Entre deux réveillons

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Entre deux réveillons, dégustons une savoureuse petite histoire. Elle est extraite d’un recueil que j’affectionne particulièrement «  Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ».  Les textes proposés nous offrent des leçons de vie, ils nous permettent de réfléchir sur les qualités à acquérir ; la patience par exemple.

La loi de l’équilibre

Ayant l’occasion de séjourner au Japon, au début du siècle dernier un Européen avait décidé d’y apprendre le Jiu-jitsu qui lui paraissait être une méthode de combat redoutable. Il commença donc à suivre les cours d’un Maître renommé.

Mais quelle ne fut pas sa surprise quand, au bout de la troisième séance, il n’avait toujours appris aucune technique de combat ! Il s’était seulement exercé à des mouvements très lents, en décontraction. A la fin de la séance, il décida d’aller trouver le Maître.

« Monsieur, depuis que je suis ici, je n’ai rien fait qui ressemble à des exercices de lutte.

– Asseyez-vous, je vous pris », déclara le Maître.

L’Européen s’installa négligemment sur le tatami et Maître s’assit en face de lui.

« Quand commencerez-vous à m’enseigner le Jiu-jitsu ? ».

Le Maître sourit et demanda :

-« Êtes- vous bien assis ? »

-« Je ne sais pas… Y a-t-il une bonne façon de s’asseoir ? »

Pour toute réponse, le Maître désigna de la main la façon dont il s’était lui-même assis, le dos bien droit, la tête dans le prolongement de la colonne vertébrale.

-«  Mais écoutez, reprit l’Européen, je ne suis pas venu ici pour apprendre à m’asseoir. »

-«  Je sais, dit patiemment le Maître, je sais, vous voulez apprendre à lutter. Mais comment pouvez-vous lutter si vous ne cherchez pas l’équilibre ? »

-«  Je ne vois vraiment pas le rapport entre le fait de s’asseoir et le combat. »

-«  Si vous ne pouvez rester en équilibre quand vous êtes assis, c’est-à-dire dans l’attitude la plus simple, comment voulez-vous garder l’équilibre dans toutes les circonstances de la vie et, surtout, dans un combat ? »

S’approchant de son élève étranger qui restait perplexe, le Japonais le poussa légèrement. L’Européen tomba à la renverse. Le Maître, toujours assis, lui demanda alors d’essayer de le renverser à son tour. Poussant d’abord timidement d’une main, puis en y mettant les deux, l’élève finit par s’arc-bouter vigoureusement contre le Maître, sans succès. Soudain, ce dernier se déplaça légèrement et l’autre bascula en avant, s’étalant de tout son long sur les tatamis.

Esquivant un sourire, le Maître ajouta :

-« J’espère que vous commencez à comprendre l’importance de l’équilibre. »

www.jujitsuericpariset.com

Petite histoire

Cette semaine, à la place de l’article technique, une petite histoire savoureuse extraite du recueil « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ».

L’art de vaincre sans combattre. L’intelligence au service de la victoire. Un concept qui n’a pas d’âge, et pourtant…

« Le célèbre Maître Tsukahara Bokuden traversait le lac Biwa sur un radeau avec d’autres voyageurs. Parmi eux, il y avait un samouraï extrêmement prétentieux qui n’arrêtait pas de vanter ses exploits et sa maitrise du sabre. A l’écouter, il était le champion toutes catégories du Japon. C’est ce que semblaient croire tous les autres voyageurs qui l’écoutaient avec une admiration mêlée de crainte. Tous ? Pas vraiment, car Bokuden restait à l’écart et ne paraissait pas le moins du monde gober toutes ces sornettes. Le samouraï s’en aperçut et, vexé, il s’approcha de Bokuden pour lui dire : «Toi aussi tu portes une paire de sabres. Si tu es samouraï, pourquoi ne dis-tu pas un mot » ? Budoken répondit calmement :

-« Je ne suis pas concerné par tes propos. Mon art est différent du tien. Il consiste, non pas à vaincre les autres, mais à ne pas être vaincu. »

Le samouraï se gratta le crâne et demanda :

– « Mais alors, quelle est ton école ? »

– « C’est l’école du combat sans armes. »

– « Mais dans ce cas, pourquoi portes-tu des sabres ?

– « Cela me demande de rester maître de moi pour ne pas répondre aux provocations. C’est un sacré défi. »

Exaspéré, le samouraï continua :

-« Et tu penses vraiment pouvoir combattre avec moi sans sabre ? »

– « Pourquoi pas ? Il est même possible que je gagne ! »

Hors de lui, le samouraï cria au passeur de ramer vers le rivage le plus proche, mais Bukuden suggéra qu’il serait préférable d’aller sur une île, loin de toute habitation, pour ne pas provoquer d’attroupement et être plus tranquille. Le samouraï accepta. Quand le radeau atteignit une île inhabitée, le samouraï sauta à terre, dégaina son sabre, prêt au combat.

Budoken enleva soigneusement ses deux sabres, les tendit au passeur et s’élança pour sauter à terre, quand, soudain, il saisit la perche du batelier, puis dégagea rapidement le radeau pour le pousser dans le courant.

Budoken se retourna alors vers le samouraï qui gesticulait sur l’île déserte et il lui cria – « Tu vois, c’est cela, vaincre sans arme ! »