Une nouvelle petite histoirre

Dans le recueil de contes que j’évoquais le 19 février dernier, il y a un chapitre consacré à l’art de vaincre sans combattre. J’avais alors proposé une petite histoire savoureuse :« Trois mouches », aujourd’hui il est question d’un coq. Je vous laisse découvrir ou redécouvrir ce beau petit conte, riche en enseignement et tout aussi savoureux !

Laisser mûrir le coq
« Le roi de Tcheou avait confié à Chi Hsing Tseu le dressage d’un coq de combat prometteur, qui paraissait doué et combatif. Le roi était donc en droit de s’attendre à un dressage rapide… et il ne comprenait vraiment pas que dix jours après le début de l’entraînement il n’ait toujours pas eu de nouvelles des progrès du volatile. Il décida d’aller en personne trouver Chi pour lui demander si le coq était prêt.
– « Oh non, sire, il est loin d’être suffisamment mûr. Il est encore fier et coléreux », répondit Chi.
De nouveau dix jours passèrent. Le roi, impatient, se renseigna auprès de Chi qui lui déclara :
– « Le coq a fait des progrès, majesté, mais il n’est pas encore prêt car il réagit dès qu’il sent la présence d’un autre coq. »
Dix jours plus tard, le roi, irrité d’avoir déjà tant attendu, vint chercher le coq pour le faire combattre. Chi s’interposa et expliqua :
– « Pas maintenant, c’est beaucoup trop tôt ! Votre coq n’a pas complètement perdu tout désir de combat et sa fougue est toujours prête à se manifester. »
Le roi ne comprenait pas très bien ce que radotait ce vieux Chi. La vitalité et la fougue de l’animal n’étaient-elles pas la garantie de son efficacité ?! Enfin, comme Chi Hsing Tseu était le dresseur le plus réputé du royaume, il lui fit confiance malgré tout et attendit.
Dix jours s’écoulèrent. La patience du souverain était à bout. Cette fois, le roi était décidé à mettre fin au dressage. Il fit venir Chi et le lui annonça sur un ton qui trahissait sa mauvaise humeur. Chi prit la parole en souriant pour dire :
– « De toute façon, le coq est presque mûr. En effet, quand il entend chanter d’autres coqs il ne réagit même plus, il demeure indifférent aux provocations, immobile comme s’il était de bois. Ses qualités sont maintenant solidement ancrées en lui et sa force intérieure s’est considérablement développée. »
Effectivement, quand le roi voulut le faire combattre, les autres coqs n’étaient visiblement pas de taille à lutter avec lui. D’ailleurs ils ne s’y risquaient même pas car ils s’enfuyaient dès qu’ils l’apercevaient. »

Envoyé de mon iPhone

Comme promis…

Henri Courtine

Comme promis un nouvel hommage, plus personnel, cette fois !

Dissocier Henri Courtine de mon père est impossible, le contraire l’est tout autant.
Mon chagrin en a été que plus important à l’annonce de sa disparition.

Il a été un champion au palmarès exceptionnel, son judo l’était tout autant, grâce à un style d’une grande pureté. Spécialiste, entre autre, des balayages, ce qui lui avait d’ailleurs valu la « une » d’un journal qui n’avait pas manqué d’humour : Courtine le « roi des balayeurs ».

Il y a eu le champion, le professeur, mais aussi le dirigeant qui a occupé des postes prestigieux en France, mais aussi au niveau international.

Cette carrière force l’admiration. Mais pour moi qui ai eu la chance de le côtoyer dans la sphère privée, il représente bien plus que tout cela. Celui qui fut l’adversaire de mon père sur les tatamis, mais aussi et surtout son meilleur ami dans la vie est devenu au fil des années mon « père spirituel ».

Nous avons eu un long parcours en commun.
Je l’ai connu alors que j’étais tout jeune enfant à Beauvallon-sur-mer, sur les bords de cette Méditerranée qu’il aimait tant. Précisément au camp de vacances du Golfe bleu où il dirigeait chaque été avec mon père et Anton Geesink le stage international.

Ensuite il a été mon professeur à la section judo du collège de Saint-Michel de Picpus à Paris. Cela me vaut d’avoir mes ceintures de couleur signées de la main de Bernard Pariset (naturellement mon premier et principal professeur) et de celle d’Henri Courtine (ils ne doivent pas être nombreux sont qui ont eu cette chance et cet honneur).

Puis, alors qu’il exerçait la fonction de Directeur technique national et qu’il avait validé la remise en valeur du ju-jitsu initiée par mon père, j’ai participé à l’élaboration de nombreux documents techniques sous sa responsabilité.

Ensuite nous nous sommes retrouvés sous les couleurs de la section judo du Stade Français. Lui président  et moi combattant.

Quand à la fin de sa carrière il a été nommé directeur du CREPS de Boulouris, nous avons eu à nouveau l’occasion de nous retrouver en Provence lorsque je participais à l’encadrement de stages fédéraux.

Je n’oublie pas les fois où j’ai été invité à passer quelques semaines de vacances en sa compagnie et celles de Micheline son épouse et de sa fille Catherine, à Sainte-Maxime, toujours dans le Var. Notamment en 1969, ce qui nous a valu d’assister ensemble en direct, le 21 juillet précisément (le jour de mes quinze ans) « aux premiers pas sur la Lune ».

Nous avons pu également faire quelques balades à cheval dans le beau département de l’Yonne, lorsqu’il venait passer quelques jours dans notre famille.

D’ailleurs si l’équitation était devenue la deuxième passion de mon père c’est grâce à Henri Courtine qui l’avait « trainé » un jour dans un ranch à Saint-Aygulf, pour occuper les « soirées d’après judo » du golf bleu. Il n’imaginait pas qu’ensuite, en plus de la direction de son club de la Rue des Martyrs à Paris, mon père allait créer un centre équestre à deux heures de la capitale.

A l’heure actuelle nous avons une propension à tourner trop rapidement les pages, à oublier nos aînés et ce qu’ils nous ont légué, faisons en sorte qu’il n’en soit pas de même pour le judoka qui m’a enchanté, le dirigeant que j’ai respecté et l’homme que j’ai admiré !

Sur la photo d’illustration (scène de la vie quotidienne au camp de vacances du Golfe bleu à Beauvallon-sur-Mer) déjà publiée dernièrement mais qui « colle » parfaitement à l’article, de gauche à droite : Mon père, Madame Courtine, Catherine Courtine, Henri Courtine, ma mère, votre serviteur et Massanori Fukami.

Des légendes…

Anton Geesink 1934-2010, Henri Courtine 1930-2021. Bernard Pariset 1929-2004. Ils ont marqué le judo européen à ses débuts. Depuis vendredi dernier et la disparition d’Henri Courtine, ils sont à nouveau  réunis. Nul doute que là-haut il y a un tatami pour qu’ils puissent faire randori !

Janvier 2020

Il y a un an, nous ignorions ce qui allait nous tomber sur la tête deux mois plus tard et l’ampleur du désastre.Nous ignorions  la chance qui était la nôtre de vivre une vie normale. Certes, les transports étaient paralysés dans notre pays depuis le début du mois décembre par la plus grande grève que notre pays ait connue, mais la vie continuait, nos activités étaient pratiquées comme c’était le cas depuis des lustres. A titre personnel, mon jeune dojo fêtait ses six mois d’existence et même s’il prenait presque tout mon temps, j’avais pu animer deux stages à l’extérieur durant ce premier mois de l’année.
Le premier, le dimanche 19 à Joigny et le deuxième, le week-end d’après aux Pays-Bas.

A chaque fois, c’est un plaisir de retrouver des personnes que l’on connaît depuis longtemps et qui font preuve de fidélité, mais c’est aussi l’occasion de découvrir de nouveaux visages. C’était le cas pour ces deux rassemblements.

A Joigny, dans l’Yonne, cela doit bien faire une trentaine d’années que je connais Michel Baillet. Il ne ménage pas ses efforts pour faire vivre dans sa région plusieurs styles de ju-jitsu (dont celui que j’ai le plaisir d’enseigner) et pour partager sa passion auprès de ses élèves.

Avec les Pays-Bas, c’est aussi une longue histoire. J’y suis allé à de nombreuses reprises, pour des stages, mais aussi pour des démonstrations. Dirk Klok est mon « correspondant », tout comme Michel Baillet en Bourgogne, il est devenu un ami. J’y ai aussi une histoire plus personnelle.

Ces journées de transmission technique, sont aussi des moments forts en échanges humains, dans un climat très chaleureux ; elles représentent une part importante de nos privations actuelles. Et puis,  j’y suis toujours extrêmement bien reçu. J’allais dire « j’y étais » comme si ce genre d’évènement (comme bien d’autres) appartenait définitivement au passé.

Chassons ces mauvaises  pensées et croyons que les budogi ne vont pas stagner trop longtemps dans nos armoires et que nous pourrons à nouveau les « malmener » dans des répétitions et des randoris qui nous manquent cruellement.

Drolatique

Nouveaux mots et nouvelles habitudes

Avant de se jeter à pieds joints dans la nouvelle année, évoquons celle que nous venons de quitter. Faisons-le avec un peu d’humour, même grinçant, il ne peut pas nuire. Le mal est déjà fait.

Durant cette année que nous venons, non pas de vivre, mais de subir,  nous avons assisté à la réapparition de mots que l’on croyait disparus à jamais,  à l’apparition de nouvelles appellations, ainsi qu’à  des expressions inédites, mais aussi à des habitudes originales et surtout à des  attitudes surprenantes. Je n’oublie pas l’accumulation des interdictions, jusqu’à celle de travailler : du jamais vu !

Voici quelques exemples drolatiques.

Concernant un mot que l’on croyait appartenir au passé, on trouve bien évidemment « confinement » ; il n’a  pas dû être utilisé depuis le moyen-âge.  Mais aussi  « laissez-passer » et « couvre-feux » ; ceux-là rappelaient aux plus anciens de tristes périodes. D’autres ont fait leur apparition, c’est le cas de  dé confinement, ou ont été inventés comme re confinement.  En espérant que re re confinement ne voit pas le jour. Pangolin, Wushan, télétravail, écouvillon se sont imposés dans le « top 10 ». De même que le fameux gel hydro-alcoolique, qui manifestement détient un puissant pouvoir d’addiction si l’on en croit l’impressionnante satisfaction émanant de certains lorsqu’ils se « frottent les mains » avec ce produit (c’est vrai qu’il y a, par définition, de l’alcool) !

Nous avons aussi utilisé des expressions et des mots qui n’ont pas manqué de surprendre, tant leur association  était spéciale et même parfois douteuse. La palme revenant à la « distanciation sociale », ou « distanciation physique » (pas mieux) : tout un programme. Les « gestes barrières » qui font penser que nous sommes considérés un peu comme des  bestiaux. Quant à la « jauge » c’est à se demander si de bête nous ne sommes passés à bagnole. Cela nous conduit à « cluster » qui rime avec « panzer ».
Enfin, il faudra oublier l’horrible et discriminant « non essentiel », surtout lorsqu’il est question de culture. Culture physique et spirituelle !

D’autres mots n’ont jamais autant été utilisés, comme la résilience et l’introspection. Ces deux-là n’ont d’ailleurs pas survécu au premier confinement.  N’oublions pas non plus le « prenez-soin de vous », aussi gentil et prévenant que surprenant !

Ensuite, il y a les comportements, les attitudes. Dès le premier confinement, alors que la pénurie de masques sévissait et que seuls quelques « privilégiés » pouvaient cacher leur visage, il arrivait de se faire traiter d’assassin, si nous étions dépourvus de cette muselière. Au minimum, on se faisait « fusiller du masque ». Je peux en témoigner, je n’aurais jamais pensé, quelques mois auparavant, être un jour qualifié de la sorte, juste en étant dans le rue (attestation en bonne et due forme dans la poche »). J’ai aussi assisté à de sérieux  accrochages  verbaux  pour cause de promiscuité trop importante, à des bons de quatre mètres sur le côté au moment de se croiser. La méfiance et même la peur étaient palpables chez les rares passants qui arpentaient les rues de nos villes transformées en « cités fantômes » (et qui le redeviennent petit à petit).

A propos des masques (outre le fiasco du printemps), on peut être surpris par certains comportements. Il y a ceux qui  l’utilisent, alors qu’ils sont seuls dans leur voiture, on n’est jamais trop prudent. D’autres le portent  sous le nez, tout en approuvant les restrictions et en donnant des leçons.

Ah, les donneurs de leçons ! Nous n’en avons pas été privés ! Sur bien des sujets, notamment économiques. Il est plus facile de prôner le black-out, quand on est assuré de toucher son salaire en fin de mois, quoiqu’il arrive (une autre version du « quoiqu’il en coûte », non suivi d’effet, par ailleurs) et que l’on pourra payer son logement et nourrir sa famille sans se retrouver à la rue ! Voilà le signe d’une solidarité à sens unique à laquelle s’ajoute parfois une compassion qui ne coûte pas cher.

Et puis, il y a ce que l’on risquait en termes de verbalisations : 135 euros si on était surpris assis sur un banc. En  cas de double récidive, cela pouvait conduire en garde à vue pour mise en danger de la vie d’autrui.

Enfin, des choses surprenantes avec, par exemple et entre autres, les parcs et jardins interdits durant des  semaines et les transports en commun bondés, etc. Cela permet de souligner le nombre croissant d’interdictions qui nous envahissent, jusqu’à – pour certains – l’interdiction de travailler. Et là, ce n’est plus drôle du tout.

N’oublions pas  les slogans qui faisaient de vous un héros si vous restiez assis toute la journée sur votre canapé. De quoi démolir toute volonté d’entreprendre.

Quant aux applaudissements de 20 h 00, à l’attention des soignants qui furent d’ailleurs abandonnés lors du deuxième confinement, si sympathiques qu’ils étaient  pour ceux à qui ils s’adressaient, ils ne pouvaient remplacer une meilleure considération en termes de moyens pour l’hôpital et son personnel, sacrifiés et maltraités depuis des années. Ce qui est d’ailleurs la principale cause de la situation dans laquelle nous sommes plongés.

Souhaitons que cette nouvelle année nous ramène à des comportements rationnels et à une « vie vivable » !

Démonstration, quatrième partie

Pour le quatrième volet consacré à l’histoire de mes démonstrations, c’est la période allant de 1985 à 1995 qui est abordée aujourd’hui. A titre personnel, il s’agit d’une décennie particulièrement faste et intense en termes d’activités professionnelles. Dans cet article, c’est la partie qui concerne les démonstrations qui reste le sujet.

Proposer des prestations avec plusieurs Uke était la principale nouveauté d’une longue série de représentations. Ainsi au cours de cette décennie j’ai pu compter sur la collaboration de Jean Rodriguez, Franck Bénaquista, Serge Dang, Olivier Hermeline et bien évidement André Ohayon et Laurent Rabillon, les deux partenaires qui ont le plus de chutes à « leur compteur ».

Cette période à été riche en nombre de festivals et autres galas. A Paris, avec neuf participations au festival des arts martiaux de Bercy,  en province avec une quantité impressionnante de régions visitées,  et à l’étranger : Pays-Bas, Allemagne, Belgique, Suisse, Israël et Canada.

Durant la saison 1985/1986, nous avons eu la chance et l’honneur de participer à une série de galas organisés par la FFJDA, appelés « la tournée d’adieu d’Angelo Parisi ». De septembre à juin nous avons assuré  « les premières parties » d’un des plus prestigieux judokas mondiaux dans une dizaine de villes de province.

Durant ces dix années, j’ai essayé de me renouveler dans le scénario, la mise en scène et l’accompagnement musical. Pour ce qui concerne le choix des techniques proposées, cela restait du ju-jitsu. Il n’était pas question d’en inventer, l’originalité résidait dans la construction des enchaînements.

Le choix de l’accompagnement musical n’était pas anodin, il demandait un peu de temps et d’imagination pour à la fois se renouveler  et pour que cette musique colle  aux enchaînements présentés. De la musique classique à l’électronique en passant par de célèbres bandes originales de films connus, nous avons consommé beaucoup de genres.

Préparer de telles prestations  demande de l’imagination, de l’organisation, mais surtout beaucoup de répétitions. Pour peaufiner chaque enchaînement, les mémoriser parfaitement, mais aussi pour s’assurer une excellente  condition physique qui permet de maintenir le rythme. Personne ne peut nier que ces démonstrations étaient assez physiques, pour le moins.

C’est aussi au cours de cette période que j’ai commencé à revêtir un kimono bleu. Les tenues  de couleur sont  apparues à cette époque en judo pour faciliter la compréhension du déroulement des combats, j’ai pensé qu’il en serait de même pour la présentation de notre discipline. De plus cela ajoutait un peu de couleurs, ce qui ne pouvait pas nuire à l’ensemble du spectacle

Dans la préparation de ces grands moments, j’avais deux objectifs qui ne sont pas forcément faciles à concilier : plaire aux néophytes et satisfaire les pratiquants. Tout  cela, sans trahir ni l’esprit ni l’histoire du ju-jitsu.

Je reconnais  que notre art a la chance de posséder un potentiel  technique aussi  efficace que spectaculaire. Il s’agit juste d’être capable de les présenter de façon harmonieuse et cohérente.

Parmi toutes ces démonstrations effectuées au cours de cette décennie, j’ai une petite préférence pour  l’année 1995 avec celle présentée à Bercy. Ce n’est que mon avis. Il n’est pas facile de se juger soi-même avec une parfaite objectivité. Soit on fait preuve d’une autosatisfaction béate, soit on est son pire critique. Les deux  cas ne sont pas constructifs. Mais mon sentiment me conduit à penser qu’elle est la plus aboutie, notamment sur le plan purement technique. C’est pour cette raison que je l’ai choisie pour illustrer cet article.

Bernard Pariset et le ju-jitsu

Il y a seize ans, le 26 novembre 2004 disparaissait mon père, Bernard Pariset. Il est allé rejoindre le « jardin des samouraïs ». Je lui ai consacré un nombre important d’articles qui rendaient hommage à l’homme et à son parcours exceptionnel.

Aujourd’hui je voulais insister sur son action en faveur de la remise en valeur du ju-jitsu dans notre pays au début des années 1970.

A la fin de sa carrière de champion, au début des années 1960, il a occupé différentes fonctions auprès de la fédération de judo, mais c’est la gestion de son club parisien de la Rue des Martyrs qui était devenue son activité principale. De là, il pouvait « prendre le pouls » de la population et plus exactement celui d’élèves et futurs élèves. Bien que le judo continuait son essor et que l’équipe de France rayonnait sur le plan international, cela révélait une attirance certaine pour l’aspect utilitaire des arts martiaux, c’est à dire la self-défense.

C’est en faisant ce constat qu’il eut l’idée de réhabiliter la discipline des samouraïs en insistant sur une des composantes qui avait été négligée, à savoir le travail des coups, l’atemi-waza. D’où l’idée d’associer les deux mots pour créer la méthode « Atemi ju-jitsu ».

Loin de lui l’idée de mettre en concurrence judo et ju-jitsu, comment cela aurait-il pu être possible avec son prestigieux passé de judoka ? Non, c’est en complémentarité que s’inscrivait son initiative. La preuve avec cette méthode conçue en parallèle parfait avec la progression française de judo de l’époque, dans le but de faciliter la tâche des professeurs. (Cela n’a pas toujours été compris.)

Entre 1970 et 1980, mon père publia quelques ouvrages privés sur le sujet et certains supports techniques et pédagogiques ont été proposés par la fédération. J’ai eu l’honneur de participer à la publication  de deux livres fédéraux présentant la progression debout et au sol et d’un film « super 8 » (nous n’étions plus à l’époque des dinosaures,  mais pas  tout à fait encore à celle des vidéos).

Durant cette décennie, peu de clubs s’intéressent à cette méthode, par contre ceux qui le font connaissent immédiatement  un succès retentissant, je peux en témoigner avec les effectifs du moment au club de la Rue des Martyrs.

C’est à partir des années 1980 que le développement au niveau national et international s’est véritablement opéré, mais ce n’est pas le sujet de cet article dont l’objectif est de rendre un nouvel hommage à un homme qui avait parmi ses nombreuses qualités celle d’être un visionnaire.

Z comme Z (suite et fin du dictionnaire)

Aujourd’hui, avec la lettre Z, nous arrivons à la fin de mon dictionnaire.

Cela aurait pu être Z comme Zorro, un des héros de mon enfance, celui qui combattait la tyrannie et l’injustice, mais nous sommes un peu éloignés des arts martiaux, bien que ce justicier masqué pratique l’escrime, une discipline noble dans laquelle l’esprit chevaleresque n’est pas éloigné de celui qui animait l’âme des samouraïs et qui continue d’animer celle de beaucoup de pratiquants d’arts martiaux.

Plus terre à terre (c’est le cas de le dire), j’aurais pu choisir Z comme zoories ; ces chaussures qui ne pas assez utilisées dans les dojos pour circuler en dehors des tatamis ; question d’hygiène et d’éducation.

Il aurait pu être question de la fameuse position « zenkutsu dachi » qui a fait souffrir plus d’un karatéka à ses débuts.

En fait, j’ai choisi Z comme Zen. Un mot qui nous apaise rien qu’à le lire, l’entendre, ou l’écrire. « Rester zen » ! Cette expression populaire qui, dans une version simplifiée, signifie « rester tranquille ».

Une bonne dose de mysticisme entoure cette pratique issue de la religion bouddhiste. Des cours existent, mais chacun doit pouvoir appliquer sa propre « zenitude » qui consiste à apaiser l’esprit, et de ce fait le corps, ne serait-ce qu’en relativisant certains évènements qui nous assaillent, en leur donnant l’importance qu’ils méritent. Facile à dire, souvent moins facile à appliquer, surtout depuis quelques mois.

Chacun trouvera sa façon de faire, seul ou accompagné. Cette pratique interne est un excellent complément à celle des arts martiaux, qui doivent être considérés comme les arts de l’esprit, davantage que ceux de la guerre. Sagesse et art martial sont indissociables (lorsque leur pratique est autorisée).

Pour conclure cet article et à l’attention de ceux qui seraient intéressés par cette pratique, je conseille le beau petit livre « zen », de Maxence Fermine aux éditions « Michel Lafon poche ».

eric@pariset.net

Souvenirs de Golfe Bleu…

Après un article assez sombre mercredi dernier, aujourd’hui direction le soleil et la Provence. Exactement à Beauvallon-sur-Mer, un hameau situé sur la commune de Grimaud,  juste à coté de Sainte-Maxime et en face de Saint-Tropez. C’est un voyage vers le soleil et dans le temps que je vous propose en vous emmenant, quelques décennies plus tôt, dans un lieu magique qui malheureusement n’existe plus : le Golfe Bleu.
À l’initiative de Gérard et Armande Néél, couple de professeurs de judo au fort tempérament, fut ouvert dans les années 1950, à 300 mètres de la mer, au milieu d’une forêt de mimosas, de chênes lièges et de pins parasols, un centre de vacances un peu sur le modèle du « Club-Med ». Le couple avait comme projet de rassembler durant l’été des judokas et leurs familles pour des périodes d’une semaine ou plus. Le centre fonctionnant du 15 juin au 30 septembre. Au début, l’hébergement – quelque peu spartiate – se faisait dans des paillottes avec de la terre battue comme revêtement de sol ! Un tatami, protégé par un toit, mais ouvert sur les côtés, se trouvait au centre du village de vacances. Deux heures de techniques tous les matins et… deux heures de randoris toutes les fins d’après-midi. Pour encadrer tout cela, ce sont les meilleurs champions qui sont passés par ce lieu, ceci jusqu’à la fermeture du centre à la fin des années 1980 ! Mais ce sont les débuts de l’aventure qui sont assez fascinants et qui me laissent tant de souvenirs. En effet, mon père faisait partie de l’encadrement des premières années, avec bien sûr son « alter-ego » Henri Courtine et le fameux géant néerlandais (un pléonasme) Anton Geesink. Le centre recevait des  judokas de toute l’Europe, et même de plus loin. Souvent des équipes nationales venaient préparer les saisons suivantes. Dans ce lieu unique  une ceinture jaune pouvait faire le combat de sa vie avec un Champion du monde. Pour ma part et à l’âge qui était le mien, il ne s’agissait pas d’entraînement, mais tout simplement d’un endroit, ou pendant une petite dizaine d’années, j’ai vécu, de juin à septembre (à l’époque la rentrée des classes se faisait vers le 21 septembre) des vacances que je peux classer parmi les plus beaux moments de ma vie. Elles m’ont permis d’assister à des combats d’entraînements d’anthologie, de côtoyer les sommités du judo et des arts martiaux, de créer des amitiés indéfectibles et de faire de cette région ma région de cœur.
Aujourd’hui, un célèbre promoteur a mis fin à la colline magique. Seul rescapé, le restaurant-plage « Le Pingouin bleu », tenu par Pierrot, le fils de la famille. Si un jour vous passez par là, n’hésitez pas, vous serez bien accueillis et vous serez à quelques pas d’un lieu chargé d’une histoire comme on n’en connaîtra plus !

J’ai pensé ajouter à cet article quelques commentaires en rapport avec la carte postale qui l’illustre, mais aussi une description de ce qui faisait nos journées.

Toutes les prises de vue de cette carte qui date de 1974 font remonter de très forts souvenirs, mais il y en a une qui me marque particulièrement (en dehors d’Anton Geesink, hors catégorie), c’est celle qui se trouve en haut et à gauche. Elle représente le chemin qui descendait à la plage. Avec mon amie d’enfance Katy, la fille d’Henri Courtine, accompagnés de nos mères, nous allions tous les matins sur cette petite plage qui appartenait au camp de vacances. Nos pères étaient sur les tatamis pour le cours technique.  Après beaucoup de temps passé dans l’eau, nous remontions vers les 13 h 00. Il fallait d’abord traverser la route qui longe le littoral, la Nationale 98, ou bien emprunter un sinistre souterrain. Nous commencions alors à gravir le chemin qui nous menait au centre. La première partie se déroulait sous un soleil de plomb et puis d’un seul coup nous entrions dans un tunnel formé par de mimosas. Une délicieuse ombre naturelle nous délivrait d’une chaleur accablante. Seuls les végétaux peuvent procurer un tel bien-être. Avant de rejoindre la « salle à manger » installée sous des platanes centenaires qui nous abritaient eux aussi  de l’astre solaire, nous passions par le bloc sanitaire pour un efficace dessalage. L’après midi, après l’indispensable sieste, nous ne retournions pas à la plage. Les judokas suaient sang et eau dans leurs judogis, les compagnes assistaient bien souvent aux exploits de leurs moitiés, assises sur les bancs qui entouraient le dojo de plein air. Je précise qu’à l’époque, très peu de femmes pratiquaient le judo, c’est pour cette raison que j’emploi le mot compagne et non pas compagnon. Quant à nous, les plus jeunes, nous nous retrouvions pour nous livrer à différentes activités. Les enfants savent toujours s’occuper lorsqu’ils sont ensembles, même sans écran, Dieu merci. Après l’entraînement, nous nous retrouvions tous pour le dîner, et juste un peu avant la fin du repas, avec la permission des parents, il y avait un grand moment que nous attendions tous, nous les enfants,  c’était lorsque nous investissions le tatami, jusqu’à ce que nos parents qui finissaient la soirée au bar viennent nous arracher à ce lieu transformé en véritable cours de récréation. Le dimanche, le judo faisait une pause. Bien souvent pour se reposer et surtout pour chercher et trouver un peu de fraîcheur, nous montions dans l’arrière pays, pique-niquer au pied d’un magnifique village, qui à l’époque était abandonné : Bargème. Je me souviens qu’en ce temps un petit ruisseau qui descendait de la montagne nous permettait de mettre les melons au frais. Voilà le genre d’image dont je me souviens avec une précision hallucinante. Ce n’est pas la seule,  on n’échappe pas à son enfance. Avant de redescendre dans la fournaise, s’imposait une halte à Bargemon, autre village typique du Haut-Var, pour un dîner où la charcuterie régionale et les écrevisses faisaient bon ménage dans les assiettes. Le retour était un peu laborieux dans la mesure où pour rejoindre Beauvallon, la route n’était absolument pas celle qui existe maintenant. Traverser ce qu’on appelle le « Gratte-loup » qui est une partie du magnifique Massif des Maures,  relevait presque de l’exploit, surtout de nuit. Entre Le Muy (ceux qui se rendent dans le golfe de Saint-Tropez connaissent bien ce nom, puisque c’est là que se situe la sortie de l’autoroute) et la côte il fallait une heure et demi, alors que trente minutes suffisent maintenant. Les virages qui étaient la cause de ce trajet sans fin représentaient parfois une véritable épreuve pour nos estomacs. Après une nuit, quelques fois en compagnie de nos amis les moustiques, nous étions prêts pour une nouvelle semaine de vacances inoubliables.

J’avais déjà proposé un article sur le Golfe bleu en 2008 sur mon blog, il avait suscité beaucoup de commentaires élogieux, manifestement je ne suis pas le seul à être marqué par cette histoire.

Bloc notes estival et de circonstances…

Bloc notes amère-acide
La rentrée « masquée », ou pas ?
Dans quelques semaines, ce sera la rentrée. Depuis le 11 juillet, la pratique des sports de combat est autorisée, mais il ne sera  pas facile de convaincre les élèves (et futurs élèves) qu’il n’existe aucun danger à s’affranchir du masque lors des entraînements qui se déroulent dans un espace clos, alors que l’objet  en question (le masque) va devenir obligatoire, même à l’extérieur pour des raisons de sécurité ! Que penser et que faire ? Sachant que cela parait difficile, si ce n’est impossible de pratiquer masqué.
Historique
Revenons sur cette  autorisation  effective, qui date du 11 juillet. Depuis la mi-mars et avec les vacances scolaires qui voient la fermeture de la plupart des clubs, ce sera au final presque six mois sans entraînement ! Ce n’est jamais arrivé depuis que le judo (le premier art martial asiatique introduit en France) existe dans notre pays, c’est-à-dire  au cœur des années 1930. C’est donc historique. Même durant les deux pandémies précédentes, la grippe asiatique de 1957 et celle de Hong-Kong en 1969, mais aussi la seconde guerre mondiale, avec toutes ses horreurs,  les activités continuaient, notamment les activités sportives. Pendant le second conflit mondial, non seulement les clubs de judo  existant restaient ouverts, mais il y en a même qui voyaient le jour. Ce fût le cas du « Club Français de Jiu-jitsu », un dojo mythique qui me tient particulièrement à cœur et pour cause, c’est là que mon père débutait  en 1947 et que j’ai porté mon premier kimono en 1958. Si ce dojo n’avait pas vu le jour, peut-être que c’est un autre destin que j’aurais connu, une autre activité professionnelle et finalement, avec un peu de chance, un métier qui n’aurait pas été sacrifié et massacré.
Mauvaise pioche
Enseigner les arts martiaux avec le statut de travailleur indépendant, voilà deux mauvais choix. Cependant, comme indiqué plus haut il s’agit d’une première, il fallait être un très grand devin pour savoir qu’une telle interdiction dévastatrice nous serait un jour imposée.
Violence
Toujours dans le même registre. Alors que l’on parle de violence physique, à juste titre, il ne faudrait pas ignorer une autre forme de violence, la violence psychologique et ses effets tout aussi dévastateurs. Seulement ils sont moins visibles, puisque c’est à l’intérieur que ca se passe.  Prenons un exemple (que je connais bien) : lorsque du jour au lendemain vous perdez votre outil de travail et par conséquent votre travail, qu’avec un statut d’indépendant vous ne bénéficiez pas du chômage et que les aides et dédommagements  sont ridicules, et bien, c’est d’une violence inouïe ! Il faut être bien éduqué mentalement pour ne pas être en proie à des réactions en phase avec ce que vous subissez et être combatif pour repartir tout seul à l’assaut. Ces dispositions psychologiques positives relèvent  des gènes, de l’éducation et d’une pratique des arts martiaux dans un environnement sain. Espérons  que nos disciplines, dotées de fortes valeurs éducatives et utiles à notre société bien malade, survivront  aux difficiles traitements imposés, et que la « deuxième vague » dont on nous parle â longueur de journée ne viendra pas leur donner le coup de grâce.
eric@pariset.net