De la tenue…

L’article de cette semaine a déjà été proposé, mais en ce début de saison il n’est peut-être pas inutile de le publier à nouveau, après l’avoir quelque peu remanié.
« L’habit ne fait pas le moine », un peu quand même.

Par facilité on l’appelle le « kimono », bien que ce nom désigne plus spécifiquement un vêtement porté « à la maison ».
Dans les arts martiaux, il existe plusieurs appellations qui désignent ce que l’on revêt dans un dojo ; parmi les plus répandues on trouve le judogi, le karategi, le keikogi. On évoque très peu le « jujitsugi ». Pour les principaux arts martiaux japonais  on peut le nommer « dogi ». En taekwondo, c’est le dobok.

Quel que soit son nom, cette tenue est importante et ne saurait être négligée ; j’y vois plusieurs raisons.

D’abord, chaque discipline sportive possède son « uniforme » ; il ne viendrait pas à l’idée d’un footballeur de se rendre sur un terrain de foot en judogi.

Ensuite, grâce à sa texture, cette tenue est pratique et hygiénique. Elle est résistante aux différents assauts et autres sévices qu’on lui fait subir. Elle est hygiénique, elle permet d’absorber les litres de sueur produits lors des entraînements.

Elle possède également comme vertu d’effacer toute distinction sociale. On ne frime pas vraiment dans un « gi ». Nous sommes tous égaux pour ces moments d’étude et de partage.

Enfin, dans le combat rapproché, elle évite une proximité qui peut  être  parfois rebutante pour certains et certaines.

Cette tenue, je la respecte au plus haut point ; n’est-elle pas mon principal « outil de travail » ?.  Elle est aussi  devenue au fil des années ma « deuxième peau ». Parfois elle a même été mon « bleu de travail », comme nous le verrons plus bas. Certains s’en affranchissent, c’est dommage, surtout dans des disciplines dites « à traditions ».
Que l’on ne cache pas, sous des prétextes d’évolution, un manque de rigueur et de respect à l’égard de notre histoire et de notre identité.

Au début des années 1970, à l’initiative du champion de judo néerlandais Anton Geesink, il y eut une tentative de kimonos de couleurs qui n’a pas vraiment connu le succès. Ensuite, au début des années 1990, le kimono bleu est apparu lors de certaines compétitions de judo, dans le but de faciliter la compréhension des combats. Dans le même esprit, j’ai moi-même opté pour cette couleur dans mes démonstrations et dans des ouvrages.

Quelques professeurs l’utilisent à l’occasion de leurs cours, cela a été mon cas durant un temps, pour « aérer » mes tenues de démonstration, à l’époque où j’en faisais. Une fois cette époque passée, je suis revenu à la pure tradition. Et puis un enseignant doit pouvoir se distinguer davantage par son savoir et son aura que par sa tenue.

Dans cet article j’évoque les arts martiaux, mais d’autres sports de combats possèdent leur propre tenue (boxe, lutte, etc.), que les pratiquants arborent fièrement.

Enfin, l’utilisation de la « tenue de ville » (adaptée) pourra être considérée comme un complément à l’étude de la self-défense, dans des cours spécifiques. Ce pourra être aussi une approche et une étape avant de rejoindre le monde des budos.

L’importance du premier professeur…

Après le choix d’une discipline, l’importance du premier professeur

La semaine dernière j’évoquais le choix d’une discipline, mais le choix du professeur est tout aussi important. Ceci étant, à moins que beaucoup de changements s’opèrent au sein du club, le professeur est un peu « l’âme du dojo » et parfois même une « marque de fabrique ».  Choisir une discipline et un dojo, c’est aussi choisir un professeur.

Cet article vient en complément de celui de la semaine dernière, en insistant cette fois, sur l’importance du premier professeur. Il s’agit d’un article déjà proposé, mais quelque peu remanié.

Démontrer parfaitement une technique est une chose,  qu’elle soit assimilée par les élèves, en est une autre. « L’essentiel n’est pas ce que l’on enseigne, mais ce que les élèves apprennent ». Cette citation d’André Giordan (dont vous trouverez le parcours sur Internet) est éloquente. Un cours n’est pas un show et les explications se doivent d’être concises et ne pas se transformer en un discours interminable. Il y a des professeurs dotés d’une excellente technique mais qui sont incapables de la transmettre. A l’inverse, il y a des professeurs qui sont en capacité de transmettre des éléments qu’ils ne maîtrisent pas forcément parfaitement, cela s’appelle la pédagogie. Démonter est une chose, transmettre en est une autre.

Comment savoir si l’enseignant d’un dojo est compétent et s’il nous conviendra ? Un néophyte est forcément privé de moyens d’évaluation.  Il y a la réputation, mais encore faut-il que l’enseignant et son enseignement correspondent à ce que nous recherchons. Un professeur peut former d’excellents champions, mais si l’objectif est de trouver une pratique utilitaire ou essentiellement tournée vers le loisir,  ces compétences là ne seront pas utiles.

Si c’est  un ami qui nous conduit dans son dojo, ce qui est souvent le cas, il est préférable (là aussi) que les aspirations de cet ami soient en concordance avec les nôtres. Il faudra donc souvent  s’en remettre à la première impression et surtout ne pas avoir peur d’échanger avec le professeur et avec quelques habitués du dojo avant de s’engager.

Le métier de professeur, quelle que soit la discipline enseignée (français, mathématiques, chant, danse, arts martiaux, etc.) est un des métiers les plus beaux mais aussi les plus difficiles. Lors des confinements que l’on nous a infligés, certains parents, obligés de faire la classe à leurs enfants, ont pris conscience de cette réalité. Certes, chacun son métier et on peut opposer à cette affirmation que c’était difficile pour eux dans le mesure où ce n’est pas le leur, mais quand même…!

L’une des principales qualités d’un professeur qui s’adresse à différentes populations, comme c’est souvent le cas dans les arts martiaux, c’est d’être capable de s’adapter à l’âge et au niveau technique des élèves. Et en particulier aux débutants (qui sont les ceintures noires de demain).

J’ai déjà insisté sur ce point essentiel, celui du premier professeur. J’avais même cité en exemple l’ex-danseuse étoile, Marie Agnès Gillot, résidant à Paris mais qui accompagnait son fils chaque semaine en Normandie pour qu’il commence la danse avec celui qui avait été son premier professeur.

Son rôle est déterminant, c’est lui qui construit les fondations, qui nous fournit les bases. Donc, au moment de commencer, il est préférable de ne pas se tromper. Les mauvaises habitudes se prennent plus vite que les bonnes et elles sont tenaces.

Souvent la qualité du professeur se juge à celle de ses élèves (il y a aussi des exceptions).

Dans notre domaine, le professeur est un passeur de technique, mais il est aussi le transmetteur des fortes valeurs attachées aux arts martiaux, notamment ce fameux « Code moral », souvent affiché, pas toujours appliqué !

Avec le temps on se souviendra que c’est à ce premier professeur que l’on doit d’être le pratiquant que l’on est devenu ; il nous a fait découvrir et aimer une discipline et un art dans lequel nous nous épanouissons.

A titre personnel, j’ai eu la chance de bénéficier en tout premier de l’enseignement de mon père, Bernard Pariset. La chance : pas uniquement parce qu’il s’agissait de mon père, mais parce qu’en plus d’être un grand champion, il était un excellent enseignant doté d’une pédagogie naturelle dans laquelle s’exprimait une redoutable force de persuasion, mais aussi une façon extraordinaire de rendre les choses évidentes.

Le choix

Nous sommes encore à la rentrée, les portes des dojos sont ouvertes à nouveau, enfin !
Il y a ceux qui reprennent une pratique qui les passionne, ils étaient impatients de remettre le kimono (bien que ce ne soit le nom exact de la tenue que nous revêtons pour pratiquer, nous l’utilisons par facilité). Et puis, il y à ceux qui vont commencer leur « carrière de samouraï » et qui sont hantés par une multitude de questions au moment du choix. Certains ont déjà « trouver leur voie », souvent sur les conseils d’un proche, mais il y a les autres, ceux qui hésitent encore.

L’offre est importante et un débutant ne sait pas forcément sur quels critères se baser pour s’engager toute une saison et sûrement davantage, c’est ce qu’il faut souhaiter. D’autant que dans nos disciplines, normalement, nous nous engageons à long terme, même si malheureusement c’est de moins en moins le cas ; papillonnage et zapping prenant le pas sur rigueur et persévérance !

En premier lieu, il y a les motivations : la self-défense, le sport loisir, l’entretien physique, etc. Ou même une méthode plus « interne ». Avoué ou pas, l’aspect utilitaire reste une motivation importante.

Certains « experts » en manque de reconnaissance n’hésitent pas à se réclamer d’une formule magique, même parfois de la méthode qui rend invincible ; heureusement beaucoup n’ont pas cette prétention, ils sont réalistes et empreints de l’humilité indispensable à tous les vrais professeurs d’arts martiaux.

Comme je l’ai souvent rappelé, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises disciplines, mais tout simplement des professeurs plus ou moins compétents. Une bonne discipline mal enseignée n’apprendra rien à l’élève, au contraire elle construira de mauvaises fondations et donnera de très mauvaises habitudes, certaines étant difficilement réversibles.

C’est donc davantage sur le choix de l’enseignant, qu’il faut se tourner. Sa réputation, bien sûr, due à son parcours et à la qualité des élèves formés ; j’avais déjà évoqué il y a quelques semaines l’importance du premier professeur. Mais, on ne peut pas plaire à tout le monde, c’est pour cette raison qu’il faut se déplacer et demander à faire une ou deux séances à l’essai. Simplement pour constater si, oui ou non, l’ambiance dans laquelle se déroule l’enseignement nous correspond.

Donc, plus que le choix d’une discipline, c’est le choix d’un dojo – et de son enseignant – qui est déterminant.

Se pose aussi la question de la fréquence hebdomadaire à laquelle on doit s’astreindre. Là encore, il s’agit de s’adapter en fonction de plusieurs critères ; l’éloignement et la disponibilité personnelle, en font partie. Plus que la quantité, ce sera la régularité qui primera. Essayer, si possible de venir au(x) même(s) horaire(s) et de façon régulière ; éviter de « sauter » une ou plusieurs semaines. Certains prétendent qu’un seul entraînement hebdomadaire n’est pas suffisant, je pense qu’il est préférable de ne venir qu’une fois par semaine plutôt que zéro fois ; même si une fréquence de deux séances hebdomadaires est idéale. Au-delà il faut être semi-professionnel ou professionnel.

Bonne rentrée à tous et bonne saison dans un bon dojo….avec un bon professeur, tant qu’à faire !

Bilan et espoirs

Donc, le 26 en proposant un stage à Paris, je vais renouer avec un brin d’activité. Il était temps ! Cependant, « la remontada » risque d’être longue. On parle de reprise économique, tant mieux,  reste à savoir si cela va durer.

Cependant, les pouvoirs publics et la presse ont tendance à oublier tous ceux qui dans cette crise ont souffert, ceux qui ne s’en remettront pas et ceux qui se battent, souvent seuls,  pour survivre dans une indifférence assez édifiante. Il faudra faire aussi avec les inévitables séquelles physiques et psychologiques laissées par cette sale période.

A l’attention de ceux qui ignoreraient encore les raisons qui font que je me retrouve sans lieu de travail, c’est-à-dire sans dojo pour enseigner, mais aussi de ceux qu’il faudrait encore convaincre que la décision qui a été prise était la bonne, parce qu’il n’en existait pas d’autres, je propose ces quelques lignes (que personne n’est obligé de lire).

Le 16 mars 2020, le Président de la République nous informe que dès le lendemain (l’expression du jour au lendemain n’a jamais eu autant de sens) tous les établissements recevant du public devront fermer, au moins pour quinze jours (en fait cela a duré deux mois, et bien plus pour certaines activités, dont les arts martiaux).

Dans son allocution, je m’en souviens comme si c’était hier, pensez-donc je venais d’ouvrir quelques mois avant, il précisait que pour les locataires, les loyers seraient « bloqués » ; ce qui me paraissait être du bon sens, dans la mesure où si une interdiction, qui n’est ni de votre fait, ni de votre faute, est prononcée, il ne paraît pas concevable d’honorer un loyer pour un endroit que vous n’avez plus la possibilité d’exploiter. Or un mois après, ma propriétaire me harcelait afin que je règle l’échéance du mois d’avril, alors que nous savions à ce moment-là que la reprise d’activité ne se ferait pas avant l’été, au mieux ! La suite nous a donné raison, malheureusement. L’engagement qui avait été annoncé lors de l’intervention présidentielle n’a pas eu de suite, sans cynisme, j’ajoute que nous sommes un peu habitués à cela !

Je rappellerai les trois raisons essentielles qui m’on conduit à ne pas m’entêter, non pas par manque de combativité, bien au contraire, mais par lucidité et esprit de survie (je n’exagère pas). En effet, continuer était tout simplement suicidaire, je m’explique.

Il faut rappeler qu’il s’agissait d’un club privé avec des loyers parisiens. Il ne s’agissait pas d’un équipement municipal.

Ensuite, le dojo était presque « tout neuf », il n’avait pas l’antériorité qui lui aurait permis de bénéficier de réserves en matière de trésorerie : un « trésor de guerre ». Tout comme il ne pouvait prétendre au prêt garanti par l’état (qui aurait de toute façon alourdit le montant des dettes). Quant au Fond de solidarité, qui par ailleurs n’avait pas été mis en place au moment de la prise de décision de fermeture, toujours à cause de la jeunesse de l’entreprise, il n’aurait pas permis la survie.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, exerçant en « nom propre » ou dans d’autres termes en tant que « travailleur non salarié », j’étais en première ligne. Dans ce statut, il n’existe pas de dépôt de bilan, si ce n’est une faillite  personnelle qui vous exclut définitivement de la société. (Il n’existe pas non plus de chômage.)

Avant de prendre la décision, j’ai consulté un expert comptable, un avocat et un commissaire aux comptes. Pas un ne m’a conseillé de poursuivre, tous les trois m’ont recommandé de trouver au plus vite un accord avec la propriétaire pour une résiliation de bail à l’amiable, de façon à ne pas accumuler les dettes, notamment celles qui concernaient les loyers en question. En matière de baux commerciaux (les fameux 3-6-9) le locataire est engagé pour trois ans de loyer, il m’en restait plus de deux ans à honorer, avec le nombre de mois de fermeture que nous connaissons.

Je sais que ce n’est pas facile à comprendre lorsque l’on n’a pas de connaissance en matière d’entreprise privée. Heureusement, la majorité des personnes (même celles qui ne sont pas dans le privé)  ont compris que cette décision était la seule décision raisonnable qu’il fallait prendre ! Même si c’est ce qu’on appelle un coup dur, très dur !

Que l’on se rassure (ou pas),  je n’ai jamais baissé les bras, même si le combat est assez inégal, seul face au virus et à une gestion très surprenante. Par contre, il est vrai que je n’ai jamais cessé (au risque de me répéter) de dénoncer ce qui me semblait être une exécution en bonne et due forme. Je ne « radote » pas, j’exprime avec force et détermination une juste et saine colère, ce qui ne m’empêche pas d’être combatif, bien au contraire.

J’ai essayé durant ces dix-huit mois, de sauver l’essentiel, en appliquant les principes de non-opposition à la force brutale, de façon à pouvoir rebondir (bien que je ne sois pas un ballon). La première étape sera un stage proposé le 26 septembre à Paris. Ce sera déjà un bon début !

Judo et ju-jitsu

A l’aube d’une nouvelle saison pour les clubs qui auront la chance de pouvoir reprendre, j’ai pensé livrer quelques réflexions issues de quelques années  d’expérience. Cela dans un long article !

Il n’est pas indispensable de pratiquer les deux pour être bon dans l’un ou dans l’autre, mais nul ne peut contester que le ju-jitsu et le judo soient intimement liés et qu’ils puissent être complémentaires à la condition d’être compatibles, nous y reviendrons plus bas. Jigoro Kano ne s’est-il pas inspiré de certaines écoles de ju-jitsu pour mettre au point sa méthode qu’il a nommé judo ?

Beaucoup plus tard dans notre pays,  au tout début des années 1970, à l’initiative de mon père, Bernard Pariset, le ju-jitsu (quelque peu oublié)  fût réhabilité et  remis en valeur au sein de la fédération de judo. Il n’était pas question de mettre en place une concurrence au judo, mais une complémentarité évidente. L’objectif était de revaloriser  un  aspect du judo qui avait été délaissé et qui  pourtant est à son origine, à savoir l’aspect utilitaire. Il s’agissait tout simplement de proposer un « plus ». Une corde supplémentaire à l’arc des professeurs qui souhaitaient élargir leurs possibilités d’accueil dans les dojos, c’était une simple réappropriation.

A cette époque, le judo connaissait un important développement, mais l’aspect  sportif  prédominait. Dans l’enseignement, les autres secteurs étaient quelque peu délaissés, ce qui excluait une bonne partie d’une population à la recherche d’un art martial axé sur la self-défense. Celle-ci se tournait alors vers d’autres disciplines.

L’objectif  était tout simplement de réhabiliter et de se réapproprier des techniques qui avaient été délaissées.  Au sein même de la fédération, cela n’a pas toujours été bien compris. Il a fallu que l’initiateur de cette remise en valeur bénéficie de l’écoute et de la confiance d’Henri Courtine, le Directeur technique national de l’époque, pour que ce projet aboutisse.

Par leurs histoires, le judo et le ju-jitsu sont donc intimement liés,  ce qui entraîne forcément  une indiscutable  complémentarité technique. Ils forment d’ailleurs un ensemble et s’il y a deux appellations, c’est pour souligner des spécificités qui ne sont pas antagonistes.

Ceci étant, il existe  différentes  méthodes et écoles de ju-jitsu. Elles  possèdent chacune leur identité, parfois bien différentes les unes des autres. Celle dont il est question, appelée « atemi ju-jitsu »,  avait pour objectif d’être interchangeable  avec le judo. C’est-à-dire que  le professeur  pouvait enseigner sans difficulté, s’il le souhaitait, le judo et le ju-jitsu et les pratiquants avaient la possibilité de passer  de l’un à l’autre. Le mot « atemi » avait été associé pour signifier la remise en valeur de techniques qui appartenaient par le passé au « patrimoine » judo-ju-jitsu.

Simplement, pour que les deux soient complémentaires et compatibles, certaines conditions doivent être respectées,  ce n’est pas toujours  le cas.  Ce que j’expose est mon sentiment, un sentiment qui, au fil des ans, n’a pu que se renforcer et  se matérialiser par une constante satisfaction de mes élèves tout au long  des décennies consacrées à l’enseignement.

Le ju-jitsu que j’appellerai « traditionnel » peut être considéré de différentes façons. D’abord comme une discipline à part entière, ou encore comme une complémentarité au judo. Au même titre que l’inverse peut l’être tout autant. Mais le ju-jitsu doit rester un art martial à but non-compétitif, axé sur le self-défense et proposant des techniques interdites en judo, parce que trop dangereuses en opposition directe, mais terriblement efficaces en self-défense. Instaurer des compétitions d’affrontement direct en ju-jitsu est contre-nature, et de plus cela installe une concurrence directe avec le judo, c’était l’inverse de l’objectif initial (complémentaire, mais pas concurrent). Le ju-jitsu en compétition ce n’est plus du ju-jitsu. Je ne suis pas contre la formule, mais contre l’appellation. « Judo-boxe » ou « karaté-judo » seraient plus appropriés.  Il faut remarquer aussi qu’à partir du moment où des compétitions existent dans une discipline, les enseignants ont tendance à n’enseigner que les techniques autorisées par un règlement forcément restrictif.
Ensuite, si on souhaite que les deux soient –  et restent –  compatibles et complémentaires, il est indispensable que des attitudes comme la garde et les techniques communes (projections, clés, étranglements) soient les mêmes, ce qui malheureusement n’a plus été le cas à partir de 1995.

Cette compatibilité  entraîne trois conséquences positives. D’abord elle offre  une rapide adaptation pour les professeurs, ensuite les élèves peuvent  passer sans aucune difficulté de l’un à l’autre, enfin et ce qui n’est pas le moins important, cela  procure  une réelle efficacité  en matière de self-défense grâce à l’osmose entre les différentes composantes (coups, projections, contrôles). Cela n’a pas été le cas avec les compétitions techniques appelées « duo-system » dans lesquelles les pratiquants affichent des gardes très basses, incompatibles avec certaines grandes projections  du judo.

Développons ces trois points.

D’abord la facilité d’adaptation des professeurs. Quand la « relance » du ju-jitsu a été mise en place, il fallait les convaincre et leur faciliter la tâche en mettant à leur disposition  une méthode dans laquelle ils allaient pouvoir rapidement se reconnaître et donc s’adapter. En fait, c’est une sorte de calque qui leur a été proposé. Les projections, par exemple, peuvent être pratiquées dans la forme judo, à partir du kumi-kata, mais aussi dans leur expression ju-jitsu, sur une attaque de « rue » : un coup de poing, une saisie, etc. Bref, une agression. Ce qui est ni incongru, ni exceptionnel dans la mesure où toutes les projections de base trouvent leurs origines à partir d’attaques à mains nues ou bien armées. C’est en quelque sorte leur première raison d’être.
Deuxième point : la facilité à ce que les pratiquants passent  de l’un à l’autre, du judo au ju-jitsu, ou l’inverse (sans qu’ils en soient obligés, cela se faisant en fonction d’un ressenti), ce qui permet au professeur, comme indiqué plus haut de proposer deux aspects et d’élargir ainsi son champs d’action. Si les attitudes, sont radicalement différentes, par exemple une garde ju-jitsu très basse sur les jambes (comme dans le duo-systém »), les élèves rencontreront les plus grandes difficultés d’adaptation avec les grandes projections du judo, elles seront donc écartées de l’enseignement et de la pratique.
Troisième point : sur le plan de l’efficacité pure, cette osmose est indispensable. Prenons l’exemple d’un coup enchaîné avec une projection ; il est souhaitable que la position des jambes soit identique pour que l’enchaînement en question se fasse naturellement  et donc le plus vite possible. La rapidité étant un critère indispensable en matière d’efficacité ; pour cela il faut qu’existe une parfaite fluidité dans la liaison entre les différentes composantes. Et puis, ces attitudes de gardes très basses  ne se retrouvent  pas dans la rue.

Pour souligner cette indiscutable compatibilité, il est possible de faire un parallèle « coups/projections ». Exemple : mae-geri keage enchaîné avec o-soto-gari ; on trouve une similitude dans la façon de lancer la jambe pour donner le coup et dans la préparation de la projection. Un second exemple avec yoko-geri de la jambe avant enchaîné avec harai-goshi. La similitude se trouve dans la façon adoptée par  Tori pour se rapprocher d’Uke, en croisant  les pieds (le pied gauche  venant se placer derrière le droit, aussi bien pour le coup de pied que pour la projection).  On peut aussi trouver un parallèle dans la façon de lancer la jambe sur l’arrière avec ushiro-geri keage et la dernière phase d’un uchi-mata. De même qu’un gedan-geri ressemblera à un harai-tsuri-komi-ashi, en termes de forme de corps et donc d’efficacité dans la liaison.

On peut aussi ajouter, ce qui n’est pas négligeable, l’apport qu’une  telle pratique du ju-jitsu pourra apporter aux judokas : les  enchaînements donneront le sens du timing, de la liaison et les randoris d’atémi renforceront le coup d’œil, les réflexes, la souplesse et la condition physique. Pour les ju-jitukas, une pratique très technique des projections du judo et du travail au sol sera d’une incontestable utilité. Enfin, pour tous il permettra d’acquérir ce que l’on appelle le « sens du combat ». Celui-ci se transpose d’une discipline à l’autre. Le coup d’œil, l’anticipation, certains automatismes, etc.

En résumé, pour un enseignant la maîtrise et l’enseignement des deux permettent de satisfaire un nombre important de pratiquants : de la petite enfance en quête d’une méthode d’éducation physique et mentale,  à l’adulte  à la recherche d’un art martial efficace et accessible quelque soit son âge et sa condition physique, en passant par un judoka souhaitant se réaliser temporairement  au travers de la compétition.

Tout cela devant s’effectuer en proposant, sans imposer.

Cette complémentarité semble tellement évidente qu’il est surprenant qu’elle ne soit pas suffisamment  comprise. Tout comme il est étonnant  et regrettable que le ju-jitsu le plus « compatible » avec le judo ne soit pas (ou très peu) enseigné au sein de la fédération de judo.
Il n’est jamais trop tard…

Eric Pariset
Professeur de judo et de ju-jitsu

La rentrée, quelle rentrée ?

Dans une semaine, ce sera la rentrée. Quelle rentrée, pour quelle saison ?

Sans faire preuve de pessimisme, juste de réalisme, il faut avouer que l’on risque de vivre une troisième saison compliquée, la rentrée ne va pas être facile. J’y vois trois principales raisons : l’incertitude, l’état des lieux et le potentiel. Les trois étant intimement liés.

D’abord l’incertitude. Malgré le vaccin, le passe-sanitaire, les gestes barrières, et autres sacrifices, nous ne sommes toujours pas sortis d’affaires.  Le doute qui plane à propos de cette quatrième vague, ne va pas favoriser les engagements pour une saison sportive et au moment où j’écris ces lignes l’assurance de pouvoir reprendre normalement n’est pas acquise, il règne une certaine confusion dans les consignes et on ne peut pas affirmer que la confiance se soit installer. On commence aussi à évoquer une cinquième vague !

Ensuite, lorsque l’on fait l’état des lieux, il faut reconnaître les dégâts. Il ne s’agit pas simplement de mots ou de pronostiques, mais de faits et les faits sont têtus ! Pour utiliser une expression à la mode : « c’est factuel » : des clubs  privés fermés définitivement, des structures municipales touchées avec des professeurs en mal de travail, des bénévoles démotivés (des sujets qui semblent être occultés) et la mise en place délicate de certaines règles liées au protocole sanitaire. Que ce soit pour les clubs municipaux ou, pire encore pour les dojos privés, être ouvert est une chose, avoir suffisamment d’adhérents pour le rester, en est une autre. Et puis, des chiffres circulent sur les pertes abyssales concernant les licences des grandes fédérations lors de la saison dernière. Qui pourrait s’en étonner, d’ailleurs ? Il faut aussi faire avec l’affrontement des pro-vaccins et des anti-vaccins ou anti-passe sanitaire qui s’est invité dans notre milieu.

Enfin, le potentiel, justement.  Comme déjà évoqué, est-ce qu’il y aura suffisamment de pratiquants pour que cette nouvelle saison soit viable (surtout pour les structures privées) ? Les nouveaux seront-ils au rendez-vous pour pratiquer des disciplines on ne peut plus « au contact » ?  Pareil concernant les réinscriptions, lorsque l’on sait qu’avant la pandémie, il fallait renouveler environ la moitié de l’effectif chaque année (moyenne nationale). Les abandons ont toujours été nombreux pour différentes raisons, bonnes ou mauvaises ! Enfin, il faut espérer ne pas être confronté à de nouvelles restrictions, prochainement.

Je ne souhaite qu’une seule chose, c’est de ne pas avoir raison. Ces quelques lignes n’ont pas pour vocation de décourager, mais simplement « d’envisager » de façon à ne pas être surpris et à continuer le combat, même s’il est inégal. Il faut espérer que le combativité, la volonté, les capacités d’adaptation aux situations périlleuses et bien d’autres qualités dont les pratiquants et les enseignants d’arts martiaux ne sont pas dépourvus, suffiront pour sortir de cette situation insupportable, qui n’en finit pas.

Alors, croisons les doigts et souhaitons-nous une bonne rentrée. Pour ce qui me concerne, sans lieu d’enseignement (viable), forcément elle aura le goût de l’amertume et du gâchis, sans pour autant perdre l’espoir et en estimant qu’il n’est pas possible d’en rester là, qu’une telle injustice ne peut pas gagner !

Stages d’été : le Golfe bleu, première partie

Impossible d’évoquer les stages d’été sans parler du Golfe Bleu. J’ai déjà eu l’occasion de consacrer quelques articles à ce lieu mythique qui a vu passer des centaines et peut-être même des milliers de judokas, de pratiquants d’autres budos, mais aussi de volleyeurs, de pongistes, de plongeurs, etc. Et tout simplement  de vacanciers. Du début des années 1950 jusqu’au milieu des années 1980, tous ceux qui y sont venus ne serait-ce qu’une fois, gardent des souvenirs qui ne périront jamais. Je sais, je suis bien placé pour l’affirmer. A titre personnel c’est environ une dizaine d’étés que j’ai passé en entier ou en partie.
Je vous laisse découvrir ou relire la première partie l’article que j’avais déjà consacré à cet inoubliable « Golfe bleu ».

Aujourd’hui direction le soleil et la Provence. Exactement à Beauvallon-sur-Mer, un hameau situé sur la commune de Grimaud,  juste à coté de Sainte-Maxime et en face de Saint-Tropez.

C’est un voyage vers le soleil et dans le temps que je vous propose en vous emmenant, quelques décennies plus tôt, dans un lieu magique qui malheureusement n’existe plus : le Golfe Bleu.

À l’initiative de Gérard et Armande Néél, couple de professeurs de judo au fort tempérament, fut ouvert dans les années 1950 un centre de vacances sur le modèle du « Club Med ». Nous étions à 300 mètres de la mer, au milieu d’une forêt de mimosas, de chênes-lièges et de pins parasols.

Le  couple avait comme projet de rassembler durant l’été des judokas et leurs familles pour des périodes d’une semaine ou plus. Le centre fonctionnant du 15 juin au 30 septembre. Au début, l’hébergement – quelque peu spartiate – se faisait dans des paillottes avec de la terre battue comme revêtement de sol ! Un tatami, protégé par un toit, mais ouvert sur les côtés, se trouvait au centre du village de vacances.

Deux heures de techniques tous les matins et… deux heures de randoris toutes les fins d’après-midi, tel était le programme des stagiaires. Pour encadrer tout cela, ce sont les meilleurs champions qui sont passés par ce lieu, ceci jusqu’à la fermeture du centre à la fin des années 1980 !

Mais ce sont les débuts de l’aventure qui sont assez fascinants et qui me laissent tant de souvenirs. En effet, mon père faisait partie de l’encadrement des premières années, avec bien sûr son « alter-ego » Henri Courtine et le fameux géant néerlandais (un pléonasme) Anton Geesink. Le centre recevait des  judokas de toute l’Europe, et même de plus loin. Souvent des équipes nationales venaient préparer les saisons suivantes. Dans ce lieu unique  une ceinture jaune pouvait faire le combat de sa vie avec un Champion du monde.

Pour ma part et à l’âge qui était le mien, il ne s’agissait pas d’entraînement, mais tout simplement d’un endroit, ou pendant une petite dizaine d’années, j’ai vécu, de juin à septembre (à l’époque la rentrée des classes se faisait vers le 21 septembre) des vacances que je peux classer parmi les plus beaux moments de ma vie. Elles m’ont permis d’assister à des combats d’entraînements d’anthologie, de côtoyer les sommités du judo et des arts martiaux, de créer des amitiés indéfectibles et de faire de cette région ma région de cœur.

Aujourd’hui, un célèbre promoteur a mis fin à la colline magique. Seul rescapé, le restaurant-plage « Le Pingouin bleu », tenu par Pierrot, le fils de la famille. Si un jour vous passez par là, n’hésitez pas, vous serez bien accueillis et vous serez à quelques pas d’un lieu chargé d’une histoire comme on n’en connaîtra plus !

(Très vite, la seconde partie)

25 étés à Soulac !

La semaine dernière, dans mon article hebdomadaire, j’évoquais  mes cinquante années de métier. Durant ce demi-siècle, entre autres rassemblements, j’ai organisé et dirigé pendant vingt-cinq ans un stage d’été à Soulac-sur-Mer, dans le Sud-ouest de la France, en Gironde précisément.

En ce début de mois d’août, j’ai pensé que c’était le bon moment pour revenir sur ces stages qui se déroulaient à ce moment-là de l’année.

Cette aventure avait commencé en 1986. Auparavant c’est dans le département de Lot-et-Garonne, au Temple-sur-Lot, que je me rendais pour ces rendez-vous qui marquent l’été. Les pratiquants d’arts martiaux connaissent  cet endroit, beaucoup d’experts sont venus dispenser leur savoir.

Si j’ai opté pour les bords de l’Atlantique en 1986,  c’est pour répondre à la demande d’un nombre important de stagiaires qui  venaient en famille ;  les accompagnateurs souhaitaient que leur soient proposées davantage d’activités pendant que le ju-jistuka, ou la ju-jitsukate,  suait sur les tatamis. Il faut avouer aussi  qu’en France,  à l’époque, nous étions davantage mer que campagne.

Donc, à l’automne 1985, j’ai envoyé une lettre à presque toutes les stations balnéaires de l’Atlantique pour leur exposer le projet. C’est Soulac qui a répondu en premier. Après un week-end de reconnaissance en octobre, j’ai opté pour cette belle petite citée. Je n’imaginais pas que nous y retournerions pendant un quart de siècle, sans aucune interruption.

Jean-François-Pintat, le Maire de l’époque, avant que ce soit son fils Xavier qui prenne la suite, a répondu à notre demande rapidement, mais encore fallait-il que j’ai un coup de cœur pour me décider, ce fût le cas. Je ne voulais pas d’une trop grande station balnéaire, nous en connaissons beaucoup de très belles, mais par nature, je préfère des endroits à l’animation mesurée.  Ce qui m’a plu à Soulac, c’est tout simplement la nature. D’un côté l’océan avec des kilomètres de sable fin et de l’autre, la forêt de pins. Au milieu, c’est plus un village qu’une ville : une ambiance familiale, beaucoup d’activités, mais comme indiqué plus haut, suffisamment de calme pour ceux qui viennent (aussi) pour se reposer. Je n’oublie pas une architecture remarquable avec les inimitables villas soulacaises, toutes plus belles les unes que les autres.

Concernant l’hébergement, les premières années, la presque totalité des stagiaires logeait au Centre Capdeville, un centre initialement réservé aux footballeurs. Il était dirigé par Christian Fétis, une personnalité du football français. Ensuite, c’est son fils Frédéric qui a repris les rennes. Nous sommes restés en contact, de solides rapports amicaux s’étaient installés entre nous. J’étais souvent invité à la table de la famille, pour mon plus grand plaisir, j’ai toujours été merveilleusement bien reçu.

La dernière édition du stage de Soulac a eu lieu en 2010. A cette époque la gestion de mon dojo parisien était assez « écrasante », et comme cela arrive dans la vie, j’avais besoin de faire une pause et de profiter de l’été, pour me reposer et reposer un peu le kimono (pour les puristes, je rappelle que j’utilise souvent ce mot qui n’est pas le mot exact, mais c’est celui-ci qui est communément utilisé, peut-être à tort).

Ces stages rassemblaient des jujitsukas venus de toute la France, mais aussi de l’étranger : Belgique, Suisse, Allemagne, Pays-Bas, et bien d’autres pays.

Beaucoup de souvenirs me reviennent à l’esprit en pensant à ces étés. En plus des séances en kimono avec un programme technique très copieux et une intensité physique conséquente, s’imposent les séances en extérieur au milieu des arbres, mais aussi au bord de l’océan. Arriver  à neuf heures du matin  et découvrir une plage déserte pour pratiquer  sur un sable adapté à notre activité grâce à la marée basse, il faut l’avoir fait au moins une fois.

Il n’est pas exclu de programmer une nouvelle édition l’année prochaine, en espérant que nous serons, à ce moment-là, sortis de cette situation qui, depuis le début, a plus particulièrement pénalisé nos belles disciplines.

A toutes et à tous, je souhaite un beau mois d’août, avec ou sans stage, avec ou sans vacances.

50 ans (de métier)

Cette semaine je fête mon anniversaire, mais en septembre c’est un autre que j’aurais aimé fêter, celui qui marque un parcours de cinquante années dans les arts martiaux, cela ne sera malheureusement pas le cas, pour des raisons connues de tous.

Certes, c’est à cinq ans que j’ai revêtu mon premier judogi, mais c’est en 1971 que je suis entré dans le monde des arts martiaux pour en faire mon métier. Je n’ai pas commencé à donner des cours à l’âge de 17 ans, il s’agissait de ce que l’on pourrait appeler  une formation en alternance. En quelques lignes, je vais tenter de résumer ce demi-siècle consacré presque exclusivement aux arts martiaux.

Comme indiqué plus haut, j’ai débuté la pratique à l’âge de cinq ans, mais avec une régularité relative, c’est en 1971 que les choses sérieuses ont commencé. En septembre de cette année-là je rejoignais mon père dans son dojo parisien de la Rue des Martyrs pour commencer ma formation par le bas de l’échelle : l’aspirateur, la serpillière, l’accueil et l’assistance aux professeurs lors des cours destinés aux enfants. Tout cela en continuant ma formation et mon renforcement technique.
A l’époque existaient deux niveaux avant d’accéder au Graal, à savoir le diplôme de Professeur de judo, karaté, aïkido et méthodes de combats assimilées (un sacré diplôme). On passait d’abord par animateur, puis moniteur. C’est en 1976 que j’accédais  au sésame tant convoité.

Entre 1971 et 1976, en plus de la préparation aux diplômes, il y a eu le Bataillon de Joinville ; une année essentiellement consacrée au judo. En 1977, j’étoffais mes capacités avec le diplôme de professeur de boxe française.

Les cinquante années qui viennent de s’écouler ne se sont pas limitées à l’enseignement, même s’il a occupé la plus grande partie de mon activité et tout simplement de ma vie. En effet, dés la fin des années 1970, avec le ju-jitsu (l’atemi-ju-jitsu), j’ai encadré de nombreux stages fédéraux et privés, effectué des démonstrations en France et à l’étranger, écrit des bouquins, réalisé des vidéos, participé à des réunions fédérales, et puis il y a eu beaucoup d’entraînement, les compétitions en judo, etc.

J’ai enseigné dans différents dojos, c’est tout naturellement dans celui de la Rue des Martyrs que j’ai commencé. Ensuite j’ai subi quelques déménagements, toujours en professant dans des dojos privés qui étaient le fruit de mes initiatives. Prochainement je reviendrai, à la fois sur ce choix d’indépendance, mais aussi sur des événements qui ont parfois contrarié le bon déroulement des choses ; l’entrepreneuriat ne se réalise pas sans obstacles, même s’il est préférable qu’ils ne soient ni trop hauts, ni trop nombreux.

Une vie dans laquelle, par la force des choses, le « professionnel » et le « personnel » ont été intimement liés, pour le meilleur, mais aussi parfois  pour le pire. Je ne suis pas le seul à connaître et à subir les épreuves que le destin parfois nous impose, cependant elles ont été nombreuses et parfois douloureuses ; elles ont rendu moins fluide le cours de l’existence. C’est aussi dans ces moments là que l’on teste notre capacité de résistance.

En septembre prochain, je pensais vraiment « marquer le coup », cela ne se fera pas, cet anniversaire ne sera que virtuel ; en aucun cas comme je l’aurais souhaité. Nul ne peut ignorer ce qui nous est arrivé en mars 2020 et qui a bouleversé notre existence, à des degrés divers. Je fais partie de ceux qui « ont pris cher ». Un investissement matériel réduit à néant, suivi de dix huit mois sans travail, et ce n’est pas terminé. Il y a des épreuves, face auxquelles, malheureusement, la volonté n’est pas suffisante et où les combats consistent à affronter des moulins à vent. Seule la volonté et la capacité de résistance permettent de ne pas sombrer ! Sur cet effroyable gâchis, je suis déjà revenu à de multiples reprises. Il est indispensable de chasser le pessimisme, mais parfois il faut  se rendre à l’évidence, pour beaucoup d’entreprises privées, il sera difficile de repartir autrement qu’en claudiquant, et encore. Et puis, la vie que nous vivons et l’ambiance dans laquelle nous évoluons sont exécrables.

Cet anniversaire raté n’est qu’une déception de plus, certains y verrons de la futilité, mais la vie n’est pas faite que d’évènements graves. N’avons-nous pas besoin de temps à autre d’un peu de légèreté, et de quelques petits plaisirs qui rendent notre vie plus supportable et lui donnent un sens ? Les anniversaires sont des points de repaire qui sont un peu comme des petits cailloux semés pour ne pas se perdre !

Finissons malgré tout sur une note positive, en espérant un retour rapide à une « vie  normale » et à une pratique de nos disciplines dans des conditions qui le seront tout autant !

Quant à cet anniversaire, il sera dans ma tête, c’est déjà bien !

La nostalgie

Longtemps considérée comme un sentiment négatif, elle a tendance à être réhabilitée. Différentes études lui ont attribué des effets positifs.
Alors, qu’elle soit attachée à certains de mes articles, n’apporte ni contestation ni reniement de ma part.

La nostalgie s’appuie sur l’évocation de souvenirs heureux que l’on regrette. Elle ne consiste pas uniquement à s’épancher sur les malheurs du moment qui nous sont imposés, elle ranime des souvenirs qui peuvent nous apporter une bouffée d’oxygène mental.

«Demain aujourd’hui sera hier ».
Et puis en tant que pratiquant d’arts martiaux, l’évocation des souvenirs est aussi le moyen de rappeler le passé sur lequel nous avons construit notre présent. Ce n’est pas propre à nos disciplines, mais peut-être davantage, dans la mesure où elles sont qualifiées à juste titre de « disciplines à traditions ».

Évoquer le passé, c’est aussi se souvenir de ceux qui nous ont aidées à devenir ce que nous sommes. De nos enseignants qui nous ont d’abord donné l’envie de commencer, ensuite de continuer et qui nous ont délivré un bagage technique et parfois mental. Je dis parfois, parce que la mémoire n’est pas toujours au rendez-vous.

Être tourné résolument vers le futur, ne signifie pas qu’il faille ignorer le passé. Parfois, il est  important de l’écraser, lorsqu’il est question d’évènements négatifs. (Nous ne manquerons pas de travail dans quelques temps.)

L’évocation des bons souvenirs n’est donc pas mauvaise en soi, et même indispensable, elle peut faire office d’antidépresseur naturel. Cela n’implique pas forcément l’affirmation que « c’ était mieux avant » (quoique depuis dix-huit mois, il serait légitime de se poser la question), mais que c’était différent. Le tout est de savoir faire le tri. Mais pour être tout à fait franc en me servant d’une formule déjà très utilisée, je préfère avoir eu quinze ans en 1969 qu’en 2020.

Dans cette période de présent douloureux (ô combien) et d’avenir immédiat incertain, et sans m’enfermer dans mon passé, je n’abandonnerai ni l’évocation d’évènements positifs, ni les hommages aux glorieux aînés.

Cela n’empêche pas d’envisager l’avenir, même si depuis quelque temps, nous ne sommes pas vraiment maîtres de notre destin.

La photo d’illustration qui doit dater du milieu des années 1950 et que j’ai déjà utilisée, représente le dojo parisien de la Rue des Martyrs, ce lieu dans lequel j’ai acquis la plus grande partie de mon savoir, mais aussi où j’ai appris mon métier.