L’ordre des choses

Certains ont la chance d’être encore pour quelques heures en vacances, d’autres sont déjà (ou encore) au travail, mais comme beaucoup de dojos ne reprennent les cours  que la semaine prochaine, voilà pour patienter, un extrait de l’excellent ouvrage « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Extrait déjà proposé il y a quelques mois et dans lequel il est question du respect de  « l’ordre des choses» !

«La loi de l’équilibre»

Ayant l’occasion de séjourner au Japon au début du siècle dernier, un européen avait décidé d’y apprendre le ju-jitsu qui lui paraissait être une méthode de combat redoutable. Il commença donc à suivre les cours d’un Maître renommé.

Mais quelle ne fut pas sa surprise quand, au bout de la troisième séance, il n’avait toujours appris aucune technique de combat ! Il s’était seulement exercé à des mouvements très lents, en décontraction. A la fin de la séance, il décida d’aller trouver le Maître.

« Monsieur, depuis que je suis ici, je n’ai rien fait qui ressemble à des exercices de lutte.

– « Asseyez-vous, je vous prie », déclara le Maître.

L’européen s’installa négligemment sur le tatami et le Maître s’assit en face de lui.

« Quand commencerez-vous à m’enseigner le ju-jitsu ? »

Le Maître sourit et demanda :

– « Etes-vous bien assis ? »

– «  Je ne sais pas…Y a-t-il une bonne façon de s’asseoir ? »

Pour toute réponse, le Maître désigna de la main la façon dont il s’était lui-même assis, le dos bien droit, la tête dans le prolongement de la colonne vertébrale.

– « Mais écoutez, reprit l’Européen, je ne suis pas venu ici pour apprendre à m’asseoir. »

– « Je sais, dit patiemment le Maître, je sais, vous voulez apprendre à lutter. Mais comment pouvez-vous lutter si vous ne cherchez pas l’équilibre ? »

– « Je ne vois vraiment pas le rapport entre le fait de s’asseoir et le combat.»

-« Si vous ne pouvez rester en équilibre quand vous êtes assis, c’est-à-dire dans l’attitude la plus simple, comment voulez-vous garder l’équilibre dans toutes les circonstances de la vie et surtout, dans un combat ? »

S’approchant de son élève étranger qui restait perplexe, le japonais le poussa légèrement. L’européen tomba à la renverse. Le Maître, toujours assis, lui demanda alors d’essayer de le renverser à son tour. Poussant d’abord timidement d’une main, puis y mettant les deux, l’élève finit par s’arc-bouter vigoureusement contre le Maître, sans succès. Soudain, ce dernier se déplaça légèrement et l’autre bascula en avant, s’étalant de tout son long sur les tatamis.

Esquissant un sourire, le Maître ajouta :

– « J’espère que vous commencez à comprendre l’importance de l’équilibre. »

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Une très belle histoire

Voici une très belle histoire pour finir agréablement une année quelque peu éprouvante. Une histoire extraite d’un livre intitulé : « Petite philosophie du matin » de Catherine Rambert. Bonne fin d’année à tous. (Ce magnifique récit avait déjà été proposé sur ce blog à la fin de l’année 2015.)

« Les deux malades »

Deux hommes, sérieusement malades, occupaient la même chambre d’hôpital. Tous deux devaient rester alités, mais l’un des deux avait l’autorisation de se redresser dans son lit, pendant une heure, chaque après-midi, tandis que son compagnon d’infortune devait rester couché.

Le lit du premier homme étant situé juste à côté de la fenêtre, il profitait du laps de temps où il pouvait s’asseoir pour regarder au-dehors et décrire à son ami tout ce qui se passait à l’extérieur.

La chambre donnait sur un parc avec un magnifique lac. Les canards et les cygnes jouaient sur l’eau, tandis que les enfants faisaient naviguer leurs bateaux miniatures. Les jeunes amoureux marchaient bras dessus, bras dessous. Tout cela était beau et bucolique. Pendant une heure, l’homme assis décrivait tout à son compagnon avec force détails.

Ce moment embellissait la journée. Les deux hommes en profitaient pour se raconter leurs souvenirs, évoquer les enfants et leur famille… Pendant ce temps, tous deux oubliaient leur maladie, et cela mettait un peu de douceur dans leur malheur.

Au fur et à mesure des semaines, ce rendez-vous de l’après-midi devint une forme de récompense qui égayait leur vie quotidienne.

Quand l’heure arrivait, la féérie narrative recommençait. L’homme décrivait les fleurs, les arbres, en essayant de deviner leur variété, les enfants qui jouaient dans le bac à sable, la vue sur la ville au loin… En écoutant ces détails, l’autre fermait les yeux de bonheur en imaginant ces scènes belles et pittoresques.

La vie s’écoulait ainsi. Mais un matin, l’infirmière entra dans la chambre et découvrit que l’homme près de la fenêtre s’était éteint dans son sommeil.

Attristée, elle se fit aider pour enlever le corps, sous les yeux de son voisin, qui pleura la disparition de son ami.

Lorsqu’il sentit le moment propice, il demanda s’il pouvait être placé dans le lit à côté de la fenêtre. L’infirmière fut heureuse de lui faire ce plaisir et après s’être assuré qu’il était confortablement installé, le laissa seul.

Lentement, il se hissa sur un coude pour jeter un premier coup d’œil à l’extérieur. Il aurait enfin la joie de voir par lui-même tout ce que son compagnon savait si bien lui décrire… mais tout ce qu’il vit fut un mur.

Pourquoi son compagnon disparu lui avait-il décrit tant de merveilles alors qu’il n’en n’était rien ? demanda-t-il à l’infirmière.

« Sans doute pour vous donner du courage, répondit cette dernière en souriant, car, vous ne le saviez peut-être pas, mais il était aveugle. »

La morale de cette histoire est qu’il y a un bonheur immense à rendre les autres heureux, en dépit de ses propres soucis.

Et que si la peine partagée divise par deux la douleur, alors la joie partagée sera double.

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2018 : mini bilan !

Encore une année au cours de laquelle aucune forme de violence ne nous aura été épargnée, et cela malgré les bons vœux que nous ne manquons pas de nous souhaiter au moment du nouvel an. Pour ceux qui prônent la non-violence, quelle déception ! Ce n’est pas une raison pour abdiquer face à ce fléau. « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre (et persévérer) » !

A titre personnel et professionnel, ces douze mois auront été marqués par le plaisir de retrouver régulièrement de fidèles élèves à l’occasion des rendez-vous parisiens qui se tiennent à un rythme mensuel ; de commencer, par l’intermédiaire de mon blog, mon dictionnaire des arts martiaux et de proposer chaque semaine, sur ce même blog, et relayés sur Facebook, des billets d’humeur. Ces articles traitent de sujets en rapport direct avec le ju-jitsu, le judo et les arts martiaux ; le nombre croissant de personnes concernées ainsi que les commentaires confortent à la fois mes opinions et l’envie de poursuivre cet exercice qui me procure énormément de plaisir.

Du coté déception, la plus grande restera sans conteste mon projet de réinstallation parisienne qui n’a pu aboutir à l’occasion de la rentrée. Il n’y a pas de mystère autour de cet événement, tout simplement un problème logistique : l’impossibilité de trouver un logement. La vie parisienne est assurément de plus en plus compliquée. Je ne considère pas cela comme un échec (et quand bien même !) mais comme un gros contretemps, la vie ne nous en prive pas ! Et puis, lorsque l’on entreprend, l’aboutissement n’est pas systématiquement garanti, ceux qui ont (ou qui ont eu) l’envie et la possibilité de « se lancer » savent de quoi il s’agit. Le projet n’est donc pas abandonné pour autant.

Durant cette année, j’ai aussi pu « considérer » toutes les facettes de l’âme humaine ; en commençant par l’indéfectible fidélité, en passant par la redoutable indifférence, pour finir dans certain cas, par l’ineffable médiocrité et l’inévitable trahison ! Parfois aussi, comme le disait Beaudelaire, j’ai pu croiser : « la bêtise au front de taureau ».

Il existe une autre désillusion en liaison directe avec le début de cet article, avec le constat que cette fichue violence investi certains dojos par l’intermédiaire d’une pratique très « musclée ». Mais pouvons-nous encore appeler « dojos », ces lieux dans lesquels est oublié l’aspect éducatif ?

Ce fléau, nous le retrouvons malheureusement dans d’autres sports, par la faute d’une pratique violente, non pas forcément dans l’esprit, mais dans la forme ; pour de malheureuses raisons, on exige toujours plus de performances, en faisant fi d’une simple définition : «le sport améliore l’homme ». En oubliant aussi, comme je l’indiquais dans un article mis en ligne le 14 novembre dernier, que le sport est également un loisir dans lequel la notion d’opposition peut (et doit) prendre la forme d’un jeu, pour les plus jeunes, notamment !

Sur un plan positif, en sport tout du moins, notre pays a connu des moments intenses, même si l’emballement autour de certains résultats parait excessif, mais ce n’est qu’un point de vue personnel. Ceci étant, il est préférable d’assister à des moments de liesse plutôt qu’à des affrontements de rue.

Au moment où une nouvelle année se profile à l’horizon, souhaitons tout simplement que chaque être humain, à la place qui est la sienne, puisse être animé de raison et de responsabilité et que la solidarité ne soit pas qu’un mot, surtout dans les dojos dignes de ce nom ; n’oublions pas que Jigoro Kano évoquait régulièrement le principe « d’entraide mutuelle » ! Joyeuses fêtes à tous !

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Atemi-waza

Cette semaine, c’est un article technique qui est proposé.

La photo qui lui sert d’illustration présente la couverture d’un livre paru au milieu des années 1980. Comme son titre l’indique, il est consacré à l’une des trois composantes du ju-jitsu, à savoir l’atemi-waza, le travail des coups. Dans cette parution sont proposés des exercices appartenant à un domaine qui doit être traité à part égale avec les deux autres familles que sont le nage-waza, le travail des projections et le katame-waza, celui des contrôles. Pour le moment ce livre n’est plus disponible, une réédition est envisagée.

Il comporte des exercices de renforcements, des méthodes d’entraînement à pratiquer seul et avec un ou plusieurs partenaires, mais aussi un enchaînement appelé les « 16 atemis ». Une suite de ripostes en atémi répondant à des attaques portées également et exclusivement avec des coups : coups de poing, de pied, de genou, etc. Une des particularités de cet enchaînement réside dans le fait de proposer des ripostes compatibles avec les autres composantes du ju-jitsu, partant du principe que l’utilisation des coups dans notre discipline n’est pas une finalité, mais une manière d’y parvenir, puisqu’ils servent essentiellement à « fixer » et/ou à déséquilibrer l’adversaire. Cela implique plusieurs recommandations.

D’abord que la « garde » (la posture) soit très naturelle pour donner la possibilité d’enchaîner chaque technique avec une projection ou un contrôle en clef, ou étranglement. Une garde trop basse ralentira forcément les liaisons et interdira bon nombre de grandes projections. Et puis tout simplement nous devons être à même de réagir très vite à partir d’une position naturelle, celle de la vie de « tous les jours ». Ensuite, il est important de ne pas mettre toute l’énergie dans « le coup », puisqu’il n’est pas une finalité, celle-ci étant obtenue par une technique appartenant à l’une des deux autres familles.

Lors de l’exécution et des répétitions il faudra respecter une autre particularité, qui existe déjà dans le goshin-jitsu, celle de changer de place entre chaque technique, ce qui permet de se remettre à distance de façon harmonieuse. Certaines attaques et ripostes de l’enchaînement sont d’ailleurs inspirées du célèbre kata.

A la toute fin du livre sont proposés quatre exemples d’enchaînement avec clef, projection et étranglement, toujours dans le but d’illustrer la compatibilité entre les différentes composantes du ju-jitsu.

Pour résumer cet article et en guise de conclusion, j’insisterai sur le fait que l’atemi-waza a toujours appartenu au ju-jitsu (nous le trouvons même dans un ouvrage réalisé par le kodokan), qu’à ce titre il ne doit pas être négligé et même valorisé, et surtout travaillé dans des attitudes compatibles avec les autres composantes de notre discipline. Enfin, on apprend ces techniques de coups aussi bien pour se défendre que pour apprendre à s’en défendre, cela semble logique.

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Q comme Qualité (suite de mon dictionnaire)

La qualité, c’est ce que nous cherchons à améliorer chez nous, c’est ce que nous aimons trouver chez les autres et ce que nous sommes en droit d’attendre de la part des différents services qui peuplent notre quotidien. C’est aussi l’objectif à atteindre dans l’accomplissement d’un métier, pour ceux qui ont la chance d’assurer une profession que l’on peut qualifier de directement utile. Tout métier est utile, mais pour certains la reconnaissance est plus concrète. Dans le domaine de la médecine, dans celui de la recherche, dans le secteur de l’éducation et de l’enseignement (j’en oublie sans doute). Après, l’amélioration de la qualité de la vie passe par les loisirs, pour ceux qui ont la chance de pouvoir s’en offrir, et au travers desquels nous allons nous exprimer, nous détendre et faire des découvertes enrichissantes intellectuellement et artistiquement.

Lorsque l’on a la chance d’enseigner les arts martiaux, nous nous situons à la fois dans l’éducation et dans les loisirs. C’est aussi un métier à forte responsabilité puisqu’il s’agit d’inculquer des techniques de combat qui permettent dans des situations extrêmes « d’anéantir » un adversaire. Un haut niveau d’exigence doit être imposé, pour le moins. La conscience professionnelle, dont est pourvue la grande majorité des enseignants, impose une responsabilité, celle d’être irréprochable techniquement et pédagogiquement, mais aussi et surtout dans le comportement.

Dans mon « dico », l’évocation de cette lettre Q pour Qualité est l’occasion de mettre en avant celles qui me sont chères, qui m’apparaissent prioritaires. Les qualités vers lesquelles ont doit tendre. Pour chacune d’elles, j’ai choisi quelques mots afin de donner une définition personnelle très concise qui, à l’occasion d’un ouvrage plus étoffé, pourra être davantage développée. La politesse : pour bien commencer toute relation et vivre harmonieusement. L’honnêteté : afin de pouvoir évoluer en confiance. Le respect : indispensable pour le bien-être de la société. Cette qualité est en liaison directe avec la politesse. Le respect des personnes. Sans ce respect, il n’y a plus rien. La volonté : pour réaliser. Le courage : pour surmonter les obstacles qui ne manquent pas de se dresser devant nous au cours de l’existence, pour peu que l’on ait eu l’opportunité, le courage et les compétences pour entreprendre. La solidarité : pour une entraide indispensable dans certaines circonstances.La reconnaissance : pour ne pas oublier. La reconnaissance du ventre, mais aussi celle du cœur. La fidélité : aux personnes, aux principes et aux convictions. L’intelligence : c’est utile ! Enfin, je n’oublie pas l’honneur, la plus digne des qualités, surtout dans nos arts martiaux.

Certaines de ces qualités sont innées, elles se cultivent et s’entretiennent ; d’autres s’acquièrent grâce à l’éducation et à la motivation fournie par l’éducateur, le professeur, l’entraîneur. On en revient toujours à l’éducation, ce socle indispensable à toute société civilisée, pour que cette société puisse s’élever sans risque de s’effondrer tôt ou tard. Cet article n’est sans doute pas d’une grande originalité, certains penseront qu’il s’agit là d’évidences, j’assume et je revendique le droit d’enfoncer ce clou, parce qu’il apparait que certaines de ces évidences, sont loin, même très loin d’être mises en valeur et donc d’être appliquées. (Certaines de ces valeurs sont affichées sur les murs des dojos ; parfois juste affichées…)

« En creux » de chacune de ces qualités on trouve les défauts, ceux que j’exècre : l’impolitesse, la malhonnêteté, l’irrespect, la mollesse, la couardise, l’égoïsme, l’oubli, la lâcheté, la trahison (celle-là, pour l’avoir beaucoup subie, je la connais bien), la bêtise et le déshonneur. Un sacré inventaire contre lequel il ne faut pas cesser de lutter, pour cela il faut être doté d’optimisme : une qualité indispensable !

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P comme Bernard Pariset

Aujourd’hui c’est de la lettre P de mon dictionnaire dont il est question. Pouvait-elle être consacrée à une autre personne que celle évoquée dans les lignes qui suivent ?

P comme Bernard Pariset

En 1947, un jeune homme de dix-sept-ans se présente devant le 11 de la rue des Martyrs, dans un des quartiers les plus attachants de la capitale, le IXème arrondissement. Sur le mur, à coté de la porte d’entrée, une plaque porte l’inscription : « Club français de jiu-jitsu ».

Le jeune homme s’appelle Bernard Pariset ; il a été mon professeur, mon mentor, mais aussi – et surtout – mon père.

Il était né à la fin de l’année 1929 à Pantin, en Seine-Saint-Denis et a passé son enfance dans le XIIème arrondissement. Sa préadolescence a été marquée par la seconde guerre mondiale et des difficultés à tenir en place.

Très vite s’est imposé le fait que rester assis toute la journée n’était pas vraiment pour lui ; il préférait les activités physiques, les randonnées dans la campagne, le camping sauvage, les baignades en rivière, c’était un amoureux de la nature. Doté d’une curiosité naturelle, toutes ces activités plutôt physiques, ne l’empêchaient pas de nourrir un esprit très vif. Cet amour de la nature a sans doute été une des raisons de son rapprochement avec une matière noble : le bois. En effet, il est devenu apprenti dans une ébénisterie. Il possédait un certain talent dans la sculpture. Les figurines de samouraïs et autres judokas et ju-jitsukas créées dans la dernière partie de sa vie, en attestent. Mais sa véritable passion c’était bien évidemment le judo.

D’un gabarit modeste et d’un tempérament bouillonnant, il avait entendu parler de « ce judo », cette lutte un peu particulière dans laquelle les petits pouvaient faire tomber les grands. Par la suite il ne s’est pas gêné pour prouver que c’était possible, et de quelle manière !

Dans ce dojo de la rue des martyrs, Il franchit rapidement les échelons et il en devient très vite la référence. En 1954, au décès de son professeur, Roger Piquemal, il en prend les commandes et cela jusqu’à sa disparition en 2004.

A ses débuts, de son propre aveu, sa technique était assez rudimentaire. Les règles d’arbitrage étant beaucoup plus « libres », les combats d’entraînement (les randoris) offraient une physionomie différente de celle qui existe actuellement. Attraper la jambe de l’adversaire et pousser jusqu’à ce qu’il chute lui plaisait beaucoup et lui convenait tout à fait. Le problème, qui n’en était pas un, c’est que très vite il n’y avait plus un combattant au club pour résister à cette technique rustre, mais incontestablement ravageuse. Ensuite, sa technique s’est adaptée à sa morphologie et aux besoins du « toutes catégories », avec ses redoutables « mouvements d’épaules » (comme on disait à l’époque pour désigner les seoi nage), et puis elle s’est très vite affinée dans tous les domaines. Le travail au sol est notamment devenu un secteur dans lequel il faisait référence.

Ses « spéciaux » et un tempérament de combattant hors du commun lui ont permis de se constituer un palmarès exceptionnel. Champion de France et d’Europe, médaille de bronze aux premiers championnats du Monde qui se déroulaient à Tokyo en 1956, autant de titres conquis en « toutes catégories » ce qui leur confèrent davantage de saveur et un incontestable respect, surtout lorsqu’on mesure à peine un mètre soixante dix.

Mais il n’a pas été qu’un champion d’exception, il a occupé aussi différentes fonctions au sein de la fédération de judo : conseiller technique, entraîneur national, directeur des équipes de France, membre de la commission nationale de grades. On lui doit aussi la remise en valeur du ju-jitsu au début des années 1970, ce qui n’est pas rien ! Il a aussi publié différents ouvrages sur le judo et évidement sur le ju-jitsu.

On ne peut évoquer ce fantastique parcours sans rappeler qu’avec Henri Courtine ils ont été les premiers 6ème dan en 1968. Il en a été de même du 7ème au 9ème dan. Ils étaient les meilleurs adversaires sur les tatamis de compétition et les meilleurs amis dans la vie. Leurs styles différents et leurs caractères aux antipodes ont été d’une exceptionnelle complémentarité, pour servir et marquer de leurs empreintes le judo français.

Durant toute sa carrière il ne s’est jamais détaché de la base, puisqu’il n’a cessé de s’occuper de son club de la rue des Martyrs (que l’on ne peut s’empêcher de lui associer totalement). Ce qui a permis à des centaines de pratiquants de profiter d’une pédagogie aussi pragmatique qu’efficace. Sous sa houlette le « Club Français » s’est constitué un palmarès impressionnant par équipe ; l’équipe A étant à plusieurs reprises confrontée à l’équipe B en finale du championnat national ; le club est aussi devenu champion d’Europe par équipe. Le dojo n’a pas manqué non plus de produire de belles individualités.

Le fait de ne jamais quitter cette base que représente un club dans lequel se côtoient des pratiquants de tous âges et de toutes conditions sociales, de s’occuper aussi bien des ceintures blanches que des plus hauts gradés, tout cela lui permettait d’être à l’écoute de tous et d’observer ainsi l’ensemble des motivations. Faire le constat, par exemple, que si les titres glanés apportaient du prestige, ce n’était pas forcément ce qui intéressait le « samouraï de base ». Celui-ci étant souvent, par exemple, attiré par l’aspect self-défense.

En dehors des tatamis, il n’était pas dénué de passion. L’équitation était son deuxième centre d’intérêt, à tel point que dans ce département de l’Yonne qu’il aimait particulièrement, il s’est occupé durant de nombreuses années d’un centre équestre.

Dans la vie, beaucoup de choses l’intéressaient, même s’il posait sur les soubresauts de notre société un regard circonspect et parfois navré. Il était pourvu d’un bon sens désarmant et sa liberté d’action était son bien le plus précieux ; il a toujours refusé les contraintes que pouvaient imposer des organisations trop rigides dans leur fonctionnement. Il avait aussi comme caractéristique un « esprit de conquête » qui le faisait toujours aller de l’avant.

Diminué physiquement en avançant en âge, il « payait » les excès d’une carrière sportive durant laquelle il ne s’était jamais ménagé, il n’a pas voulu envisager de finir sa vie sans pouvoir vraiment la vivre… Il était parfois excessif ! Il l’a prouvé malheureusement une dernière fois le 26 novembre 2004, avant de rejoindre « le jardin du souvenir »  des samouraïs.

Ci-dessous, quelques citations que nous lui devons. Humoristique : «Les catégories de poids ont été inventées pour mettre les poids lourds à l’abri des plus légers ». Compatissant (s’adressant à une personne de grande taille) : «Vous êtes grand, mais ce n’est pas de votre faute ».  Il était aussi très bavard et dans les réunions, c’était très drôle de l’entendre demander à ses interlocuteurs, qui ne pouvaient pas « en placer une », de bien vouloir le laisser s’exprimer.

Il avait aussi un sacré caractère, je suis bien placé pour le savoir, cela n’a pas été tous les jours facile d’être le fils unique de Bernard Pariset, mais est-ce possible de faire une telle carrière sans caractère ?

En janvier 2005, la fédération de judo lui a rendu un bel hommage lors de la cérémonie des vœux. A cette occasion « l’immense » (dans tous les sens du terme) Anton Geesink s’était déplacé et avait pris la parole pour un discours des plus émouvants. En 2006 le ministère des sports l’a promu « gloire du sport». Hommage et récompense amplement mérités.

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Il ne veut pas gagner, juste s’amuser !

Je ne suis pas contre la compétition, mais contre les excès qui parfois l’accompagnent.

Avec un père au palmarès exceptionnel, il serait presque indécent de dénigrer cette forme d’expression, d’autant que, même si les circonstances ne m’ont pas permis de faire de même, j’ai pu apprécier le goût particulier de ces affrontements jusqu’au niveau national.

Ceci étant, il est dommage qu’un énorme pourcentage de l’enseignement dispensé, notamment dans les dojos, soit axé principalement et parfois exclusivement sur ce que l’on appelle « la compète » au détriment des autres facettes offertes par nos disciplines. Celles-ci ayant aussi et surtout une vocation éducative dans bien des domaines.

Me vient à l’esprit une scène banale dans laquelle la maman d’un enfant de sept ans se renseigne auprès d’un responsable de club en vue d’une prochaine inscription. Le responsable en question lui fournit les renseignements et conclut : «nous ferons tout pour qu’il aille en compétition et qu’il rapporte des médailles ». Ce à quoi la maman répond : «non, je ne l’inscris pas pour gagner, mais juste pour s’amuser ».  On oublie souvent cette notion de jeu, pourtant basique, chez les enfants mais aussi chez les adultes ! Tout comme on oublie qu’il n’est pas nécessaire de rajouter immédiatement une pression avec des objectifs à atteindre, l’école en fournit déjà.

Est-ce que tout est fait pour satisfaire ceux qui viennent pour s’amuser, se défouler, s’exprimer physiquement, apprendre une technique juste pour le plaisir de la réaliser, passer les ceintures, maitriser la défense personnelle, tout en sachant se contrôler, connaître et respecter les règles de bonne conduite en société avec le Code moral, bref pratiquer un « loisir éducatif ». Tout cela sans subir de pression ou encore une sorte de stigmatisation qui pousse à l’abandon si l’on n’adhère pas à cette « championnite aigüe ».

Peut-être y aurait-il davantage de pratiquants si toutes les facettes des arts martiaux étaient systématiquement proposées. C’est d’autant plus regrettable que cette course aux médailles   s’accompagne – parfois – d’excès et de l’absence des précautions qui devraient être attachées à une pratique pour les enfants. Faire perdre du poids avant une compétition, par exemple. Tout cela pour la photo d’un dirigeant dans la presse locale du lundi.

La compétition doit être proposée mais pas imposée, d’autant qu’elle ne peut être qu’une étape. Or, si on ne s’est consacré qu’à cet aspect, une fois que l’âge à partir duquel on ne peut plus participer à ces affrontements est atteint, c’est l’abandon qui survient inévitablement.

Il y aurait beaucoup à dire et à écrire sur ce que l’on pourrait appeler le « revers de la médaille », à savoir les conséquences néfastes de la compétition, mais comme il est toujours préférable de terminer sur une note positive, on peut le faire en affirmant que celle-ci apporte beaucoup de satisfactions (surtout à ceux qui gagnent) et qu’elle permet, à condition que le parcours soit bien encadré, de vivre une très belle expérience ! (J’évoque les disciplines dans lesquelles la compétition est possible.) Maintenant, on me dira que le marché économique qui entoure le sport de haut-niveau est important et générateur de richesses, d’emplois, etc., ce qui est vrai, mais ce qui est vrai aussi, c’est que dans ce domaine les excès ne manquent pas ; ceci est un autre sujet sur lequel nous pourrons débattre.

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O comme Opposition, plus exactement la non-Opposition !

Il s’agit de la suite de mon dictionnaire ; aujourd’hui il s’arrête à la lettre O comme Opposition et plus exactement la non-Opposition, principal symbole de notre discipline.

Surmonter l’habitude d’employer la force contre la force est une des choses les plus difficiles de l’entraînement du judo (et du ju-jitsu). On ne peut espérer progresser sans y parvenir. Jigoro Kano

Il serait dommage d’oublier que la non-opposition est « le principe de base » du ju-jitsu, notamment celui de l’Ecole traditionnelle Yoshin Ryu (Ecole du cœur de saule), l’une de celles qui avait largement inspiré Jigoro Kano lorsqu’il a souhaité « ressusciter » notre art martial. Malheureusement certains ont tendance à l’oublier.

Avec la non-opposition, nous sommes en présence d’un principe d’une grande intelligence. Il mériterait de ne pas être simplement utilisé dans les affrontements physiques, mais aussi dans le quotidien. L’opposition frontale ne peut donner raison qu’au plus fort physiquement et dans la société elle ne débouche jamais sur un accord constructif. N’allons pas jusqu’à mettre en avant le dicton populaire suivant : « il vaut mieux céder à l’âne que le tuer », mais on peut s’en inspirer.

Plusieurs principes sont attachés au ju-jitsu, mais celui de non-opposition, régit les autres : addition de forces, utilisation de celle de l’adversaire, action-réaction, etc. Ces principes ne sont applicables qu’en association avec celui de non-opposition.

Il s’agit tout simplement de se retirer de la trajectoire d’une force qui avance sur vous. Ensuite – première possibilité – sans s’en occuper davantage, la laisser s’éteindre toute seule en allant mourir dans le néant. Autre possibilité (si l’on veut maîtriser celui qui attaque), celle qui consiste à conduire la force en question, en y ajoutant la notre ; ce sont les principes d’utilisation de la force de l’adversaire et de l’addition des forces. On peut aussi y ajouter simultanément un obstacle, au niveau des jambes de l’attaquant, par exemple, afin de le faire chuter. Cette dernière description, sommaire j’en conviens, pourra servir de première explication pour une technique comme hiza-guruma, permettant de bien la comprendre et de bien l’assimiler ; il s’agit là d’un exemple dont je me suis déjà inspiré.

Ce principe de non-opposition n’est en aucun cas un signe de renoncement ou de lâcheté, mais tout simplement l’incarnation du bon sens. Force contre force, c’est forcément…le plus fort qui gagne. Et puis, utiliser la force de l’adversaire en commençant par ne pas s’y opposer, c’est aussi un moyen de ne pas gâcher sa propre énergie.

Cette non-opposition, comme indiqué en introduction de cet article, est également utile dans les rapports humains, c’est ce que prônait Jigoro Kano, lorsqu’il disait : « Le conflit se fait au détriment de tous, tandis que l’harmonie se fait au bénéfice de chacun ».

Ce principe qui permet de vaincre la force brutale, qui avec un peu d’entraînement donne la possibilité à tous de ne pas subir la loi du plus fort est, de mon point de vue, sans jeu de mot, la principale FORCE du ju-jitsu.

Terminons cet article avec une dernière citation : «Qui apprend à céder est maître de la force » Lao Tseu.

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N comme Nage-waza (travail des projections)

N comme Nage-waza. (Travail des projections). Suite de mon dictionnaire des arts martiaux.

Ce dictionnaire s’offre une exception pour la lettre N en lui consacrant deux articles. Après le ne-waza (travail au sol), j‘évoquerai donc le nage-waza. En effet il me semble impossible d’ignorer ce domaine majeur qui est au moins aussi important que le travail au sol et qui m’a apporté beaucoup de plaisir, que ce soit dans l’apprentissage, le perfectionnement et l’exécution. De plus ces deux domaines sont complémentaires et compatibles

La famille des projections est une composante incontournable du judo mais aussi du ju-jitsu. Que ce soit en compétition de judo, ou dans le domaine de la self-défense, les affrontements commencent debout. En judo, ne sont utilisées que les projections ; en ju-jitsu on y ajoute les atemis (les coups) lorsque l’on est « à distance » et les projections sitôt le contact établit. Elles sont donc incontournables. Et puis, à l’occasion de mes nombreuses démonstrations, les projections occupaient une place prépondérante ; elles ont largement contribué à l’aspect spectaculaire de ces prestations.

L’efficacité, l’esthétisme et l’aspect ludique sont les trois raisons qui me font aimer ce domaine majeur qu’est le nage-waza.

Les projections peuvent être tout à la fois efficaces et esthétiques. Leur maîtrise parfaite demande beaucoup de travail, de persévérance et de rigueur, mais quelle merveilleuse récompense que celle de réaliser un bel uchi-mata, par exemple. Coté efficacité, elle est incontestable, à moins de n’avoir jamais chuté et par conséquent ne pas pouvoir imaginer les conséquences d’une « réception » sur un sol dur.

Toujours concernant l’efficacité, le principal intérêt des projections réside dans le fait qu’elles ont été conçues pour être appliquées en utilisant des principes et des mécanismes qui ne demandent que peu ou pas de force. Leur parfaite exécution répondant ainsi à une des maximes de Jigoro Kano « minimum d’effort et maximum d’efficacité ». Pour cela il faut juste être en capacité d’exécuter le bon geste au bon moment, cela s’acquiert à force de persévérance. Le premier de ces principes consiste à utiliser la force de l’adversaire. Il y en a d’autres comme celui d’addition de forces, de bascule au dessus du centre de gravité, entre autres.

L’utilisation des projections sera différente selon que l’on se situe dans le domaine de la « self-défense » ou en opposition lors de randori (exercice libre d’entraînement) et de compétition de judo. En matière d’auto-défense l’application se fera la plupart du temps directement. Exemple : l’adversaire vous pousse, vous appliquez hiza-guruma. Pour les néophytes, il s’agit d’une projection qui consiste à faire le vide devant celui qui porte l’attaque, en ajoutant en même temps à sa poussée une traction tout en lui « barrant » le bas de son corps au niveau des jambes (une sorte de « croche patte » très amélioré). Dans le randori et à fortiori en compétition de judo, les deux protagonistes maîtrisant d’une part l’art des projections et d’autre part s’attendant à tout moment à devoir faire face à une attaque de ce type, la concrétisation se fera avec les notions d’enchaînements, de confusions, de contre-prises, etc. Il n’empêche que pour maîtriser parfaitement l’art des projections un ju-jitsuka ne devra pas négliger l’ensemble des méthodes d’entraînement qui permettent d’envisager des réactions de la part de l’opposant.

Enfin, concernant l’aspect ludique (à l’entraînement évidemment) il est bien réel. Nous sommes aussi dans le loisir et il ne serait pas sain d’être continuellement dans les conditions psychologiques identiques à celles d’une agression.

Lors des séances, le challenge réside donc dans le fait de faire tomber quelqu’un qui ne le veut pas ! Pour cela on utilisera la maîtrise technique, la vitesse, les fautes du partenaire, celles qui sont directes et celles que l’on a provoquées à l’aide de feintes et de confusions. C’est une sorte de jeu dans lequel on trouve beaucoup de plaisir, de satisfaction, à la condition de ne pas être celui qui chute tout le temps ! Cela doit se concevoir sans aucune intention d’humilier le partenaire (encore moins de l’écraser) mais simplement avec celle de progresser par rapport à soi-même.

Le nage-waza est aussi le secteur qui comporte le plus de techniques et par conséquent d’enchaînements et de combinaisons possibles. Enfin, chacun pourra quelque peu les adapter en fonction de son gabarit.

C’est donc un domaine efficace, spectaculaire et enthousiasmant. Sans oublier le développement physique qu’il ne manquera pas d’apporter et l’épanouissement du à ce qui est aussi une belle expression corporelle.

Ippon-seoe-nage, ko-uchi-gari et yoko-tomoe-nage sont les projections que j’affectionne tout particulièrement. Les initiés reconnaitront ces grandes techniques.

Enfin, il aurait inévitablement manqué quelque chose à mes démonstrations si ces techniques n’existaient pas !

E-mail :   eric@pariset.net Site Internet : www.jujitsuericpariset.com

 

N comme le Ne-waza (le travail au sol)

Mon dictionnaire des arts martiaux s’arrête aujourd’hui à la lettre N. N comme Ne-waza (le travail au sol).

Voilà un secteur que j’affectionne particulièrement. L’hérédité, sans doute. On le retrouve en judo et en ju-jitsu, bien sûr.

C’est un domaine qui possède une richesse technique exceptionnelle, dans lequel on peut s’exprimer très longtemps, qui offre la possibilité d’aller au bout de l’effort et enfin il n’est pas dénué d’un certain aspect ludique qui ne gâche rien, bien au contraire.

L’objectif n’est pas de détailler sa composition technique mais, comme je le fais dans ce dictionnaire, c’est de revenir sur ce qui me plait dans ce domaine. Il est malgré tout utile de remarquer que le panel technique du travail au sol est impressionnant : clefs, étranglements, immobilisations et toutes les possibilités de combinaisons offertes.

Les détracteurs du travail au sol se plaignent d’une promiscuité qui peut paraître gênante, mais aussi du fait que l’on n’est jamais au sol dans la réalité. Les plus présomptueux affirment qu’ils ne laisseront pas le loisir à un agresseur de venir au contact. D’autre part, certains (sans l’avouer) trouvent qu’il n’est pas agréable, à l’entraînement, d’être souvent « en dessous », ce qui arrive lorsque l’on n’est pas à l’aise dans ce secteur. On touche là à un cercle vicieux dans la mesure où moins on le pratique, moins « on est bon », et moins « on est bon » moins on l’aime et donc moins nous sommes enclins à le pratiquer. Il n’y a qu’à renverser le problème en pratiquant davantage.

Je reviens sur les points forts de ce domaine, ceux que j’apprécie particulièrement. En plus d’une incontestable efficacité si l’on est amené au sol, il y a l’engagement total qu’il autorise à l’entraînement, la possibilité de s’y exprimer même en avançant dans l’âge et enfin l’aspect ludique.

Développons ces trois points. Tout d’abord, à l’entraînement, le ne-waza nous offre effectivement un engagement complet dans la mesure où il est possible d’aller au bout de l’action et de l’effort, sans qu’il y ait d’atteintes à l’intégrité physique du partenaire (si les deux respectent les règles préétablies). Il s’agit là d’une grande satisfaction.

Il est possible de s’y exprimer longtemps, même en avançant dans l’âge, puisque la stratégie et la technique sont plus importantes que la vitesse : « Le serpent n’avale pas la grenouille en une fois ».

Quant à l’aspect ludique, il est incontestable. Les joueurs d’échec affirment qu’ils y trouvent un parallèle. Il est intéressant, par exemple, de pouvoir préparer plusieurs « coups à l’avance », surtout dans la mesure où la vitesse n’est pas déterminante (à l’inverse du travail debout). On peut donc tranquillement tendre des pièges et malicieusement, comme le chat joue (cruellement, lui) avec la souris, prendre son temps et faire durer le plaisir jusqu’à ce que le partenaire tombe dans la toile d’araignée. Non, nous sommes ni dans les fables de La Fontaine, ni dans une animalerie, mais bien dans le ne-waza !

SI pour le néophyte le ne-waza n’offre pas beaucoup d’intérêt coté spectacle, en revanche un pratiquant confirmé appréciera l’évolution d’un combat, et pas seulement sa finalité, justement, mais les moyens (les techniques, les enchaînements) et la stratégie utilisés afin d’y parvenir.

A titre plus personnel, j’ai été très vite à bonne école ; en effet, mon père excellait dans ce domaine.

Dans chacun des trois grands groupes de techniques qui forment le ne-waza, mes préférences vont à juji-gatame pour les clefs, okuri-eri-jime pour les étranglements et kuzure-kami-shiho-gatame pour la famille des immobilisations. Les initiés s’y retrouveront.

Je pense que ce domaine mérite que lui soit associée l’appellation  de « science du combat ».

Cependant, il serait dommage de ne se consacrer qu’à ce secteur, si passionnant soit-il ! Pour un ju-jitsu complet, n’oublions pas les coups (atemi-waza) et les projections (nage-waza).

eric@pariset.net   www.jujitsuericpariset.com