U comme Utile

Pour la lettre U de mon dictionnaire c’est le mot Utile que j’ai choisi.

Chaque métier (je préfère ce mot à celui de travail) possède ses utilités ; la première étant de subvenir à nos besoins et à ceux dont on a la charge. Ensuite, il est incontestable que certains métiers ont une utilité plus directe sur le bien être de nos contemporains ou sur celui des générations futures. La médecine et la recherche en sont deux beaux exemples.

De mon point de vue, viennent ensuite ceux qui sont liés à l’éducation. Je pense avoir la chance d’exercer une profession qui n’est pas dénuée de responsabilité, ni d’utilité. Et puis, « Professeur » est un beau titre (même si d’autres noms, plus administratifs que représentatifs remplacent cette belle terminologie). Certains n’ont pas hésité à l’appeler « le plus beau métier du Monde ». Comme dans beaucoup de professions, on ne peut échapper à quelques incompétences et/ou à des usurpateurs pseudo-professionnels.

Dans les arts martiaux nous avons une triple utilité. L’éducation physique, l’aspect « purement utilitaire » (justement) avec la self-défense et enfin une formation mentale et morale.

L’éducation physique, avec des répétitions qui développent de façon harmonieuse les parties de notre corps qui sont aussi nos « armes naturelles ». Ce renforcement s’acquiert de façon plus agréable que par l’intermédiaire de machines inhumaines et austères. Et puis, cette pratique se faisant dans un sens naturel, les risques de blessures sont moins importants que celles provoquées par un développement disons « artificiel ». Nous ne faisons que révéler des qualités et des compétences intrinsèques. On obtiendra de la souplesse, de la tonicité, de la précision et de la vitesse dans l’exécution des techniques et dans l’acquisition des réflexes. Tout cela étant au service de notre « science du combat ».

Cette science, pour ce qui concerne le ju-jitsu, est utile sur un plan purement pratique (c’est son ADN), il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas en convenir ; j’ai consacré un bon nombre d’articles sur le sujet, on peut les retrouver sur mon blog. Les techniques ont été souvent utiles à des personnes lâchement agressées (être agressé lâchement est une sorte de pléonasme).

Enfin, sur le plan mental, ce qui n’est pas le moindre, les bienfaits de l’exercice physique ne sont plus à démontrer. L’étude des arts martiaux (correctement enseignés) inculque des valeurs morales utiles à la vie en société ; enfin, un enseignement sérieux et ludique apporte un bien être général. Ce qui est bon pour la tête est utile et bon pour le corps.

Voilà les principaux bienfaits offerts par une pratique bien encadrée et correctement animée ; ces quelques lignes ne manqueront pas de faire la démonstration du caractère UTILE de ma profession, j’en suis fier.

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Ju-jitsu en Bourgogne !

A l’occasion du billet hebdomadaire, publié sur mon blog et relayé par Facebook, je souhaitai revenir aujourd’hui sur la journée passée dimanche dernier à Saint-Julien-Du-Sault dans l’Yonne.

L’année dernière, presqu’à la même époque, j’avais déjà consacré quelques lignes à propos d’un stage que j’avais encadré suite à l’invitation de Michel Bailet, le professeur de l’ADJJ, qui anime depuis des années plusieurs sections avec un dynamisme et un courage à toute épreuve.

Nous nous connaissons depuis fort longtemps et c’est avec grand plaisir que j’ai répondu une nouvelle fois favorablement à sa demande pour animer un stage dimanche dernier. L’attachement à ses convictions et la fidélité envers certaines personnes sont des qualités qui se raréfient, aussi il est bon de valoriser et remercier ceux qui n’en sont pas dépourvus.

Si je reviens sur cette journée, c’est aussi parce qu’elle a été particulièrement réussie, de mon point de vue et aussi de celui des stagiaires si j’en juge par les nombreux commentaires exprimés.

Tout était parfait ; un accueil empreint d’une grande gentillesse, un nombre important de ju-jitskas qui avaient répondu présents à l’appel de leur professeur ; ce n’est pas toujours évident de faire cette démarche un dimanche après midi pour transpirer, chuter, donner des coups (contrôlés), etc. Je n’oublie pas le verre de l’amitié pour conclure cette belle journée, avec en cadeau un des fleurons de la Bourgogne, à savoir une bouteille de Chablis (que je consommerai avec modération et… quelques proches !).

Mais surtout, je voulais insister sur deux points. Le premier concerne le comportement des élèves et les qualités qui les animent ; à savoir le respect, la reconnaissance, l’investissement physique, mais aussi le niveau technique ; il n’y a pas de secret, même si certains bénéficient de dispositions naturelles, c’est grâce au professeur que ces qualités se révèlent ou s’acquirent. Ensuite, comme on peut le constater sur les photos, il y a la parité en matière de mixité ; c’est assez rare pour être souligné. Le charme des élèves masculins n’est sans doute pas l’unique raison ; il y a un phénomène d’entraînement, mais aussi et surtout un enseignement adapté, ou plus exactement un enseignement sans aucune forme de distinctions, ni discriminantes, ni compatissantes.

Enfin, pour conclure cet article, et au risque de me répéter, j’affirme que c’est toujours avec une grande émotion et un immense plaisir que je reviens dans l’Yonne. Après Paris, c’est le département dans lequel j’ai passé le plus de temps et où se sont construits certains de mes plus beaux souvenirs.

Encore merci à Michel et à son équipe et à très bientôt ; surtout dans la mesure où au cours de nos conversations de dimanche nous avons évoqué un avenir habité de quelques beaux projets.

Le retour s’est effectué avec l’irremplaçable sensation de bien-être que procure le sentiment d’avoir exercé avec application son métier auprès de passionnés.

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La plus belle victoire…

La semaine dernière, dans un article consacré à la self-défense, j’évoquais le fait que l’une des plus belles victoires pouvait être que celle que l’on obtenait sans combattre ; c’est à l’aide d’une histoire (déjà proposée sur mon blog) issue du célèbre livre «contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon » que j’ai le plaisir d’illustrer ce qui pourrait être considéré comme une maxime.

L’école du combat sans arme : « Le célèbre Maître Tsukahara Bokuden traversait le lac Biwa sur un radeau avec d’autres voyageurs. Parmi eux, il y avait un samouraï extrêmement prétentieux qui n’arrêtait pas de vanter ses exploits et sa maitrise du sabre. A l’écouter, il était le champion toutes catégories du Japon. C’est ce que semblaient croire tous les autres voyageurs qui l’écoutaient avec une admiration mêlée de crainte. Tous ? Pas vraiment, car Bokuden restait à l’écart et ne paraissait pas le moins du monde gober toutes ces sornettes. Le samouraï s’en aperçut et, vexé, il s’approcha de Bokuden pour lui dire : «Toi aussi tu portes une paire de sabres. Si tu es samouraï, pourquoi ne dis-tu pas un mot » ? Budoken répondit calmement :

-« Je ne suis pas concerné par tes propos. Mon art est différent du tien. Il consiste, non pas à vaincre les autres, mais à ne pas être vaincu. »

L e samouraï se gratta le crâne et demanda : –

– « Mais alors, quelle est ton école ? »

– « C’est l’école du combat sans armes. »

– « Mais dans ce cas, pourquoi portes-tu des sabres ?

– « Cela me demande de rester maître de moi pour ne pas répondre aux provocations. C’est un sacré défi. »

Exaspéré, le samouraï continua :

-« Et tu penses vraiment pouvoir combattre avec moi sans sabre ? »

– « Pourquoi pas ? Il est même possible que je gagne ! »

Hors de lui, le samouraï cria au passeur de ramer vers le rivage le plus proche, mais Bukuden suggéra qu’il serait préférable d’aller sur une île, loin de toute habitation, pour ne pas provoquer d’attroupement et être plus tranquille. Le samouraï accepta. Quand le radeau atteignit une île inhabitée, le samouraï sauta à terre, dégaina son sabre, prêt au combat.

Budoken enleva soigneusement ses deux sabres, les tendit au passeur et s’élança pour sauter à terre, quand, soudain, il saisit la perche du batelier, puis dégagea rapidement le radeau pour le pousser dans le courant.

Budoken se retourna alors vers le samouraï qui gesticulait sur l’île déserte et il lui cria – « Tu vois, c’est cela, vaincre sans arme ! »

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Self-défense (contre armes)

Self-défense et notamment défense contre armes.

Cet article proposé (sur mon blog et Facebook) est un peu plus long qu’à l’habitude ; le sujet le mérite.

C’est un secteur délicat en matière de self-défense que celui des défenses contre armes. Toute agression peut engendrer de désastreuses conséquences, à fortiori lorsque c’est à main armée. Les conseils en la matière pullulent sur les réseaux ; je ne me permettrai pas de porter de jugement à leur égard, d’autres n’hésitent pas ; je me contenterai de prodiguer quelques recommandations  issues de mon expérience, non pas en tant que familier des combats de rue (très loin de là), mais tout simplement comme professeur qui enseigne depuis plusieurs décennies et qui a aussi collecté un nombre important de témoignages rapportés par des personnes (élèves ou professeurs, hauts-gradés ou pas, jeunes ou plus âgés, hommes ou femmes) qui ont pu se sortir indemnes d’agressions . Les quelques lignes qui suivent sont donc le fruit d’expérience, de témoignages et… du simple bon sens.

Commençons par le bon sens avec des conseils basiques et évidents qui s’appliquent – si on le peut – à toutes formes d’agressions et en l’occurrence celles avec arme. D’abord en évitant les endroits à risque, ensuite en favorisant la fuite (nul ne connais l’issue d’un affrontement) ; si celle-ci n’est pas possible, entamer un dialogue, une négociation. Si malheureusement l’affrontement est inévitable, il faut d’abord savoir que tout le monde n’a pas la même lucidité dans ces moments. Nous ne sommes pas tous égaux psychologiquement lors d’une agression. Pour savoir comment on réagi face à une telle situation, il faut avoir une expérience en la matière ; si tel n’est pas le cas, il est totalement déconseillé de se tester de son propre chef dans de telles conditions, c’est juste inimaginable (et répréhensible). Lorsque l’on est professeur, l’obligation de mettre en garde ses élèves sur les dangers et les conséquences multiples d’une agression, est obligatoire. On doit aussi se souvenir que la meilleure victoire est celle que l’on obtient sans combattre ; il ne s’agit pas de lâcheté, mais d’intelligence.

Quand l’affrontement semble inévitable, il est évident, que plusieurs facteurs entreront en ligne de compte, dont un qui n’est pas mince, je veux parler de la chance. Ensuite, la maitrise technique et les automatismes feront la différence ; cette maitrise sera acquise par l’apprentissage et le perfectionnement technique, pour ce qui concerne les automatismes, des centaines et des centaines de répétitions seront indispensables. Une bonne condition physique et une tonicité correcte ne gâcheront rien. Enfin, il ne faut jamais arrêter l’entrainement d’autant plus qu’à un certain moment on doit avoir découvert dans la pratique d’autres intérêts que l’unique coté utilitaire (c’est plus sain), même s’il est la raison première de l’élaboration de méthodes de combat.

Tous ces conseils et ceux qui suivent, sont encore plus vrais quand il s’agit d’attaques avec une arme ; surtout lorsqu’il est question d’objets tranchants ; le couteau excluant bon nombre de projections, celles-ci imposant un contact incompatible avec l’acier tranchant ou piquant. Parer ou bloquer l’attaque représente l’évidente première phase. La deuxième étant le coup (l’atemi) – ou plusieurs – pour fixer, stopper et déséquilibrer l’adversaire. Enfin, pour finaliser face à une arme blanche, la maitrise des clefs est indispensable, à moins d’être persuadé que l’utilisation des coups sera d’une radicalité permettant de se passer de l’étude des contrôles en clef de soumission ; cet état d’esprit s’apparente peut-être à une forme de présomption !

Je finirai cet article avec quelques exemples qui sont autant de témoignages recueillis auprès de personnes que j’ai fréquentées et qui ont été victimes d’agressions (notamment avec armes). Grâce à leur technique elles ont pu se sortir d’affaire. Il y a d’abord ce haut gradé dans la police et dans le ju-jitsu qui a pu, grâce à un waki-gatame, maitriser quelqu’un qui lui brandissait un revolver sur le front ; puis, cette ceinture noire féminine qui a sorti un importun de la rame de métro avec un tai-sabaki (déplacement du corps) ; ensuite un « presque débutant », ceinture orange au moment des faits et qui a désarmé un agresseur muni d’un couteau en utilisant une clef au bras très basique (ude-gatame) ; ce septuagénaire haut gradé – mais septuagénaire quand même – qui a « confisqué » le revolver d’un voleur de portefeuille avec un contrôle au niveau du poignet ; certes il s’agissait d’un jouet mais la victime potentielle l’ignorait ; enfin, je termine avec ce monsieur qui, juste après sa première leçon, a réussi à se débarrasser d’un voleur de sacoche dans le métro en appliquant une technique qu’il venait de répéter quelques minutes plus tôt.

Il y a bien d’autres exemples ; et puis il y a ceux et celles qui affirment qu’à partir du moment où ils ou elles ont commencé à pratiquer, ne se sont plus jamais fait embêter, alors que c’était fréquemment le cas avant : cela s’explique assez facilement par une certaine assurance qui émane de la personne possédant quelques moyens de ne pas subir. L’assurance en question étant ressentie par l’agresseur qui n’insistera pas, n’étant pas un exemple de courage de par sa nature. Cependant il ne faut pas tout miser sur cette assurance.

Enfin, je finirai par un clin d’œil à l’attention de ceux qui affirment que leur méthode est la meilleure, tout en critiquant parfois les autres, en leur soumettant l’idée qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises méthodes, à partir du moment où l’on étudie toutes les formes de ripostes à toutes les situations d’attaques et que toutes les « armes naturelles » du corps sont utilisées. Par contre, il y a des bons et des moins bons professeurs et des élèves avec des qualités et des compétences naturelles moins développées ; ce sont d’ailleurs souvent ceux-là qui persistent et progressent le plus.

Une toute dernière recommandation : le package « sachez vous défendre en tant de séances », ça n’existe pas. Etude, perfectionnement, entrainement et répétitions sont les uniques recettes, non pas de l’invincibilité, elle n’existe pas non plus, mais pour cultiver et augmenter un potentiel naturel.

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De Coubertin au Grand Slam

Du premier « Tournoi de Paris » de judo en 1971 à Coubertin jusqu’ au « Grand Slam » à « l’AccordArena Hôtel » en 2019, il s’est écoulé beaucoup de temps, presque cinquante années. Bien des choses ont changé et pas seulement les noms et les lieux ; le sport aussi. Spécialisé en ju-jitsu, cela ne m’empêche pas de bien connaître le judo. Loin de moi – juste un peu – le « c’était mieux avant », mais on peut quand même faire un tri dans les évolutions et distinguer celles qui, à nos yeux, sont positives et celles qui le sont un peu moins et des fois beaucoup moins ; il ne s’agit que d’appréciations personnelles. Avons-nous encore le droit de disposer de la liberté d’opinion ?

Le succès rencontré par cette manifestation, dès l’année de sa création en 1971, n’a fait qu’augmenter et le bon vieux Stade Pierre de Coubertin dans lequel se sont inscrites les premières belles pages du judo, ne suffisait plus pour accueillir un public de plus en plus nombreux ; c’est donc assez naturellement que cette manifestation internationale que l’on peut qualifier de « petit championnat du Monde » a migré de l’Ouest parisien à l’Est pour s’installer dans ce qui s’est d’abord appelé le Palais Omnisport de Paris-Bercy, avant d’être « affublé » du terrible non de « Accord Aréna Hôtel» ! Les exigences financières qui encadrent certains sports de haut-niveau sont responsables d’appellations quelque peu déshumanisées. C’était quand même plus sympa de dire : «  je vais à Coubertin », que « je vais à l’AccordAréna Hôtel». Mais sans doute faut-il s’adapter pour ne pas disparaitre. Et puis, Coubertin c’est un peu la nostalgie d’un endroit qui offrait aux combattants une incroyable proximité avec le public et inversement.

Le but de cet article vise surtout à donner mon impression sur des évolutions, en terme purement « judo », elles m’ont sauté aux yeux en regardant quelques séquences offertes pas la chaine L’Equipe les 2 et 3 février derniers.

D’abord les combattants et combattantes sont de plus en plus d’exceptionnels athlètes ; un physique impressionnant, abritant une puissance qui ne l’est pas moins. Ensuite, il y a la confirmation que de nouvelles variantes se sont installées dans certaines familles de techniques, je pense au seoi nage « inversés », par exemple. Si leur efficacité semble incontestable, il n’en est peut-être pas de même pour la sécurité lors de la chute. Le physique de ces supers athlètes est sans doute en capacité de supporter de telles techniques, mais ce n’est peut-être pas la même chose dans les dojos, lorsque certains veulent imiter les champions et font subir à des partenaires au physique disons normal, les réceptions spéciales imposées par ces projections.

Toujours sur le plan technique, et ça ne date pas d’hier, il est dommage que le travail au sol ne soit pas davantage pratiqué. La faute aux arbitres qui interrompent trop rapidement ces phases, ou aux combattants qui négligent ce secteur, peut-être aux deux ?

Sur la plan de l’arbitrage, mais là aussi c’est déjà le cas depuis longtemps, il semble que les waza-ari et les Ippons soient distribués généreusement. Est-ce une consigne pour offrir davantage de rythme à ces journées de compétitions ? Afin de rendre plus télégénique une discipline qui de toutes les façons n’est et ne peut être appréciée que par ceux qui la pratiquent. Rester deux journées entières à regarder du judo, si on n’est pas judoka, c’est juste impossible. Certains sports peuvent intéresser un large public, au-delà de leurs pratiquants, c’est un peu moins vrai pour le judo. D’un autre coté cela en fait un public unique !

Enfin, en termes de bilan et sur un plan comptable, il est dommage que l’équipe de France n’ait pu nous offrir davantage de résultats, puisqu’aucune médaille n’est tombée dans l’escarcelle des garçons ; il s’agit là d’une disette qui malheureusement sévit déjà depuis quelques temps. Quelles sont les raisons ? Il y a l’émergence de nouvelles nations qui entraînent un nivellement, mais est-ce suffisant comme explication ? Peut-être faut-il s’interroger sur le système d’enseignement, entre autres hypothèses ?

Je finirai avec du positif en affirmant que regarder des combats de judo, surtout à l’échelle mondiale et lorsque l’on aime ce sport, est forcément un moment savoureux, dont on ne se lasse pas. Et puis nous sommes dans une discipline structurée au fort potentiel éducatif (lorsque l’encadrement est à la hauteur), et c’est rassurant.

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T comme Technique

Pour la lettre T de mon dictionnaire, c’est assez naturellement que le mot « Technique » s’est imposé ; il est en effet très utilisé quand on est professeur de ju-jitsu et d’arts martiaux. On l’emploi à longueur de cours, en tant que nom, pour désigner ce que nous enseignons, mais aussi comme adjectif, lorsque nous évoquons certaines qualités.

Nous appelons les « techniques » ce qui constitue l’ensemble de ce que nous transmettons ; techniques debout, au sol, de percutions, de base, avancées, supérieures, etc. Mais elles sont aussi dans les katas pour lesquels la nomenclature est organisée de la façon suivante : 1ere technique, 2ème technique, etc. Et plus particulièrement dans le ju-jitsu que j’enseigne, pour designer des enchainements comme celui des « 16 techniques », par exemple !

Mais comme indiqué en introduction, nous employons aussi ce terme comme adjectif pour souligner des qualités ; les qualités techniques de telle ou telle personne, c’est d’ailleurs très valorisant d’être qualifié de bon technicien.

C’est plus particulièrement ce deuxième aspect, celui de l’adjectif que je retiens pour cet article. La recherche de la perfection technique est une des motivations importantes pour un pratiquant de budo, c’est peut-être aussi ce qui différencie l’art martial d’une simple lutte. La quête du geste parfait exécuté avec précision au bon moment est primordiale ; pour l’efficacité, mais aussi pour la satisfaction que représente un beau geste, à l’instar de celui du patineur ou du gymnaste, ou encore quand un sculpteur, un peintre ou un écrivain réalise une belle œuvre. Dans nos disciplines cette finesse technique (garantie d’efficacité) sera prioritaire par rapport aux qualités physiques, puisque celles-ci déclineront fatalement plus vite avec l’âge.

Le but est donc d’élever son propre niveau technique lorsque l’on est étudiant, puis celui de ses élèves quant on enseigne. Retrouver dans les élèves la « patte » technique d’un professeur, c’est pour lui une belle récompense, encore davantage lorsque, sans connaitre l’identité de l’enseignant, il sera reconnu au travers des qualités d’un élève.

Que ce soit pour désigner un programme, ou des qualités, le mot technique est donc un des mots les plus utilisés sur un tatami, mais il est aussi omniprésent dans l’esprit de tous les pratiquants quand il s’agit de s’approcher de l’excellence… TECHNIQUE.

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S comme Samouraï

Pour la lettre S de mon dictionnaire c’est tout naturellement que je me suis arrêté à « Samouraï ».

Comme pour chaque personnage ou élément qui compose ce dictionnaire, l’objectif n’est pas de faire un exposé sur le sujet, mais d’exprimer ce qu’il a représenté et représente pour moi.

Samouraï : ce mot je l’ai lu, entendu et prononcé un nombre de fois incalculable ; peut-il en être autrement dans la vie d’un pratiquant d’arts martiaux ? Ces valeureux guerriers sont indissociables d’une carrière consacrée aux disciplines de combat ; presqu’au point de souhaiter leur ressembler, non pas dans leur « métier », mais pour leur esprit ; acquérir cette farouche volonté, cette rigueur, cette efficacité et ce sens du raffinement dans le combat, et cet attachement à de belles valeurs, autant d’éléments qui ont participé à leur gloire et à leur histoire. Encore maintenant, Il n’y a pas plus beau compliment que celui de recevoir le qualificatif de samouraï. Non pas pour le maniement du sabre que nous ne portons plus, mais pour les valeurs exprimées ci-dessus.

Ceci étant, ne nous méprenons pas, ces hommes n’étaient pas des tendres et les combats qu’ils se livraient se finissaient par la mort d’un des deux protagonistes. Nous n’en sommes plus là, bien heureusement.

Pour ma part, deux mots me viennent spontanément à l’esprit pour les qualifier (et qualifier un « samouraï des temps modernes ») : courage et respect.

Le plus célèbre d’entre eux est incontestablement Miyamoto Musashi (1584-1645), grâce à son parcours, ses combats et ses écrits. On ne peut qu’encourager la lecture du « Traité des cinq roues ». Dans ce recueil, le samouraï philosophe fait état des cinq éléments qui représentent la nature entière : Terre, Eau, Feu, Vent, Vide. Il invite à transposer l’art de l’épée ; de l’appliquer à la vie quotidienne et qu’il devienne un art de vivre.

Je conclurai par une petite histoire : « Trois mouches » (déjà publiée sur mon blog). Réalité ou légende ? Peu importe, elle est savoureuse et démontre que parfois on peut vaincre sans combattre.

Trois mouches.

Dans une auberge isolée, un samouraï est installé, seul à une table. Malgré trois mouches qui tournent autour de lui, il reste d’un calme surprenant. Trois rônins entrent à leur tour dans l’auberge. Ils remarquent aussitôt avec envie la magnifique paire de sabres que porte l’homme isolé. Sûrs de leur coup, trois contre un, ils s’assoient à une table voisine et mettent tout en œuvre pour provoquer le samouraï. Celui-ci reste imperturbable comme s’il n’avait pas remarqué la présence des trois rônins. Loin de se décourager, les rônins se font de plus en plus railleurs. Tout à coup, en trois gestes rapides, le samouraï attrape les trois mouches qui tournaient autour de lui, et ce, avec les baguettes qu’il tenait à la main. Puis calmement, il repose les baguettes, parfaitement indifférent au trouble qu’il venait de provoquer parmi les rônins. En effet, non seulement ceux-ci s’étaient tus, mais pris de panique, ils n’avaient pas tardé à s’enfuir. Ils venaient de comprendre à temps qu’ils s’étaient attaqués à un homme d’une maitrise redoutable. Plus tard, ils finirent par apprendre, avec effroi, que celui qui les avait si habilement découragés était le fameux Miyamoto Musashi.  

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R comme Randori

Pour la lettre R de mon dictionnaire, j’ai choisi le mot Randori. C’est donc un article plus technique qui est proposé. J’aurais pu choisir R comme Respect ou R comme Reconnaissance ou encore R comme Remerciements, mais les lignes auraient été empreintes d’une certaine « négativité » face à quelques réalités.

Restons dans la « positivité » et revenons à « notre Randori ».

En guise d’introduction je propose une définition glanée sur Internet et qui me semble être un parfait résumé : « Exercice libre orienté vers l’attaque. Le randori permet la rencontre de deux partenaires dans une confrontation dont la victoire ou la défaite n’est pas l’enjeu ».

Le randori est sans doute l’exercice le plus important pour progresser et le plus agréable à pratiquer à condition de le faire avec un partenaire habité par un état d’esprit identique.

Le randori existe dans la plupart des arts martiaux, qu’ils soient ou non à but compétitif. On peut traduire ce mot par « exercice libre ». Libre dans l’utilisation des techniques et leurs enchainements, dans l’adaptation aux situations. C’est à la fois un exercice de perfectionnement technique et d’amélioration de la condition physique mais c’est aussi un moment de vérité où l’on peut se tester dans une situation d’opposition, même si cette opposition est codifiée pour des raisons évidentes de sécurité, entre autres. Je le définirai comme un exercice d’opposition codifiée à thème.

Il est important pour trois raisons principales. D’abord il permet de progresser dans l’attaque et la défense, ensuite il participe à l’acquisition et au renforcement de la condition physique et enfin, s’il est fait dans un bon état d’esprit, on prend beaucoup de plaisir dans une opposition aux allures de jeux. On peut ainsi mesurer les progrès ; par exemple, le jour où il devient possible de projeter quelqu’un alors que cela ne l’était pas quelques temps avant.

En ju-jitsu, les trois principaux thèmes sont le randori d’atemi (les coups) le randori de projections et le randori au sol. Ils permettent de se perfectionner dans chacun de ces trois domaines en toute sécurité. A titre personnel, je suis contre un exercice d’opposition dans lequel tout est autorisé. A ceux qui ne partagent pas ce point de vue au motif que dans la réalité tout est permis, je réponds que la réalité c’est la réalité et que l’entraînement c’est l’entraînement. Dans ce dernier, les consignes d’efficacité et de sécurité sont indissociables. Une pratique constructive se fait en limitant les situations dans lesquelles les risques de blessures sont plus importants.

Dans ces affrontements qui sont essentiellement axés sur le renforcement du système d’attaque, il est évident que l’on travaille aussi la défense. Ne serait-ce que pour proposer à son partenaire une opposition correcte.

Je concluerai en soulignant que chacun des trois principaux secteurs évoqués (coups, projections et travail au sol) possède ses particularités dans le plaisir procuré. Pour le travail des projections, arriver à « faire tomber » quelqu’un à l’aide d’une belle réalisation ou un enchaînement ou encore l’application du fameux principe action-réaction est une joie que seuls ceux qui la connaissent peuvent en attester. Dans le travail au sol, l’affrontement est différent dans la mesure où, ne réclamant pas autant de vitesse d’exécution, il offre la possibilité de « fourbir » sa stratégie, de préparer plusieurs « coups » à l’avance, de prendre son temps dans l’action et dans la satisfaction. Enfin, et pour terminer, on peut établir un parallèle entre le randori « coups de poings et pieds » et une conversation. « L’assaut courtois », tel que l’on nommait cet exercice du temps de Charlemont, le fondateur de la boxe française, peut s’assimiler à une discussion au cours de laquelle les deux protagonistes éviteraient de parler en même temps, sans pour autant se priver de défendre leurs propres arguments en coupant la parole (poliment) s’il le faut, mais au cours de laquelle ne serait prononcé aucun « gros mot ».

Alors, lors des séances d’entraînement, n’oubliez pas les randoris !

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Une journée à Léognan

Dimanche dernier un stage d’une journée était proposé à Léognan dans le département de la Gironde, à quelques kilomètres de Bordeaux.

C’est à l’initiative de Michel et Nicole Dourthe,dynamiques dirigeants des « Arts Martiaux de Léognan », qu’était organisé ce rassemblement.

Dans les années 1980 et 1990, c’était presque tous les week-ends que je me rendais en province pour animer de telles journées. Il s’agissait d’une autre époque.

Ces journées sont toujours de bons moments. Elles se déroulent la plupart du temps selon un rituel dont on ne se lasse pas. Le 13 janvier était un modèle du genre.

Un départ de Niort (injustement caricaturée dernièrement), tôt le matin, avec une météo fraiche et humide, qui m’a épargné neige et/ou verglas, mais pas de rouler de nuit ; nous sommes encore dans les jours les plus courts, surtout le matin.

Après deux heures et quelques de route et à l’aide du GPS, je trouve le dojo situé en pleine nature. Un beau dojo doté d’un tatami de deux cents cinquante mètres carrés environ. Les stagiaires commencent à arriver et c’est l’occasion de retrouver des visages connus et d’en découvrir de nouveaux ; fidélité et nouveauté sont au rendez-vous. Un café et nous entamons la séance du matin.

En principe, j’aime bien commencer par un pur travail sur les atémis (les coups), que je considère comme une suite naturelle à l’échauffement. On continue avec des défenses sur les atémis en question, ce qui permet d’aborder les projections et les contrôles.

A midi, la pause est la bienvenue et nous nous rendons dans un restaurant pour vivre un agréable moment de convivialité et de reprise d’énergie. En l’occurrence, dimanche dernier, il s’agissait d’un restaurant chinois, un de ceux qui proposent un buffet à volonté dans lequel certains n’hésitent pas à se répandre comme s’ils n’avaient pas manger depuis des lustres. Je ne parle pas des stagiaires, eux sont conscients des risques encourus par une digestion trop lourde entreprise sur les tatamis.

Les tatamis justement, nous les retrouvons à 14 h 30 ; la remise en route est délicate, aussi c’est par du travail au sol qu’il est judicieux de commencer ; ce domaine impose moins de réactivité. Une fois que le tube digestif a en partie effectué son travail, nous pouvons passer à un thème précis. Ce jour-là, j’avais choisi de proposer différentes défenses à partir d’attaques des « 16 techniques », ce qui offre beaucoup de possibilités.

Pour terminer cette deuxième séance et le stage, l’exercice des « techniques démontrées et enchaînées », que mes fidèles stagiaires connaissent bien, recueille à chaque fois une parfaite adhésion. Il s’agit d’un travail technique rythmé, renforçant la condition physique et la mémoire, mais il est surtout un déclencheur d’enthousiasme et de dynamisme.

Après une douche salvatrice et avant de se quitter, il y a un moment toujours très agréable, autour de quelques friandises et jus de fruit, avec des échanges sur la journée, l’évocation de souvenirs communs, mais aussi de projets, la signature des passeports sportifs et la promesse de se retrouver rapidement. Je me plie aussi, avec la plus grande satisfaction à quelques dédicaces.

J’en profite aussi pour remercier les stagiaires pour leur présence. En effet, ce n’est pas évident de quitter le dimanche matin un logement douillet, surtout en hiver, de laisser la famille et de sacrifier le repas dominical ; tout ça pour passer quatre heures dans un dojo (parfois mal chauffé, ce qui n’était pas le cas à Léognan) dans lequel on va transpirer, prendre quelques fois des coups, subir des chutes, bref faire souffrir quelque peu son corps, même si c’est pour une bonne cause, celle d’assouvir sa passion vouée au ju-jitsu.

Vient le moment du retour ; deux heures de route (encore de nuit, nous sommes toujours en hiver) durant lesquelles l’esprit déroule le film d’une journée aussi intense qu’enthousiasmante. La fatigue est présente, mais il s’agit d’une « bonne fatigue », enveloppée par la satisfaction d’avoir donné le maximum en faisant son métier le mieux possible ; et quel beau métier !

Vivement le prochain rendez-vous !

Sur la photo : Michel Dourthe Directeur Technique, votre serviteur, Christian Walgraeve professeur et Nicole Dourthe présidente

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« La bonne année »

Que pouvons-nous souhaiter à des pratiquants d’arts martiaux en ce début d’année, en dehors des vœux traditionnels ?

Tout d’abord de terminer, au moins, la saison commencée ; ce souhait est valable pour tous, mais peut-être davantage pour ceux qui sont entrés dans le monde des arts martiaux en septembre dernier ; les autres, en principe, ne lâchent la pratique qu’en cas de force majeur. Mais il est vrai que les tatamis sont moins fréquentés en fin de saison ! Les beaux jours ne sont pas la seule explication.

Ensuite on peut souhaiter évidemment de ne pas se blesser. Non seulement parce que ce n’est jamais agréable, mais aussi parce que cela implique fatalement une période sans entraînement, donc sans plaisir ni progrès ! Et puis, une fois guéri, c’est parfois difficile de « s’y remettre ».

On peut espérer aussi franchir les étapes et « monter en grade », même si ce n’est pas l’essentiel ; cela est synonyme de régularité, de persévérance, de rigueur et d’évolution ! Les ceintures de plus en plus foncées et les « dans » sont aussi de réels encouragements. Et puis, il y a ce fameux graal que représente la ceinture noire. Elle doit être considérée non pas comme un aboutissement, mais comme un accomplissement (j’emprunte cette formule à un ancien élève) et comme une étape extrêmement agréable à franchir. Une fois acquise, la ceinture noire devient synonyme d’un engagement, celui de ne jamais arrêter d’être présent dans un dojo, pour pratiquer et/ou transmettre !

Effectivement, on souhaite une présence régulière pour progresser, mais aussi pour retransmettre. C’est valable dans toutes les matières, dans toutes les disciplines sportives, mais disons que cela est vraiment dans l’ADN des arts martiaux, davantage qu’ailleurs.

Plus globalement, mais en restant dans le monde des budos, on peut espérer que s’inversent les statistiques qui font état de plus de 50 % d’abandons d’une saison à l’autre. S’agissant d’une moyenne, cela signifie que certains clubs perdent chaque année bien plus que la moitié de leur effectif. Par conséquent, cela implique un renouvellement considérable d’élèves après chaque été. Il est donc indispensable d’être attractif et de proposer ce que les futurs pratiquants attendent. Mais, ces clubs qui perdent beaucoup d’élèves, sont-ils capables d’en attirer beaucoup d’autres ?

Même si un nombre significatif d’abandons est inévitable, on doit pouvoir en juguler une part non négligeable. Peut-être en proposant une pratique moins brutale, donc moins accidentogène, en respectant davantage les diverses aspirations, en définissant des objectifs et en fournissant les moyens de les atteindre, etc. Bref, en faisant part d’un professionnalisme irréprochable. Ce n’est pas toujours le cas, malheureusement.

Enfin on peut souhaiter que les arts martiaux continuent à participer à l’éducation, et cela dans tous les domaines et que le « code moral » affiché dans la plupart des dojos soit appliqué. Je reviens souvent sur cet aspect éducatif, mais comme dans beaucoup de domaines, ce sont les répétitions qui font progresser.

Bonne année et bonne pratique à tous.

eric@pariset.net    www.jujitsuericpariset.com