Les trois E du ju-jitsu…

Les trois E du ju-jitsu. Efficacité. Education. Épanouissement.

–  Efficacité, bien évidemment. Qui pourrait dire le contraire ? Certes, comme pour toute discipline, cela dépend de celui qui la pratique et surtout de celui qui l’enseigne. Ici, il est question du ju-jitsu dit traditionnel. Non pas à cause du nom, mais parce qu’il englobe toutes les techniques, sans les restrictions qu’un règlement lié à la compétition impose. En effet, toutes les techniques de combat à mains nues sont étudiées et répétées pour faire face à toutes les formes d’attaques. Les techniques sont variées en termes de « familles » (coups, projections et contrôles). Il y a aussi un travail évolutif qui est motivant. Une motivation pour toujours essayer de faire mieux, de ne pas se satisfaire du minimum. Certaines techniques du ju-jitsu sont difficiles à réaliser, surtout si elles ne sont jamais travaillées !!! Mais lorsqu’on les maitrise, on renforce son efficacité. Certes, il faut de la patience. Cependant, pour une parfaite efficacité, les techniques comme les projections et le travail au sol, ne doivent pas être négligées. A l’inverse il existe des techniques de bases très vite assimilables et praticables, pour le grand bonheur des débutants et pour se sortir de mauvaises situations.

–  Education. Dans un dojo qui mérite ce nom, les valeurs éducatives attachées aux arts martiaux sont indiscutables. La traduction de « Dojo » n’est-elle pas « le lieu où l’on trouve la voie » ? La voie qui renforce le mental, qui nous oblige à une rigueur comportementale, la politesse, le respect des personnes et des lieux, l’entraide, etc. Jigoro Kano souhaitait que sa discipline soit aussi une Ecole de Vie ; une méthode d’éducation physique et mentale. Les arts martiaux ne sont pas une passade, mais un Engagement. On fortifie (et on purifie) son corps et son esprit. Physiquement on acquiert ou on entretien une bonne condition physique, de la souplesse, des réflexes. Sur le plan mental, on renforce l’esprit non seulement sur les comportements évidents cités plus haut, mais on développe le goût de l’effort, du sérieux et de la rigueur. Il s’agit d’un ensemble  qui nous aide dans les relations familiales, amicales, sociales et professionnelles.  En résumé, il suffit d’appliquer le Code moral, celui qui est affiché dans les dojos !

– Épanouissement. Là aussi, c’est indiscutable. Bien dans son corps, bien dans sa tête. Voilà un précepte qui ne s’est jamais démenti. De plus, même si les arts martiaux réclament du sérieux dans leur pratique, nous sommes aussi dans les loisirs. Le ju-jitsu  pratiqué de façon éducative, constructive et non pas destructive, procure un réel plaisir ; on s’épanouit ! Ce qui n’est pas négligeable, surtout dans l’époque dans laquelle nous vivons, Expression corporel et l’Esthétisme sont deux E qui s’attachent à ce dernier paragraphe. Ils sont « moteurs » et incitateurs de perfectionnement.

Efficacité, Education et Épanouissement : un trio gagnant.

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Shime-waza : techniques d’étranglement.

Retour sur un secteur important du ju-jitsu. Un secteur déjà abordé au printemps dernier, mais il n’est jamais inutile d’enfoncer le clou, aussi bien pour faire valoir l’efficacité de ce domaine  que les précautions qui doivent l’entourer.

Pour les néophytes, le mot étranglement est souvent effrayant. C’est bien légitime, puisque cela signifie la perte de connaissance si la technique n’est pas maîtrisée. Ceci étant, toutes les techniques qui composent les disciplines de combat peuvent être fatales si elles ne sont pas contrôlées.

Les pratiquants ne ressentent pas la même crainte, puisqu’avec une parfaite maîtrise technique et le respect des signes d’abandons et surtout un encadrement « responsable », les étranglements peuvent être travaillés sans danger. Durant toute ma carrière de professeur, je n’ai jamais eu à déplorer d’accident.

Inutile de préciser qu’ils sont d’une redoutable efficacité. Même s’il faudra du temps et de la patience pour les maîtriser, et c’est tant mieux. Effectivement il faut du temps et de la patience pour acquérir précision et finesse, ce n’est pas donné à tout le monde. Cela demande énormément de travail et de répétitions.

L’étude des étranglements consiste à apprendre à les appliquer, mais aussi à s’en défendre. Que ce soit contre des étranglements « sommaires » ou très techniques.

Les étranglements se réalisent essentiellement à l’aide des membres supérieurs, mais lorsqu’on se trouve au sol, ils peuvent aussi  s’appliquer avec les jambes ; exemple, le fameux sankaku-jime. En judo ils se pratiquent au sol, en ju-jistu self défense debout et au sol. On peut les appliquer en étant de face ou placé derrière le partenaire (ou l’adversaire).

Il y a les étranglements sanguins et les étranglements respiratoires.

On trouve aussi deux groupes dans cette famille de techniques. Un premier dans lequel on applique l’étranglement « à mains nues » et un second où l’on utilise les revers d’une veste.

Comme indiqué plus haut, il est évident que leur étude doit être entourée de précautions et de mises en garde. Au signal d’abandon qui consiste à frapper deux fois au sol ou sur une partie du corps avec la paume de la main, ou avec le pied (kime-no-kata), Tori doit immédiatement arrêter son action.

Dans la réalité, il faudra être en mesure de « doser » l’action en question. Celle-ci consistant à mettre hors d’état de nuire l’agresseur, sans forcément que ses jours soient mis en danger, pour éviter de recourir aux techniques de réanimation : les techniques apprises lors des cours de secourisme ou dans l’étude des fameux « kuatsu ».

S’ils sont terriblement efficaces, il faut à nouveau souligner que les appliquer sur quelqu’un qui résiste, requiert une longue pratique. Une longue pratique qui fournira de l’efficacité, mais aussi et surtout une indispensable sagesse.

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Quelques dimanches

Dans les activités sportives en général et les arts martiaux en particulier, les fins de semaine sont souvent très occupées. Compétitions, stages, entraînements spécifiques, galas, etc.

Dans ce premier trimestre de la saison, en dehors des cours réguliers, il n’y pas eu d’exceptions à cette règle. J’ai vécu quelques rendez-vous de fin de semaine marquants. Des rendez-vous différents en matière de programme et de lieux. A chaque fois c’est le plaisir de revoir des personnes et de retrouver des lieux que l’on apprécie, mais il y a aussi de nouvelles rencontres et des découvertes qui participent à l’enrichissement relationnel et à la culture martiale.

Le premier s’est déroulé à Blagnac, près de Toulouse. Il s’agissait d’un stage organisé conjointement par « Blagnac Arts Martiaux » et son directeur technique et professeur Jean-Louis Mourlan et Le Club de Nailloux, dont la Présidente n’est autre qu’une ancienne élève, Agnès Francastel qui, pour des raisons professionnelles, a « atterri » près de la ville de l’Aérospatiale. Cette première édition a été un succès, elle a rassemblé un nombre important de jujitsukas. Nul doute que ce ne sera pas la dernière.

Pour le deuxième rendez-vous, le week-end suivant, pas de judogi pour moi, puisqu’il s’agissait d’une invitation à assister à une compétition de Taekwondo : l’Open de Poitiers. Spécialisé dans la discipline que vous connaissez, cela ne m’empêche pas de satisfaire la curiosité et l’ouverture d’esprit qui m’animent. C’est avec plaisir que j’ai accepté cette invitation. Bien sûr que je connaissais cette discipline venue de Corée et arrivée dans notre pays au début des années 1970, mais je n’avais jamais assisté à une compétition. J’avoue avoir été impressionné par la qualité technique, mais aussi par l’état d’esprit exemplaire qui régnait durant cette journée. Le fair-play, le respect entre les adversaires (qui le sont juste le temps du combat), mais aussi les habitudes comme le salut des combattants à l’attention de l’entraîneur adverse. Autant de signes d’un respect auquel personne ne se soustrait ou bien ne tronque. L’ensemble animé par un public enthousiaste et correct. Bref, une belle découverte. Je remercie les organisateurs de m’avoir convié à cette journée. Merci à Sylvie Marchais et à Rodrigo Lacativva et félicitations pour cette réussite incontestable.

Autre lieu à l’occasion du troisième rendez-vous qui m’a conduit aux Pays-Bas pour un « séminaire Budo ». A chaque fois, je suis très bien accueilli dans ce pays, j’y ai quelques amitiés et plus encore. Je me sens particulièrement bien dans ce pays où les arts martiaux traditionnels ont su garder toute leur place. Au plaisir de retrouver des connaissances, s’ajoute la fierté de représenter notre pays. Une fois de plus, j’ai assisté à une organisation parfaite sous la responsabilité de Dirk Klok le Président de l’IMAF Pays-Bas que je connais maintenant depuis plus de vingt ans. Un 8ème Dan de Nihon Ju-jitsu délivré par l’IMAF Europe a couronné ce déplacement. (IMAF : International Martial Art Fédération.)

Ensuite, il y a eu Paris le 19 novembre. Là, il s’agit d’une habitude. Tous les deux mois, environ, c’est un grand moment d’émotion, celui de retrouver un groupe de fidèles, qui s’ajoute au plaisir de dispenser mes connaissances. Et puis, même si la capitale est parfois critiquée, c’est l’endroit où je suis né, où j’ai grandi, où j’ai appris et exercé mon métier, cela ne s’oublie pas, et puis, c’est quand même Paris.

Enfin, le week-end dernier, c’était presque « à la maison », avec le stage de Fontenay-le-Comte dans le très beau dojo de Gwen Raguenault. Malheureusement le nombre n’y était pas, mais cela n’a pas empêché un travail intense. C’est l’occasion de remercier le maître des lieux pour son hospitalité, faisant ainsi la preuve que l’entraide existe encore. C’est d’autant plus agréable lorsqu’il s’agit de pratiquants d’autres disciplines.

Si j’ai souhaité aborder ces quelques rendez-vous, c’est pour remercier les organisateurs, mais aussi pour signifier que ces rendez-vous font partie de la vie d’un « samouraï des temps modernes », ils sont des marqueurs. Ils sont la preuve d’un engagement total dans la dispense de son savoir, de ses expériences et de la passion qui nous anime et qui reste intacte même après plusieurs décennies. Pour les stagiaires ce sont des compléments à l’enseignement reçu durant la semaine et la preuve d’un investissement comme le méritent nos arts martiaux. Bien sûr ils ne sont pas indispensables, tout le monde n’a pas la disponibilité nécessaire, mais ceux qui y participent ne le regrettent pas. Pour les pratiquants qui évoluent dans des disciplines à but compétitif, les compétitions et autres tournois de fin de semaine sont toujours une belle expérience, quel que soit le résultat.

Donc, vivement les prochains week-ends ju-jitsu. Avec Léognan en Gironde le 10 décembre pour commencer une nouvelle série. Léognan, où là aussi, j’ai quelques fidèles et solides amitiés.

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La fidélité

« Bravo, félicitations pour une personne qui a toujours continué sur sa voie malgré les modes. Bravo ». Voilà une appréciation relevée sur les réseaux la semaine dernière ; elle me touche particulièrement.

Effectivement, je suis resté – et reste fidèle – à la discipline que je pratique, démontre et enseigne depuis des décennies. Fidèle au ju-jistu et à tout ce qui l’entoure.

Je n’ai aucune envie de retourner ma veste (de judogi) ni mon pantalon, comme dans la chanson « l’opportuniste » de Jacques Dutronc. Ni d’ailleurs d’abandonner cette tenue. Le respect commence par celui que l’on doit à sa discipline.

Je reste fidèle à mes convictions (c’est n’est pas donné à tout le monde d’en avoir), je n’ai aucune raison de renier une discipline aussi complète techniquement et porteuse (quand elle n’est pas dénaturée) de précieuses valeurs. Elle a traversé les siècles et donné tant de satisfactions à tant de monde et elle continue d’en donner.

Certes, ce n’est pas d’elle dont on parle le plus depuis quelque temps. Mais ce n’est pas une raison (bien au contraire) pour faire la girouette en cédant aux sirènes de la mode.

Il ne s’agit pas d’un manque d’ouverture d’esprit. En tant que professionnel, en plus du ju-jitsu et du judo, j’ai pratiqué le karaté, l’aïkido, la boxe française et ce qu’on appelait à l’époque la boxe américaine. On va me dire que ce sont des disciplines anciennes, qu’elles sont ringardes et dépassées. Que le kimono est à ranger au vestiaire des antiquités. Évidemment je n’adhère pas à ces points de vue, mais chacun fait ce qui lui plaît. De toutes les façons, nous avons tous deux bras et deux jambes et sur le plan purement efficace ce n’est pas l’effet de mode qui changera quoi que ce soit, mais la composition technique de l’art, la qualité technique et pédagogique de l’enseignant et évidemment le potentiel de l’élève. Un élève qui s’impose une régularité dans les entraînements, comme je l’évoquais dans l’article de la semaine dernière.

Et puis, et surtout, ces disciplines sont porteuses de valeurs que nous ferions bien de ne pas négliger.

Maintenant, une anecdote qui n’avait pas manqué de m’étonner, avec la confession d’un de mes ancien élève devenu enseignant, m’avouant qu’il appliquait ma méthode, mais sous un autre nom, celui d’une discipline « plus à la mode ». On ne peut pas garantir la santé morale de tous nos anciens élèves !

D’autre part, je ne manque en aucun cas de respect envers les nouvelles pratiques – il faut que mille fleurs s’épanouissent – pour peu qu’elles remplissent un rôle éducatif.

Pour qu’un art martial s’inscrive dans la durée, ce qui n’est pas loin d’être un pléonasme, plusieurs conditions doivent être réunies, au moins trois, je les appelle les 3 E : Efficacité, Éducation et Épanouissement. A (re) développer prochainement.

Enfin, quand vous êtes en parfaite harmonie avec l’art que vous pratiquez, pourquoi changer ? Cette fidélité et cette absence de compromission m’ont souvent coûté, mais on ne se refait pas.

Photo d’illustration : Bercy 1995 avec un kani basami

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Indispensables régularité et durée

Sans la régularité il ne peut y avoir de progrès, sans une pratique qui s’inscrit dans la durée, il est difficile de s’exprimer et surtout de progresser dans les arts martiaux.

La société évolue : les sollicitations sont de plus en plus nombreuses, les priorités se déplacent, on s’investit de moins en moins sur du long terme, on s’investit de moins en moins tout simplement. Enfin, le goût de l’effort et de la ténacité prend moins de place.

Il fut un temps où les soirées d’entraînement étaient sacrées et passaient avant tout le reste. Il faut être objectif et reconnaître que ce n’est plus trop le cas.

Peut-être aussi que les arts martiaux ont perdu un peu de leur aura au fil des décennies ? Le foisonnement de disciplines et de « sous disciplines » fantaisistes, de maîtres et « sous experts » sans formation ; tout cela sème le trouble et discréditent l’ensemble de nos belles disciplines. D’ailleurs on les appelle disciplines, parce qu’elles réclament… de la discipline.

C’est un peu vrai dans tous les sports, mais ça l’est complètement dans les arts martiaux. Ils imposent un investissement plus important. Pourquoi ? D’abord parce qu’il s’agit de l’utilisation de techniques faites pour mettre hors d’état de nuire, elles peuvent même être fatales, elles sont donc dangereuses s’ils ne sont pas enseignées avec un minimum de précautions qui passent par la formation, l’expérience et le bon sens. Il faut du temps pour les « maîtriser » parfaitement, dans les deux sens du terme : à la fois sur le plan de l’efficacité, mais aussi du contrôle.

Ensuite l’art martial est une « école de vie » (s’il est enseigné correctement), on progresse en technique, mais aussi en relations sociales et amicales, en éducation physique et mentale, en éducation tout court.

Dans un dojo, on apprend à vivre, on apprend la patience, on idéalise le goût de l’effort et du perfectionnement avec celui de la récompense qui les accompagnera. On respecte les lieux, le professeur, les autres pratiquants, etc. Autant de choses utiles en société.

Bien que la pratique des arts martiaux entre aussi dans la catégorie des loisirs, si on souhaite progresser et ainsi pouvoir s’exprimer de plus en plus subtilement et ainsi éprouver le plaisir des progrès, on doit être régulier et décidé à ne pas abandonner à la première (mauvaise) excuse. A moins de s’être trompé de voie ou de ne pas être satisfait du dojo dans lequel on s’est inscrit, « on ne commence pas pour abandonner » au bout de quelques semaines.

De même si on souhaite progresser et profiter ainsi de tous les bienfaits de la pratique, il est indispensable de faire preuve de régularité. On parle d’efforts, mais est-ce vraiment un effort que de se fixer une règle et se s’y tenir ? Peut-être un peu au début, mais il n’est pas mauvais de changer ses habitudes, surtout quand elles ne sont pas bonnes.

On pose souvent la question de la fréquence hebdomadaire. Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, ce n’est pas la quantité, mais la qualité qui est importante. La qualité, ce sera avant tout la régularité. Elle sera déterminante pour réaliser des progrès. La fréquentation (le nombre de séances par semaine) sera définie en fonction des objectifs de chacun, de son temps libre, par rapport aux obligations familiales et professionnelles, mais aussi à sa condition physique du moment.

Certains pensent qu’une fois par semaine ce n’est pas suffisant et se retranchent derrière cette affirmation pour ne pas commencer. Certes, deux fois par semaine, c’est mieux, mais une fois c’est préférable à zéro fois !

Quant à pratiquer plusieurs disciplines en même temps, ce n’est pas trop recommandé, tout du moins au début, au risque de s’éparpiller. Se concentrer sur une seule est préférable. Enfin, changer de discipline tous les ans, c’est la meilleure façon de ne progresser dans aucune.

Finissons sur une note positive en indiquant qu’il existe encore des pratiquants qui connaissent l’importance d’un engagement sur du long terme et de la régularité pour découvrir tous les trésors que détiennent les arts que nous pratiquons.

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C’est compliqué de faire simple

Cette contradiction n’en est pas vraiment une. Mon professeur (qui était aussi mon père) me répétait souvent : « divise par deux l’intensité technique de ce que tu prévois d’enseigner et ça risque encore d’être dix fois trop difficile ».

Certes, il s’agit d’une formule, elle vaut ce que valent les formules ; elles sont là pour forcer le trait. Il n’empêche que la première qualité d’un enseignant est de se mettre au niveau de ses élèves et que cette évidence n’est pas toujours la règle.

Parfois il y l’envie de « montrer trop » sans que les étudiants aient le temps de digérer, ou le besoin de montrer « trop difficile » sans que l’élève possèdent les outils indispensables à l’assimilation ; ou encore les deux. Avant d’apprendre à plonger, il faut savoir nager.

Faire simple dans le contenu et dans l’expression. L’essentiel n’est pas ce que l’on montre, mais ce que les élèves retiennent.

Maintenant, il n’est pas toujours évident de satisfaire tous les niveaux lorsqu’ils sont rassemblés dans un seul cours. Surtout si l’effectif n’est pas assez important pour créer des ateliers. Il faut pourtant que chacun travail son programme.

Se trouver dans une telle situation, et la gérer, demande un minimum d’organisation. J’y reviendrai à l’occasion d’un autre article.

Aujourd’hui, imaginons un groupe de débutants. C’est sans doute un des cours les plus difficiles à dispenser. Enseigner à des gradés, pour peu que l’on possède un bagage technique correct, est plus facile et d’une certaine façon plus gratifiant.

Tout au long de ma carrière j’ai éprouvé de plus en plus de plaisir à initier et à enseigner à des personnes qui débutent. D’abord ils sont « vierges » de toutes (éventuelles) mauvaises habitudes, ce qui n’est pas rien et ils ont soif de découvertes. Ensuite, il faut s’astreindre à une indispensable patience, trouver les « trucs et astuces » pédagogiques qui facilitent l’acquisition. Tout au long de la leçon, il faut faire preuve d’un savant dosage dans les intensités techniques et physiques. Simplifier et non pas compliquer. S’adapter à l’âge, à la condition physique (surtout si elle est inexistante ou presque).

Les débutants d’aujourd’hui seront les confirmés de demain, donc le professeur a une responsabilité immense. Il ne doit pas les décourager avec un enseignement inadapté.

J’ai connu des professeurs qui avouaient ne pas avoir les clefs et la patience nécessaires pour s’occuper des débutants. Chacun possède ses spécialités, mais si un jour on veut enseigner à des ceintures noires, il faut d’abord que les ceintures blanches aient été bien formées.

Quant aux confirmés, il faut être en mesure de ne pas les lasser et leur donner l’envie de persévérer.

S’adapter et donc ne pas décevoir, ne pas décourager ceux qui ont fait l’effort de franchir les portes d’un dojo. Déjà, avant l’inscription il faut découvrir précisément ce que la personne est venue chercher et le cas échéant la réorienter, chaque art martial possédant ses spécificités. Et puis, si l’enseignant et le dojo doivent plaire à l’élève, l’élève doit aussi plaire au dojo.

En conclusion, s’il est essentiel de s’occuper de tous les échelons, il est indispensable de bien s’occuper des débutants. Un dojo, c’est comme une population, s’il n’y a pas de renouvellement, c’est fatalement l’extinction.

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Sutemi-waza

A l’occasion d’une une semaine calme, je propose une rediffusion.

Ils sont l’illustration parfaite du principe de non opposition et de celui de l’utilisation de la force de l’adversaire.

Dans notre langue, nous les appelons les « techniques de sacrifices », en effet, pour les appliquer il faut s’effacer devant l’adversaire en se mettant volontairement au sol, sur le dos ou le flanc : se sacrifier.

De fait les sutemis sont praticables par tous les gabarits et notamment les plus faibles. Par conséquent, une fois « bien maîtrisés », leur efficacité est redoutable. Tomoe-nage la fameuse « planchette japonaise » est le plus célèbre d’entre eux.

Dans leur exécution, non seulement on ne s’oppose pas à la force de l’adversaire, mais on y ajoute la nôtre. Même avec peu de toute puissance, il suffit de « conduire » celle de l’opposant. A partir de là, « tout le monde peut faire tomber tout le monde ». Nous sommes au cœur de l’efficacité du ju-jitsu tel qu’il doit être enseigné et pratiqué.

Certes sans action offensive de l’adversaire, il est impossible d’appliquer ces principes d’addition de force, mais le ju-jitsu (bien présenté) a toujours revendiqué le titre de méthode de défense et non pas d’attaque.

En judo, avec l’avènement de la compétition et des catégories de poids, certaines projections ont dû être adaptées, c’est le cas des sutemis ; dans la mesure où, à technique (presque) équivalente et à poids égal, les principes de base n’ont plus les même effets, y compris celui de la surprise pour la personne qui en agresse une autre et qui n’envisage pas que celle-ci puisse se défendre en utilisant de telles techniques.

Le meilleur exemple d’adaptation, pour lequel on peut presque utiliser le terme de nouvelle technique (apparue à la fin des années 1960), s’appelle tomoe-nage avec l’apparition du yoko-tomoe-nage. Cette dernière forme ne trouvant sa raison d’être que dans le randori et le combat de judo. Il n’existe pas vraiment d’applications en self défense. Une analyse approfondie de cette belle technique pourra faire un beau sujet par la suite.

Il y a donc des différences techniques mais aussi d’utilisation selon que l’on se trouve dans le cadre de la (self) défense ou bien dans celui du judo. Ne serait-ce que dans la rue, sur un sol dur, nous nous placerons sur le dos qu’en dernière analyse, lorsque la poussée est tellement forte que nous sommes déjà en déséquilibre et que l’application de techniques comme hiza-guruma, par exemple, qui nous laisserait debout, n’est plus possible. A l’inverse, en judo les sutemis peuvent être pratiqués directement, comme toute autre technique.

Il existe aussi les « makikomi », ils sont un peu les « cousins » des sutemis. Littéralement, il s’agit de techniques d’enroulement. Le corps de Tori venant au contact de celui d’Uke pour l’entraîner jusqu’au sol. La différence essentielle réside dans le fait que pour les sutemis, il y a séparation des corps durant l’action et que pour les makikomi, c’est l’inverse. L’efficacité se réalisant dans le plus étroit contact entre les deux protagonistes (au profit de Tori, évidemment, qui emmène le corps d’Uke avec le sien dans une synergie rotative). Le point commun étant que dans les deux cas l’idée est d’entraîner l’adversaire au sol en y allant volontairement.

La maîtrise de ces « techniques de sacrifices » requiert de la patience, comme beaucoup d’autres, mais leur parfaite exécution – qui donne l’impression d’agir sans aucun effort et même de façon un peu magique – procure peut-être une joie supérieure à celle ressentie dans la réalisation d’autres projections. C’est en tout cas un sentiment que je ne pense pas être le seul à partager.

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Bloc-notes post rentrée

A mi-parcours du premier trimestre de la saison en cours, voici quelques réflexions et constats.

La rentrée.
Après les dégâts  causés par la crise sanitaire, l’année dernière j’ai pu renouer avec une (petite) activité régulière à l’IME de Niort. Ce mois de septembre célébrait le premier anniversaire d’une nouvelle aventure. La rentrée, c’est le plaisir de retrouver ceux qu’on appelle « les anciens ». Ils ont envie de continuer, je ne peux que les remercier pour leur fidélité et saluer leur détermination.  Malheureusement, comme chaque année, on constate des abandons. Les raisons sont diverses, parfois on ne fait pas ce que l’on veut. Il n’est pas toujours facile de tout concilier. Par contre, lorsqu’on a arrêté, il n’est pas impossible, ni interdit  « de reprendre », même si ce n’est pas évident de remettre le pied à l’étrier. On ne sera jamais déçu d’avoir fait preuve de détermination.

La rentrée, c’est aussi le moment d’accueillir de nouveaux élèves. Accueillir est le bon mot. Le rôle du professeur est important, mais celui des élèves déjà inscrits, l’est aussi. La tradition qui consiste à aider ceux qui débutent doit perdurer, ne serait-ce qu’en souvenir d’un temps où nous étions des novices bien contents de bénéficier de l’aide des « anciens » que nous allions d’ailleurs devenir. Dans certaines disciplines, les débuts ne sont pas toujours évidents, parfois il faut se « discipliner » pour ne pas lâcher.

Self défense
Déjà évoquées dans un précédent long article, voici quelques réflexions sur un thème qui est source de débats, entre ceux qui pensent que cela ne sert à rien d’apprendre à se défendre et ceux qui ne sont pas avares d’auto satisfactions et bien d’autres façons de penser. Je reviendrais juste sur le fait que nul n’est invincible, mais qu’à l’inverse, il existe beaucoup d’exemples de personnes qui se sont sorties d’affaires grâce à une pratique régulière dans un dojo. Affirmer que ce que l’on apprend dans ce lieu ne sert à rien, c’est remettre en question des siècles d’étude et de pratique des « sciences du combat ». Et puis, il y a plusieurs sortes d’agressions et de situations, on ne tombe pas toujours sur des « professionnels » de la bagarre, souvent il s’agit d’embrouilles qui peuvent dégénérer. D’autre part, n’y a pas deux situations identiques. L’invincibilité n’existe pas, mais apprendre à se défendre est loin d’être inutile. A la condition d’être avec les bonnes personnes.

La « Rue des Martyrs ».
Chaque semaine je propose un article qui traite d’un sujet, d’une technique, d’une personnalité, d’un événement, ou encore d’un lieu particulier.  Ces dernières semaines, c’est l’article consacré au dojo mythique de la rue des Martyrs qui a connu le plus grand succès. Rien d’étonnant et je me range forcément du côté de tous ceux qui ont connu directement ou indirectement ce lieu que l’on ne peut oublier et qui s’en souviennent avec une certaine nostalgie. Il a marqué plusieurs générations.

Stages
Les stages occupent une partie importante de mes activités. Depuis la reprise en septembre dernier, il y en a eu deux. D’abord à Paris, le 24 septembre avec un groupe de fidèles à ces rendez-vous réguliers, mais aussi avec quelques nouveaux visages que l’on accueille toujours avec plaisir. Et puis, le week-end dernier, il y a eu une « première » à Blagnac, proche de Toulouse. Une première édition qui va sans doute en appeler d’autres, dans la mesure où ce stage a connu un beau succès. Il était magistralement organisé conjointement par le « Blagnac Arts Martiaux » et le « Club de Nailloux »  et leurs responsables : Jean-Louis Mourlan, Agnès Francastel et Pascal Toudouze. Merci à eux et à tous ceux qui nous ont rejoints. Le prochain stage se déroulera le 12 novembre aux Pays-Bas, où je suis une nouvelle fois invité. Prochainement il y aura Paris le 19, Fontenay-le-Comte le 26 novembre et Léognan le 10 décembre.

Open Taekwondo de Poitiers
Dimanche prochain, je suis invité pour assister à une compétition de Taekwondo à Poitiers. Je remercie Sylvie Marchais, coorganisatrice de l’évènement, pour cette attention et c’est avec grand plaisir que je m’y rendrai. Mon ouverture d’esprit et l’esprit de partage seront satisfaits.

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Goshin-jitsu-no-kata : un point de vue

« Dé-kata-iser ». Peut-être que ce néologisme surprendra, mais je n’ai rien trouvé de mieux pour exprimer un point de vue personnel.

Le goshin-jitsu-no-kata, ou « système de self défense du kodokan », a été créé par Maître Tomiki. Il l’a présenté à l’occasion des premiers championnats du monde de judo qui se déroulaient à Tokyo en 1956.

L’objectif était de démontrer que même si le judo devenait un sport de compétition, il ne fallait pas oublier ses aspects utilitaires et traditionnels.

Un kata est une suite de techniques, un enchaînement. Il véhicule des principes et des techniques au fil des ans et des siècles. C’est une méthode d’entraînement, un moyen d’évaluation pour l’obtention des grades et un exercice de style.

Il en existe beaucoup, chacun ayant sa spécificité. Le goshin-jitsu rassemble vingt et une techniques de défenses à mains nues et armées.

Comme tout kata, sa présentation, pour un passage de grades ou une démonstration, doit être entourée d’une certaine rigueur. On respecte l’ordre, les déplacements doivent être exécutés avec une attitude empreinte de solennité. Cependant l’efficacité est le premier objectif.

Alors, je pense, tout du moins pour ce kata, qu’il faut débuter l’étude par cet aspect là, avant d’entrer dans les détails qui parfois rebutent. Au même titre que le sculpteur commence par « la masse » avant de s’atteler aux finitions.

En fait, l’idée est de sortir chaque technique du contexte du kata, pour la travailler dans son utilité première : une attaque, une riposte. En fournissant des explications sur certains points qui peuvent sembler obscurs.

Par exemple, dans la première technique, Uke saisit les poignets de Tori pour l’empêcher de se défendre avec les mains. Celui-ci est donc contraint de reculer une jambe pour ne pas recevoir le coup de genou que veut lui administrer Uke.

Pour la quatrième technique, il est souhaitable d’expliquer ce que représentent les trois pas de déplacement sur la saisie de côté après qu’Uke se soit emparé du bras de Tori pour le pousser. Le premier pas, je suis surpris et je cède à la poussée. Le deuxième, je reprends mon équilibre. Au troisième, je prends l’initiative en portant un yoko-geri qui sera enchaîné avec un waki-gatame.

Chaque technique mérite d’être extraite du kata et travaillée pour sa première raison d’être (l’efficacité). Ensuite, on les assemble dans l’ordre où elles doivent être présentées et on impose progressivement ce qui fait un kata : les déplacements, les postures, etc.

Ayant testé cette méthode, j’ai pu constater que la perception du kata était davantage recevable, et que de fait il ne représentait pas seulement (pour certains) une « purge » que l’on doit s’administrer avant de passer un grade, de fait il devient plus concret, donc plus accessible. C’est aussi une façon certaine de revaloriser ces exercices qui sont « un plus ».

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La finesse technique

Quoi de plus beau qu’une projection exécutée au bon moment, « dans le temps » ? Un de-ashi-barai, par exemple. Ou bien un contre réalisé en sen-no-sen, l’attaque dans l’attaque, ou bien encore une technique réalisée en « action-réaction ». Sans oublier un atémi additionnant vitesse et précision et qui atteint sa cible avec l’intensité voulue.

La recherche de la finesse technique est une quête utile, en termes d’esthétisme, d’efficacité et de satisfactions.

Esthétisme, efficacité, satisfaction

D’abord l’esthétisme. « Toute bonne technique est belle et gracieuse ; elle est une figure dessinée dans l’espace où efficacité et beauté ne font qu’un. »                              « Les chaussons de la révolution ». Marc-Olivier Louveau

Voilà une belle description issue d’un livre qui m’a passionné.

Finesse technique et esthétisme sont forcément liés. Dans la pratique d’un art de combat, la recherche de la « beauté du geste » n’est pas insignifiante. Certes en cas d’agression dans la rue, l’esthétisme n’est pas de rigueur, mais le temps passé dans un dojo est un temps consacré à toutes les formes d’élévations. Cette finesse technique n’est pas offerte à tous systématiquement, mais avec de la volonté et du travail, on peut tous y arriver.

Donner l’impression que la technique a été réalisée sans effort, avec fluidité et précision et offrir ainsi une impression magique : voilà le but.

Ensuite l’efficacité. Trouver le bon geste au bon moment est forcément gage d’efficacité. Contrairement à certaines idées, l’esthétisme n’est pas contre productif en matière d’efficacité, la finesse technique non plus, au contraire. A l’inverse ce n’est pas parce qu’une technique n’est pas belle qu’elle est efficace. Il est possible d’être efficace sans être fin, mais avec des limites. Toujours en termes d’efficacité, cette finesse offrira d’autres avantages, comme celui d’une pratique moins « accidentogêne », elle s’inscrit dans la régularité et la durée.

Cette recherche impose de ne pas se contenter du minimum. Il y a beaucoup de maximes populaires qui vont dans ce sens : « qui peut le plus, peut le moins », « qui n’avance pas recule ». Et peut-être la plus poétique « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles ». Tout cela contribuera à la réalisation de progrès, donc d’efficacité.

Enfin la satisfaction personnelle.                                                                                    Ce n’est pas rien. C’est ce qui donne envie de continuer. La satisfaction d’avoir réalisé le geste technique parfait, au bon moment, est indescriptible. Cette récompense est l’association de beaucoup de travail technique et physique, mais également un travail interne de concentration avec l’envie d’élever le « niveau ». D’élever le niveau technique, mais aussi son niveau mental. La finesse et l’élégance en dehors des tatamis n’est pas superflue. Elle participe au combat contre la violence, ce poison pour la société. Certes, il s’agit d’un vaste programme, mais c’est une des missions attachées aux éducateurs.

Cette acquisition de la finesse technique, je n’ai pas la prétention d’affirmer la posséder, mais de tenter de l’approcher et de donner à mes élèves l’envie de la rechercher et surtout de la préférer à la force brutale que l’on peut d’ailleurs combattre (justement) avec le bon geste exécuté au bon moment.

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Photo d’illustration : un magnifique uchi-mata exécuté par mon ami le regretté Jean-Claude Leroy. Photo extraite d’un des premiers supports techniques présentant la méthode Atemi ju-jitsu en 1976.