Trois fils (et sixième sens)

C’est avec plaisir que je renoue avec une petite habitude, celle de proposer – de temps en temps – une petite histoire qui nous vient du Japon ou de Chine. Au delà du plaisir de la lecture il y a forcément matière à réflexion !

« Il y avait autrefois un grand maître de kenjutsu (sabre) très célèbre dans tout le Japon qui, recevant la visite d’un autre grand maître, voulut illustrer l’enseignement qu’il avait donné à ses trois fils.

Le maître fit un clin d’œil à son invité et plaça un lourd vase de métal sur le coin des portes coulissantes, le cala avec un morceau de bambou et un petit clou, de façon à ce que le vase s’écrasât sur la tête du premier, qui, ouvrant la porte, entrerait dans la pièce.

Tout en bavardant et en buvant du thé, le maître appela son fils aîné qui vint aussitôt. Avant d’ouvrir, il sentit la présence du vase et l’endroit où il avait été placé. Il fit glisser la porte, passa sa main gauche par l’entrebâillement pour saisir le vase et continua à ouvrir la porte avec sa main droite. Puis, serrant le vase sur sa poitrine, il se glissa dans la pièce et refermant la porte derrière lui, il replaça le vase dans sa position initiale. Il avança alors et salua les deux maîtres. « Voici mon fils aîné, dit l’hôte en souriant, il a très bien saisi mon enseignement et il sera certainement un jour un maître de kenjutsu. »

Ayant appelé son deuxième fils, celui-ci entra sans hésitation, et n’attrapa le vase qu’au dernier moment ; il faillit le recevoir sur la tête. « Voici mon deuxième fils, dit le maître, il lui reste beaucoup à apprendre mais il s’améliore chaque jour. »

On appela alors le troisième fils. Entrant précipitamment dans la pièce, il reçut le vase sur la tête. Le coup fut sévère, mais avant que le vase n’atteigne les tatamis, il tira son sabre et d’un mouvement vif, coupa la pièce de métal en deux. « Voici mon fils cadet, Jiro, dit le vieil homme, c’est le benjamin de la famille, il lui reste une longue route à parcourir. »

Les katas

Il n’est pas inutile de revenir aux premières raisons d’être des katas. Les quelques lignes qui suivent ne sont que l’émanation de mon point de vue. « L’évolution vient du partage des opinions ».

On traduit kata par le mot «  forme ». Pour plus de clarté on peut ajouter « imposée ».

Ils sont des moyens d’apprentissage, des méthodes d’entraînement, ils permettent la codification et la transmission des techniques et des principes. Ils sont aussi les garants de nos traditions.

Malheureusement, quelques fois, ils sont considérés comme des  « passages obligés » pour accéder au grade supérieur et ne sont donc abordés que dans cette optique ! Qu’ils intègrent un ensemble de contenus techniques d’évaluation, cela semble juste, mais leur utilité est plus importante que cela, heureusement.

Les katas permettent de rassembler les techniques par famille et/ou par thème et de leur faire traverser les âges, ce sont aussi et surtout de formidables méthodes d’entraînement.  En effet, ils représentent souvent un combat (le goshin-jitsu-no-kata notamment), certes un combat codifié pour des raisons évidentes de sécurité, mais il s’agit bien du reflet d’un affrontement ;  en conséquence, les attaques de Uke doivent être sincères et fortes de façon à ce que les ripostes de Tori le soient tout autant, mais aussi qu’elles soient  réalistes et donc efficaces.

Pour les judokas, certains katas sont aussi l’occasion d’étudier des techniques « oubliées » parce qu’elles sont interdites en compétition, c’est le cas du kime-no-kata et du goshin-jitsu-no-kata.

Le kata est également un exercice de style, c’est-à-dire qu’une certaine attitude doit être respectée. C’est ce qui différencie l’art martial de la simple méthode de combat ou de self-défense.

Ils sont aussi, tout simplement une addition de techniques intéressantes à pratiquer une par une, il n’est donc pas nécessaire d’attendre que se profile à l’horizon un examen pour commencer à les étudier.

Lors de l’exécution d’un kata à l’occasion d’un examen, l’évaluation doit se faire avant tout sur l’efficacité des ripostes de Tori, celles-ci  répondent aux attaques de Uke dont la sincérité doit être incontestable. Ensuite, puisqu’il s’agit de formes imposées, il est évidemment indispensable  de respecter l’ordre de la présentation, les déplacements et emplacements. Enfin il faudra être attentif à l’attitude générale dans laquelle doivent être exclus désinvolture et relâchement corporel.

Cependant, un problème et un mystère demeurent et entourent les katas : il s’agit de ces incessantes modifications dont ils sont les victimes de la part des organismes « officiels ». Cela a pour effet de décourager les élèves, de désorienter les professeurs et le jury, allant jusqu’à discréditer ces exercices.

En conclusion, je pense que pour faire apprécier le kata, il suffit simplement de le présenter comme partie intégrante de la pratique  et non pas comme un passage imposé pour obtenir un grade.

Carte professionnelle, bilan et combativité !

En recevant ma nouvelle carte professionnelle, je n’ai pu m’empêcher de me poser la question de son utilité, tout du moins à court terme, tant les mois que nous venons de vivre ont été dévastateurs.

Nous arrivons à la fin de cette « horrible saison sportive ». Pouvons-nous parler de saison dans la mesure où certains élèves n’auront pu pratiquer que deux mois, septembre et octobre ?

Il faut néanmoins se réjouir de ces moments où nous reprenons petit à petit une vie normale  et espérer qu’au mois de septembre l’activité des dojos pourra s’effectuer dans les meilleures conditions.

Être optimiste n’empêche pas d’être réaliste. Il y a eu des dégâts et du gâchis, la reconstruction sera longue, il faudra du temps pour retrouver les mêmes conditions que celles d’avant-crise.

Il n’est pas question d’éprouver ce mauvais sentiment qu’est la jalousie à l’égard de ceux qui ne subissent pas les mêmes conséquences de la pandémie, tant mieux pour eux, mais juste d’être un peu en colère face à une certaine injustice. Comme je l’ai souvent évoqué, ce sont des métiers éducatifs (l’intitulé de la carte professionnelle en atteste : « éducateur sportif ») qui ont été sacrifiés. Ne plus pouvoir ni exercer, ni transmettre est difficilement compréhensible.

Pour ma part la combativité n’a jamais fait défaut, d’ailleurs si cela avait été le cas je ne serais plus debout ; Il a fallu faire preuve de volonté, de réactivité et d’adaptation pour ne pas disparaître complètement, pour éviter la descente aux enfers. Je sais qu’il est difficile de se mettre à la place des autres, surtout quand il s’agit d’une situation particulière ; particulière pour trois raisons essentielles.

D’abord la fermeture d’un dojo qui venait d’ouvrir. Ensuite parce que ce dojo, dans mon esprit, par rapport à une  période de la vie plus adaptée à la retraite, c’était mon « dernier dojo ». Enfin, c’est d’un seul coup, du jour au lendemain, toute une vie qui a été remise en cause. Vie professionnelle et personnelle. Ce sont des projets qui se sont évanouis en quelques semaines, il faudra en concevoir d’autres.

Comme je l’avais souligné, il n’est plus possible de se relancer dans une entreprise privée tout seul dans la capitale. Mais les idées ne manquent pas,  tout comme la volonté de faire en sorte qu’elles se concrétisent. Des idées autour du ju-jitsu et pour le ju-jitsu, même si je suis conscient que ce ne sera pas facile.

Un ju-jitsu qui, dans cet éphémère dojo, avait rassemblé des pratiquants de 4 ans à plus de 70 ans, dans un dojo où l’enseignement permettait à tous les âges et à toutes les conditions physiques de s’épanouir. Me trotte dans la tête  un témoignage qui m’avait particulièrement touché : «Vous savez, à mon âge, je n’aurais jamais pensé remettre les pieds sur un tatami, grâce à vous je l’ai pu ». L’auteur de ce beau témoignage se reconnaitra.

Je profite de l’occasion pour remercier tous ceux qui régulièrement m’apportent leur soutien, qu’ils se rassurent, je suis « toujours debout » ! A l’inverse je ne peux m’empêcher d’envoyer une petite pique à quelques donneurs de leçons à l’abri des soubresauts et des injustices de la vie !

Souhaitons à tous et à toutes un été réparateur et une excellente nouvelle saison durant laquelle nos arts martiaux pourront se reconstruire, même s’il faudra plus que jamais faire preuve de patience, de volonté et d’une belle énergie.

1995. Reuilly, Bercy, Soulac, Montréal et fédération !

La semaine dernière j’évoquais l’année 1989, une année riche en événements et en émotions. Cette semaine je m’intéresse au cru 1995, très chargé en activités professionnelles.

En avril, mon dojo s’installait dans un nouveau lieu parisien : Boulevard de Reuilly. Il s’agit du XIIème arrondissement que je connais bien, à deux pas de la Rue Victor Chevreuil, là où, l’an dernier, mon dernier club a été terrassé par le virus.

Toujours au printemps de cette année 1995, je démontre  une nouvelle fois le ju-jitsu au festival de Bercy pour y présenter une prestation  que je considère comme l’une de mes plus abouties techniquement. Les invités spéciaux étaient les sumotori, mais d’autres experts, champions  et habitués des galas ont pu enrichir cette soirée par leur talent : Jean Frenette, Kim Silver, Christian Tissier, David Douillet, etc. Que ceux que j’oublie me pardonnent. C’est par une belle séance de dédicaces que s’est clôturée cette soirée.

Ensuite, durant l’été, nous avons fêté la dixième édition du stage de Soulac-sur-Mer, un rendez-vous à l’inaltérable succès. Pendant un quart de siècle, de 1986 à 2010, nous sommes restés fidèles à ce lieu. Il n’est pas impossible que nous puissions y organiser une session en 2022. Vraisemblablement, beaucoup de pratiquants ne seraient pas insensibles à cette initiative.

A l’automne c’est une traversée de l’Atlantique que j’effectuais en compagnie de mes partenaires du moment : Olivier Hermeline, André Ohayon et Laurent Rabillon. Nous étions invités à présenter notre démonstration à Montréal.  L’initiateur de ce projet n’était autre que Jean Frenette, le karatéka québécois, champions de katas artistiques. Quatre jours passés dans la « belle province » pour notre plus grand bonheur et pour la fabrique de solides souvenirs.

C’est aussi à la fin de cette année que, n’étant plus du tout en phase avec ses orientations prises en matière de ju-jitsu, je quittais la FFJDA. Je ne me résignais pas à l’abandon d’une forme de travail que j’avais apprise, enseignée et démontrée avec plaisir et avec un succès qui ne se démentait pas. A l’extérieur de cette institution j’ai pu continuer à enseigner un ju-jitsu aux techniques compatibles entre elles et aux formes de corps proches de celles qui animaient le fondateur du judo. Un paradoxe, mais c’est ainsi !

En résumé, ce fût une année bien replie, comme beaucoup d’autres, mais peut-être un peu plus !

1989

En tombant sur un « Karaté-Bushido » de 1989, j’ai eu l’envie de revenir sur cette année qui a particulièrement marqué  ma vie professionnelle et plus encore ma vie personnelle.

Après presque deux décennies  passées au club de la Rue des Martyrs sous la férule de mon père, s’est manifestée un besoin d’émancipation. L’association « père et fils » n’est pas toujours aussi facile que l’on pourrait l’imaginer. Si professionnellement elle est positive en termes de transmission du savoir-faire et de la complémentarité, elle peut s’avérer parfois plus compliquée sur d’autres plans, surtout lorsque les caractères sont assez semblables. A maintes occasions, j’ai vanté les qualités et les exploits de mon père dans sa vie et notamment sur les tatamis, mais ces exploits étaient le fait d’un fort caractère qui rendait parfois difficile d’être son fils unique.

C’est aussi cette année-là, le 15 août, que j’ai connu les joies de la paternité grâce  à une adorable petite fille, devenue depuis une maman qui m’a fait « triple papy ».

En 1989 j’ai donc quitté le 11 de la Rue de Martyrs où se trouvait un dojo qui a marqué l’histoire du judo français pour m’installer un peu plus haut dans le IXème arrondissement parisien. Un club de gym en perte d’activité était à vendre, ne restaient plus que les tatamis à poser, tout en bénéficiant de quelques installations qui complétaient la pratique des arts martiaux ; la principale discipline étant le ju-jitsu.

Cette année-là, je participais aussi, pour le quatrième fois, au festival des arts martiaux de Bercy organisé par la revue Karaté-bushido, les moines de Shaolin en étaient les invités exceptionnels. J’ignorais que j’aurais le plaisir et l’honneur de présenter entre 1990 et 2005 huit autres démonstrations, dans ce lieu qui devient une fois par an le plus grand dojo du monde.

Un peu plus tard, au cœur de l’été et sous ma responsabilité, se déroulait la IVème édition du stage de Soulac-sur-Mer. Vingt et une autres allaient suivre jusqu’en 2010.

Je n’oublie pas les stages et les  démonstrations en province et à l’étranger, autant de déplacements qui  garnissaient copieusement l’agenda.

En termes d’émotions positives, certaines années comptent davantage que d’autres, ce fût le cas pour 1989, surtout un certain 15 août. Ces émotions sont autant de souvenirs gravés dans la mémoire du cœur.

Tourner la page pour en ouvrir d’autres !

Aujourd’hui  je « fête » deux anniversaires qui en termes de souvenirs sont aux antipodes, bien qu’intimement liés.

Il y a deux ans, jour pour jour, je signais le bail du local de la Rue Victor Chevreuil à Paris, pour y ouvrir un nouveau dojo. Après une période passée en province et un indispensable repos, j’avais décidé de « remonter » à Paris afin de repartir au combat. Certes,  à un âge qui correspond davantage à celui de la retraite, mais il y a des métiers où il est difficile de s’y résoudre. Dans ce nouveau dojo j’avais mis beaucoup d’espoirs et d’énergie. Même si dans chaque entreprise privée il y a toujours une part de risques, ceux-là étaient calculés, je ne partais pas dans l’inconnu. C’était sans compter avec un évènement planétaire que personne n’avait pu deviner : ce que nous allions vivre était inédit.

Un an après, il y a donc précisément douze mois, le virus balayait tous les espoirs, l’énergie et les économies mises dans cette nouvelle entreprise. Un dojo privé, s’il offre une grande liberté d’entreprendre, implique des frais de fonctionnement importants, ne serait-ce qu’avec le loyer (surtout dans la capitale). Le dojo étant trop jeune pour avoir eu le temps de constituer un « trésor de guerre » et pour profiter des quelques aides allouées, face à une propriétaire intraitable, la rupture du bail s’est imposée.

Je ne suis pas un cas isolé, beaucoup d’entreprises (les plus jeunes et les plus modestes) ont mis « la clé sous le porte » (une expression qui n’avait jamais été autant prononcée). D’ailleurs l’euphorie de ces derniers jours, grâce au retour à une « vie presque normale » ne doit pas nous faire oublier ceux qui sont restés sur le « bord du chemin ». Surtout que, sans jouer les oiseaux de mauvaise augure, ce n’est sans doute pas fini, bien malheureusement.

Maintenant, il est inutile de ressasser le passé, il faut regarder devant. A titre personnel, n’ayant plus d’outil de travail, ce ne sera évidemment pas simple.  En effet il n’est plus possible matériellement d’envisager une réouverture. Aussi il faudra de l’imagination et de l’énergie pour trouver des solutions de remplacement. Il n’est pas question de baisser les bras. Bien que meurtri par la violence des événements, l’esprit cogite à 100%, il est accompagné d’une solide volonté.

L’enchaînement des « 16 Bis »…

Dans le livre dont la couverture tient lieu d’illustration, il y a un enchainement appelé « les 16 Bis ». Certes l’appellation n’est pas originale, mais ce n’est pas l’essentiel, l’essentiel étant le contenu.

Sont également proposés d’autres thèmes : travail au sol, amenées au sol, liaisons debout-sol  et sol-debout, et le kime-no-kata.

Revenons aux « 16 Bis ». Elles ont été crées à la suite des « 16 techniques » ; j’avais souhaité mettre au point un exercice qui proposerait des ripostes différentes à celles des « 16 de base ». Des ripostes  qui demandent davantage d’ancienneté dans la pratique. On y retrouve des techniques appartenant aux trois composantes du ju-jitsu, le principal intérêt se trouve dans la composition des enchaînements. L’objectif étant d’acquérir une parfaite fluidité dans la liaison des techniques en question.

Comme je l’expliquais dernièrement à propos des « 24 techniques », j’ai toujours eu l’envie  de créer, à la fois pour répondre à un besoin, mais aussi pour proposer de nouveaux outils aux pratiquants.

Cet enchaînement, comme beaucoup d’autres,  rassemble trois intérêts.

Le premier sur un plan purement technique.  Il permet tout simplement d’évoluer, de progresser dans la recherche de la perfection (que l’on atteint jamais, le seul fait d’essayer de s’en approcher se suffit à lui-même).

En deuxième, lorsque l’on maîtrise correctement chaque technique et que l’on a mémorisé l’ordre, il offre un bon moyen de parfaire sa condition physique  en ayant comme objectif de conserver le même rythme du début jusqu’à la fin de l’exécution de l’enchaînement.

Enfin, il peut servir de démonstration, la plupart des techniques étant aussi  spectaculaires qu’efficaces ; l’ensemble présente  parfaitement la richesse du ju-jitsu.

A propos de waki-gatame

Voilà une technique que j’affectionne tout particulièrement. Peut-être est-ce parce que je la maîtrise assez bien que je l’affectionne, ou bien est-ce parce que je l’affectionne que je la maîtrise ; qui est la conséquence de la cause ?

Certes cette clef est très peu, et même pas du tout, pratiquée en compétition de judo, bien qu’elle soit autorisée (sauf erreur de ma part) si elle est appliquée avec maîtrise. Par contre, en self-défense elle a toute sa place. On peut la pratiquer debout ou au sol, mais aussi en liaison « debout-sol ».

Waki-gatame appartient aux « kansetsu-waza », les techniques de « clefs articulaires », appelées aussi les clefs aux bras, ou encore dans un temps lointain les armlock. Enfant, avec mes copains de tatami nous adorions prononcer ce mot, d’autant que ces techniques nous étaient interdites.
En self-défense elles permettent la maîtrise
d’une personne à qui ont inflige une douleur plus ou moins importante sur l’articulation, pouvant ou aller jusqu’à la luxation.

La maîtrise de ces techniques demande du temps et donc  beaucoup de patience. Elles offrent deux avantages : le premier d’être efficace, le second de permettre la maîtrise d’une personne sans forcément que ses jours ne soient mis en danger. Cet aspect ne doit pas être négligé, sur le plan de la légitime défense et sur celui du respect de la vie, tout simplement.

Le principe de waki-gatame est de verrouiller l’articulation du coude avec l’aisselle, tout en maintenant le poignet de l’adversaire avec les  deux mains qui sont l’un des deux  « points fixes » indispensables, l’autre étant l’articulation de l’épaule du partenaire ou de l’adversaire.

On peut l’appliquer sur des attaques en coup de poing, sur des saisies de face et sur l’arrière, dans certaines circonstances au sol et bien évidemment en riposte à des attaques à main armée.

Il n‘empêche que certains sont perplexes quant à une efficacité longue à acquérir. A ces doutes, j’opposerais deux arguments : d’abord celui de l’indispensable persévérance dont doit être doté un pratiquant d’arts martiaux, ensuite parce que  je connais beaucoup de personnes (pas forcément des hauts gradés) qui ont pu échapper à de sombres issues grâce à des techniques de clefs comme waki-gatame. L’efficacité est incontestable pour maîtriser un bras armé.

Il est certain qu’une multitude de détails entrent en ligne de compte, aussi bien en matière de précision que de positionnement du corps ;  les répétitions sont faites pour acquérir les qualités indispensables à une bonne efficacité.

Appréciant  cette clef, j’ai comme projet de créer un document pour la présenter sous  toutes ses formes à partir des  différentes opportunités, sans oublier les défenses et éventuelles contre-prises qui y sont attachées.

L’enchaînement des 24 techniques

Dans le livre bleu, récemment évoqué, il y a un enchaînement  que j’affectionne particulièrement. Je veux parler des « 24 techniques ». Je suis fier d’avoir été à leur origine.

Cette suite est représentative de l’art que j’enseigne, elle peut être utile pour démontrer un ju-jistu complet, efficace et spectaculaire, mais avant tout il s’agit d’un outil  de travail au service des enseignants et des élèves.

Les quelques lignes qui suivent présentent cet enchaînement, mais juste avant je voulais  évoquer le plaisir que l’on retire de telles créations.

J’ai toujours ressenti le besoin de créer. Non pas pour « inventer » des techniques, mais tout simplement essayer d’assembler harmonieusement celles qui appartiennent au très riche patrimoine de ma discipline et proposer ainsi  des « outils » qui permettent de varier les méthodes d’entraînement, que ce soit en matière d’efficacité en self-défense, d’épanouissement physique et/ou tout simplement pour se faire plaisir. Sans oublier la possibilité d’utiliser ces enchaînement pour faire connaître un art martial qui le mérite.

Dans la plupart des arts martiaux les enchaînements ont toujours existé, on les appelle les « kata », ce qui peut se traduire par « formes imposées ». Je n’ai jamais eu la prétention d’accoler cette appellation à mes créations, mais juste de participer au développement de mon art.

Présentation des « 24 techniques ».

Les 24 techniques ont été créées dans le but de proposer le plus possible de situations d’attaque et de mettre en face à la fois un maximum de techniques de riposte mais aussi  de combinaisons dans les enchaînements. Coups, projections et contrôles peuvent se marier  de façon presque infinie.

Pour faciliter la mémorisation, l’enchaînement se divise en huit séries de trois attaques : défenses sur tentative de saisie, sur coups de poing, coups de pied, saisies avec bras tendu, saisies « corps à corps », couteau, bâton et menaces de revolver. Dans les ripostes on retrouve  les grandes projections, les principaux coups et contrôles. L’accent devra être mis sur la liaison de ces éléments, la fluidité dont il faudra faire preuve pour une réelle efficacité.

Le plaisir éprouvé dans cette forme de  création – qui consiste à assembler harmonieusement les techniques – peut s’apparenter à celui que doit éprouver  un peintre à marier les couleurs, à celui d’un compositeur avec les notes de musique  ou encore à l’écrivain avec les mots.
Il y a trois phases : la recherche, la création et ensuite la satisfaction de la « chose » aboutie. Les trois sont enthousiasmantes.

L’enchaînement  pourra être utilisé tel qu’il est, mais il sera également possible de se servir de sa structure en proposant des attaques similaires avec des ripostes différentes au travers desquelles les élèves pourront laisser libre cours à leur imagination. En résumé, il constitue une base de travail que j’espère utile.
En illustration : la couverture et trois extraits du livre dans lequel est proposé cet enchaînement (parmi d’autres thèmes également développés).

Notre tenue

Cette semaine j’évoquais sur Facebook  « notre tenue », celle que nous portons lors des entraînements et qui nous manque terriblement depuis des mois.

Cela m’a donné l’envie de proposer la « rediffusion » d’un article qui me tient à cœur.

« L’habit ne fait pas le moine », un peu quand même.

Par facilité on l’appelle le « kimono », mais ce nom désigne plus spécifiquement un vêtement, très joli, par ailleurs.

Chaque art martial possède sa propre appellation pour désigner ce que l’on revêt dans un dojo ; parmi les plus répandues on trouve le judogi, le karategi, le keikogi. On évoque très peu le « jujitsugi ». Pour les principaux arts martiaux japonais  on peut le nommer « dogi ». En taekwondo, c’est le dobok. Quel que soit son nom, cette tenue est importante et ne saurait être négligée ; j’y vois plusieurs raisons.

D’abord, chaque discipline sportive possède son « uniforme » ; il ne viendrait pas à l’idée d’un footballeur de se rendre sur un terrain de foot en judogi.

Ensuite, grâce à sa texture, cette tenue est pratique et hygiénique. Elle est résistante aux différents assauts et autres sévices qu’on lui fait subir. Elle est hygiénique, elle permet d’absorber les litres de sueur produits lors des entraînements.

Cette uniformité possède également comme vertu d’effacer toute distinction sociale. On ne frime pas vraiment dans un « gi ». Nous sommes tous égaux pour ces moments d’étude et de partage.

Enfin, dans le combat rapproché elle évite une proximité qui peut  être rebutante pour certains et certaines.

Cette tenue, je la respecte au plus haut point ; n’est-elle pas mon principal « outil de travail » ? (quand on a du travail).  Elle est aussi  devenue au fil des années ma « deuxième peau ». Parfois elle a même été mon « bleu de travail », comme nous le verrons plus bas. Certains s’en affranchissent quelques fois,  c’est dommage, surtout dans des disciplines dites « à traditions ».

Au début des années 1970, à l’initiative du champion de judo néerlandais Anton Geesink, il y eut une tentative de kimonos de couleurs qui n’a pas vraiment connu le succès. Ensuite, au début des années 1990, le kimono bleu est apparu lors de certaines compétitions de judo, dans le but de faciliter la compréhension des combats. Dans le même esprit, j’ai moi-même opté pour cette couleur dans mes démonstrations et dans des ouvrages.

Quelques professeurs l’utilisent à l’occasion de leurs cours, cela a été mon cas durant un temps, pour « aérer » mes tenues de démonstration, à l’époque où j’en faisais. Une fois cette époque passée, je suis revenu à la pure tradition. Et puis un enseignant doit pouvoir se distinguer davantage par son savoir et son aura que par sa tenue.

Dans cet article j’évoque les arts martiaux, mais d’autres sports de combats possèdent leur propre tenue (boxe, lutte, etc.) et l’arborent fièrement.
Enfin, l’utilisation de la « tenue de ville » (adaptée) pourra être considérée comme un complément à l’étude de la self-défense, dans des cours spécifiques. Ce pourra être aussi une approche et une étape avant de rejoindre le monde des budos.

En illustration, un kimono ayant appartenu à Jigoro Kano !