résoudre à abandonner ce que j’avais appris, démontré et enseigné, et ne me retrouvant ni dans la forme, ni dans le fond des nouvelles orientations, j’ai décidé de prendre mes distances en 1995. J’étais dans l’impossibilité de renier mes convictions. Non pas par manque d’ouverture d’esprit, ni de renoncement à évoluer (d’ailleurs de mon point de vue, il ne s’agissait pas d’une évolution) mais, en plus de la fidélité à des convictions, il s’agissait tout simplement de pragmatisme, puisque les clubs qui avaient ouvert de  telles sections connaissaient un énorme succès. Alors, pourquoi ce changement ? Je me pose encore la question.

En illustration de cet article, on trouve les couvertures des premiers ouvrages consacrés à cette méthode. Celui qui présente le travail debout  est de 1976, le second consacré au travail au sol doit dater de 1983.

www.jujitsuericpariset.com

Nage-waza, techniques de projections

Après avoir évoqué l’atemi-waza la semaine dernière, place au nage-waza (techniques de projections).

Les projections sont un domaine majeur, que ce soit en judo (qui pourrait l’ignorer), mais aussi en ju-jitsu self défense (qui pourrait remettre en cause leur efficacité, mis à part ceux qui ne les maîtrisent pas).

Elles sont  nombreuses, elles permettent de répondre à beaucoup de situations et tous les gabarits peuvent s’y exprimer ; il y en a pour les grands et pour les petits. Elles offrent une multitude de combinaisons, d’enchaînements, mais aussi un esthétisme incontestable pour beaucoup d’entre elles. A l’occasion de mes démonstrations les projections occupaient une place importante ; elles ont largement contribué à l’aspect spectaculaire de ces prestations. Enfin nous trouvons beaucoup de plaisir dans leur réalisation.

L’efficacité, l’esthétisme et le plaisir éprouvé lors de leur pratique sont les trois raisons qui me font aimer ce domaine qu’est le nage-waza.

Les projections peuvent être tout à la fois efficaces et esthétiques. Leur maîtrise parfaite demande beaucoup de travail, de persévérance et de rigueur, mais quelle merveilleuse récompense que celle de réaliser un bel uchi-mata, par exemple. Coté efficacité, elle est incontestable, à moins de n’avoir jamais chuté et par conséquent ne pas pouvoir imaginer les conséquences d’une « réception » sur un sol dur.

Toujours concernant l’efficacité, le principal intérêt des projections, en plus du corps à corps où elles sont indispensables, réside dans le fait qu’elles ont été conçues pour être appliquées en utilisant des principes et des mécanismes qui ne demandent (à l’origine) que peu ou pas de force, répondant ainsi à une des maximes de Jigoro Kano « minimum d’effort et maximum d’efficacité ». Cela permet aux plus petits de se débarrasser des plus grands. Pour cela il faut juste être en capacité d’exécuter le bon geste au bon moment, cela s’acquiert à force de répétitions. Le premier de ces principes consiste à utiliser la force de l’adversaire. Il y en a d’autres comme celui de l’addition des forces, de bascule au-dessus du centre de gravité, de supprimer des points d’appui, etc.

L’utilisation des projections sera différente selon que l’on se situe dans le domaine du ju-jitsu self défense ou en opposition lors de randori ou compétition de judo.

En matière d’auto-défense l’application se fera la plupart du temps directement. Exemple : l’adversaire vous pousse, vous appliquez hiza-guruma. Pour les néophytes, il s’agit d’une projection qui consiste à « offrir » le vide devant celui qui porte l’attaque, en ajoutant à sa poussée une traction dans la même direction, tout en lui « barrant » le bas de son corps au niveau des jambes (une sorte de « croche patte amélioré »). Toujours en self défense, elles s’enchaînent parfaitement après un coup (atemi). On trouve beaucoup de parallèles entre les coups et les projections au niveau de la « forme de corps », cela ajoute à leur combinaison.

Dans le randori et à fortiori en compétition de judo, les deux protagonistes maîtrisant d’une part l’art des projections et d’autre part s’attendant à tout moment à devoir faire face à une attaque de ce type, la concrétisation se fera avec les notions d’enchaînements, de confusions, de contre prises, etc. Pour maîtriser parfaitement ce domaine un jujitsuka ne devra pas négliger l’ensemble des méthodes d’entraînement qui permettent d’envisager des réactions de la part du partenaire.

Enfin, concernant l’aspect ludique (à l’entraînement évidemment) il est bien réel, à condition qu’il soit partager avec un partenaire qui « parle la même langue ». C’est-à-dire qu’il soit dans le même état d’esprit axé sur l’initiative, la construction d’enchaînement et non pas dans l’opposition systématique.

Justement, lors des randoris – une des principales méthodes d’entraînement de ce secteur – on s’attachera à favoriser un travail tout en souplesse, en déplacement, axé sur l’initiative davantage que sur la défensive. Le but étant de faire tomber l’autre, plutôt que de ne pas tomber. Les contre prises seront davantage envisagées en sen-o-sen (l’attaque dans l’attaque). Pour cela on utilisera la maîtrise technique, la vitesse, les fautes du partenaire, celles qui sont directes ou celles que l’on a provoquées à l’aide de feintes et de confusions. C’est une sorte de jeu dans lequel on trouve beaucoup de plaisir, de satisfaction, à la condition de ne pas être celui qui chute tout le temps ! Cela doit se concevoir sans aucune intention d’humilier le partenaire (encore moins de l’écraser) mais simplement de progresser.

Le nage-waza est aussi le secteur qui comporte le plus de techniques et par conséquent d’enchaînements et de combinaisons possibles.

C’est donc un domaine efficace, spectaculaire et enthousiasmant. Sans oublier le développement physique qu’il ne manquera pas d’apporter et l’épanouissement du à l’expression corporelle. Cependant, il faut répéter qu’il s’agit d’un secteur qui demande beaucoup de travail. Un travail largement récompensé.

Ippon-seoi-nage, sode-tsuri-komi-goshi, ko-uchi-gari et yoko-tomoe-nage sont les projections que j’affectionne tout particulièrement. Les initiés reconnaîtront ces grandes techniques.

Enfin, il aurait inévitablement manqué quelque chose à mes démonstrations si les projections  n’existaient pas !

www.jujitsuericpariset.com

Un petit tour par la rue des Martyrs

Des dojos, j’en ai fréquentés et dirigés beaucoup, pour étudier, me perfectionner, m’entraîner, transpirer et bien sûr enseigner.

Le premier a été celui de la rue des Martyrs, dans le neuvième arrondissement parisien, le célèbre « Club français » ! Fondé juste à la fin de la seconde guerre mondiale par Roger Piquemal, professeur de sports converti au judo, ce lieu a marqué beaucoup de pratiquants.

C’est dans cet endroit que j’ai revêtu mon premier judogi, j’y ai appris mon métier et j’ai commencé à l’exercer. C’est là aussi, en 1947, que mon père, Bernard Pariset, a débuté le judo, intrigué et fasciné, comme beaucoup de ses contemporains, par cette « lutte mystérieuse » venue d’orient et grâce à laquelle les plus petits pouvaient faire tomber les plus grands. Il ne s’en n’est pas privé tout au long de sa carrière.

Situé au cœur de Paris, tout en bas de cette rue des Martyrs qui traverse une partie du IXème arrondissement pour se terminer au pied du Sacré-Cœur, le Club Français a été l’un des premiers clubs de judo et de ju-jitsu ouverts dans notre pays, mais aussi l’un des plus célèbres des débuts de l’histoire des arts martiaux en France. Pas seulement pour ses résultats sportifs, mais aussi pour la qualité de l’enseignement dispensé et pour les nombreuses personnalités reçues. Bref, pour l’ensemble de son histoire.

Minoru Mochizuki ( immense personnalité des arts martiaux) a séjourné dans l’appartement situé au-dessus. Pendant une période les entraînements de l’équipe de France de judo s’y déroulaient. Une des premières sections de karaté a vu le jour sous la houlette de Jacques Delcourt, le président historique de la Fédération française de cette discipline.

Au début du XXème siècle, ce vaste local avait déjà été une salle de sport. A l’origine ce devait être une cour commune à plusieurs bâtiments, avant d’être un lavoir et/ou des écuries.

Puis il est devenu un endroit où l’on pratiquait de la « Culture Physique », mais aussi de la Boxe anglaise. En effet, il n’y pas si longtemps le nouveau propriétaire qui gère un cabinet d’architecte a découvert, en retirant les couches de feutres et la bâche qui les recouvraient (les tatamis n’étaient pas les mêmes qu’actuellement), qu’un ring de boxe y avait été installé au milieu. Quatre plaques de fer rivées dans le plancher et sur lesquelles devaient être fixés les poteaux qui formaient le carré en attestent.

Au milieu des années 1980, alors que j’étais en plein cours, un beau matin une dame âgée entre dans le dojo et m’informe que, bien avant la seconde guerre mondiale, cette salle appartenait à la famille Rothschild et que tout au fond, dans un espace clos, pour ne pas dire caché, étaient dispensés les tous premiers cours de judo en France. Cette dame m’avait également appris que l’appartement qui surplombait le dojo, et qui avait été successivement celui de Roger Piquemal, puis celui de mon père, était une mezzanine qui accueillait les visiteurs. De cet endroit, ils pouvaient assister aux entraînements en toute convivialité, autour d’un verre.

Fermé durant le second conflit mondial, le local a été repris par Roger Piquemal en 1944. Il en a assuré la direction jusqu’en 1954, l’année de sa disparition. A compter de cette date, c’est mon père qui a pris le relais – et de quelle manière – jusqu’à sa propre disparition en 2004.

A partir de l’âge de cinq ans j’y ai commencé une pratique avec plus ou moins de plaisir. Comme il s’agissait du métier de mon père, je devais y voir une certaine forme d’obligation, je dois avouer que l’enthousiasme n’était pas toujours au rendez-vous, même si je faisais preuve de régularité.

Ce n’est qu’à l’adolescence que la plus grande partie de ma formation s’est faite et que j’ai découvert une passion qui ne s’est jamais éteinte.

J’ai exercé mon métier rue des Martyrs jusqu’en 1989 ; ensuite, j’ai souhaité prendre mon indépendance.

Tout a une fin en ce bas Monde et le dojo mythique a fermé ses portes en 2005, un an après la disparition de mon père. Ne bénéficiant pas d’issue de secours et face à l’impossibilité d’en créer une, il a fallu se faire une raison et s’incliner devant des mesures de sécurité de plus en plus importantes ; ce lieu ne pouvait plus recevoir du public, tout du moins au dessus d’un certain nombre, ce qui condamnait sa survie. Plusieurs années après, je ne peux l’oublier.

Aujourd’hui, c’est une architecte talentueux qui a investi les lieux pour y installer ses bureaux et son appartement.

La première photo d’illustration présente le dojo au début des années 1950. La seconde à la fin de ces années-là.

Sur la première il s’agit d’une vue d’ensemble prise de la mezzanine. On y voit sur le mur du fond la photo grandeur nature de Roger Piquemal, le maître des lieux de l’époque et sur la droite, debout, mon père qui donne son cours. A l’époque il n’était pas encore le patron, mais le professeur principal. A noter les judogi pendus sur les côtés. Très peu de pratiquants possédaient leur tenue. Les kimonos ne devaient pas être lavés très régulièrement, ce qui expliquait une certaine odeur qui prenait à la gorge lorsqu’on entrait dans la salle.

La deuxième photo a été prise un peu plus tard. Père et fils dans la petite cours que l’on franchissait avant d’entrer et devant la vitrine dans laquelle on constate que le club s’est d’abord appelé « Club Français de Jiu-jitsu ». On y revient régulièrement à cet art martial indestructible qui bénéficie de la « force de sa vérité ». Voilà une formule que j’aime bien.

www.jujitsuericpariset.com

Non opposition

Au cœur de l’été, cédons aux rediffusions. Cependant ce n’est jamais inutile de mettre en avant quelques principes de base de notre discipline ; la non opposition en est un.

« Surmonter l’habitude d’employer la force contre la force est une des choses les plus difficiles de l’entraînement du judo (et du ju-jitsu). On ne peut espérer progresser sans y parvenir ». Jigoro Kano

Il serait dommage d’oublier que la non opposition est « le principe de base » du ju-jitsu, notamment celui de l’École traditionnelle Yoshin Ryu (Ecole du cœur de saule), l’une de celles qui avait largement inspiré Jigoro Kano lorsqu’il a souhaité « ressusciter » notre art martial. Malheureusement, parfois on a tendance à l’oublier.

Avec la non-opposition, nous sommes en présence d’un principe d’une grande intelligence. Il mériterait de ne pas être utilisé que dans les affrontements physiques, mais aussi au quotidien.

L’opposition frontale ne peut donner raison qu’au plus fort physiquement et dans la société elle ne débouche jamais sur un accord constructif. N’allons pas jusqu’à mettre en avant le dicton populaire suivant : « il vaut mieux céder à l’âne que le tuer », mais on peut s’en inspirer.

Plusieurs principes sont attachés au ju-jitsu, mais celui de non opposition régit les autres : addition de forces, utilisation de celle de l’adversaire, action réaction, etc.

Ces principes ne sont applicables qu’en association avec celui de non opposition.

Il s’agit tout simplement de se retirer de la trajectoire d’une force qui avance sur nous.

Ensuite, première possibilité, sans s’en occuper davantage, la laisser s’éteindre dans le vide.

Autre possibilité (si l’on veut maîtriser celui qui attaque), celle qui consiste à conduire la force en question, en y ajoutant la nôtre ; ce sont les principes d’utilisation de la force de l’adversaire et de l’addition des forces.

On peut aussi y ajouter simultanément un obstacle, au niveau des jambes de l’attaquant, par exemple, afin de le faire chuter. Cette dernière description, sommaire j’en conviens, pourra servir de première explication pour une technique comme hiza-guruma. Autre exemple avec tomoe-nage où on sacrifie son corps au détriment de celui qui attaque. Comme le démontre la  figurine qui illustre cet article. Figurine réalisée en son temps par mon père, Bernard Pariset.

Ce principe général de non opposition n’est en aucun cas un signe de renoncement, mais tout simplement l’incarnation du bon sens.

Force contre force, c’est forcément…le plus fort qui gagne. Et puis, utiliser la force de l’adversaire en commençant par ne pas s’y opposer, c’est aussi un moyen de ne pas gâcher sa propre énergie.

Cette non opposition, comme indiqué en introduction de cet article, est également utile dans les rapports humains, c’est ce que prônait Jigoro Kano, lorsqu’il disait : « Le conflit se fait au détriment de tous, tandis que l’harmonie se fait au bénéfice de chacun ».

Avec un peu d’entraînement, ce principe qui permet de vaincre la force brutale donne la possibilité à tous de ne pas subir la loi du plus fort est, de mon point de vue, sans jeu de mot, la principale force du ju-jitsu.

Terminons cet article avec une dernière citation : «Qui apprend à céder est maître de la force ». Lao Tseu.

www.jujitsuericpariset.com

Tel armurier, telle arme

Comme la semaine dernière,  c’est une belle petite histoire issue du savoureux livre « contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon » que je (re)propose aujourd’hui en guise d’article. Dans celle qui suit, il est question de l’esprit (le shin). L’aboutissement de notre travail semble, en effet, être le reflet de notre âme. Que cette lecture, au cœur de l’été,  entraîne une réflexion positive.

« Le sabre est l’âme du samouraï », nous dit l’une des plus vieilles maximes du Bushido, la Voie du guerrier. Symbole de virilité, de loyauté et de courage, le sabre est l’arme favorite du samouraï. Mais dans la tradition japonaise, le sabre est plus qu’un instrument redoutable, plus qu’un symbole philosophique : c’est une arme magique. Il peut être maléfique ou bénéfique selon la personnalité du forgeron et du propriétaire. Le sabre est comme le prolongement de ceux qui le manient, il s’imprègne mystérieusement des vibrations qui émanent de leur être. Les anciens Japonais, inspirés par l’antique religion Shinto, ne conçoivent la fabrication du sabre que comme un travail alchimique où l’harmonie intérieure du forgeron est plus importante que ses capacités techniques. Avant de forger une lame, le maître armurier passait plusieurs jours à méditer, puis il se purifiait en procédant à des ablutions d’eau froide. Revêtant des vêtements blancs, il se mettait alors au travail, dans les meilleures conditions intérieures pour donner naissance à une arme de qualité. Masamune et Marasama étaient d’habiles armuriers, qui vivaient au début du XIVe siècle. Tous deux fabriquaient des sabres d’une très grande qualité. Murasama, au caractère violent, était un personnage taciturne et violent. Il avait la sinistre réputation de forger des lames redoutables qui poussaient leurs propriétaires à de sanglants combats ou qui, parfois, blessaient ceux qui les manipulaient. Ces armes, assoiffées de sang, furent rapidement tenues pour maléfiques. Par contre, Masamune était un forgeron d’une très grande sérénité qui se livrait à un rituel de purification pour forger ses lames. Elles sont considérées aujourd’hui comme les meilleures du pays. Un homme, qui voulait tester la différence de qualité entre les modes de fabrication des deux armuriers, plaça un sabre de Marasama dans un cours d’eau. Chaque feuille dérivant à la surface, qui touchait la lame, fut coupée en deux. Ensuite, un sabre fabriqué par Masamune fut placé dans le cours d’eau. Les feuilles semblaient éviter la lame. Aucune d’elles ne fut coupée, elles glissaient toutes, intactes, le long du tranchant comme si celui-ci voulait les épargner. L’homme rendit alors son verdict : « La Murasama est terrible, la Masamune est humaine »

www.jujitsuericpariset.com

Une petite histoire (drôle et vraie)

Nous sommes au milieu des années 1980, à Paris dans le dojo mythique  de la Rue des Martyrs.

Ça se passe pendant le cours de 12 h 30. Dans ce quartier qui mélange habitations et bureaux, il y a beaucoup de monde à l’heure du déjeuner.

Je démontre une technique de défense sur saisie arrière à la gorge, avec coup de coude et ippon seoi nage. Je la démontre plusieurs fois avec les explications nécessaires.

Entre deux exécutions, alors que les élèves forment un cercle autour de moi, d’un seul coup je sens un avant bras qui vient se placer sur la gorge, exactement comme dans l’attaque dont je montrais la défense.

Sans réfléchir, et d’ailleurs sans l’atemi du coude, juste en basculant le haut du corps sur l’avant, en moins de temps qu’il faut pour le dire, voilà qu’une ceinture blanche (qui faisait un essai)  se retrouve à deux mètres devant moi, assis les jambes écartées après avoir fait une sorte de ricochet sur le tatami, tout ça sous le regard médusé des autres élèves. Qui a été le plus surpris ? Sans doute celui qui débutait ce jour-là.

Je lui demande spontanément pourquoi il a fait ça ?  Il me dit  « pour voir ». A quoi je lui réponds « et bien, vous avez vu ! ».

Ce jour-là j’ai eu la confirmation, si besoin était,  que les automatismes fonctionnaient à merveille. Il faut dire que le jeune homme – un peu inconscient – jouait de malchance, dans la mesure où ippon seoi nage était « mon spécial ».

L’individu en question s’est excusé et… s’est inscrit.

www.jujitsuericpariset.com

 

Le salut

C’est avant tout un signe de politesse, une marque de respect et une tradition qui ne doit jamais  être sacrifiée. C’est aussi un moment de brève et intense concentration  avant une démonstration, une répétition ou un combat. Et puis, un temps de courte réflexion dans l’instant qui suit ces exercices.

Dans les arts martiaux japonais, le salut est emprunté aux coutumes du pays. C’était tout simplement dans le quotidien la façon de se dire bonjour.

Nous utilisons le salut principalement de deux façons. Debout ou à genoux. Logiquement, avant et après avoir effectué un travail debout, on salue debout ;  il en est de même pour le travail au sol. Dans certains katas ce rite se pratique à genoux et debout pour d’autres.

Au début et à la fin d’un cours, face aux professeurs, il s’exécute  en principe en position agenouillée, mais rien ne s’oppose à ce qu’il soit réalisé debout (surtout si le professeur a mal aux genoux). La position des élèves les plus hauts gradés est toujours sur la droite.

S’il est incontournable, il doit se faire en respectant une bonne attitude. Il ne doit pas être bâclé. Tout d’abord, les protagonistes adoptent une tenue correcte, même après un combat. On prend le temps de se rhabiller, on ne salue pas débraillé. D’autre part, il ne s’agit aucunement de se satisfaire d’un vague mouvement de tête. On prend son temps pour incliner le buste vers l’avant, les mains glissant le long des cuisses en position debout et elles seront posées sur le sol dans la position agenouillée.

Entre élèves et après un travail ou un randori, il se suffit à lui-même. D’autres marques, ne sont pas indispensables, si sympathiques soient elles !

Il est de coutume également de pratiquer le salut en entrant dans le dojo. Il est vrai que cette tradition se perd, elle est remplacée par un seul salut, celui que l’on exécute  avant de monter sur le tatami. Mais l’un n’empêche pas l’autre.

Cet article permet aussi de rappeler que si certains rituels ne sont pas respectés dans nos disciplines à traditions, où le seront-ils ?

Encore une fois, il en est de la responsabilité du professeur. Il est aussi un passeur de valeurs, pas uniquement de techniques.

 

Le pari du vieux guerrier…

C’est avec beaucoup de plaisir que je publie, de temps à autre, une histoire issue du recueil de Pascal Fauliot « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Ces petites histoires nous offrent une belle matière à réflexion et nous rappellent que nos disciplines ne sont pas que de simples activités physiques.

 Le pari du vieux guerrier.

Le seigneur Naoshige déclara un jour à Shimomura Shoun, l’un de ses vieux samouraïs : « La force et la vigueur du jeune Katsushige sont admirables pour son âge. Quand il lutte avec ses compagnons il bat même les plus âgés.

Bien que je ne sois plus tout jeune, je suis prêt à parier qu’il ne parviendra pas à me vaincre », affirma le vieux Shoun.

Naoshige se fit un plaisir d’organiser la rencontre qui eut lieu le soir même dans la cour du château, au milieu d’un grand nombre de samouraïs. Ceux-ci étaient impatients de voir ce qui allait arriver à ce vieux farceur de Shoun .

Dès le début de la rencontre, le jeune et puissant Katsushige se précipita sur son frêle adversaire et l’empoigna fermement, décidé à n’en faire qu’une bouchée. A plusieurs reprises, Shoun décolla du sol et faillit aller rouler dans la poussière ; cependant, à la surprise générale, il se rétablissait à chaque fois au dernier moment.

Exaspéré, le jeune homme tenta à nouveau de le projeter en y mettant toute sa force mais, cette fois, Shoun profita habillement de son mouvement et c’est lui qui réussit à déséquilibrer Katsushige et à l’envoyer au sol.

Après avoir aidé son adversaire à demi inconscient à se relever, Shoun s’approcha du seigneur Naoshige pour lui dire : «Etre fier de sa force quand on ne maîtrise pas encore sa fougue, c’est comme si on se vantait publiquement de ses défauts. »    

Tori et Uke, amis pour la vie 

Tori et Uke sont deux personnages bien connus des pratiquants d’arts martiaux et notamment des jujitsukas. Pour les novices et afin de faciliter les présentations, nous pourrions expliquer que dans ce couple d’inséparables, Tori incarne « le gentil » et Uke « le méchant ».

Cette définition, même si elle facilite l’identification des rôles, est un peu simpliste dans la mesure où les deux protagonistes, dans ces positions interchangeables, sont complémentaires et non pas adversaires. Sans Uke, Tori n’existe pas. Dire que c’est Tori qui conclut une action est plus juste pour signifier les implications respectives.

Une traduction littérale nous révèle que Tori est celui qui « prend » ou « choisit » et Uke celui qui « reçoit » ou « subit ».

Dans la connivence qui unit ces deux personnages, il n’existe aucune rivalité, ils doivent être continuellement en quête d’une parfaite osmose.

Bien souvent c’est Tori qui attire davantage l’attention et le rôle d’Uke n’est  pas toujours considéré à sa juste valeur et parfois même il peut paraître ingrat. Or, son rôle est déterminant. C’est grâce à lui que Tori réalise ses progrès, qu’il peut ouvrir et élargir son champ des connaissances.

En plus d’une parfaite maîtrise de la chute,  Uke doit être capable d’adopter toutes les situations, les postures et les réactions qui peuvent se présenter à son partenaire. Il se doit d’être d’une disponibilité corporelle totale, malléable à souhait, dans le bon sens du terme. Il doit «jouer le jeu ».

Pour parfaitement maîtriser une technique ou un enchaînement, il est indispensable de pouvoir les répéter des dizaines, des centaines, des milliers de fois. Imaginons un seul instant le faire sur un mauvais partenaire, pire encore sur un partenaire qui résiste systématiquement ! Pas de répétition, pas de progrès.

Le rôle d’Uke étant déterminant, il serait presque préférable d’être d’abord un bon Uke avant de devenir un bon Tori.

Au-delà de cette constatation, somme toute assez logique, par l’intermédiaire de ce billet, c’est l’occasion de rendre hommage à ces personnages et de rappeler qu’entre eux il n’y a ni vainqueur ni vaincu, mais une victoire commune, celle de la conquête du savoir.

www.jujitsuericpariset.com

Les grades

Martial arts black belt knot

La semaine dernière, avec une actualité un peu compliquée, il n’y a pas eu l’article technique hebdomadaire. On se rattrape dès ce lundi avec quelques lignes consacrées aux grades.

Dans les arts martiaux, les grades occupent une place importante. Cependant, il ne faut ni les surévaluer, ni les négliger.

Ils permettent de situer le niveau de maîtrise technique et d’ancienneté dans la pratique, mais aussi d’évaluer le parcours du pratiquant, cela en fonction de la couleur de la ceinture qu’il porte autour de la taille.

Au début, les ceintures de couleur n’existaient pas, seules la blanche, la marron et la noire « tenaient » la veste du judogi. C’est à l’initiative de Maître Kawaishi , lorsqu’au milieu du siècle dernier il prit en main le judo français, que les ceintures de couleur ont fait leur apparition. Il avait bien compris l’esprit européen (et français en particulier) toujours friand de reconnaissances à arborer.

Jigoro Kano, fondateur du judo en 1882, a souhaité hiérarchiser les valeurs pour l’accession à ces différents niveaux avec le fameux « shin-gi-tai » ! Ce qui signifie : l’esprit, la technique et le corps. L’ordre établi n’est pas le fruit du hasard. L’esprit (le mental) arrive en premier, il nous habite jusqu’au bout. Ensuite, il avait placé la maîtrise technique, que l’on peut démontrer assez longtemps et enseigner tout le temps. C’est assez logiquement que le corps (le physique) arrive en dernier, avec l’âge, même si on en prend soin, le déclin est inéluctable.

L’expérience qui m’anime me fait dire qu’il y a deux ceintures très importantes dans la vie d’un budoka : la ceinture jaune et la ceinture noire. La ceinture jaune, tout simplement parce que c’est la première et la ceinture noire parce que, malgré tout, elle représente toujours un symbole très fort. Une sorte de graal !

Cependant, il ne faut pas oublier qu’elle n’est pas une finalité, mais simplement une étape importante. Elle est une belle récompense, la preuve d’une pratique qui s’est inscrite dans la durée, synonyme de rigueur. Cependant, elle doit représenter aussi un contrat signé avec l’art martial que l’on pratique et… avec soi-même. Un engagement qui signifie, qu’à partir de son obtention, s’impose le devoir de ne  jamais abandonner les tatamis, sauf cas de force majeur.

Les grades sont des encouragements à ne pas lâcher la pratique et même à la renforcer dans la dernière ligne droite de chaque préparation.

Dans un dojo, l’idéal est de retrouver tout le panel. Si un club « n’affiche » que des ceintures foncées, on peut se poser la question de la place réservée aux débutants. A l’inverse, s’ils n’y a pas de hauts grades, il est légitime de se demander si l’enseignement est adapté pour accueillir les « ceintures noires de demain ».

Certains assimilent les grades à des « hochets », ou bien leur donnent une connotation militaire et les négligent. Il est tout à fait possible de pratiquer et de s’en passer, mais nous sommes dans un système où ils existent et nous devons les accepter et les respecter. Même si parfois on peut s’interroger légitimement sur quelques attributions cocasses.

Peut-être que leur valeur prend vraiment son sens par rapport à l’organisme ou à la personne qui les décernent. De toute façon, arrivé à un certain niveau, le pratiquant ne peut pas tricher avec lui-même.

Quoiqu’il en soit, l’obtention d’un grade (mérité) provoque une grande satisfaction pour l’ensemble des pratiquants d’arts martiaux. Ne seraient ils qu’une motivation supplémentaire à poursuivre la pratique, leur utilité serait démontrée.

www.jujitsuericpariset.com