Un sourire dans l’été

Je ne résiste pas à l’envie de vous proposer un autre extrait du fameux livre Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon. Réfléchir sous le soleil (ou pas) n’est pas trop fatiguant et surtout utile.

Infaillible concentration

Sen no Rikyu demeure dans la mémoire des Japonais le plus illustre Maître de Cha no yu, le rituel du thé. Il était au service de Hideyoshi, le kampaku qui gouvernait le pays à l’époque.

Un jour, alors que le Maître Rikyu officiait au cours d’une cérémonie du thé, Hideyoshi fit remarquer à ses généraux : « Regardez bien Rikyu préparer le thé et vous constaterez que son corps est rempli de Ki, que ses gestes précis et mesurés sont comme ceux d’un grand guerrier, ils n’offrent aucune ouverture. Sa concentration est sans faille. »

Une idée traversa Kato Kiyomasa, fameux général : pour vérifier si ce que disait le kampaku était aussi exact qu’il voulait le faire croire, il décida de toucher l’officiant avec son éventail dès qu’une ouverture se présenterait. Pris au jeu, il se mit à observer attentivement Sen no Rikyu qui se trouvait juste à côté de lui. Au bout de quelques minutes, croyant percevoir une faille, le général allait pointer son éventail.  

A cet instant précis, le Maître de thé le regarda droit dans les yeux, en lui souriant.

Kiyomasa en eut le souffle coupé. Son éventail lui en tomba des mains.

 

Tout commentaire semble superflu !

Bonne fin d’été.

 

Stages d’été

Nous sommes au cœur de l’été et c’est à cette période que des années durant j’ai eu le plaisir d’animer des stages. Ces rassemblements permettaient d’associer plaisir, perfectionnement et vacances. Cela n’a échappé à personne que la dernière édition du célèbre stage qui se déroulait en Gironde à Soulac-sur-Mer remonte à 2010.

Il y a un lien direct avec cette « coupure » et les nombreux soucis issus du dojo parisien. Il était difficile d’être sur plusieurs fronts à la fois.

Maintenant que j’ai pu opter pour un autre rythme, il n’est absolument pas exclu que pour l’été prochain (2016), l’aventure recommence.

Il y a eu vingt-cinq années de stages à Soulac, mais il y a eu aussi, au tout début, Beauvallon-sur-Mer au célèbre Golfe bleu dans le magnifique département du Var. Puis Le Temple-sur-Lot en pleine campagne, au milieu des fruitiers et sur les bords de la rivière apaisante. Ensuite et surtout ce fut Soulac et cette adorable station balnéaire qui nous a offert la pureté de son magnifique océan et l’euphorie que cette immensité ne manque pas de procurer à tous ceux qui sont réceptifs aux beautés que nous offre la nature. Je n’oublie pas une semaine, en juillet 2009, durant laquelle nous sommes retournés sur les côtes varoises, plus exactement à Ramatuelle sur la presqu’île de Saint-Tropez. Tous ces stages ont laissé de beaux souvenirs à ceux qui ont eu la chance d’y participer. Quelle que soit la destination, nul doute que beaucoup seront heureux de renouer avec ces grands rassemblements.

Pour ce qui est de cette année, il est sûrement encore temps de s’inscrire au stage que l’EAJJ propose à Villefort dans le Lot, du 16 au 22 août, et qui sera dirigé par Christian Rassouw. Pour cela, rendez-vous sur le site de l’association : www.atemi-jujitsu.org

Bonne continuation à toutes et à tous.

Un mois, déjà !

Déjà un mois de passé depuis la cessation de mon activité au club de la Bastille. Un mois aussi nous sépare de la très chaleureuse soirée d’au revoir du 30 juin. Ce soir-là, la joie d’être réunis l’avait emporté sur la tristesse que peut engendrer toute séparation. Sans doute la présence de l’espoir répandant de bonnes ondes n’était pas étrangère à cette liesse.

Le dojo de la Bastille avait vu le jour en janvier 2004. Précédemment, c’est dans le XIIarrondissement que j’exerçais. Puis, ce club s’est révélé rapidement trop petit. L’envie de faire mieux et de proposer davantage de surface pouvait se comprendre. Mais, bien souvent, « le mieux est l’ennemi du bien », non pas que le succès ne fut pas au rendez-vous, mais des éléments négatifs se sont très vite abattus sur ce lieu. Tout d’abord – et surtout – à titre personnel, l’année 2004 fut marquée par la disparition de mon père.

Ensuite, il y a eu de nombreux problèmes. Ceux-ci n’étaient pas issus de la fatalité mais de la malfaisance ! Comme cela avait été déjà explicité, depuis 2010, j’ai livré tout seul un combat parfaitement injuste et déséquilibré contre la copropriété. Une décision qui portait sur la fermeture du passage dans lequel se trouve l’établissement avait été prise en assemblée générale, à l’unanimité, en 2010. C’est pour qu’elle n’aboutisse pas que j’ai agi. Cette mise en place aurait vraisemblablement condamné notre dojo. Il fallait à la fois gérer le club, ce qui je crois fut correctement fait, et livrer un combat qui n’aurait pas dû exister. (Ce combat aura eu au moins l’utilité de « déminer » et de faire en sorte que les successeurs, eux, ne connaissent pas les mêmes soucis.) Mais on ne sort pas indemne d’une telle bagarre qui aura duré une demi-décennie. Et puis, sur le long terme, une pratique sportive intense ne laisse pas intact, mais d’une certaine façon, elle est « légitime», si je puis dire. Donc, à une usure physique « normale » est venue s’ajouter une usure morale anormale. Toujours à propos d’usure, l’épaule devra attendre le mois de septembre pour se faire réparer. Des raisons d’organisation personnelle m’ont amené à reporter l’intervention.

Cela fait aussi déjà un mois que la nouvelle équipe, dirigée par Michel Dufloux, assume la suite, il est évident que je lui souhaite bonne chance et bon courage. Cette équipe est là pour prendre en charge la continuité de l’enseignement.

Pour ce qui concerne les projets personnels, ils sont nombreux, mais il existe un temps pour chaque chose. Par l’intermédiaire de ce blog et de ce que l’on appelle « les réseaux sociaux», vous ne manquerez pas d’être régulièrement informé aussi bien sur leur teneur que sur leur calendrier. A ce propos, ces dernières semaines, par mail, par téléphone, sur Facebook, sur le blog et à l’aide du livre d’or, j’ai reçu un nombre très important de messages, tous plus chaleureux les uns que les autres. Je profite de cette occasion pour adresser mes remerciements les plus sincères à leurs auteurs.

Je conclurai en écrivant qu’à cette époque de l’année, je pense à tous ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir profiter de l’été pour prendre des vacances afin de se dépayser et de se reposer. Je leur souhaite bon courage. A tous, je souhaite une belle fin d’été.

Eric Pariset

A quelque chose malheur…

Au cœur de l’été, un « peu de philosophie » ne peut pas faire de mal ! J’ai trouvé le récit proposé ci-dessous, adapté à beaucoup de situations vécues. J’ai voulu en faire profiter les fidèles lecteurs de ce blog. Ce conte est extrait d’un livre de Catherine Rambert : Petite Philosophie du matin, paru au Livre de Poche.

Le Paysan et le Sage

Au siècle dernier, dans un village du fin fond de l’Asie, vivait un vieux sage. Les habitants avaient l’habitude de le consulter pour lui soumettre leurs problèmes, et d’écouter ses conseils avisés. C’était un homme aimé et respecté de tous.

Un jour, un paysan du village vint le voir, affolé. L’unique bœuf qu’il possédait pour l’aider à labourer son champ était mort dans la nuit. Eploré, il se lamentait sur ce qui lui semblait être la pire des catastrophes.

                — Peut-être que oui… peut-être que non…, se contenta de dire le sage d’une voix douce.

Ne sachant que penser de cette réaction, le paysan s’en alla, perplexe. Quelques jours plus tard, il revint, fou de joie. Il avait capturé un jeune cheval sauvage et l’avait utilisé pour remplacer son bœuf et tirer la charrue. L’étalon fougueux facilitait les labours, tant il était vif.

                Le paysan dit au sage :

                — Tu avais bien raison. La mort de mon bœuf n’était pas la pire des catastrophes. Ce cheval est une bénédiction.

                — Peut-être que oui… Peut-être que non…, répondit le penseur avec douceur et compassion.

                En partant, le paysan se dit que décidément, le vieux sage était un homme curieux, puisqu’il n’était pas capable de se réjouir avec lui de sa bonne fortune.

                Mais quelques jours plus tard, le fils du paysan se cassa la jambe en tombant du cheval et dut s’aliter pendant plusieurs jours.

                L’homme retourna voir le sage pour pleurer sur cette nouvelle calamité. Son fils allait être immobilisé pour les moissons, et il craignait que sa famille meure de faim.

                — Quel malheur ! répétait-il.

               — Peut-être que oui… peut-être que non, opina tranquillement le sage.

                — Décidément tu ne sais dire que cela, s’énerva le paysan. Si c’est là tout le réconfort que tu me donnes, je ne viendrai plus te voir !

                Et il sortit, tout à sa colère.

                C’est alors qu’une terrible nouvelle se répandit dans le pays. La guerre venait d’éclater. Des troupes de soldats vinrent enrôler tous les jeunes hommes valides. Tous ceux du village furent contraints de partir vers une mort probable au combat. Tous, sauf le fils du paysan, toujours blessé.

                Ce dernier retourna une nouvelle fois chez le sage.

                — Pardonne-moi, implora-t-il. J’ai passé mon temps à me lamenter sur ce qui m’arrivait et à imaginer les pires catastrophes, alors que rien de tout cela ne s’est produit. Au lieu de rester calme, j’ai paniqué et je t’ai maudit. Je sais aujourd’hui qu’il est vain d’imaginer l’avenir, car on ne sait jamais ce que le futur nous réserve. Il faut garder espoir, tant il y a toujours de pire malheur que le sien. Enfin… peut-être que oui… ou peut-être que non.

                Et le sage sourit, plein de bonté et d’indulgence.

Voilà !

La suite…

Les seuls événements notables d’une vie sont les ruptures. Ce sont elles aussi qui s’effacent en dernier de notre mémoire. (Corian)
Il y eu tout d’abord cette annonce faite le vendredi soir après le cours de 19 h 00. Comme un fait exprès, un nombre exceptionnellement important d’élèves étaient présents. La lettre à leur attention qui les informait de la cessation de mon activité au sein du club avait été postée le matin même. Donc, ce soir-là, personne n’était  informé. J’avais pensé que ce serait bien d’anticiper de quelques heures la divulgation de l’information à l’aide d’un contact direct, tout du moins pour les présents à cette séance ! Je me doutais bien un peu que le club et le ju-jitsu revêtaient une certaine importance pour les élèves, sinon ils ne se seraient pas inscrits et surtout réinscrits au dojo. Mais je ne me figurais pas à quel point. Ce fut trente visages qui se sont brutalement allongés et un silence étonnant au travers duquel on aurait presque pu entendre les cœurs battre à l’unisson. Il y eut aussi quelques yeux mouillés. La tristesse et le désarroi transpiraient au travers des questions qui suivirent. Le deuxième temps fort, ce fut le lundi 15 juin, après la mise en ligne de l’article sur le blog, relayé sur les réseaux sociaux. 2 200 personnes « atteintes », comme ils disent sur Facebook, mais surtout des commentaires d’une extrême gentillesse.
C’est évidement réconfortant et très agréable. Mais au-delà de ce sentiment que l’on se doit de contenir, quelques réflexions me sont venues spontanément à l’esprit.
La toute première a été de penser que ce qui avait été fait ne l’avait pas été inutilement et qu’existait une reconnaissance pour ce travail. La deuxième fut de constater que j’avais de la chance. La chance d’appartenir à une catégorie de gens dont l’utilité du travail effectué se mesure directement ! Tout le monde ne bénéficie pas de ce privilège. Certains accomplissent beaucoup au travers de leur activité professionnelle, sans pour autant obtenir de reconnaissance. Et pourtant, bien souvent, ils sont un maillon indispensable d’une chaîne.
Ensuite, en rapport avec la deuxième réflexion, c’est d’avoir pu apporter un peu bonheur dans la vie de nombreuses personnes, ce n’est pas rien. Cela non plus n’est pas offert à tout le monde. 
Maintenant, il y a la déception, le désappointement ; certains ont la sensation d’être la victime d’une forme d’orphelinat ! Il va falloir franchir cet obstacle et tenter de trouver le bonheur dans ce qui se présentera.
En tout cas, je remercie très chaleureusement tous ceux qui m’ont apporté leur soutien et témoigné leur attachement. Et plus largement, je remercie ceux que j’ai pu croiser dans ma carrière et qui à un moment ou à un autre m’ont fait confiance. 
A ce propos, en prenant connaissance des commentaires, j’ai eu l’impression que certains pensaient que je raccrochais  définitivement le kimono. Qu’ils se rassurent, la page se tourne pour le dojo de la Bastille, pour les raisons expliquées dans le précédent billet, mais pas pour le ju-jitsu. Le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres. Une fois que l’épaule abîmée sera réparée, je vais pouvoir, du moins c’est mon souhait, poursuivre la transmission de ma passion pour le ju-jitsu d’une autre manière, par exemple au travers de stages en province (et en région parisienne). Tout du moins dans un premier temps.  Ensuite, tout est envisageable ! 
La fin de saison est là et avec elle l’été. Des billets d’humeur viendront garnir ce blog tout au long de cette belle période.  J’ai encore plein de choses à raconter ! Que ceux qui ont la chance de pouvoir profiter de ces moments au cours desquels le corps et l’esprit se reposent, ne s’en privent pas. Demain sera un autre jour avec son lot de surprises comme la vie ne manque pas de nous réserver.

www.jujitsuericpariset.com

Une page se tourne…

imageIl est des pages qui, en se tournant, font davantage de bruit que d’autres. Il y a de cela quelques semaines, j’évoquais sur ce même blog les années qui finissent par le chiffre 5, en faisant le constat qu’elles ont toujours été pour moi riches en événements, heureux ou malheureux ! Mais c’est ainsi. J’avais détaillé l’année 1995 et m’apprêtais à en faire de même pour 2005. Ce sera pour plus tard. En effet, aujourd’hui, c’est le présent et donc 2015 qui fait l’actualité et qui ne trahit pas ce fait. Le 1er juillet, dans quelques jours, je vais, comme on dit, passer la main ! En clair, je vais cesser mon activité au sein du club que je dirige à la Bastille ; une nouvelle équipe prend la suite. L’endroit restera un club d’arts martiaux.

Pourquoi cela ? Tout d’abord parce qu’il fallait bien que cela arrive un jour ! Et que, tant qu’à faire, ce genre d’événement, tout comme bien d’autres, se supporte mieux lorsqu’il n’est pas subi. Ensuite, ayant commencé à enseigner à l’âge de 18 ans, depuis quelques années déjà l’envie, et pourquoi ne pas l’avouer, le besoin de travailler de façon différente et plus mesurée se faisait ressentir. Simplement, on ne peut pas toujours tout prévoir et au cours de la vie, le facteur chance entre bien souvent en ligne de compte. Par la faute d’un conflit, qui n’aurait jamais dû exister et qui m’a opposé à la copropriété de l’immeuble qui abrite notre dojo bien-aimé, j’ai perdu énormément de temps et d’énergie. Un combat parfaitement inégal, ou malheureusement le principe d’utilisation de la force de l’adversaire n’a pu être appliqué. Tout cela a repoussé une transmission qui aurait été moins brutale dans un contexte normal. Aujourd’hui se présente une opportunité que je ne peux me permettre de ne pas saisir. Certains seront surpris par la rapidité des événements, mais tant que n’existait aucune certitude, et pour des raisons évidentes, il n’était pas possible d’annoncer quoi que ce soit. Et puis, cela correspond à la fin d’une saison. Il aurait été plus ennuyeux que cela se réalise au mois de février, par exemple.

Après plusieurs décennies consacrées à la pratique et à l’enseignement des arts martiaux, l’envie et le besoin de souffler quelque peu ne me paraît pas illégitime. Et puis, d’une part « le spectacle continue » à cet endroit et, de plus, je ne quitte pas les tatamis. Mon kimono, tantôt blanc et tantôt « bleu de travail », n’est pas mis au clou. Il me sera toujours utile, mais différemment. Il me permettra de retrouver les passionnés de ju-jitsu d’une autre manière. Il ne s’agit donc pas d’un véritable adieu.

Des milliers de cours, la formation de plusieurs dizaines de ceintures noires, des centaines de stages, un nombre important de démonstrations, de multiples fonctions au sein de différentes commissions techniques nationales, souvent la semaine en dojo parisien et les week-ends en stage ou en démonstration en province et à l’étranger, sans oublier les heures et les heures d’entraînements et une carrière de compétiteur en judo. Bref, après quatre décennies au service de l’art martial, un sentiment de mission accomplie ne m’est pas étranger. Mais un tel rythme n’est pas compatible avec une vie normale. Continuer à transmettre, mais de façon plus rationnelle, loin de la pression qui est exercée sur un chef d’entreprise me semble plus raisonnable ! (Echapper au « Syndrome d’Atlas ») ! Et puis même si notre discipline se pratique de façon civilisée et ne s’apparente pas à une « école de la violence », il n’empêche qu’il s’agit d’un art de combat dans laquelle existe un investissement physique important qui fatalement laisse quelques séquelles.

Concernant le dojo et surtout mes élèves, que j’ai pris soin de prévenir individuellement, je comprends le désarroi qui pourra être le leur. Comme beaucoup de séparations, celle-ci ne s’effectuera pas sans une certaine douleur, mais vraisemblablement la qualité des innombrables souvenirs qui ont marqué toutes ces années atténuera ce sentiment. Et puis, il ne faut jamais dire jamais et peut-être, un jour ou l’autre, « ici ou là » on se retrouvera !

Photo : Mark Eacersall, ceinture noire EAJJ

Site ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com

 

Traditions

Ne pas respecter certaines traditions dans le jujitsu dit « traditionnel » pourrait être surprenant. Or, parmi ces traditions existe le port de notre tenue appelée, par facilité, le kimono. J’avais consacré un article sur le sujet le 22 janvier dernier, donc je n’y reviendrai pas, si ce n’est pour confirmer ce qui y est écrit et enfoncer un peu plus le clou. Tant pis si ce n’est pas dans l’air du temps, mais il existe certaines habitudes et rites sur lesquels il ne me semble pas raisonnable de transiger. Sans pour autant jouer les pères fouettards, mais tout simplement en tant que « gardien du Temple », de façon à prévenir trop de dérives, surtout lorsque le curseur bascule à l’extrême en proposant une pratique avec des tenues diverses et variées, peu adaptées et parfois avec des chaussures sur un tatami. Vouloir se rapprocher de la réalité n’est pas forcément le bon argument à mettre en avant, la réalité étant la réalité, surtout si c’est pour bannir certaines règles, notamment sécuritaires et hygiéniques. Tout comme il est dommage, toujours au même titre, d’assister à des regroupements dans lesquels fleurissent également différentes tenues. J’ai moi-même pratiqué bon nombre d’arts martiaux, afin de satisfaire mon besoin de découverte, mais c’était à chaque fois dans la tenue de l’art martial en question, par principe.
Les traditions sont l’émanation du respect de règles et de dates, elles sont des points de repère. Elles imposent un devoir de mémoire et de rigueur. Pouvons-nous nous permettre de nous en passer ? Dans nos dojos, notre mission n’est-elle pas de les maintenir ?
Enfin, je pense que la tradition n’est pas dépassée ? et sans doute davantage à notre époque ? lorsqu’il s’agit de pratiquer dans des conditions entourées d’une certaine rigueur. Celle-ci favorise la concentration pour la recherche du détail et du geste précis, afin que la finesse technique prédomine, ce qui est un principe fondamental de notre art !
Site du club de ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com

« Le chemin des dans »

« La ceinture noire n’est pas un aboutissement, mais un accomplissement. » Cette réflexion émanant d’un de mes élèves, et que je me plais à citer régulièrement, me semble une évidence, encore fallait-il trouver les mots justes pour l’exprimer. Cependant, lorsque l’on analyse les chiffres et que l’on constate le peu de candidats aux dans supérieurs, comparativement au premier, on s’interroge. La belle expression prendrait alors la forme d’un vœu, mais elle ne reflète malheureusement pas la réalité. Comment se fait-il qu’une fois la ceinture noire atteinte, la majorité des pratiquants renoncent à gravir les autres échelons, alors que pourtant la  plupart continuent à s’adonner régulièrement à leur passion ?
J’y vois quelques raisons.
D’abord, pour le 2e dan, la couleur de la ceinture ne change pas. Elle restera noire jusqu’au 6e. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’à une époque florissaient des barrettes sur les ceintures, équivalentes au nombre de dans. Un peu comme à l’armée (!). Ensuite, dans les grades d’expression technique, nous proposons un programme chargé qui demande des sacrifices en matière de temps. Cela n’est pas forcément compatible avec la vie parfois compliquée de notre époque. Le souvenir d’incalculables heures de répétition, à peaufiner le moindre détail, à bachoter le programme par ceinture, à amortir les innombrables chutes, etc., tout cela nous hante quelque peu. L’on se dit que nous sommes repartis pour plusieurs mois. Et puis parfois, le partenaire avec lequel nous nous étions bien entendus lors des répétitions et avec qui nous avions partagé la liesse de la réussite, et bien ce partenaire a déménagé ! Alors la nécessité de repartir à la recherche du parfait binôme s’impose à nous. Et ce n’est pas si simple. Nous l’avions déjà évoqué sur ce même blog.
Et enfin, pour certains, la ceinture noire représente ? malgré tout ? une sorte de « bâton de maréchal ». Non pas un aboutissement signifiant l’arrêt des visites au dojo, mais le sentiment  (souvent inexact) que nous ne pourrons mieux faire, que nous avons atteint notre maximum. Des problèmes de santé peuvent aussi contraindre au renoncement.
A l’inverse, décider de passer les grades supérieurs, c’est se remettre en question, c’est s’astreindre à un entraînement encore plus régulier, donc à réaliser des progrès. C’est s’imposer de la rigueur en adoptant un rythme de répétions et c’est aussi s’assurer une bonne dose d’adrénaline à l’approche de l’examen (se faire un peu peur). Et enfin, en cas de succès, l’assurance de la satisfaction du travail accompli contribuera à notre bonheur. S’il y a échec, on mesurera notre taux de volonté à nous remettre très vite au travail.
En guise de conclusion, je dirai que dans les arts martiaux existe un système de grades, alors pourquoi ne pas se prendre au jeu, si la santé nous le permet ! Quoi qu’il en soit, passer les grades, ou pas, l’essentiel reste de pratiquer, d’être présent au dojo, ne serait-ce que pour aider les moins gradés. C’est une tradition propre à nos disciplines et il est indispensable que cela reste ainsi. Et puis, nous avons toujours à apprendre et à découvrir, quels que soient notre niveau et notre âge.
Site du club de ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com

Préférence

 

img153Avec le ju-jitsu, nous avons la chance de pratiquer une discipline on ne peut plus complète. Tout y est étudié : travail à distance, au contact, debout et au sol. Entre l’atémi-waza (le travail des coups), le nage-waza (le travail des projections) et le ne-waza (le travail au sol), chacun possède un terrain de prédilection et un secteur qu’il affectionne plus particulièrement. Souvent parce que l’on s’y sent plus à l’aise, mais parfois la fascination n’y est pas étrangère, ou encore l’aspect pratique et éthique.
Me concernant, je n’ai jamais caché que ma préférence allait vers les projections, avant le sol et le travail des coups.
Les projections représentent la perfection dans le domaine de l’efficacité en matière de corps à corps, dans la mesure où, lorsque certains principes de base sont assimilés, « tout le monde peut faire tomber tout le monde » et cela est fascinant. C’est là que le principe d’utilisation de la force de l’adversaire prend toute sa signification. Ensuite se dégage un côté artistique indéniable. Et puis, qui n’a pas connu l’intense émotion que représente une projection parfaitement réussie après un long apprentissage ne peut partager cette opinion. La récompense de l’assiduité et de la persévérance. On pourrait leur reprocher qu’en randoris (combats d’entraînement), elles peuvent être dangereuses, pour peu que l’on s’entraîne avec une brute ou un maladroit. Sur le plan purement utilitaire, elles nécessitent le contact, mais malheureusement (ou heureusement), on y arrive très vite… au contact !
Le travail au sol est différent dans la mesure où la vitesse n’est pas déterminante, au contraire de celui des projections et des coups. Par contre, il ne faut pas se leurrer, l’entraînement dans ce secteur est vorace en énergie. Mais du coup, il donne une excellente condition physique et participe à un développement harmonieux du corps. Une musculation naturelle, en quelque sorte ! Très peu de blessures sont à déplorer, il est l’un des secteurs dans lequel l’expérience joue un rôle inestimable et permet de s’exprimer très longtemps. Enfin, pour peu que l’on ait eu la patience d’acquérir une certaine maîtrise, il ne faudra surtout pas bouder le malin plaisir que l’on éprouvera en jouant « au chat et à la souris ». Côté pratique, et bien que ce ne soit pas dans ce secteur que débute un combat, son efficacité est incontestable en l’occurrence pour finaliser.
Quant aux atémis, leur étude est indispensable, mais bien plus encore l’est l’art de les éviter. Par contre, pour « doser » une riposte, il faut une très grande maîtrise. Pour ce qui est du plaisir éprouvé à l’entraînement, il sera essentiellement fonction du partenaire. C’est pourquoi il sera indispensable d’être dans un environnement dans lequel l’intégrité physique est une donnée primordiale. Il s’agit là d’un secteur dans lequel, sauf à se transformer en machine infernale, il est nécessaire de faire preuve d’un parfait contrôle, ce qui à la longue peut engendrer une certaine frustration. A l’inverse du travail au sol et du travail debout, dans lesquelles nous pouvons nous engager totalement et aller au bout de l’action. Enfin, les frappes au sol me gênent considérablement. Parce que, dans un affrontement, soit nous les portons à fond et c’est impraticable, soit elles faussent les données du combat.
Avant que s’exprime une préférence, il est nécessaire de tester tous les domaines ; notre art offre cette découverte. Et puis, chaque secteur a son utilité et enfin et surtout, il n’existe pas de bon ou de mauvais domaines, mais des bonnes et des mauvaises façons de les pratiquer.
Site du club de ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com

Encore un pont !

Samedi dernier était organisé un passage de grades EAJJ/FEKAMT à Paris. Sept candidats, cinq pour le 1er dan et deux pour le 2e, nous ont offert de belles prestations techniques. Résultats, sept reçus au grade supérieur. Concernant notre club, il compte désormais quatre nouvelles ceintures noires. Carine Polombo, Bastien Chanot, Mark Eacersall et Matthieu Gray auront l’honneur de porter cette ceinture emblématique. Les trois autres promus appartiennent au « club ami » de Drancy, dans lequel enseigne Pierre Tournet.
On a beaucoup écrit sur cette fameuse ceinture noire, notamment sur ce blog. Mais ne boudons pas notre plaisir en y rajoutant quelques lignes. En insistant peut-être sur le fait que l’accession à cette distinction n’est pas que le résultat d’un passage ponctuel, mais aussi celui de nombreuses heures d’entraînement et d’inlassables répétitions. Vous me direz que c’est une évidence ; sans travail, pas de résultat. Sans aucun doute, je ne soutiendrai pas le contraire. Mais justement, pour arriver à ce résultat, cela passe par un sacrifice en matière d’emploi du temps, tout du moins durant plusieurs mois avant la date fatidique. Un grade « compétition », comme il en existe en judo, se prépare à l’occasion des entraînements. Donc, pas de travail supplémentaire, si ce n’est de la régularité. C’est d’ailleurs dommage de franchir ces échelons – que le fondateur du judo voulait qu’ils soient la représentation de l’esprit, de la technique et du corps (Shin-Gi-Tai) – en se limitant aux performances essentiellement physiques. Mais revenons aux efforts qu’il faut consentir pour préparer notre ceinture noire (et la réussir). D’abord, il faut être arrivé à la ceinture marron, c’est-à-dire avoir pratiqué la même discipline plusieurs années durant, ce qui à notre époque est de plus en plus rare. Ensuite, il faut chercher un partenaire, le trouver, faire en sorte qu’il y ait des points communs, pas simplement sur le gabarit, mais aussi sur les emplois du temps respectifs. Etre prêt à sacrifier des grasses matinées, des soirées festives ou tout simplement familiales. S’astreindre à une régularité ainsi qu’à des efforts de mémorisation, de répétitions de chutes, d’imagination, etc. À partir de ce moment, une importante partie du grade est méritée et pour ainsi dire acquise. Reste l’autre, qui sera réussie le jour J, pour peu que le mental soit présent et qu’un malheureux grain de sable ne vienne pas enrayer la belle mécanique.
Le club a connu une belle semaine, elle s’annonçait relativement calme, pour cause de pont du 8 mai, et pourtant, un stage complet vendredi matin et un « carton plein » samedi après-midi ! Enfin, pour finir, un nouveau record en matière de personnes atteintes sur Facebook après la publication des résultats de samedi ! Vive les ponts !
Site du club ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com