Notre pays et la délégation française aux jeux olympiques de Rio se sont dotés d’un superbe porte-drapeau en la personne de Teddy Riner. C’est une consécration pour l’athlète mais aussi pour le judo. A noter qu’il existe deux précédents pour la discipline avec Angelo Parisi en 1984 à Los Angeles et David Douillet en 2000 à Sydney.
Cette information m’a donné l’envie d’évoquer un groupe de techniques que j’apprécie particulièrement et qui est commun au judo et au ju-jitsu, je veux parler des projections, le nage-waza. Le ju-jitsu étant à l’origine du judo les techniques de cette « famille » sont absolument les mêmes sur la forme, mais avec une finalité différente. Identiques dans la forme et avec le même but, à savoir : « faire chuter l’autre ». L’adversaire en compétition de judo, le partenaire à l’entraînement (pour les deux disciplines) et un éventuel agresseur en cas de fâcheuse rencontre. Certes, dans ce domaine, quelques adaptations propres à la compétition ne peuvent être appliquées A l’inverse, elles ne sont pas semblables dans l’esprit, dans la mesure où d’un coté nous sommes en présence d’un sport et de l’autre d’un art martial à but non-compétitif, tout du moins pour la forme de ju-jitsu que je pratique et enseigne.
Les projections demandent sans doute beaucoup plus de travail que les autres secteurs, peut-être même quelques prédispositions naturelles. Il ne faut pas être avare d’heures d’apprentissage, de répétitions, de transpiration, mais aussi parfois d’abnégation. Un peu de talent ne gâchera rien. Le tout devant être entouré par un bon enseignement. Mais elles procurent aussi énormément de satisfactions. Par exemple, chercher la finesse d’une technique en supplément de ses principes de bases et la maîtriser ! Cela relève de la quête du graal.
Certes, avec les catégories de poids les projections ont perdu un peu de leur caractère exceptionnel et même magique, par exemple lorsque dans les épreuves « toutes catégories » un combattant beaucoup plus petit projetait un adversaire beaucoup plus grand et beaucoup plus fort physiquement avec une superbe technique d’épaule. Il n’empêche que lorsque l’on assiste à une compétition certains « pions » nous offrent un spectacle dont on ne peut se lasser. D’abord, il y a de l’esthétique. Ensuite, lorsque l’on est pratiquant on mesure la somme de travail et de talent qu’il faut rassembler pour réaliser ce qui peut paraître assez naturel aux yeux d’un néophyte.
Côté entraînement et à l’occasion de la pratique du randori, faire chuter la personne qui est devant nous procure une très grande satisfaction, sans intention de l’humilier et encore moins de la blesser. S’y rencontrent alors la notion d’efficacité, avec celle d’une forme de jeux par la grâce d’un affrontement totalement dépourvu de violence et sans atteinte à l’intégrité physique (ces exercices se pratiquant sur un tatami et avec une personne maîtrisant parfaitement l’art de la chute.)
Quant aux projections et leur rapport avec la self-défense, il est indéniable qu’elles ont une efficacité phénoménale (imaginons un o-soto-gari, sans tatami et avec la complicité d’un rebord de trottoir.) Certes, comme expliqué plus haut, elles demandent davantage de travail, mais elles sont indispensables dans certaines situations, contre des saisies par exemple. Et puis, du travail et des répétitions il en faut dans tous les domaines et bien plus encore dans celui de l’auto-défense. « Apprenez à vous défendre en dix leçons » cela n’existe pas ! Une méthode dite simple et qui va à l’essentiel, pourquoi pas, mais on ne peut échapper d’une part à l’apprentissage de défenses sur toutes les formes d’attaques et d’autre part (au risque de me répéter) au fait que l’efficacité passe par l’apprentissage mais aussi et surtout par d’inlassables répétions.
A l’inverse, si on ne maitrise pas correctement « l’art de la projection » un complexe s’installera et entraînera une forme de rejet ainsi que des critiques injustes à son égard (il est plus facile d’incriminer l’outil que de se remettre en question.) Encore une fois, la solution à ce problème s’appelle le travail. « On ne peut rien contre l’entraînement ». Cette citation, maintes fois utilisée sur ce blog est un nouveau petit clin d’œil à un ancien élève qui se reconnaitra, il en est un bel exemple !!! N’oublions pas non plus la catégorie composée de ceux qui aiment faire chuter, mais qui n’aiment pas chuter, que ce soit en démonstration, à l’entraînement et bien évidemment en compétition. Il s’agit d’un sentiment assez naturel, mais, sans Uke (celui qui chute) pas de Tori (celui qui fait chuter.)
Pour conclure et en lien avec le début de cet article, je pense que nous souhaitons tous, judoka ou pas, amoureux des projections ou non, un nouveau sacre olympique à notre merveilleux champion pourvu d’une personnalité aussi forte que son o-soto-gari !
Site ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com