A la lettre E beaucoup de noms méritent une place dans mon dictionnaire des arts martiaux. Par exemple, E comme éducation. L’Education physique et mentale chère à Jigoro Kano qui, grâce à sa méthode de ju-jitsu devenue judo, proposait une « science du combat » mais aussi une « Ecole de vie » qui harmoniserait les rapports humains, améliorant ainsi la vie en société. Dans le même esprit il y a aussi E comme Educateur, ou Enseignant ; deux mots qui occupent une place prépondérante dans ma vie. Il est possible aussi d’évoquer le E d’Exigence, celle que l’on doit imposer à soi-même (avant de l’imposer aux autres). Mais aussi le E d’Excellence, vers laquelle chacun doit tendre, dans son métier et dans ses actes ; non pas dans un systématique esprit de compétition, mais simplement pour s’améliorer.
Après ces quelques beaux exemples, j’aborde le mot que j’ai finalement choisi de développer, à savoir « Enchaînement ». Dans sa « coquille », ce mot peut d’ailleurs regrouper ceux évoqués plus haut. Puisque répéter des enchaînements contribue à l’éducation physique et mentale, ils sont transmis par un enseignant, ils sont éducateurs techniquement ; de plus on recherche l’excellence dans leur pratique et leur présentation, pour cela il ne faut pas être avare d’exigence.
Au travers de ce beau métier qui est le mien, j’ai toujours eu le souci d’apporter ma contribution à l’évolution qui doit être dévolue à toute science, mais – et j’insiste sur ce point – sans jamais trahir ni l’esprit, ni la forme, ni encore moins les traditions attachées à nos arts martiaux et en particulier à la sagesse de Jigoro Kano. Pour participer très activement à la diffusion de la méthode de ju-jitsu, au début des années 1980, j’ai ressenti le besoin de créer des enchaînements, sans avoir la prétention de rivaliser avec des « monuments » tels que les katas traditionnels, mais pour offrir une complémentarité.
Comme précisé plus haut, j’ai toujours été scrupuleux quant au fait de ne jamais trahir les fondamentaux, il n’a jamais été question non plus d’inventer des nouvelles techniques (ce serait prétentieux), ni remettre en cause les principes sur lesquels notre discipline a batti ses spécificités. Cependant il est possible de peaufiner ce patrimoine en lui apportant le fruit de recherches personnelles.
Ainsi, grâce à une pratique intensive, mais aussi à la mission de transmission, j’ai eu le plaisir d’élaborer plusieurs enchaînements. Des créations qui s’apparentent à de véritables compositions, au même titre qu’un musicien assemble les notes pour créer une mélodie, et un écrivain les mots pour rédiger un roman.
A l’époque cela répondait à un réel besoin et permettait à la fois de proposer des méthodes d’entraînement novatrices, une forme de classification, des moyens d’évaluation et pour certains de ces enchaînements des démonstrations « clefs en main ».
Chaque enchainement possède son histoire et sa raison d’être. J’ai pu en élaborer personnellement six, et un autre en collaboration avec mon père (qui avait mis au point l’intégralité de la méthode « Atemi-ju-jitsu ». Il est toujours correct de rendre à César…).
L’histoire de ces créations a commencé avec les « 16 techniques », l’enchainement qui a connu un véritable succès et que je continue à faire pratiquer. Après il y a eu les « 16 Bis » et les « 16 Ter » dans lesquelles sont travaillées des ripostes plus élaborées en réponse aux attaques des « 16 de base ». Puis sont venues les « 16 contrôles » qui utilisent uniquement la famille des contrôle en clef sur les articulations, afin de proposer une maîtrise adaptée à certaines situations dans lesquelles il est souhaitable que l’issue ne soit pas « fatale ». Quant aux « 24 techniques » elles sont une présentation très concise et ordonnée des attaques les plus probables que l’on peut subir, avec comme réponses les principales techniques appartenant aux grands groupes. Dans cet enchaînement, que j’apprécie tout particulièrement, différents schémas et combinaisons de ripostes sont aussi évoqués. Enfin, en matière de création, il y a le « petit dernier » qui est une suite de quinze techniques, dans laquelle sont mis en exergue deux composantes de notre discipline : les atemi et les katame (les coups et les contrôles). Je n’oublie pas les « 16 atemis », réalisés en collaboration avec mon père et dans lesquels l’accent est mis sur l’atemi-waza (le travail des coups), un secteur important en matière de défense, mais dans l’esprit du ju-jitsu, sachant que dans cette discipline les coups ne sont pas une finalité, mais le plus souvent une façon d’y parvenir.
D’autres enchaînements ont été déjà élaborés, bien qu’ils ne soient pas encore formalisés « sur papier » ou « en images » ; pour le moment ils sont «dans ma tête» ; il s’agit des « 16 enchainements» et des « 16 contres ». Il y en a aussi un autre que quelques élèves ont baptisé les « 16 extraordinaires » (en toute modestie).
Dans la seconde partie consacrée à cette lettre E, je reviendrai plus en détail sur l’ensemble de ces enchaînements.
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